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III. Ep. du pouvoir exécutif, les juges devaient être à sa nomination; ensuite la discussion fit changer les idées; les membres des tribunaux durent être élus. On balança encore, s'ils seraient perpétuels ou temporaires ; et dans un ordre de liberté naissante, le second système devait nécessairement être préféré; on laissa seulement à la nomination royale les officiers publics près chaque tribunal : Duport et Sieyes présentèrent chacun un plan différent, surtout pour l'organisation du jugement par jurés ; celui de Sieyes eut la préférence pour être discuté. De tous les établissements de cette assemblée, l'ordre judiciaire fut celui qui éprouva le moins de variations dans la suite; un tribunal par département, et un tribunal d'appel pour tous, chargé de juger des formes. Le souvenir de l'ancien pouvoir des grands corps de judicature, influait tellement sur les esprits, que ce tribunal suprême ne reçut que le nom modeste de tribunal de cassation. On régla aussi une haute-cour nationale, chargée de juger les crimes de hautetrahison. Ces changements, que le roi le plus absolu n'eût jamais osé tenter, furent décidés et exécutés sans la moindre résistance; le pouvoir de l'assemblée croissait chaque jour par son exercice même; un simple décret envoyé au loin, arrêtait les excès de la licence, appaisait les troubles, désarmait les partis; tout pliait, cédait

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ou se taisait; l'opinion régnait sur tous les in- III.* Ep: térêts privés et sur les habitudes les plus anciennement admises.

Enfin, la commune de Paris, renonçant à cet esprit de rivalité, qu'elle devait bientôt reprendre, vint solliciter son organisation définitive; les deux cent soixante représentants avaient donné leur démission ; les districts, c'està-dire les assemblées libres et indéfinies des citoyens, qui se réunissaient journellement dans chacun des soixante districts de Paris, pour y délibérer, avaient demandé leur permanence; et cette cause subsistante de désordre et d'anarchie ne pouvait plus être contenue que par une municipalité constituée; la garde nationale seule maintenait assez de police pour la sûreté des personnes et des propriétés; elle déploya toujours un caractère suivi de fermeté et de modération, qui déjoua souvent les projets du dehors; cependant elle fut attaquée dans l'assemblée; une garde d'honneur, et même de sûreté, l'entourait pendant ses séances; un membre, Foucault, député de l'ordre de la noblesse, interpella le commandant général Lafayette, et dit, qu'il fallait répéter ce qui avait été dit à Versailles : « Faites retirer les baïonnettes «<du lieu de nos délibérations! » Cet élan né manquait que d'à-propos; car il y avait de la liberté et de l'élévation: un grand tumulte.

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11. Ep. dans l'assemblée, fut suivi de quelques rassem blements, qui, à la sortie, attaquèrent de parole... plusieurs députés, Mauri, Cazalès, Mirabeau le cadet, qui toujours se tint dans le côté opposé à son frère.

La garde nationale accourut, dissipa l'attroupement, et les reconduisit en sûreté dans leur demeure; c'était leur prouver que la garde na7 avril. tionale était utile et même nécessaire. A cette même époque, on décréta définitivement les assignats comme papier-monnaie, hypothéqués sur les biens nationaux. D'abord les assignats portèrent un intérêt de 4 pour cent, qui ferait toujours partie additionnelle de la valeur ; en3mai. suite on supprima l'intérêt : l'assignat se soutint longtemps au pair, ou à peu près, avec le numéraire métallique, et plus longtemps encore au pair avec les objets de commerce, tant que la quantité de cette monnaie fictive fut en quelque proportion avec le numéraire effectif; la valeur de l'assignat déclina ensuite, selon son émission et finit par s'éteindre dans une valeur purement idéale. Cette grande mesure causa de grands dangers et servit aussi à s'en tirer; l'assignat prit crédit chez l'étranger, et s'y soutint plus longtemps qu'en France; les prisonniers français, enfermés à Temeswar en Hongrie, dans l'année 1794, y trouvaient encore 30 pour cent de nos assignats, tandis qu'ils ne valaient

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plus 8 et 9 à Paris; il n'y eut même aucune secousse publique au moment de leur extinction. En 1796, on repassa de l'usage du papier à celui de l'argent, sans autre effet qu'un agiotage très-actif, qui fit changer de main plusieurs fortunes privées. L'effet de l'assignat, fut de faire vendre une grande masse de biens nationaux, qui, divisés entre un très-grand nombre d'acquéreurs, augmenta celui des propriétaires, donna un grand intérêt au maintien de la révolution, et posa les plus sûrs fondements de la prospérité publique et de la force politique de la nation, par la subdivision des propriétés: comme opération de finance, on se mit pour longtemps l'esprit en repos; on n'eut plus à chercher des ressources pour les dépenses journalières, l'imprimerie des assignats suffit seule aux dépenses publiques.

Quoique Necker n'eût point été opposé à l'établissement d'un papier-monnaie, qu'il n'eût cependant pas osé seul, cette mesure le rendait moins nécessaire ; quelques altercations avec le comité des pensions avaient déja altéré cette faveur publique qui l'avait toujours aidé; on cherchait depuis longtemps à lui donner des dégoûts, et ses forces physiques et morales semblaient s'affaisser sous le poids des affaires. Chaque fois qu'il envoyait des mémoires à l'assemblée, ils étaient encore accueillis; mais bientôt

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après ils étaient déjoués dans les détails de l'exécution; sa haute probité et sa réputation seule le soutenaient, mais semblaient l'avertir qu'il était temps qu'il leur sacrifiât son existence politique. Son éloignement était un des moyens déterminés par le système étranger d'opposition, et tous les autres moyens intérieurs n'étaient pas négligés, au moment où les assemblées primaires furent indiquées pour réaliser le nouveau plan de constitution dans la partie administrative, et en élire tous les membres dans les municipalités, dans les districts et dans les départements. On proposa, dans l'assemblée, d'élire aussi les membres du nouveau corps législatif, qui devait remplacer l'assemblée constituante. On sentit alors tout ce que cette mesure avait de dangereux, dans un moment où l'ouvrage entamé n'était pas achevé. En même temps toutes les ressources de l'art, des émeutes, des troubles, des soulevements, furent mis en usage; les provinces du Midi donnèrent de sanglants spectacles de l'anarchie ou des dissensions civiles ; à Marseille, tous les forts gardés par les troupes, furent enlevés de force par la garde nationale de cette ville, et l'officier militaire, Beausset, qui commandait au nom du roi, fut massacré. A Valence, sur l'inquiétude qu'avaient occasionnée quelques dispositions militaires du commandant de la citadelle, Voisin, le peuple assemblé s'y porta en foule;

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