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le mandant et le mandataire d'une part, et les tiers de l'autre 11, art. 1375 et arg. de cet article. V. inf., le titre du Mandat.

§ 623. De la réception du payement de l'indu1.

Celui qui reçoit sciemment ou par erreur un payement 2 qui ne lui est pas dû 3, ou qui reçoit sciemment ou par erreur un

11 [Ainsi, le maître dont l'affaire a été bien administrée doit remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom.]

1 [L'action qui naît de la réception d'une chose non due s'appelait en droit romain condictio indebiti.]

2 Il s'agit ici d'un payement, qui, relativement à la capacité des parties, remplit les conditions d'un payement valable. Si, par exemple, un mineur a fait un payement, le tuteur n'a pas besoin d'intenter, pour répéter la chose payée, l'action ouverte par les art. 1376 et s., ou la condictio indebiti, art. 1238; Toul lier, 11, n. 66. [C'est-à-dire qu'une chose payée peut être sujette à répétition, bien qu'elle ait été due, si le payement a été irrégulièrement fait. En ce qui touche les payements faits par les incapables, V. sup., § 558, n. 10; et spéciafement par les mineurs, V. sup., § 582, la théorie de la rescisión ou restitution en entier au profit des mineurs.]

Tel est le payement d'une dette qui n'existe pas en fait, absolument ou relativement, ou qui repose sur un titre nul, ou qui est éteinte, ou qui est sujette à l'action en nullité ou en rescision, Pothier, n. 143 et s. Mais ce qui a été payé volontairement par suite d'une obligation naturelle ne peut être répété, art. 1235. V. Toullier, 11, n. 89, et sup., § 525. V. aussi art. 1186.-L'acquéreur qui a payé les créanciers du vendeur auxquels le prix de vente avait été délégué et qui est ensuite évincé a contre ces créanciers une action en répétition, Tarrible, Rép. de Merlin, vo Expropriation forcée; Troplong, Vente, n. 452 et 498. - Contrà, Duranton, 13, n. 686. [En principe, il y a lieu répétition toutes les fois qu'il y a eu payement sans qu'il y eût dette. Les cas dans lesquels il peut y avoir payement d'une chose non due, ou, ce qui revient au même, payement sans qu'il y ait dette, peuvent se réduire à trois cas principaux: lorsque la dette n'a jamais existé, ni en fait,

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ni en droit; lorsqu'une dette qui a existé a cessé par suite de l'extinction de l'obligation; enfin, lorsque l'obligation a été annulée ou rescindée. Il est à remarquer d'abord, en ce qui touche l'existence même de la dette, qu'on ne peut considérer comme non existantes les dettes qui ont pour fondement une obligation naturelle. Si les obligations naturelles ne donnent pas action au créancier parce que l'action qui est de droit civil ne peut avoir pour objet que les choses qui sont civilement dues, il n'en est pas moins vrai que celui qui a volontairement acquitté une obligation naturelle ne peut prétendre qu'il ne devait pas ce qu'il a payé, puisqu'il le devait naturellement, et que dès lors il n'a aucune action en répétition à raison de ce payement. V. sup., § 525, notes 1 et 10. V. aussi inf., note 6. On ne peut non plus considérer comme n'existant pas une dette à terme, mais non encore échue. Le débiteur qui a payé, même par erreur, avant l'échéance du terme, n'a donc aucune action en répétition, art. 1185. V. sup., § 537, note 6.. En ce qui touche les dettes éteintes par un payement antérieur ou par un fait équivalent au payement, tel qu'une novation, une compensation, il ne peut y avoir aucune difficulté. Mais il y a, au contraire, difficulté sur le point de savoir si, quand la dette n'est éteinte que par la prescription, le débiteur qui l'a payée par erreur peut la répéter. Selon les uns, la répétition doit être admise, soit qu'il s'agisse d'erreur de fait, pourvu que le débiteur prouve qu'il ignorait que le temps voulu pour la prescription, était révolu; soit même qu'il s'agisse d'erreur de droit, parce que dans l'un comme dans l'autre cas le débiteur a payé en vertu d'une obligation éteinte, Troplong, Prescrip., n. 35; Toullier, 6, n. 74, et 11, n. 73. Selon d'autres, il n'y a lieu à répétition de la dette prescrite qu'au cas d'erreur de fait, Delvincourt, 3, p. 680; Vazeille, Prescript., n. 339. Mais nous croyons que ni dans l'un ni dans l'autre cas, la

payement qui lui est dû, mais qui lui est fait par une personne

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autre que le débiteur, est tenu de restituer ce qu'il a reçu à celui de qui il l'a reçu, pourvu toutefois que celui qui a fait le payement ait payé par erreur, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre l'erreur de droit et l'erreur de fait 6, art. 1376 et 1377, alin. 1. Cependant, dans le cas prévu par l'art. 1377, alin. 1, c'est-à-dire dans le cas d'un payement fait par une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, l'action en restitution cesse si le créancier

plus tard pour exercer son droit, Cass.,
29 janvier 1835, S. V., 35, 2, 276; et 18
janvier 1853, S. V., 53, 1, 5.
V. ce-
pendant Cass., 50 avr. 1850, S. V., 50, 1,
449.1

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L'art. 1377, alin. 1, qui s'applique à ce second cas, tranche une question qui, en droit romain, était controversée. V. L. 19, § 1, et L. 44, Dig., De condict. indeb. [ Les art. 1376 et 1377 prévoient deux cas distincts: dans l'art. 1376, il s'agit d'un payement reçu par celui qui n'est pas créancier; dans l'art 1377, il s'agit d'un payement fait par celui qui n'est pas débiteur à celui qui est créancier. Dans le premier cas, il importe peu que celui qui a reçu ce qui ne lui était pas dû ait su ou n'ait pas su qu'il n'était pas créancier, puisque son opinion ne peut avoir aucune influence sur l'existence de son droit; dans le second cas, il faut que celui qui, sans être débiteur, paye un créancier, ait payé par erreur. puisque, s'il l'avait payé sciemment, il serait présumé avoir fait l'affaire du véritable débiteur, contre lequel seul il aurait un recours. V. sup., § 458. Mais est-il nécessaire que, dans le premier cas, celui qui a payé ait payé par erreur? Nous ne le croyons pas la circonstance qu'une chose a été remise sans erreur à titre de payement à une personne à qui elle n'était pas due ne peut créer un droit en faveur de celui qui l'a reçue. Le droit romain avait une loi contraire: Cujus per errorem dati repetitio est, ejus consultò dati donatio est, L. 55, Dig., De reg. jur.; mais le Code ne l'a pas suivie, et la différence de rédaction des art. 1376 et 1377 démontre que l'erreur qui, dans ce dernier article, est une condition de l'action en répétition exercée par celui qui a payé, n'est pas égale ment exigée dans le cas prévu par le premier, Marcadé, sur l'art. 1377.-Contrà, Toullier, 41, n. 60 et 61. V. cependant la note suivante.]

Qui sciens indebitum solvit donasse videtur, L. 55, Dig., De re jud. Cependant cette maxime ne parait pas s'appli

quer aux immeubles; car il n'y a que les dons manuels qui soient valables sans acte de donation en forme, Delvincourt, sur l'art. 1377. [Cette règle du droit romain n'est pas applicable en droit français, ainsi que nous l'avons vu à la note qui précède, et sup., § 458. Sans doute, le payement fait sciemment d'une chose non due peut constituer une donation, mais l'intention de donner ne se présume pas.]

6 Toullier, 6, n. 75; Delvincourt, sur les art. 1376 et 1377; Duranton, 15, n. 602; Cass., 24 janv. 1827; Besançon, 1 mars 1827. V. sup., § 26. Dans l'ancien droit, la question de savoir si la répétition de l'indu pouvait être fondée sur une erreur de droit était controversée. [Dans tous les cas où l'erreur de celui qui a payé est nécessaire pour qu'il ait une action en répétition, son action peut se fonder aussi bien sur l'erreur de droit que sur l'erreur de fait l'art. 1377 ne fait aucune distinction, Merlin, Rep., v Ignorance, § 1, n. 7; Marcadé, sur l'art. 1377. Ainsi, celui qui a payé des billets sur fausse cause, souscrits en son nom par un mandataire, est en droit d'en répéter le montant contre celui en faveur de qui ils avaient été souscrits, quand il découvre la fausseté de la cause, Cass., 24 janv. 1827. Toutefois il ne fandrait pas étendre cette règle au cas où, par erreur de droit, celui qui aurait pu opposer une déchéance au créancier a payé sans se prévaloir de cette déchéance, par exemple au souscripteur d'une lettre de change qui en paye le montant sans opposer la tardiveté du protêt; en effet, les exceptions tirées du non-accomplissement d'une formalité en temps utile sont relatives aux conditions imposées aux créanciers, et non à la force de l'obligation en elle-même, Cass., 7 mars 1815; et 22 mai 1833, S. V., 53, 1, 659; Pardessus, Dr. com., n. 454: Nouguier, Lettr. de ch., 1, p. 407; Massé, 5, n. 162. V. cependant Bruxelles, 28 juill. Sur la prescription, V. sup., note 3.]

1810.

payé par un tiers a supprimé son titre de bonne foi7 par suite du payement qui lui a été fait 8. V. art. 1377, alin. 2.

L'action en restitution, dont le demandeur doit prouver le fondement en fait, ne peut être formée que contre celui qui a reçu le payement 10, ou contre ses héritiers ou autres ayants droit à titre universel; elle ne peut l'être contre le tiers possesseur à titre particulier de la chose payée 11.

Les conséquences juridiques des obligations résultant du payement d'une chose non due varient suivant la nature de cette chose : 1 Lorsque le payement a consisté en une somme d'argent ou en autres choses fongibles, celui qui l'a reçu doit rendre autant qu'il a reçu, tantumdem, art. 1892; et s'il a sciemment 12 reçu, il

7[C'est-à-dire dans la pensée que celui qui l'a payé était son débiteur, Fenet, 13, p. 477; Marcadé, sur l'article 1377.]

8 [La disposition de l'art. 1377, portant que celui qui, par erreur, et se croyant débiteur, a payé une dette, ne peut exercer le droit de répétition dans le cas où le créancier a supprimé son titre par suite du payement, ne s'applique pas au cas où ce titre ne donnait aucun droit au créancier, par exemple au cas où le titre consiste dans une inscription prise par un tiers sur un acquéreur, laquelle, radiée par suite du payement, serait évanouie par l'effet de la résolu tion de la vente prononcée au profit du vendeur primitif. Dans ce cas, le tiers détenteur évincé qui a payé le créancier hypothécaire peut, nonobstant la radiation de l'inscription, former une demande en répétition contre ce créancier, Cass., 8 février 1848, S. V., 49, 1, 55.] 9 Duranton, 12, n. 11 et s.; 13, n. 696. [C'est-à-dire que c'est au demandeur à prouver, soit que celui qui a reçu n'était pas créancier, soit que celui qui a payé n'était pas débiteur, et de plus, quand l'erreur est nécessaire, l'erreur de fait ou de droit qui a déterminé le payement.]

io [Si celui qui a reçu est un mandataire, celui qui a payé n'a d'action que contre le mandant, alors du moins que le mandataire avait un mandat spécial pour recevoir ou que le mandant a approuvé le fait du mandataire; car si le mandataire recevant sans pouvoirs n'avait pas été approuvé par celui au nom duquel il disait agir, il resterait exposé à l'action de celui qui l'aurait indùment payé, Pothier, Contr. de bienf., n. 147 et 168; Massé, 6, n. 272.]

11 Delvincourt, 3, p. 450; Toullier, 11, n. 97 et s. V. cependant Pothier, n. 178 et s.; Duranton, 13, n. 683. L'argument principal en faveur de la règle établie dans le paragraphe paraît être que l'obligation de restitution n'est point une obligation de donner, mais une obligation de faire, la loi obligeant celui qui a reçu le payement d'une chose non due à former avec celui qui a payé un contrat par lequel il est tenu de rendre, ou à regarder ce contrat comme formé. V. aussi l'art. 1580. - Du principe posé il suit en même temps que l'action en restitution laisse subsister les hypothèques et servitudes dont le défendeur a grevé la chose. [Nous croyons, au contraire, que nul ne pouvant transporter plus de droits qu'il n'en a lui-même, l'action en répétition de l'indu peut, quand il s'agit d'un immeuble qui a été aliéné par celui qui l'avait reçu en payement, être dirigée contre le tiers acquéreur, encore que ce dernier l'ait acquis à titre onéreux et que son auteur ait été de bonne foi, Duranton, 13, n. 681; Marcadé, sur l'art. 1380. Il a même été jugé que des deniers détournés au préjudice du véritable propriétaire peuvent être revendiqués par ce dernier contre le tiers anquel ils ont été remis en payement par l'auteur du détournement, tant que ce tiers ne les a pas consommés de bonne foi, et qu'ils peuvent encore être distingués de son avoir, Paris, 11 nov. 1837, S. V., 38, 3, 252. V. aussi Cass., 4 avril 1838, S. V., 58, 1,306. Par la même raison, les droits d'hypothèque ou de servitude établis sur un immeuble par celui qui l'a indûment reçu tombent par l'effet de l'action en répétition.]

12 [« Sciemment. » L'art. 1378 dit : «S'il y a eu mauvaise foi de la part de

doit de plus les intérêts du capital à partir du jour du payement 13, art. 1378 14.

2° Lorsque l'objet du payement est une chose non fongible, soit meuble, soit immeuble, celui qui l'a reçue de bonne foi n'est tenu de restituer la chose que dans l'état où elle se trouve, par conséquent avec ses accessoires et ses accroissements, mais non avec les fruits qui en ont été perçus 15, arg. art. 1378. Il ne répond pas non plus de la perte ou détérioration de la chose, arrivée de quelque manière que ce soit 16. S'il a vendu la chose, il est simplement tenu de restituer au demandeur le prix qu'il en reçu, ou de lui céder les actions qu'il a contre l'acquéreur 17, art. 1380. V. art. 1166. Si, au contraire, celui qui a reçu le payement était de mauvaise foi, il devrait restituer non-seulement la chose el ses accessoires, mais encore les fruits qu'il a perçus, et de plus indemniser le demandeur du dommage souffert par la chose, même par cas fortuit 18, art. 1379. Et si, dans la même hypothèse,

celui qui a reçu... » Ici la mauvaise foi consiste à avoir reçu une chose qu'on savait n'être pas due.-Mais on ne peut être considéré comme ayant reçu de mauvaise foi les sommes payées en vertu d'un arrêt qui depuis a été cassé, Cass., 15 janvier 1812; 22 janv. 1822, et 29 avril 1839, S. V., 39, 1, 375. V. cependant Cass., 11 nov. 1828. V. aussi la note suivante.]

13 [Si, au contraire, la somme restituable a été reçue de bonne foi, elle ne porte intérêt que du jour de la demande en restitution, Cass., 2 juill. 1827; et, s'il s'agit d'une somme payée en vertu d'un arrêt cassé, du jour de la signification de l'arrêt d'admission, qui peut être considérée comme une demande en justice tendant à la restitution des sommes payées en vertu de l'arrêt attaqué, Cass., 29 avril 1839, S. V., 59, 1, 375.]

1 Il y a plus d'une objection à faire contre la rédaction des art. 1378 et 1579. Pothier, Contr. de bienf., n. 169 et s., qui, en cette matière, a incontestablement servi de guide aux auteurs du Code, fournit le meilleur commentaire de ces articles. En suivant la doctrine de Pothier, on reconnaît que l'art. 1578 se rap porte au cas, Si tantumdem restituendum est, et l'art. 1379 au cas Si eadem species restituenda est, et que la disposition de l'art. 1378 doit également s'appliquer au cas où des services ont été indument rendus, et au cas où l'on a indùment abandonné la jouissance d'une chose. [Dans ces deux cas, selon Pothier,

n. 169, on doit rendre tantumdem, c'està-dire le prix de ces services et de cette jouissance,] L. 26, § 12; L. 65, § 7, Dig., De condict. indeb. Par capital il faut d'ailleurs entendre Omne id quod indebile solutum est.

15 [Marcadé, sur l'art. 1380.]- Contrà, Toullier, 11, n. 94.

16 Il semble, il est vrai, résulter de l'art. 1379 que celui qui reçoit doit répondre de sa négligence, bien qu'il ait été de bonne foi; mais cette conséquence serait d'une injustice criante. On peut tout au plus admettre que celui qui a de bonne foi accepté le payement tombe sous le régime de la disposition de l'article 1379, du moment où sa bonne foi cesse, Delvincourt, sur cet article; Toullier, 11, n. 102; [Marcadé, sur l'article 1379. Cet article ne rend responsable que celui qui est en faute. Or, celui qui a reçu de bonne foi n'est pas eu faute en négligeant de veiller à la conservation d'une chose qu'il croit sienne.]

17 S'il a fait don de la chose, rien n'est dù, arg. art. 1580, [puisqu'aux termes de cet article, il ne doit rien au delà du prix de vente. Mais s'il s'agit d'un immeuble, l'action en répétition peut être exercée contre le donataire tiers détenteur. V. sup., note 11.]

18 Ce n'est point l'alin. 2, mais l'alin. 4 de l'art. 1302 qu'il convient d'appliquer à ce cas. [ Cela revient à dire que celui qui a reçu la chose de mauvaise foi est tenu à des dommages-intérêts envers celui de qui il l'a reçue, alors même

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