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II. Ep. sur tant de bienfaits publics, le temps seulement qu'elle mit à en faire la rédaction : cette rédaction dura plusieurs jours; et, loin de modifier, elle ajouta ce qui avait été omis, et compléta ce qui était resté imparfait on avait exprimé, par des tournures, la suppression de la féodalité; on disputait sur les droits honorifiques : la rédaction trancha, et dit le régime féodal est aboli; et cet acte public d'humanité, de raison et de saine politique, était au dessus de toute formalité: la nation assemblée le voulut, et elle avait incontestablement le droit de le vouloir. Tous les autres articles ne furent plus qu'une conséquence de ce premier; l'affaire des dîmes ecclésiastiques fut celle qui fut plus débattue. A aisonner politique et finance, il était certain qu'après toutes les mutations, depuis les premiers siécles de son établissement, aucun des propriétaires actuels n'avait acquis la possession de la dîme; qu'ainsi on lui rendait ce qu'il n'avait pas acheté il est sûr même que le peuple. cette portion la plus nombreuse du peuple, travaillant sur la propriété d'autrui, n'est pas celle qui en profita, puisque la dîme continua d'être payée au propriétaire par l'exploitant; mais il n'en faut pas moins convenir que cette grande masse, renvoyée dans la circulation générale, y produisit un surcroît de valeur réelle, et que, sous ce rapport, la chose publique y gagna. Parmi

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les orateurs qui se présentèrent pour la défendre, 11. Ep. et la maintenir rachetable, on vit avec quelque surprise paraître Sieyes: il aborda la question franchement, nettement, et déploya une logique ferme et pressante ; il montra au moins un grand désintéressement de popularité et un courage au dessus des applaudissements: pour le système et l'esprit de liberté publique, il fut, dans la révolution, ce que la pensée est à l'action, souvent aussi comme la pensée inexplicable à son origine; impatient de toute contradiction qui ne lui paraissait qu'une révolte contre l'évidence; méconnu, craint, estimé et recherché de tous les partis; Lafayette et lui en opposition de caractère et de moyens, ne purent jamais s'entendre et se réunir; et cependant ils se fussent été réciproquement utiles, car la nature, avait précisément donné à chacun d'eux ce qui manquait à l'autre. La dîme ecclésiastique, d'abord déclarée rachetable, fut,. par la rédaction, abolje.

Tant de changements dans l'Etat se firent sans aucune résistance, même de discussion ; nulle protestation, nulle opposition n'en arrêta la marche; et plusieurs causes concoururent à cette facilité d'exécution; la maturité des choses, qui montra politiquement comme juste ce qui était devenu nécessaire, le peu d'accord des parties intéressées, et aussi l'état du moment dans toute la France: la terreur

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11. Ép. planait, le fer et la torche à la main ; tel donnait sa voix dans l'assemblée, qui, en votant, pensait

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à sa famille et à son patrimoine. Il arriva ce qui arrive toujours dans les grands mouvements inorganisés ; ils entraînent ceux-mêmes qui les ont donnés plus loin qu'ils n'eussent voulu aller, et toute retraite, même personnelle, leur est fermée; s'ils tentaient d'arrêter la foule qu'ils commandent et qui les suit, ils seraient renversés et écrasés par sa masse. Leurs adversaires -mêmes, qui n'ont plus que cet espoir de vengeance ou de réprésailles, sont les premiers à précipiter la masse révolutionnaire, dans l'espérance d'entraîner les chefs dans sa chute.

Paris qui, quelques jours avant cette nuit constitutive, commençait à se plaindre des lenteurs de l'assemblée et à se fatiguer des longueurs de la discussion sur la déclaration des droits de l'homme, Paris qui, sans avoir une idée bien nette de ce qu'était une constitution, était pressé d'en jouir, comme d'une nouveauté qu'il venait de conquérir; Paris commença à prendre une attitude plus réfléchie, après la nuit du 4 août, et, redoutant le voisinage d'une assemblée qui pouvait tout, songea à se l'approprier, pour disposer de sa toute-puissance. Ce plan ne réussit pas ; mais c'est de cette époque qu'il faut dater le système suivi dans les assemblées de la commune: il se développa dans la suite et se tourna

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contre elle-même; mais dans ce premier moment II. Ep. le résultat des réflexions fut de transférer l'assemblée nationale, et de l'établir dans Paris. Ce plan avait, dans l'assemblée même, des partisans qui suppléaient au nombre par l'activité. Mirabeau connaissait tous les ressorts de la machine politique et populaire, et possédait parfaitement l'art de les mettre en jeu : il en avait fait l'essai à Marseille, au temps de son élection, lorsque, rejeté imprudemment par l'ordre de la noblesse, il sut se faire élire par le tiers-état ; et longtemps après lui, les relations de cette ville qui exercèrent une si terrible influence sur la capitale, ne furent qu'une suite de l'esprit et des moyens qu'il y laissa.

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La discussion sur les droits de l'homme fut remise à l'ordre du jour, après que l'on eut digéré à loisir tous les décrets, suite des abo litions de la nuit du 4 août. On avait d'abord beaucoup discuté si, ou non, une déclaration des droits précéderait la constitution; on craignait l'effet d'idées métaphysiques, nécessairement exprimées sans développement, et dont on abandonnait les conséquences au jugement de tous et de chacun en particulier. Sous ce rapport et surtout dans un moment d'effervescence, une telle déclaration pouvait être dangereuse ; mais, sous le grand rapport de l'intérêt de l'humanité et de toutes les nations une déclaration des

11. Ep. droits de l'homme était le premier chapitre 1789. d'une constitution générale présentée à tous les

peuples. Toutes les idées grandes prévalurent toujours dans cette assemblée, pour tout ce qui devait émaner d'elle et se produire au dehors. Au contraire, tout ce qui se faisait dans son intérieur, gardait le caractère des petites affaires privées, et des querelles de famille; la peur d'être conduite et menée, était surtout ce qui mettait le plus l'assemblée sur ses gardes. Ainsi, lorsqu'il fut question de choisir entre vingt projets de déclarations des droits, qui lui furent présentés après celle de Lafayette, donnée dès le 11 juillet, la crainte de voir s'attacher le nom personnel d'un de ses membres à son ouvrage, les lui fit rejeter toutes. L'assemblée était alors partagée en vingt bureaux, qui rapportaient un travail préparatoire on choisit le projet de l'un des bureaux, le sixième, en se réservant de le discuter par article; et le résultat de la discussion fut de changer successivement tous les arti cles du projet donné par le sixième bureau ; enfin, après environ quinze séances d'une discussion plus subtile qu'orageuse, la déclaration des droits de l'homme sortit, et son premier article fut cette grande vérité : les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.)

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On ne pouvait par cette expression, égaux en droits, entendre l'égalité native et naturelle,

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