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sitions explicatives, les époux n'en seraient pas moins sous le régime de la communauté de biens, de telle sorte que, dans le cas où la fortune de la femme comprendrait des immeubles, la disposition qui comprend dans la dot tous les biens de la femme ne pourrait, en tout cas, relativement aux immeubles, être considérée que comme un ameublissement. De même, le fait par un tiers de constituer une dot à la future épouse dans son contrat de mariage n'entraîne pas pour conséquence le régime dotal; seulement cette dot, en thèse générale, tombe également dans la communauté 31, art. 1392 et 1393. Si les époux ont, au contraire, adopté le régime dotal, tous les biens de la femme doivent être, de plein droit, considérés comme biens à elle propres ou biens paraphernaux ; et il n'y a des biens dotaux qu'autant que la femme s'est constitué en dot tous ses biens ou des biens déterminés, ou qu'un tiers a fait au profit de la femme une constitution dotale 32, art. 1574.

Du reste, la nullité de telle ou telle clause du contrat de mariage n'entraîne pas la nullité ou l'inefficacité du contrat lui-même. La clause contraire à la loi est seule considérée comme non écrite dans toute son étendue et sous tous ses rapports 33.

31 Les commentateurs different d'avis sur le sens de ces clauses et des clauses analogues. I importe surtout, pour en reconnaître le sens, de considérer le contrat dans son ensemble et dans son esprit général. V. Maleville, sur l'art. 1393; Bellot, 4, p. 451; Merlin, Rep., vo Dot, § 2, n. 13; Rouen, 11 juillet 1826. [Le principe en cette matière est que la dotalité étant une exception au droit commun, et dès lors ne se présumant pas, ne peut s'établir que par une disposition claire et formelle, sans toute fois que l'intention des parties de se soumettre au régime dotal doive être exprimée en termes sacramentels. Toute

la difficulté git dans l'application du principe aux clauses particulières. Nous reviendrons sur ce point, inf.. § 666, en traitant du régime dotal. Ici nous ferons seulement remarquer que, parmi les auteurs, les uns se montrent plus difficiles, V. Merlin, loc. cit.; Toullier, 12, n. 40 et s.; Duranton, 15, n. 350 et s.; Odier, 5,

n. 1050; tandis que les autres se mon-
trent plus faciles dans l'admission du
régime dotal. V. Rodière et Pont, 2,
n. 575 et s.; Troplong, n. 143 et 8.;
Marcadé, sur l'art. 1593. Cette dernière
tendance est également celle de la ju-
risprudence qui, dans ces derniers temps
surtout, s'est laissée aller à admettre le .
régime dotal absolu ou partiel dans des
hypothèses qui ne le comportaient pas
d'une manière suffisante. V. inf., § 666.
Nous renvoyons également au chapitre
du Régime dotal l'explication des effets
des clauses dont s'agit.]

82 Limoges, 4 août 1827; Cass., 7 juin 1829. Si donc les époux se sont mariés sous le régime dotal et que la femine se soit constitué en dot ses biens mobi

liers, ses autres biens seront des biens paraphernaux. [V. inf., le chap. du Régime dotal.]

33 Duranton, 14, n. 35. [V. sup., note 30.]

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La communauté légale ou communauté de biens conjugale est une société qui se forme entre les époux comme tels et en vertu de la loi, qui comprend tous leurs biens meubles, sous la réserve de ceux exceptés par la loi, ainsi que les acquêts par eux faits pendant le mariage, et qui est soumise à des règles particulières motivées par les rapports personnels qui s'établissent entre les époux. Les biens qui appartiennent à cette société prennent le nom de biens de la communauté. Souvent aussi le mot de communauté tout court est employé dans un sens objectif pour désigner les biens mêmes de la communauté, et c'est aussi en ce sens que nous nous en servirons '. le plus ordinairement dans les paragraphes qui vont suivre 1.

Les éléments de cette définition constituent en même temps les principes caractéristiques de la communauté de biens légale.

4° La communauté de biens légale est une société formée entre époux. La propriété des biens communs appartient donc à la fois anx deux époux; en d'autres termes, de même que les associés dans toute association, les époux communs en biens sont copropriétaires 2. Il suit de là que les principes qui régissent les sociétés

1 [V. sur la définition de la commu-il, ista communio, durante matrimonio, nauté, Pothier, De la communauté, n. 1; Troplong, n. 302; Rodière et Pont, 1, n. 284]

2 L'opinion de quelques auteurs, notamment de Proudhon, De l'usufruit, 1, n. 279, qui pensent que la communauté constitue une personne morale, semble si évidemment insoutenable, qu'on peut se dispenser de l'examiner ici. D'autres auteurs, tels que Dumoulin, Pothier, Toullier, 12, n. 75 et s., soutiennent cette opinion plus spécieuse, d'après la quelle il n'existerait même pas de communauté pendant le mariage, mais le mari aurait la propriété des biens de la communauté. Cependant Dumoulin est loin d'être aussi formel. Quamvis, dit

non sit in actu, sed in credito et habitu, tamen, soluto matrimonio, ipso jure exit in actualem dominii et possessionis communionem. Dans tous les cas, cette opinion, tout à fait inconciliable avec le langage de la loi, paraît aussi devoir être rejetée, principalement par la raison qu'elle ne permet pas d'expliquer comment le fait d'un engagement pris par la femme avec l'autorisation du mari suffit à lui seul pour obliger la communauté, art. 1427. V. aussi art. 1422. Sans doute, le mari est le chef de la communauté; mais ce principe se concilie très-bien avec le droit de copropriété de la femme sur les biens de la communauté. V. inf., le numéro 4 de ce paragraphe,,

en général sont complémentairement applicables à la communauté de biens conjugal

3.

2o La communauté de biens s'établit entre les époux, de plein droit, et par le fait seul du mariage.

[Bien qu'il y ait des différences notables entre la société formée entre époux, sous le nom de communauté, et les sociétés ordinaires, notamment, ainsi que nous le verrons dans le cours de ce paragraphe, en ce qui touche l'inégalité des pouvoirs des associés et l'infériorité de la femme vis-à-vis du mari, il n'en est pas moins vrai que, comme dans toute association, les époux sont copropriétaires du fonds social ou commun que le mari administre comme mandataire de la femme; et il est constant que Dumoulin, dans le passage ci-dessus cité, n'a pas voulu dire autre chose qu'exprimer que pendant le mariage le mari se trouvait, vis-à-vis des tiers, le représentant de la communauté, et absorbait en lui tous les droits de la femme, qui n'existent pas moins, bien qu'elle n'en reprenne l'exercice qu'à la dissolution de la communauté. V. Duranton, 14, n. 96; Rodière et Pont, 1, n. 293 et s.; Duvergier sur Toullier, n. 75 et s.; Troplong, n. 333; Massé, 3, n. 319.-Contrà, Toullier, 12, n. 75 et s.; Championnière et Rigaud, Droits d'enregistrement, 4, n. 2835. De ce que la communauté conjugale est une sorte de société qui a, comme nous le verrons ci-après, des biens distincts des biens propres au mari ou à la femme, il en résulte qu'elle constitue un corps moral, ou, suivant l'expression de certains auteurs, un troisième patrimoine qui ne se confond ni avec le patrimoine du mari, ni avec le patrimoine de la femme, Delvincourt. 1, p. 528; Proudhon, Usuf., 1, n. 279; Duranton. 14, n. 506; Marcadé, sur les art. 1401 et s.; Troplong, n. 506 et s.; Massé, loc. cit." Contrà, Toullier, 12, n. 82; Championnière et Rigaud, loc. cit., et Rodière et Pont, 1, n. 296.]

par elle faits se partagent entre les associés. Mais ce n'est pas une société ordinaire en ce sens que son but principal n'est pas le bénéfice de l'association, mais le fondement et le soutien de la famille dans les sociétés ordinaires, l'union des capitaux produit l'union ou le rapport entre les persounes: ici c'est l'union des personnes qui amène, favorise et rend nécessaire l'union des capitaux. La communauté diffère encore des sociétés ordinaires, en ce que tandis que, dans les sociétés ordinaires, les associés sont égaux en pouvoir, en ce sens que, les uns et les autres ont une égale aptitude pour l'administration de l'entreprise et peuvent les uns et les autres étre investis du droit d'administrer, dans l'association conjugale, au contraire, le mari est investi du droit exclusif et inaliénable d'administrer le fonds commun, et même d'en disposer seul sans le concours de sa femme; et les obligations qu'il contracte seul obligent la communauté, tandis que les obligations de la femme ne lient la communauté, qu'autant qu'elle s'oblige conjointement avec son mari ou sous son autorisation, Rodière et Pont, 1, n. 297 et 300; Marcadé, sur les art. 1599 et 1401; Troplong, n. 302 et s. V. au surplus, inf., dans ce paragraphe.]

[C'est là une conséquence du principe admis sup., note 2, que la femme est copropriétaire des biens communs, et de ce qu'il y a une société entre le mari et la femme, Rodiere et Pont; Duvergier sur Toullier, 12, n. 81; Marcadé, sur l'art. 1599; Troplong, n. 322 et s. Aussi, les auteurs qui se prononcent contre le droit de copropriété de la femme soutiennent-ils également que la communauté ne commence à proprement parler qu'à la dissolution du mariage, 3 La communauté de biens conjugale forsque le droit exclusif du mari cesrentre dans la catégorie des sociétés sant, la femme est appelée à exercer ses universelles, mais en differe néanmoins droits sur les biens de la communauté. sous plusieurs rapports. V. art. 1856, V. Toullier, 12, n. 74 el s.; ChampionPothier, Comm., n. 3. [La communière et Rigand. loc. cit., sup. Mais, nauté est une société universelle en ce comme nous l'avons déjà fait remarquer, sens qu'elle comprend tous les biens des de ce que le mari est l'administrateur >époux, les biens communs en pleine pro- nécessaire de la communauté, et la repro- nécessair priété, les biens propres en usufruit présente seul vis-à-vis des tiers, on ne seulement. C'est également une société peut pas en conclure que la communauté en ce sens qu'elle est constituée pour n'existe pas, et qu'elle ne commence faire des bénéfices, et que les bénéfices qu'au moment où précisément elle cesse.

3o La communauté se compose en premier lieu de tout le mobilier qué les époux possèdent au jour de la célébration du mariage, de celui qu'ils acquièrent dans la suite, et des immeubles acquis pendant le mariage, art. 1404. Le Code, il est vrai, ne pose nulle part d'une manière aussi générale le principe que tous les biens mobiliers des époux doivent être communs. Il se borne à déclarer communs, art. 1401, tous les biens mobiliers possédés par les époux à l'époque de la célébration du mariage, ou qui viennent à leur échoir pendant le mariage à titre de succession ou de donation, ainsi que tous les revenus échus pendant le mariage. Mais, comme il n'excepte positivement de la communauté que les immeubles qui ne sont pas des acquêts, art. 1404, comme il confère de plus au mari le droit d'intenter toutes les actions mobilières de la femme, art. 1428, droit qui ne peut s'expliquer que par la circonstance que toute la fortune mobilière de la femme entre dans le fonds commun 5, ce principe doit être considéré comme la règle. A l'appui de cette règle, on peut aussi arguer de la coutume de Paris, source du Code en cette matière, et qui déclare expressément biens communs tous les biens mobiliers des époux. Tout objet mobilier possédé par les époux au jour de la célébration du mariage, ou qu'ils acquièrent pendant le mariage; tout droit mobilier appartenant aux époux est donc réputé commun, jusqu'à ce qu'il puisse être prouvé que cet objet ou ce droit a été excepté de la règle, soit par une disposition particulière de la loi, soit par quelque autre disposition de l'homme autorisée par la loi 7, art. 1401, alin. 1, et art. 1500. Par contre, les immeubles possédés par les époux au jour de la célébration du mariage, ou acquis pendant le mariage à titre gratuit, sont exclus de plein droit de la communauté, art. 1404. La fortune des époux ou de celui des époux qui posséde des immeubles exelus de la communauté se compose donc en partie de biens qui appartiennent en propre à l'époux, en partie de la part qui lui revient dans le fonds com

Ferrière, 3, n. 346.

6V. en sens contraire, Toullier, 12, n. 92, qui pose en règle que les seuls biens des époux qu'une disposition expresse ou virtuelle de la loi déclare biens commans appartiennent à la communauté. Cette question, du reste, n'est d'un intérêt pratique que dans un petit nombre de cas, car le Code présente une énumération assez complète des biens mobiliers qui peuvent être acquis par les conjoints pendant le mariage. [La question revient à savoir si la disposition de

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mun 9. Dans cette hypothèse, celui des conjoints qui a des biens propres peut donc avoir, à raison de ces biens, des réclamations à élever contre la communauté, c'est-à-dire contre l'autre conjoint, en tant que ce dernier est copropriétaire du fonds commun, ou qu'il devient propriétaire exclusif des biens communs, art. 1453. Réciproquement, la communauté a les mêmes droits vis-à-vis des biens propres des époux 1o. Il en est à l'égard de ces réclamations de la société conjugale comme de toute autre association.

4o Le Code a réglé le régime de la communauté de biens en ce qui touche les rapports des conjoints quant aux biens d'après la nature des rapports personnels qui existent entre eux: Ainsi, et c'est là ce qui distingue particulièrement la communauté conjugale, le mari, en vertu d'un mandat qui lui est conféré par la loi, se trouve être le maître des biens de la communauté, comme s'ils faisaient partie intégrante de sa fortune personnelle, tandis que la copropriété de la femme, relativement à ces mêmes biens, ne lui donne le droit d'obliger la communauté qu'à la condition pour elle de se faire autoriser par son mari à prendre des dispositions ou à contracter des obligations 11. Le mode suivant lequel se trouvent réglés les droits respectifs des conjoints décide donc en même temps de leurs rapports à l'égard des tiers. Mais comme, par suite de la puissance illimitée que la loi confère au mari relativement aux biens de la communauté, l'intérêt de la femme peut se trouver compromis, la loi, afin de la garantir au moins en partie du danger auquel elle est exposée, lui attribue certains priviléges. C'est ainsi que les dettes contractées par le mari ne peuvent donner lieu à aucune action contre la femme ou contre ses biens personnels 12; c'est ainsi que la femme peut renoncer à la communauté et s'affranchir par là de toute contribution aux dettes qui la grèvent, et que, même dans le cas où elle accepte la communauté, elle jouit, sous certaines conditions, du privilége de n'être tenue des dettes de la communauté pour la moitié qui lui incombe alors, que jusqu'à concurrence de l'actif de son émolument dans la communauté 13.

$639. Conditions de la communauté légale. Époque à laquelle

elle commence.

La communauté légale s'établit entre les époux par suite de

9 Il en est de même pour le cas où les conjoints possèdent des biens mobiliers exclus de la communauté.

10 [V. inf., § 643 et s.]

11 [V. sup., dans le paragraphe, note 3,

et inf., § 642 ]

12 [V. inf., § 653.]

13 [V. inf., §§ 653 et 654.]

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