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art. 1184 et 1654. Par la même raison, le donataire d'un immeuble sous réserve d'une rente peut demander la révocation de la donation si le donataire n'en remplit pas les conditions en payant la rente convenue, art. 953 et 954. Enfin, l'action en rescision pour lésion de plus des sept douzièmes est également recevable de la part du vendeur, lorsque l'immeuble a été vendu moyennant une rente. V. art. 1674 et s.

L'obligation de payer une rente se distingue des autres obligations résultant d'un contrat d'aliénation, en ce qu'elle est essentiellement rachetable. Le débiteur jouit en quelque sorte d'un bénéfice de dation en payement. Les parties sont libres de déterminer les conditions de l'exercice de cette faculté de rachat 7; elles peuvent convenir notamment que la rente ne sera rachetable

1912 et 1913 s'appliquent également aux rentes foncières. V. Jourdan, Dissertation sur l'art. 530 dans la Thémis, année 1823, p. 322. V. aussi Duranton, 4, n. 147, et 17, n. 622, qui, toutefois, ne s'explique pas d'une manière précise sur cette question. Le doute vient de ce que l'art. 530 a été discuté et promulgué longtemps après les art. 1912 et s. [Ces différents points demandent quelques éclaircissements. Aux termes des art. 1912 et 1913, le débiteur d'une rente constituée en perpétuel peut être contraint au rachat, s'il cesse de remplir ses obligations pendant deux années, s'il manque de fournir au prêteur les sûretés promises par le contrat, enfin s'il tombe en faillite ou en déconfiture. V. le paragraphe suivant. Tous les au teurs, sauf Jourdan, loc. cit., sont d'accord pour reconnaître que le droit exceptionnel de contraindre le débiteur au rachat ne peut être exercé que visà-vis du débiteur d'une rente constituée dont le capital est la garantie, et non vis-à-vis du débiteur d'une rente foncière qui se trouve garantie par l'immeuble, dont la rente est le prix, de telle sorte qu'à défaut de payement de ce prix, le vendeur n'a que l'action résolutoire ouverte par les art. 1654 et s. V. Delvincourt, 3, p. 413; Duranton, 4, n. 147, et 17, n. 622; Duvergier, n.365; Troplong, n. 488 et 499. Si cependant la rente n'était pas réellement le prix du fonds vendu, mais si elle avait pour capital un prix de vente, de sorte qu'elle cessât d'être foncière pour devenir constituée, dans ce cas, les art. 1912 et 1913 deviendraient applicables; et cependant le vendeur aurait encore et cumulativement l'action en résolution, parce que la rente n'a été constituée

que comme moyen de payement, et non pour faire novation de la dette primitive qui subsiste toujours, Bordeaux, 23 mars 1832, S. V., 32, 2. 58; Championnière et Rigaud, 2, n. 1317; Troplong, Vente, n. 649, et Prêt, n. 487. Contrà, Toullier, 7, n. 505, et Duranton, 16, n. 370.]

héritier peut s'affranchir du service de C'est-à-dire que le débiteur ou son la rente par le payement du capital qui la représente. [V. la note suivante.]

7 Ainsi, par exemple, les parties ont la faculté de déterminer le capital moyennant lequel le rachat de la rente pourra s'effectuer. V. sup., § 280. A défaut de stipulation de la part des parties, au sujet de la capitalisation de la rente, la rente est rachetable au denier vingt, c'est-à-dire moyennant le payement d'une somme équivalente au montant de la rente multiplié par vingt, Poitiers, 27 avril 1831, S. V., 31, 2, 145; [Paris, 5 août 1851, S. V., 51, 2, 775, et Montpellier, 25 déc. 1855, S. V., 57, 2, 30.J V. cependant, pour les anciennes rentes foncières, la loi des 18-29 déc. 1790. [Ces rentes sont remboursables sur le pied du denier vingt-cinq, L. 18-29 déc. 1790, titre 3, art. 2.-Quant aux rentes stipulées payables en nature de grains, fruits ou denrées, le mode de computation des annuités de la rente pour former l'annuité commune est abandonné à la prudence des juges. Montpellier, 29 déc. 1855 précité.]-Les parties peuvent convenir que le rachat sera fait à un taux plus élevé que le taux légal, [à moins cependant que ce taux fût si élevé qu'il rendit le rachat impossible: alors il faudrait en revenir au taux légal, Duranton, 4, n. 157.]

qu'à l'expiration d'un certain temps 8. Ce temps, toutefois, ne peut excéder trente ans. Toute stipulation contraire est nulle. art. 530.

§ 732. Des rentes constituées.

La différence caractéristique qui distingue un prêt à intérêt d'une rente constituée consiste en ce que la rente constituée est un prêt à intérêt dont le créancier, par suite de conventions intervenues entre les parties, ne peut demander le remboursement; en d'autres termes, il n'y a entre le contrat de constitution de rente et le prêt à intérêt de différence essentielle que relativement au droit d'en demander le remboursement1. Lorsque le prêteur renonce, comme il en a la faculté, au droit de demander le remboursement, le prêt à intérêt est une constitution de rente 2.

Le contrat de constitution de rente emportant aliénation du capital, la loi a dû pourvoir d'une manière particulière aux moyens d'assurer les droits du créancier; aussi, dispose-t-elle que le débiteur d'une rente constituée peut être contraint au rachat dans les cas suivants :

1° S'il cesse pendant deux ans de servir la rente 3. Le contrat,

8 Celui qui veut exercer le rachat est obligé de remplir les formalités de l'art. 2184, Nimes, 23 frim. an XIV.

9 Quid, si le contrat déclare que la rente ne pourra être rachetée pendant plus de trente ans ou à perpétuité? Cette disposition est-elle réputée non écrite ? Où doit-on se borner, au contraire, à réduire le délai à trente ans? En consultant la rédaction de l'art. 550, on inclinerait pour la première opinion. V. cependant l'art. 1660 et Duranton, 4. n. 158. [La clause ne produit son effet que pendant trente ans, quand elle a pour objet de déterminer un délai plus long que ce terme. Mais si elle déclare la rente perpétuellement irrachetable, elle est réputée non écrite. V. Proudhon, Dom. priv., 1, n. 294 et s.; Toullier, 3, n. 21; Fœlix et Henrion, Des rentes foncières, p. 127.]

1 Ainsi, sous tous les autres rapports, les règles concernant le prêt à intérêt s'appliquent à la constitution de rente: par exemple, une constitution de rente ne peut se faire à un taux supérieur à 5 pour 100, Duranton, 17, n. 603; [Troploug, n. 443; Duvergier, n. 526 et 327.]-Contrà, Favard, v° intérêts.

Bien qu'il n'y ait pas de termes sacramentels, cependant la renonciation au droit de réclamer le capital doit être faite d'une manière expresse. L'emploi du mot rente emporte cette renonciation d'une manière suffisante. V. Cass, 24 mars 1818.

3 Les termes de l'art. 1912: « s'il cesse de remplir ses obligations pendant deux ans, » ne doivent pas être entendus en ce sens que les deux années ne commencent à courir qu'à partir du jour de la première échéance. Il suffit que les intérêts échus n'aient pas été payés pendant deux ans, Toullier, 6. n. 566; Favard, yo Prét, sect. 2, § 11, n. 9; [Duranton, 17, n. 617; Troplong, n. 485; Cass., 12 nov. 1822. On s'est demandé si les deux années devaient être consécutives. Mais il nous semble que c'est là une question oiseuse, puisqu'elle ne peut se présenter qu'autant qu'il se rencontrerait un créancier qui consentirait à recevoir les années dernieres avant d'avoir reçu les années premières, ce qui n'est pas supposable, Troplong. n. 484. V. cependant Duranton, 17, n. 618. Si cependant le créancier consentait à une imputation de cette nature, il renoncerait par cela

dans ce cas, est résolu de plein droit, et le juge ne peut plus accorder au débiteur de délai pour le payement de la rente 4.

Cependant, la règle que le capital d'une rente qui n'a pas été servie pendant deux ans peut être réclamé souffre une exception lorsque la rente a été stipulée quérable par le créancier qui a négligé d'aller la quérir 5;

Lorsque, bien que la rente fût portable, le défaut de payement peut être imputé au créancier 6;

Lorsque le créancier a accepté des payements à compte 7.

Il va sans dire, d'ailleurs, que le créancier peut renoncer à son droit d'exiger le rachat 8.

2° S'il manque à fournir au prêteur les sûretés promises 9, ou

même au droit que lui confère l'art. 1912 qui, en y mettant pour condition une cessation de payement pendant deux années, exige clairement que ces deux années se suivent. Il est constant d'ailleurs que l'art. 1912 s'applique aux constitutions de rente antérieures au Code aussi bien qu'aux constitutions postérieures, Cass., 4 nov. 1812; 10 nov. 1818, et 25 nov. 1859, S. V., 40, 1, 252; Merlin, Rép., vo Rente constituée, § 12, art. 3, n. 2; Toullier, 6, n. 250; Troplong, n. 485; Duvergier, n. 355 et s.]

Duranton, 17, n. 616; Cass., 12 juill. 1815, 8 avril 1818, et 16 déc. 1818. [Alors du moins que la rente est portable, Cass., 25 nov. 1839, S. V., 40, 1, 252; et 9 août 1841, S. V., 41, 1, 796; Merlin, Kép., v Rente const., § 10, n. 5; Toullier, 6, n. 559; Duran ton, 17, n. 616: Duvergier, n. 342 et s.; Troplong, n. 474 et ş. - Sur les rentes quérables, V. inf., n. 5.]

5 V. sur cette exception, Duranton, 17, n. 619 et s.; Cass., 8 avr. 1818, 10 nov. et 16 déc. 1818, 12 mai 1819; Caen, 3 août 1827, et Grenoble, 19 juill. 1827; Bourges, 7 déc. 1826; Cass, 28 juin 1836; Aix, 10 déc. 1856; [Caen, 20. mars 1859, S. V., 39, 2, 451. Ces arrêts décident, conformément à l'opinion des auteurs, qu'en matière de rente quérable, le seul défaut de payement pendant deux années des arrérages de la rente ne donne pas au créancier le droit de réclamer les arrérages de la rente. Il faut, de plus, que le débiteur ait été mis en demeure de payer les arrérages dans son propre domicile, Duranton, 17, n. 720; Duvergier, n. 342 et s.; Troplong, n. 479 et s.] Mais, après la mise en demeure, le débiteur de la rente

encourt-il de plein droit la déchéance de l'art. 1912, faute par lui de payer à l'instant le créancier? V. Poitiers, 19 août 1855, S. V., 35, 2, 511. Il serait difficile d'établir une règle générale. [L'arrêt précité de la Cour de Poitiers décide que des offres faites le lendemain de la mise en demeure sont tardives et n'enlèvent pas au créancier le droit d'exiger le remboursement de la rente pour défaut de service des arrérages pendant deux années. Mais, suivant d'autres arrêts, le débiteur d'une rente quérable, mis en demeure, ne peut être contraint au remboursement du capital, avant l'expiration du délai moral pour y satisfaire, Amiens, 15 déc. 1821; Bourges, 7 déc. 1826: Aix, 10 déc. 1856, S. V., 37, 2, 120; Caen, 20 mars 1839, S. V., 39, 2, 431. V. aussi Proudhon, Dom priv., n. 250; V. cependant Duranton, 17, n. 620, et Troplong, n. 482.]

6 Par exemple, s'il était introuvable, in loco solutionis. V. Cass., 31 août 1818; Caen, 1er juin 1822 et 13 avril 1824; Cass., 19 avr. 1851, S. V., 31, 1, 168; 5 déc. 1853, S. V., 34, 1, 500; [Troplong, n. 478.]

7 Cass., 27 mai 1829.

8 Verbis vel factis. L'acceptation du payement malgré la demeure implique cette renonciation, Rolland de Villargues, Rép. du notariat, vo Remboursement, n. 54. V. cependant Toullier, 6, n. 512. Mais une offre de payement tardive ne relèverait pas le débiteur de sa déchéance, Dalloz, vo Rente, sect. 1. [V. sup., note 3.]

Lorsque, par exemple, le débiteur a constitué pour sûreté de la rente une hypothèque sur la chose d'autrui, Paris, 2 mai 1809. [V. Troplong, n. 489.]

s'il diminue les sûretés fournies par le contrat 10, art. 1912. V. aussi art. 1188. Toutefois, dans ce cas, le capital n'est pas exigible de plein droit 11.

L'art. 1912 est applicable, soit que la rente ait été constituée à titre gratuit, soit qu'elle ait été constituée à titre onéreux 13. Les règles qui précèdent s'appliquent non-seulement à celui qui a constitué la rente, mais encore à ses héritiers ou ayants

cause 13

3o Enfin, le capital d'une rente constituée devient encore exigible en cas de faillite ou de déconfiture du débiteur 14, art. 1913.

Les rentes constituées sont essentiellement rachetables. Les parties peuvent seulement convenir que le rachat ne sera pas fait avant un délai qui ne pourra excéder dix ans 15, ou sans avoir averti le créancier dans le délai fixé par le contrát, art. 1911 16.

10 Duranton, 17, n. 627 et s.; Poitiers, 13 janv. 1830; Cass., 4 déc. 1832, S. V., 33, 1, 598; Paris, 23 août 1834, S.V., 35, 2, 120. Ce dernier arrêt décide qu'il suffit de l'aliénation d'une partie des biens-fonds hypothéqués au service de la rente pour diminuer la sûreté du créancier. Contrà, Toullier, 6, n. 666; Duranton, 11, n. 129. Nous croyons que la solution de la question dépend des circonstances.]-Si les sûretés sont diminuées sans la faute de l'emprunteur, le créancier a l'alternative de demander le remboursement de la rente ou le complément des sûretés. V. § 557, note 11. V. cependant Cass., 17 mars 1818. Cet arrêt décide que dans ce cas le débiteur ne peut se refuser au remboursement de la rente en offrant des sûretés nouvelles. [Mais cette solution nous parait fort rigoureuse. V. Troplong, n. 492.]

11 Duranton, 17, n. 626.
12 Cass., 12 juill. 1813. V. cependant

Duranton, 17, n. 619 et s.; [Troplong n. 486 et 494, et Duvergier, n. 564. Nous croyons, avec ces auteurs, qu'une rente constituée à titre gratuit u'est pas remboursable : l'art. 1912 parle du préteur, ce qui ne peut s'entendre d'un donateur. Il n'en serait autrement que si la donation ou le legs de la rente étaient faits avec charges. V. Troplong, loc. cit.]

18 Cass., 11 juill. 1831, S. V., 31, 1.

355.

14 Mais le rachat ne peut être demandé par ce motif que l'héritier da débiteur aurait accepté la succession sous bénéfice d'inventaire, Cass., 27 mai 1829.

15 Si un délai plus long avait été stipulé, il devrait être réduit à dix ans. V. art. 1660; Duranton, 17, n. 611, et sup., § 731, note 9.

16 [Tout ce qui précède ne s'applique pas aux rentes sur l'Etat, qui sont soumises à des règles particulieres.]

FIN DU QUATRIÈME VOLUME.

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