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1. Ep. rable exil, au temps des affaires contentieuses avec la cour, apporta toute l'ardeur et l'activité de son zèle, et le clergé, loin de se refuser à recevoir cette constitution, laissa faire, se vit avec plaisir constitué par des lois nationales; le public seul voyait avec regret beaucoup de séances qui n'étaient point employées à la constitution civile de l'état. On fut un moment détourné de cette occupation; le ministre de la guerre, Latour-Dupin, vint à l'assemblée lui présenter, avec le tableau d'organisation future de l'armée, le tableau affligeant de sa désorganisation présente; toute discipline y était méconnue, et l'insubordination y était dans tous les grades plusieurs causes avaient concouru au désordre, les mots de liberté et d'égalité mal expliqués, à dessein, et volontiers mal compris dans les troupes, avaient électrisé toutes les têtes; dans plusieurs corps, les officiers avaient été poursuivis, forcés de fuir ou emprisonnés, plusieurs commandants, massacrés; les caisses militaires prises et partagées, les drapeaux enlevés, partout le désordre réduit en système, plusieurs intérêts de partis s'accordaient pour opérer et maintenir le mal; l'armée faisait ombrage à ceux à qui l'enthousiasme exalté de la liberté ne montrait d'autres dangers que celui de la liberté menacée. En dedans, on youlait conserver les soldats et se

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défaire des officiers; ceux-ci, par légèreté, par III. Ep la présomption naturelle de leur état et de leur âge, exhalaient souvent leurs ressentiments en propos inconsidérés auxquels on se plaisait à donner de l'importance, pour leur en faire des torts. Les chefs populaires qui voulaient une armée, mais une armée à leurs ordres, avant de l'organiser à leur gré, voyaient volontiers se désorganiser l'ancienne. Les chefs même du parti opposé, ne voyant plus rien à perdre pour eux, apercevaient dans l'éloignement l'époque d'une subversion générale, comme une chance; ils encourageaient les démissions des officiers, en même temps que leurs adversaires les provoquaient par des dégoûts et par des violences; l'or de l'étranger, qui méditait déja une invasion, venait aider à corrompre le soldat : dans le message qu'apportait le ministre, le roi annonçait qu'il avait approuvé les fédérations qui s'étaient faites dans plusieurs villes entre les gardes nationales et les troupes de ligne; et cette mesure était la seule qui pût conserver l'armée à l'état ; on pensa même que l'appareil d'une fédération générale entre toutes les gardes nationales du royaume, pourrait donner à cette mesure plus d'éclat et plus de consistance. Déja le maire de Paris, Bailly, à la tête de la municipalité, était venu demander à l'assemblée d'autoriser par un décret cet acte solennel

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III. Ep. on pensait, avec raison, que l'acte d'union de tous les Français, et d'adhésion à leur constitution nouvelle, devait se placer dans l'intervalle juin. de l'ancien régime au nouveau, et laisser à l'historien des souvenirs et des traces d'un événement vraiment national. Un décret ordonna la réunion dans chaque chef-lieu de district, de six hommes sur cent de chaque commune; et là, on dut choisir un homme sur deux cents, pour envoyer à Paris : on calcula que la représentation formerait environ 60,000 députés en armes dans la capitale; c'était la plus nombreuse réunion représentative dont les fastes d'une nation eussent conservé la mémoire. Cette pensée était grande; l'époque fut fixée au 14 juillet, et on s'occupa des préparatifs de cette solennité qui renouvellait les Champs de mars et de mai des anciens Francs; chaque corps de l'armée dut envoyer un officier, un basofficier, et quatre soldats. On eut, ou on feignit quelques inquiétudes de voir Lafayette à la tête d'une telle armée; il monta à la tribune pour demander un décret qui défendît qu'aucun citoyen pût être commandant de la garde nationale de plus d'un département, et même de plus d'un district.

Le roi s'était porté au devant de tout ce qui pouvait faciliter cette fédération, et une députation de l'assemblée lui avait porté les témoi

gnages de sa reconnoissance; il avait fait part III. Eps à l'assemblée, de son intention d'aller s'établir 1790. pendant l'été à Saint-Cloud. Sur de nouvelles instances de l'assemblée pour qu'il daignât fixer lui-même la somme nécessaire à sa dépense personnelle, il ayait demandé 15,000,000 et ses 9 juin maisons de plaisance par acclamation et sans discussion, tout avait été décrété à l'instant ainsi que 4 millions pour le douaire de la reine; enfin toutes les communications de la confiance semblaient établies entre le trône et la représentation nationale.

Le jour qui semblait devoir sceller cette union, le jour de la fédération s'approchait ; toutes les mesures de sûreté et de police étaient disposées. On avait choisi pour le lieu du rassemblement le vaste enclos situé sur le bord de la Seine, au devant de l'École militaire; up pont de bateaux conduisait à l'arc de triomphe qui en décorait l'entrée; à l'autre extrémité, un vaste bâtiment, couvert et décoré, était préparé pour recevoir l'assemblée, le roi et son cortége; au milieu de l'espace s'élevait un autel sur un stilobate de 25 pieds de haut, entouré de degrés les terres étaient amoncelées en amphithéâtre sur les deux parties latérales; il contenait des siéges pour 160,000 spectateurs assis, et 100,000 debout; l'arène qui restait au milieu de ce vaste cirque, pouvait suffire aux

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III. Ep. dispositions et aux mouvements de 50,000 hommes sous les armes les travaux qu'exigeait cet appareil ne pouvant être achevés par 12,000 ouvriers qui y étaient employés, on vit d'abord des citoyens s'y joindre volontairement, ensuite l'enthousiasme se communiquant, on vit tous les corps civils ou militaires s'y rendre avec ordre aux heures indiquées; les curieux qu'attirait le spectacle, se mêlant bientôt aux travailleurs, on voyait les voitures chargées et traînées par les femmes les plus élégamment vêtues; les prêtres, les religieux, les citoyens les plus riches maniaient les instruments de travail, et tous les jours 100,000 ouvriers de tous les états de la société, donnaient le spectacle d'un atelier immense mêlé de chants, de danses et d'instruments militaires. Des préparatifs d'une plus haute importance se disposaient en même temps, au sein de l'assemblée ; tout ce qui pouvait frapper l'esprit et y laisser de grands souvenirs; une députation de l'uni(9). vers, car c'est ainsi qu'il fallut signaler une réunion d'étrangers de toutes les parties du monde, se présenta à la barre avec la variété de costumes et de personnages, faite pour attirer l'attention : elle y venait, au nom du genre humain, remercier l'assemblée des principes de liberté publique et générale qu'avaient manifestés ses décrets. Toute nation est composée

Pièces.

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