11 Ep. eut la mal-adresse d'aliéner de soi une partie de 1789. soi-même. Les gardes, en assez grand nombre, appartenaient à des familles anoblies; et, quoique leur rang d'officier fût réglé dans l'armée, leur perspective d'avancement militaire n'allait guères au-delà des grades inférieurs dans leur corps ; ils étaient donc assez désintéressés, par le fait, sur les griefs de la noblesse, et surtout de la noblesse de cour. Elle chercha à les rallier par des actes d'une publicité éclatante, ils invitèrent à un repas les officiers des troupes qui se trouvaient à Versailles, et aussi ceux de la garde nationale. Parmi tous les récits atténuants ou exagérés des partis contraires, il est assez difficile de trouver le vrai; mais en laissant, de part et d'autre, ce les intérêts du moment ont ajouté ou supque primé, la seule pensée de réunir, en banquet préparé, des militaires au milieu de l'effervescence du moment, c'était les exposer à tous les emportements de la table et de la jeunesse ; le faire sous les yeux de l'assemblée, c'était y provoquer les dénonciations d'orgies, et c'est ce qui arriva; le faire à côté des agitations de Paris, c'était donner un beau motif aux agitateurs; ils *.** oct. pe le perdirent pas. Le repas se donna dans la salle de spectacle; les loges étaient pleines de spectateurs et d'observateurs. On y porta les santés du roi, de la reine, des princes; celle de la nation fut refusée, ou au moins omise; des pro Pièces j. (6). 1789. pos contre la révolution et contre l'assemblée, 11 Ep. que la justice réglée attribuerait à l'emporte ment, à l'ivresse ou à la jeunesse, furent accrédités par l'esprit de parti, et recueillis par l'inquiétude civique. Le roi n'y vint pas; mais la reine y amena son fils. Cette démarche, au moins imprudente par le fait, et coupable par l'intention, mit le comble à l'exaltation. Les loges furent escaladées, et l'on y distribua des cocardes blanches. On ajouta que la cocarde nationale avait été foulée aux pieds : vrai ou non l'imprudence de s'y être exposé était la même. ; Deux jours après, un déjeûner entre les mêmes convives, renouvela les mêmes scènes aussitôt Paris retentit des cris impatients d'un peuple tumultueusement rassemblé en groupes, dans les places et dans les jardins publics; la contrerévolution y était annoncée comme prochaine le repas des gardes-du-corps, comme le premier moyen mis en jeu. Cette agitation fut contenue 5 cetoba deux jours, par les autorités civiles et par la garde nationale; mais le 5 octobre, dès la pointe du jour, la place de l'Hôtel de ville se trouva pleine d'un peuple immense. Des femmes en troupes montèrent au lieu des séances, et demandaient du pain; elles furent bientôt suivies d'hommes armés de piques et de bâtons, qui enfoncèrent les portes, se saisirent des armes et des munitions, et se répandirent dans les dif I Ep. férents quartiers. Le tocsin sonna, le tambour 1789. appela, dans toutes les rues, les citoyens aux armes, de nombreux détachements se réunirent. Il n'était plus question de pain, mais d'aller à Versailles. Les motifs de l'expédition n'étaient ni prononcés ni connus. 5 octob, A la première alarme, Lafayette s'était porté sur la place de l'Hôtel-de-ville, et les grenadiers des gardes-françaises le pressèrent vivement de Les mener à Versailles; sa longue résistance fut inutile; l'un d'eux le harangua, et lui dit : « Mon « général, nous ne vous croyons pas un traître, << mais nous vous croyons trahi par le gouver<<nement; notre comité des subsistances mal« verse, ou est incapable d'administrer son département dans ces deux cas, il faut le changer. Le peuple est malheureux, la source « du mal est à Versailles; il faut aller chercher « le roi, et l'amener à Paris. Nous ne pouvons << tourner nos baïonnettes contre un peuple et « des femmes qui demandent du pain. Nous « irons à Versailles exterminer le régiment de « Flandre et les gardes du roi, qui ont osé fou «<ler aux pieds la cocarde nationale ». « Lafayette envoya alors demander des ordres au pouvoir civil assemblé, et il les reçut comme cédés à la force des circonstances. Des hommes armés en troupes, étaient déja partis dès le matin pour Versailles. Il devenait pressant d'y en voyer une force organisée, qui pût les contenir II.• Epií et les réprimer : ainsi, après huit heures de dé- 1789-. bats, Lafayette partit vers les cinq heures du soir, et arriva, avec son armée, vers onze heures de nuit. Il la mit en bataille, et lui fit renouveler le serment à la nation et au roi. Ces mouvements étaient prévus à Versailles, et avaient été annoncés dès le matin. La discussion s'était établie dans l'assemblée, sur les faits relatifs aux repas des gardes-du-corps. Mirabeau, vivement pressé de dénoncer nominativement les coupables, répondit, « que l'on déclare expressément que, << dans le royaume, tout ce qui n'est pas le roi, << est sujet ; et ces preuves que l'on demande, je vais les présenter ». Ces paroles.en imposèrent encore : c'était clairement désigner la reine. On cessa de presser Mirabeau .. Vers l'heure où l'assemblée devait lever sa séance, on vit rentrer précipitamment. plusieurs députés déja sortis, et, à leur suite, une foule considérable de femmes qui remplirent la barre, en criant, du pain, du pain! A leur tête était un orateur, nommé Maillard, il prononça un discours véhément, dit qu'un parti contre-révolutionnaire était dans l'assemblée, et désigna du Pièces je geste le côté où il siégeait. C'était la première fois que l'assemblée nationale, accoutumée aux respects et aux hommages, s'entendait interpeller avec cette dure expression. L'assurance de l'ora (7). 1789. 11 Ep. teur supposait des moyens à sa suite, et en imposa. Les mêmes femmes furent ensuite chez le roi tout s'y passa en compliments et en bouquets. Dans la soirée, les attroupements augmentèrent; les escadrons de gardes-du-corps furent mis en bataille dans la cour du château ; la garde nationale de Versailles fut réunie aux deux bataillons de Flandre; elle occupait un côté de la cour, vis-à-vis des gardes-ducorps ; dans l'intervalle qui les séparait, les hommes armés, arrivant de Paris, se tenaient épars ou rassemblés en groupes. Les propos, inévitables dans les circonstances, aménèrent des rixes. Un officier des gardes-du-corps, Savonières, menaça un de ces hommes ; là querelle amena des voies de fait; l'officier frappa de son sabre, et reçut un coup de fusil qui lui cassa le bras. L'histoire la plus impartiale, ne peut approcher l'exacte vérité, que sur les bruits les plus accrédités, et les pièces les plus authentiques. L'historien même, témoin des événements, n'a pu voir qu'autour de lui au reste, qu'il soit prouvé qu'une violence a été provoquée, il fau drait prouver encore que le provocateur n'avait pas l'intention préméditée d'amener les suites de sa provocation; et déja l'art de faire naître les événements dont on avait besoin, était connu |