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tement ou du district, aucun impôt, pour quelque cause et sous quelque dénomination que ce soit; en répartir aucun au-delà du temps et de la somme accordés par le corps législatif; et pareillement faire aucun emprunt direct ni indirect, si ce n'est avec l'autorisation du corps législatif. Le pouvoir judiciaire ne pourra aucunement les troubler dans les fonctions qui leur seront attribuées.

M. DE FERMONT L'expression de pouvoir judiciaire s'applique-t-elle aux actes ordinaires du pouvoir judiciaire, ou s'étend-elle aux tribunaux d'attribution? Ces tribunaux doivent être supprimés, et il est intéressant d'examiner si l'on peut donner aux assemblées de département la connaissance des contestations sur les impôts, L'importance de cette question me détermine à demander l'ajournement de cet article.

L'ajournement mis aux voix est rejeté.

M. DE RICHIER: Je demande que les assemblées administratives soient autorisées à pourvoir aux besoins locaux et urgents, tels que des réparations imprévues à faire à des levées, à des ponts, à des écluses, etc.

M. DUPORT: Je propose, relativement aux impositions, d'insérer dans l'article une réserve pour les fonctions qui pourraient par la suite être attribuées aux assemblées administratives.

M. DESMEUNIERS: Le corps législatif pourrait autoriser, selon les localités, à percevoir ou emprunter une modique somme pour les cas urgents. Le comité, en parlant du pouvoir judiciaire, a donné à ce mot sa véritable acception des décisions en matière d'imposition ne paraissent pas être dans l'ordre judiciaire.

M. BARNAVE: Il est impossible de ne pas attribuer aux assemblées administratives la force coactive nécessaire pour l'exécution des décrets; il est naturel dès-lors de leur accorder la connaissance des contestations relatives aux impôts.

Il peut y avoir dans chaque département des sommes destinées aux besoins imprévus; si elles n'existaient pas, ce ne serait point un impôt qu'il faudrait autoriser, parceque cette ressource serait lente, et dès lors inutile. Un emprunt, dont la somme serait déterminée par le réglement, paraîtraît plus convenable.

L'heure étant avancée, la discussion est interrompue et continuée à demain.

-Une députation des actionnaires de la caisse d'escompte demande à être introduite. M. le président, après avoir pris le vœu de l'Assemblée, la fait avertir.

M. Lavoisier porte la parole: Nous venons, au nom de la compagnie de la caisse d'escompte, remercier l'Assemblée de ce qu'elle avait bien voulu seconder ses désirs en nommant des commissaires, qui, après un examen réfléchi, fussent en état de présenter un tableau exact de sa situation, de ses moyens, de ses ressources et de son crédit. La plupart des personnes qui s'élevaient contre cet établissement n'en parlaient que d'après des préventions d'autant plus injustes qu'elles dissimulaient même le bien qu'il avait pu produire.

L'orateur présente le tableau suivant : Secours fournis au trésor royal contre rescriptions, assignations ou autres valeurs à terme négociables, depuis le 4 septembre 1788, y compris 18 millions qui ont été remis

depuis le premier de ce mois. . . . 119,296,0001. Sur quoi il faut déduire, 10 pour objets rentrés et soldés à leurs échéances.

30,347,000

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En effets négociables, tels que rescriptions, assignations et autres valeurs échues à la fin du mois prochain,

La caisse pouvant rappeler pour 86,790,000 livres de la circulation, elle ne sera donc à découvert que de..

28,949,000

60.000,000

25,000,000 85,000,000

114,300,000

57,790,000

29,000,000

27,510,000

La caisse d'escompte est fondée à présenter pour cautionnement de ce capital en circulation, les 70 millions par elle déposés à ce titre en janvier 1787. Enfin ce même capital en circulation est garanti par les 60 millions d'assignations sur la contribution patriotique.

Tous les dépréciateurs de la caisse d'escompte, qui ont cherché à enlever toute confiance à ses billets, peuvent voir maintenant pourquoi ils n'ont pas réussi; il ne doit plus paraître étonnant pourquoi les billets de la caisse ont toujours conservé leur valeur, tandis que les billets de la banque d'Angleterre ont quelquefois baissé de quinze pour cent. Les arrêts de surséance, tant de fois reprochés à l'administration de la caisse d'escompte, n'ont jamais été sollicités par elle; mais des raisons particulières aux ministres leur ont donné l'existence, etc.

M. le président répond que l'Assemblée nationale donnera la plus grande attention aux objets qui lui sont présentés par MM. les actionnaires de la caisse d'escompte,

Ils sont autorisés à assister à la séance, et l'on convient que leur discours sera inséré en entier dans le procès-verbal.

M. Hébrard fait un nouveau rapport sur l'affaire des districts de Paris.

M. TREILHARD Trente-huit districts ont rejeté l'arrêté des Cordeliers ou ont dit qu'il n'y avait pas lieu à délibérer. J'ose espérer que les vingt-deux autres se réuniront bientôt à la majorité, comme ils sont déjà tous réunis par leur patriotisme et leur respect pour vos décrets. Tel est l'effet de l'ajournement que vous avez ordonné; un second ajournement serait peut-être plus heureux encore; un jugement exciterait l'aigreur et la discorde. Je propose en conséquence le décret suivant :

L'Assemblée nationale, considérant qu'elle s'oc cupe de l'organisation de toutes les municipalités du royaume, et que les citoyens actifs de la capitale seront incessamment appelés à faire une élection nouvelle de leurs représentants, a décrété et décrète que la discussion élevée entre quelques districts et les représentants actuels de la commune est ajournée, toutes choses demeurant dans l'état où elles étaient au 10 de ce mois..»

Ce décret est unanimement adopté.
La séance est levée à quatre heures.

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De Berlin, le 7 Novembre. L'épouse de S. A. S. Mgr. le due Frédéric de Brunswick, née princesse de Wurtemberg-Oels, est morte ici dans la soirée du 4, de la petitevérole, après une maladie de neuf jours. Cette digne princesse est regrettée de toute la cour, ainsi que de toutes les personnes qui ont eu le bonheur de la connaître. Hier la cour a pris, à cette occasion, le deuil pour quatre semaines.

ALLEMAGNE.

De Hambourg, le 6 novembre. On a répandu ici quelques exemplaires d'une pièce publiée à l'imprimerie impériale de Pétersbourg, sous le titre suivant: Lettre à sa majesté le roi de Suede, et réfutation de la relation qui lui est attribuée, dans la gazette de Hambourg, de la bataille navale du 13 août 1789, (vieux style) entre la flotte des galères de S. M. suédoise et la flotte russe, commandée par son altesse monseigneur le prince de Nussau-Siegen. - A Saint-Pétersbourg, 1789.

La relation suédoise est accusée d'infidélité. On réfute ces faits faux et supposés avec d'autant plus d'amertume, que l'on invoque en témoignage, sur l'état de la flotte russe sprès le combat, les Suédois eux-mêmes qui ont été faits prisonniers. Cette polémique de couronne à couronne est d'un faible intérêt pour le bonheur des peuples.

De Cologne, le 9 novembre. — Il parait que la marche des troupes que les trois princes directeurs du cercle de Westphalie out résolu d'envoyer à Liége ne sera pas long. temps différée. Déjà, écrit-on du Bas-Rhin, une partie des troupes palatines descend cette rivière, et le point de réunion des forces combinées est fixé près des Wéczes; le régiment de Romberg, infanterie prussienne, venant de Bielfeld, a dû passer le 6 par Lippestad ; et déjà le général de Wartensleben, qui commandera les quatorze cents bommes de troupes de Cologne et de Munster destinées à cette expéditon pacifique, s'est rendu à Bonn. L'électeur palatin doit envoyer deux mille hommes. Les trois ministres directoriaux du cercle ont adressé à toutes les villes de la principauté de Liége un décret ultérieur, donné à Aix-la-Chapelle le 30 octobre, par lequel ils in-istent de nouveau sur le rétablissement de l'ancienne forme dé gouvernement, ainsi que sur la restitution des anciens membres de la magistrature de la ville de Liége dans leurs emplois, fonctions et activité; et comme le terme de huit jours, prescrit par le premier décret, en date du 10 octobre, est écoule sans que la présente régence y ait satisfait, les ministres directoriaux fixent un terme ultérieur de quatre jours pour obéir, avertissant en même temps que leurs sérénissimes maîtres de tarderont plus de faire entrer dans le pays de Liège un corps suffisant de troupes lout prêt à marcher, etc.

Cependant, quoique ce décret comminatoire donne à peine le temps de réfléchir, plusieurs Liégeois espèrent encore que leur mémoire en réponse au mandement de la chambre impériale de Wetzlar, et dont le conseiller Ba senge est l'auteur, pourra conjurer l'orage qui les menace, et désarmer par la justice et la raison les princes directeurs et conciliateurs. D'autres, plus sages peut-être, comme les habitants de Verviers et de quelques petites villes du pays, ont perdu toute espérance depuis le retour de M. le bourgmestre Fabry, qui a fait un voyage inutile à Berlin; ils voudraient que l'on commençât à prendre des mesures plus conformes aux circonstances, et que provisoirement les choses fussent rétablies sur l'ancien pied.

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un second, donné aussi à Hoogstraeten, également répandu dans le Brabant et les autres provinces belgiques. Ce manifeste a été, comme le premier, imprimé en français et en flamand. En voici la teneur:

Second manifest.

Le peuple brabançon, par l'organe de l'état ecclésiastique et du troisième membre des trois chefs-villes, conjoirtement avec plusieurs membres de la noblesse:

A tous ceux qui les présentes verront ou lire ouïron', salut. Comme nous sommes obligés et forcés de déclarer l'empereur Joseph II, ci-devant duc de Lothier, de Brabant et de Limbourg, déchu de la souveraineté, hauteurs et domaines desdits pays; et de tous attributs y annexés et en dépendants, comme nous l'avons déclaré par notre manifeste de ce jour, il est nécessaire et de la dernière importance que nous informions un chacun, et surtout ceux de l'ordre militaire, qu'ils ne sont plus liés ni engagés en vertu de leur serment d'obéissance et de fidélité proté à l'empereur ci-devant duc de Lothier, de Brabant et de Limbourg. Il leur est connu que ce serment ne les obligeait que pour autant que le ci-devant duc était préposé par la nation, et que dans le fond ce serment est réellement prêté à la nation dans la personne du souverain qui la représentait; de sorte que leurs engagements et obligations subsistent réellement à l'égard de la nation, et cessent absolument à l'égard du ci-devant duc, vu qu'il est déchu de la souveraineté, et n'est plus reconnu par la nation comme leur chef, ou l'organe de leur volonté.

En conséquence, nous prévenons ceux de l'ordre militaire, qu'en continuant d'obéir et de servir le ci-devant duc, ils servent contre la patrie; qu'ils deviennent les instruments de la volonté absolue d'un seul homme contie la volonté et les droits de la nation; qu'ils deviennent injustes satellites d'un despote et les complices d'un tyran. L'horreur des meurtres qu'ils ont exercés jusqu'à présent ne rejaillit pas sur eux; ils ont obéi et exécuté les ordres de celui que la nation avait admis et reconnu pour son chef; mais à présent que la nation l'a déclaré déchu de la souveraineté, s'ils continuaient à exécuter ses ordres sangunaires, ils terniraient l'éclat de leurs vertus guerrières; car l'ordre militaire forme une classe de citoyens destiués à défendre les autres contre les entreprises du dehors; cu échange de laquelle défense la nation leur fournit la subsistance, des distinctions et des récompenses proportionnées aux services qu'ils lui rendent. Celui qui, contre la patrie, sert un souverain injuste, n'est que le complice d'un tyran. Celui qui obéit à un prince, après qu'il est déclaré déchu de la souveraineté par la nation, se rend indigne d'en être membre; c'est un brigand, c'est un ingrat qui méconnaît les bienfaits dont la patrie est la source, et que le souverain ne distribuait qu'au nom de la nation. Les militaires' qui combattent pour leur pays, qui défendent sa liberté, ses iois fondamentales et sa constitution, sont des citoyens dignes de son amour, de son estime et dé sa reconnaissance. C'est pourquoi, eu égard aux circonstances présentes, dans lesquelles la nation se trouve, après mûre délibération et un accord commun et unanime, nous avons résolu de défendre, comme nous défendons, à tous les militaires, de quelque grade qu'ils soient, de servir désor mais sous les drapeaux du ci-devant duc, ou d'obéir à tout ordre quelconque qui leur sera donné par lui, ses généraux, commandants ou qui que ce soit de sa part, sous peine d'être considérés et traités comme ennemis de la pɛtrie. Nous les invitons tous en général, et un chacun en particulier, d'embrasser la défense de la nation et de la patric, de se ranger de leur côté, et de se joindre à cet effet aux troupes de la nation: nous leur promettons en récompense d'augmenter la paie du soldat jusqu'à 10 sous, argent courant du Brabant, et celle des bas-officiers dans la même proportion.

Nous leur promettons qu'à la fin du terme de leur enga`gement le congé leur sera délivré, et que sous aucun prétexte ils ne seront retenus malgré eux au-delà de ce terme. 29

En outre nous leur promettons que, selon qu'ils se seront distingués et qu'ils auront bien mérité de la patrie, ils seront gratifiés (lorsque l'autorité et la souveraineté de Ja nation seront affermies), soit de l'indigénat, soit de la bourgeoisie des villes, ou d'autres récompenses proportionnées à leurs services.

Nous ordonnons de plus à tous et à un chacun de donner toute aide et assistance à tous les militaires et à un chacun d'eux qui se rangera et s'engagera sous les drapeaux de la patrie et de la liberté; et en revanche, nous ordonnons de saisir tous ceux qui serviront contre la nation, de s'en emparer, et les livrer aux supérieurs ou conimandants des troupes de la nation, qui devront s'en assurer et promptement en faire le rapport au commandant ou général en chef, pour être disposé à leur égard comme il ap. partiendra.

Mandons et ordonnons que les présentes soient imprimées, publiées et affichées dans la province de Brabant et pays en dépendants, ès lieux accoutumés et partout où besoin sera, afin qu'elles soient connues et que personne n'en puisse prétexter cause d'ignorance. Donnons en mandement à tous ceux qu'il appartiendra d'observer et faire observer ponctuellement le contenu des présentes; car ainsi l'exigent le bien-être et le salut de la patric.

Et vu que les sceaux et cachets des États ont été saisis par force et violence de la part du ci-devant duc de Brabant, et que nous avons autorisé par notre manifeste de ce jour notre agent plénipotentiaire de se servir du cachet de ses armes, pour tenir lieu des sceaux et du cachet des Etats, jusqu'à ce que ceux-là soient en notre pouvoir, nous avons muni celles-ci dudit cachet.

Fait en Brabant, à Hoogstraeten, le 24 octobre 1789. Était signé H. C. N. VANDERNOOT.

De Liége, le 16 novembre.

C'est une lecture attachante que la correspondance d'un peuple avec son souverain. La gazette de Liége rend compte de la longue réponse des États à la lettre laconique du prince-évêque. Cette réponse est déjà ancienne, mais elle appelle tant d'idées, elle convienť si bien à des positions semb ables, que nous ne négligerons pas d'en recueillir ici les principaux traits.

De l'effet que produit sur une nation le récit d'un événement qui lui est étranger, il en est en quelque sorte comme de l'impression que fait une pièce au théâtre sur le spectateur: tout dépend de l'ordre de choses dans lequel on vit, de la situation dans laquelle on se trouve.

Les États ont été frappés d'étonnement; ils sont plongés dans la douleur; ils se plaignent d'étre victimes de l'imposture et de la calomnie. On a peint à S. A. sous des couleurs fausses, et dans un dessein perfide, les opérations d'une assemblée qu'elle avait convoquée elle même. Les Etats n'ont agi ni par violence, ni par terreur: ils ont été libres dans le calme: ils ne le demeureraient pas moins au milieu des orages. Ils font l'apologie du peuple, ils le représentent demandant la liberté, mais prêt à sceller de son sang une autorité légitime et les droits de S. A. Ils terminent ainsi : « Qu'ils sont criminels, monseigneur, ces êtres affreux et vils qui abusent de votre confiance! mais en même temps qu'ils sont maladroits dans leur méchancete! C'est bien ici que l'on doit s'écrier: l'iniquité se ment à elle-même, »

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Le congrès américain et l'assemblée nationale ont adopté l'ancien usage pratiqué en Angleterre, d'allouer un salaire aux représentants du peuple, tant qu'ils sont chargés des intérêts de leurs commettants. D'excellentes raisons justifient cet usage: en effet, les députés sont moins exposés à se laisser corrompre et à vendre au gouvernement leurs voix.-Le peuple doit avoir plus de confiance en eux; il a plus de droit à exiger du travail et de l'assiduité de lour part. En Angleterre, un chevalier d'un comté était payé, par cotisation, deux fois autant qu'un membre de ci.

té, et trois fois autant qu'un bourgeois. Cet usage est totalement tombé en désuétude parmi nous. En Amérique, quelques-uns des membres du congrès ayant des voyages de plusieurs centaines de milles à faire pour se rendre à l'assemblée, il paraît juste et même indispensable de leur accorder des honoraires suffisants: on peut en dire autant de la France; mais chez nous presque tous les membres du parlement ayant leurs maisons à Londres, ou des places et des emplois qui les obligent de se retirer à portée de la cour, on ajugé ces gages inutiles: ils ne feraient qu'ajouter une surcharge au fardeau des impositions.

Des nouvelles récentes de Londres contiennent les détails suivants, au sujet d'une tempête qui s'éleva pendant la nuit du 30 au 31 octobre, et qui occasionna le plus grand dégât sur la Tamise, en face de Limehouse.

Une des chaines d'amarrage s'étant rompue, un rang entier de navires fut jeté parmi ceux qui étaient au-dessus; ce qui mit une trentaine de ces bâtiments dans le plus grand désordre. Un navire danois jeté sur le rivage perdit tous ses mâts par le contre-coup; un très grand nombre de navires ayant été portés sur le rivage, toutes les pompes furent mises en œuvre pour les empêcher de couler bas; mais cet acccident n'est rien, en le comparant aux nouvelles que l'on reçoit de toutes les parties de l'Angle

terre.

On s'attendait à voir arriverincessamment beaucoup de navires chargés de charbon, qu'ils étaient allé chercher dans le nord de l'Angleterre; mais l'ouragan qui venait de survenir a détruit ces espérances. Ou ne compte pas moins de trente bâtiments naufragés, ou que la violence des coups de vent a jetés à la côte. Un grand nombre de matelots ont péri en cette occasion. Cette catrastophe, dont on n'a pas vu d'exemple depuis longtemps, et l'augmentation de paie des matelots, feront monter le prix du charbon à un taux exorbitant. On craint que si cette denrée est rare pendant l'hiver, il n'en résulte bien des événements fâcheux, surtout si le froid est aussi rigoureux que l'année dernière.

FRANCE.

De Paris, le 24 novembre. — L'administration de police ayant reçu un grand nombre de plaintes contre des gens qui attaquent les citoyens dans les rues, les forcent à donner leurs bijoux, sous prétexte de don patriotique, a fait afficher un placard qui ordonne d'arrêter, comme perturbateurs du repos public et voleurs, ceux qui se rendraient coupables de ces délits, et de les conduire chez les commissaires au Châtelet, pour les livrer à la justice ordinaire. De Lille. M. le marquis de Rivarol, maréchalde-camp, étant employé pour le roi en qualité de commandant de la province, est arrivé dans cette ville pour y fixer sa résidence. On se rappelle que pendant son séjour l'été dernier (époque des troubles dont il serait à souhaiter que l'on pût effacer la mémoire), ce général, en sa qualité de chef de division, a, par son intégrité, sa prévoyance, ses sentiments d'humanité et son esprit conciliateur, infiniment contribué à la tranquillité et à l'ordre public. Sa présence à Lille et dans la province nous est aujourd'hui un garant sûr que la paix y régnera désormais sans interruption.

De Tours. Les entraves que les calamités de l'hiver dernier ont apportées au commerce de cette ville, par la rupture de son superbe pont, viennent enfin de cesser. Les quatre arches sont remplacées par un pont de service en bois, qui est de la plus grande solidité. Les voyageurs et négociants peuvent donc, en toute confiance, reprendre le cours de leur marche ordinaire. Les voitures passent présentement sur ce pont sans aucun danger.

ADMINISTRATION.

Suite du tableau de la municipalité de Paris. Voilà donc en tout huit départements qui embrassent la totalité du gouvernement municipal. Indépendamment du lieutenant de maire qui est à la tête de chacun, six conseillers-administrateurs en partagent les fonctions et ont la signature avec lui. Ils sont tous responsables, et doivent compte de leur gestion à l'assemblée des représentants de la commune, quoiqu'ils aient été nommés directement à l'administration par les districts, qui ont cru devoir se réserver de choisir eux-mêmes leurs magistrats municipaux.

Au reste, chaque administrateur n'est pas administrateur seulement pour le district qui l'a nommé; il l'est de la totalité de la ville dans son département, comme les représentants de la commune ne représentent point tel ou tel district, mais bien la commune en général; sans ce principe incontestable et constitutionnel, il n'y aurait ni pouvoir, ni activité dans l'assemblée municipale, parceque chacun, ne pouvant être que l'organe d'une portion de la commune, n'aurait ni voix, ni motif de discuter; la municipalité deviendrait un bureau dont l'objet se bornerait à compter les suffrages des quartiers et à en rendre public le résultat.

Cette folle manière de voter a cependant été proposée et même soutenue par quelques personnes; la déraison a même été portée au point de vouloir que l'on administrat de cette manière ! C'est ainsi qu'à force de prétentions on tombe dans l'absurde, de là dans l'anarchie, et enfin dans l'esclavage.

Je ferai encore une remarque : les administrateurs actuels ne sont que provisoires et jusqu'à ce que l'Assemblée nationale et la commune aient prononcé sur l'organisation définitive de la cité; il n'y a là rien que de sage: mais pourquoi exiger qu'un service aussi pénible, et qui entraîne même des frais indispensables de la part de ceux qui le font, soit gratuit? C'est pourtant ce qu'a arrêté l'assemblée des représentants elle-même, le 30 septembre 1789, par une délibération générale.

C'est sûrement une marque de patriotisme non équivoque qu'un désintéressement aussi formel; mais prenons bien garde qu'il serait dangereux de l'établir en principe, parceque infailliblement la ville tomberait sous le régime des riches ou des sots exclusivement, si l'homme honnête et instruit ne trouvait point dans les travaux de l'administration la juste récompense de ses peines et le soutien de sa famille. Les sots s'y porteraient, s'embarrassant peu de bien ou mal faire, et disposés à quitter lâchement an premier obstacle; les riches, parcequ'ils y trouveraient une augmentation de pouvoir qui, joint à leur fortune, ferait de l'administration municipale une véritable aristocratie patricienne.

Dans les affaires publiques, comme dans celles des particuliers, rien n'est tellement déterminé qu'il n'y ait une latitude d'incertitudes qui dne lieu à un contentieux inévitable; il faut un tribunal pour le juger. La municipalité en contient un. C'est là que se portent et se jugent les contestations dont connaissaient le prévôt des marchands et les échevins.

Ce tribunal est composé de M. le maire et de ses huit conseillers-assesseurs. Les fonctions du ministère public y sont remplies par le syndic-général de la commune et ses deux substituts.

Indépendamment de ce tribunal, la municipalité vient d'en établir un autre, le premier peut-être de

ce genre où les citoyens sont vraiment jugés par leurs pairs; c'est la chambre de police.

MM. les administrateurs au département de la police ne furent pas sitôt à même d'entrer en exercice de leurs fonctions, qu'on éleva quelques doutes sur leurs pouvoirs. On crut que la suppression de l'office de lieutenant-général de police saisissait le Chatelet de toutes les attributions dont jouissait ce magistrat. Il fallait faire cesser des réclamations aussi imprudentes et aussi dénuées de fond; en conséquence, le département de la police, après avoir fait part de ses intentions à l'assemblée générale de la commune, s'adressa au souverain pour en obtenir le décret, qui fut sanctionné et enregistré le 5 novembre.

Par ce décret, il est établi une chambre de police, composée de huit notables adjoints et présidée par M. le maire, son lieutenant de maire, où le plus ancien des conseillers-administrateurs.

C'est là que les amendes et les peines en matière de police sont prononcées, sauf l'appel au tribunal. Les fonctions du ministère public y sont exercées par l'un des adjoints du procureur-syndic de la commune, et les causes jugées sommairement et sans frais.

Voici comme on s'y est pris pour organiser ce tribunal. Chaque district a nommé, sur une lettre écrite par le bureau de ville, deux notables adjoints parmi les huit déjà élus en vertu du décret de l'Assemblée nationale sur la procédure criminelle.

Les adjoints nommés par les districts se sont rénnis à l'hôtel-de-ville au nombre de cent vingt; là, on a procédé à un scrutin de liste de vingt sur chaque bulletin; le dépouillement de ce scrutin a donné vingt personnes déjà honorées d'un grand nombre de suffrages, et c'est dans ces vingt que, par un second scrutin, les cent restant ont choisi les huit notables adjoints pour la chambre de police (1).

(La suite demain.)

LITTÉRATURE.

Calcul patriotique.
Cent millions pour la justice!
Deux cents pour la religion!
Juges, prêtres, la nation

Surpaie un peu votre service;
Mais aussi vous craignez, dit-on,
Qu'habilement on ne saisisse
Cette attrayante occasion
D'opérer, par suppression
De maint office et bénéfice,
Quelque bonification.

Et vraiment, vous avez raison;
Plaise au Ciel qu'on y réussisse!

Croire et plaider sont deux impôts
Que tout peuple met sur lui-mênie,
Aux dépens des heureux travaux
De Bacchus et de Triptolême.
Croire et plaider sont deux besoins
De notre mince et folle espèce
Que la France, dans sa détresse,
Tâche de satisfaire à moins.

De nos jours, la philosophie
A porté quelque économie
Dans la croyance du chrétien.
Mettons de côté l'autre vie;
Ce qu'on perd en théologie,
En finance on le gague bien.

(1) Nous donnerons à la fin de cet aperçu les noms des ad joints et de tous les administrateurs. A. M.

L'américaine prudhomic
Croit très peu pour ne payer rien.
Que dites-vous de ce moyen?
Il est bien fort pour ma patrie;
Mais elle y viendra, je parie.
En attendant un si grand bien,
Je me console, en citoyen,
Des malheurs de la sacristie.

Courage, allons, mes chiers Français,
Meritez un second succès ;
Attaquez cette autre manie,
Emondez l'arbre des procès;
Et mettant de même au rabais
De messieurs l'avare industrie,
Economisons sur les frais
De la seconde maladie

Dont nous ne guérirons jamais.

Par M. de Chamfort.

LÉGISLATION.

Réflexions d'un bon citoyen en faveur du divorce; avec cette épigraphe : D'autant s'est dépris et reláche le noud de la volonté et de l'affection, que celui de la contrainte s'est rétréci. MoNr. c. 5.

C'est aux membres de l'Assemblée nationale que l'auteur adresse ces réflexions. L'humanité entière, leur dit-il, vient réclamer votre équité en faveur de milliers d'époux malheureux qui gémissent dans des liens mal assortis et souvent abhorrés. Victimes de la cupidité, de l'ambition, du caprice et de la tyrannie de leurs parents, ils n'ont à se reprocher que leur soumission et leur obéissance: permettriezvous qu'un malheur sans remède en fût l'affreuse punition? Brisez, brisez des noeuds détestés, contraires au droit naturel, aux bonnes mœurs, à la propagation, au bonheur des individus, à la paix des familles, et au véritable esprit de la religion.

L'auteur ensuite présente ainsi l'état de la question: «En réclamant le divorce, nous sommes bien éloignés de vouloir favoriser ces goûts volages, inconstants et libertins, où le changement de jouissances aurait plus de part que des raisons solides. Nous entendons parler ici d'un divorce légal, qui n'aurait lieu que dans certains cas, réglés et déterminés par des lois sages; tels seraient Tadultère, la désertion malicieuse d'un des conjoints, le péril de ses jours, soit par le poison ou quelque autre attentat, les mauvais traitements, l'infamie encourue pour quelque action honteuse, l'incompatibilité bien prouvée des humeurs et des caractères, et d'autres cas encore que l'on abandonne à la sagesse des lois. Alors elles prononceraient le divorce, et les époux dégagés de leurs liens seraient libres d'en contracter de nouveaux et de plus heureux. Cette conduite est conforme au droit naturel. En effet, l'indissolubilité du mariage ne répugne-t-elle pas à l'équité? Est-il équitable de disposer irrévocablement, et, pour ainsi dire, sans les consulter que pour la forme, de la liberté et du bonheur des personnes sans expérience, et dont la raison n'est pas encore développée? On sait que ce cas n'est pas rare parmi les riches et les grands. Est-il équitable d'attacher le mort au vif, de laisser unie au sort d'un débauché, d'un furieux, d'un monstre, une épouse bonue, sensible et vertueuse? Est-il équitable qu'un homme raisonnable et paisible, ami de l'ordre et de la vertu, soit condamné à passer sa vie avec une femme querelleuse, emportée, dissipatrice et souvent libertine, ou, s'il recours à la séparation, qu'il soit privé de la plus douce des jouissances et de la consolation de partager son existence? Parmi les époux, celui qui viole

a

le premier sa foi ne rompt-il pas le contrat, et ne dégage-t-il pas l'autre de ses serments? Quelles lois insensées peut-on donc nous opposer? Ah! qu'elles soient à jamais proscrites de la terre ces lois inhumaines, qui, outrageant la nature, révoltent le bon sens et rendent malheureux l'homme qu'elles devraient protéger!

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Si on considère les bonnes mœurs, si essentielles à la conservation des empires, continue l'auteur, que deviennent-elles avec des époux divorcés par le fait? Pour peu que la nature fasse sentir ses besoins, on prévoit aisément quels nouveaux désordres vont en être la suite. Que de scandales, d'injustices, de troubles et de divisions dans les familles, naissent de la désunion des époux! Que de crimes, d'attentats et de forfaits de toute espèce l'indissolubilité du mariage n'a-t-elle pas enfantés? Que d'échafauds elle a dressés! que de bûchers elle a allumés! que de familles elle a couvertes d'infamie! que d'infortunées victimes elle a fait périr dans la rage et le désespoir! Peut-on songer sans frémir qu'en la seule année 1769 la Tournelle du parlement de Paris a prononcé sur vingt-neuf procès pour des crimes de poison et d'assassinat entre maris et femmes? Que serait-ce si on pouvait connaître tous les autres forfaits ensevelis dans les ombres du mystère, et qui ont échappé à l'œil perçant de la loi ?»

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De la considération des mœurs, l'auteur passe à celle de la population. N'est-il pas évident, dit-il, que l'indissolubilité du mariage y nuit beaucoup; que sans elle les mariages seraient et plus fréquents et plus féconds; qu'en les chargeant d'entraves, on y fait renoncer un grand nombre de persounes? Cette assertion est démontrée par la quantité de mariages et la nombreuse population des peuples chez lesquels le divorce est établi. Qu'on considère ce qui se passe parmi les protestants, à Genève, en Suisse, en Hollande, et dans plusieurs cantons de l'Allemagne, et l'on verra combien, eu égard au nombre des habitants, leur population est supérieure à la nôtre, combien les mariages y sont plus fréquents et plus heureux, les mœurs plus pures et le sexe mieux élevé.

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Ici l'auteur discute la partie la plus délicate de la question, et c'est dans son écrit même qu'il faut voir comme il la résout. Il ne s'agit plus que d'en citer de suite quelques passages:

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Qu'on ne vienne pas nous dire que l'esprit du christianisme s'oppose au divorce sagement réglé par les lois. Il a été permis et pratiqué parmi les chrétiens jusqu'à la fin du IXe siècle; et, sans l'ambition du pape Léon VI, jaloux d'attirer à soi toute espèce de puissance, il le serait peut-être encore parmi nous. Les Polonais en ont conservé l'usage, sans que Rome les ait retranchés de sa communion; preuve sans réplique que le divorce, dans certains cas, n'a jamais été opposé au véritable esprit de la religion, qui n'a en vue que le bonheur de l'homme et son salut.

On n'ignore pas que les adversaires du divorce croient embarrasser beaucoup, en objectant que le mariage n'est pas seulement un contrat civil, mais qu'ayant été élevé à la dignité de sacrement par le législateur des chrétiens, il ne peut être dissous du vivant des époux.

On peut leur répondre qu'il faut bien que le contraire puisse avoir lieu, et niême légitimement, puisque les Polonais le font sans que Rome réclame; que ce sacrement n'a pas toujours existé parmi les chrétiens; qu'il a été un temps où le consentement des parties, et la déclaration qui s'en faisait devant deux témoins, suffisaient pour le mariage; que d'ailjeurs on ne voit pas pourquoi le sacrement pourrait

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