1790. III. Ep. était une facilité usitée et réciproque pour des changements de garnison; mais cette conférence amena d'autres éclaircissements. Un manifeste avait été répandu en France, au nom du prince de Condé, et il était régardé comme le chef du parti qui commençait à se former autour des princes qui s'étaient éloignés de France. On proposa un délai de trois semaines pour que le manifeste fût désavoué, sous peine de confiscation des biens de la maison de Condé. On proposa aussi diverses mesures de sûreté au dedans et au dehors. L'assemblée, quoiqu'elle ne doutât d'aucun de ces faits, considérant qu'elle n'en avait cependant aucune connaissance officielle, passa avec dignité à l'ordre du 29 juill. jour, et renvoya le tout au pouvoir exécutif. $ août. On acheva, cependant, les décrets relatifs à la constitution des armées de terre et de mer; et le président dut se retirer pardevers le roi, pour lui en demander la prompte exécution. Une affaire plus personnelle vint appeler l'attention de l'assemblée. L'information sur les attentats de la nuit du 6 octobre était terminée au tribunal du Châtelet; ses membres, en députation, vinrent à la barre, appor tèrent la procédure, et annoncèrent qu'elle contenait le nom de deux membres de l'assemblée, assez impliqués par l'audition des témoins, pour que le respect dû au caractère de le 1790. représentant du peuple, ait, seul, pu arrêter le III. Ep« cours de la justice, jusqu'à ce que l'assemblée eût déterminé les démarches ultérieures du tribunal. Les prévenus ne furent pas nommés dans le discours, mais personne n'ignorait qu'il s'agissait de Mirabeau et de Philippe d'Orléans. L'affaire fut renvoyée d'abord au comité des recherches, ensuite au comité des rapports. Mirabeau lui-même proposa et fit. passer décret. Cette grande accusation ne fut jugée que quelque temps après; les deux prévenus furent mis hors d'accusation. Ce qui fut remarquable, c'est que l'assemblée, presque entière, se refusa à prononcer sur chacun des prévenus, et voulut que le même décret réunît leur jugement. Plus de dix mois s'étaient écoulés depuis les événements dénoncés ; on craignit d'intéresser un grand nombre de coupables, ou présumés tels, et l'idée de faire le procès à la révolution, comme on disait alors, l'emporta sur toute autre considération. Le procès ne contenait aucun fait probant, aucune charge convaincante; mais les dépositions cumulaient une foule de témoignages, et des vraisemblances rapprochées formaient au moins un corps de preuves morales, qui eussent pu disparaître par un jugement, et qu'un refus de mise en jugement laissa entières, malgré la violence de Mirabeau, acquitté, qui se leva et dit. « Oui, le secret de cette << infernale procédure est découvert; il est là tout III. Ep. 1790. << entier (en désignant le côté droit); il est dans <<< l'intérêt de ceux dont le témoignage et les ca<< lomnies en ont formé le tissu; il est dans les « ressources qu'elle a fournies aux ennemis de la «<< révolution; il est. . . . il est dans le cœur des « juges, tel qu'il sera bientôt buriné dans l'his«<toire, par la plus juste et la plus implacable <«< vengeance....>> Alors les formes de la justice publique n'étaient encore que provisoires. L'assemblée s'occupait dans ce même moment de cette partie du code judiciaire ; la discussion cherchait à déterminer la nature de l'accusation publique ; on sentait combien cette fonction était à la fois importante et délicate dans une époque de révolution, où les partis, pouvant successivement prévaloir, se hâtent de s'emparer du glaive de la justice, et tiennent sa balance d'une main difficilement impartiale et équitable. Un premier décret décida que la fonction de l'accusateur public ne serait point exercée par les commissaires du roi près les tribunaux. On la rendit ensuite élective par la voix des assemblées électorales; on termina enfin l'ordre judiciaire par l'institution des juges-de-paix et l'établissement des tribunaux de famille; on posa les bases et les principes de ces deux premiers éléments de la justice publique et distributive; on laissa au temps le soin de les porter à leur perfection: c'était tout ce qu'il permettait alors à l'activité de l'assemblée, sans cesse détournée par 1790. les événements extérieurs. Les insurrections se III. Ep. multipliaient dans l'armée; cependant l'égarement avait toujours cédé à l'autorité, et surtout à celle d'un décret. Mais une insurrection d'un caractère plus inquiétant, éclata à Nanci. La garnison, composée de six bataillons et de quatre escadrons, s'empara de la place et s'y maintint en défense. Comme cet événement fut lié à de plus grands événements, les détails en sont nécessaires. Depuis quelque temps, le motif, ou plutôt le prétexte de l'insurrection des soldats, était des répétitions de solde, et plusieurs caisses avaient éte pillées. La garnison de Nanci était composée d'un corps d'infanterie, appelé le régiment du roi, et jouissant de grands priviléges dans l'armée, et d'un corps de troupes suisses : l'un et l'autre, après s'être fait délivrer successivement de fortes sommes par leurs chefs, recurent un officier général chargé d'examiner leurs plaintes qui, bientôt devenant des menaces, le forcèrent à se faire passage, l'épée à la main, et ensuite de se retirer précipitamment à Lunéville, où était le corps des carabiniers, à ses ordres. Poursuivi de'près par une troupe de cavaliers, à peine eut-il le temps de mettre sa troupe en défense. Les cavaliers furent repoussés, plusieurs tués, et le reste pris. Aussitôt les soldats de Nanci courent tumultueusement aux III. Ep. armes; les officiers ne sont plus entendus; le 1790. chef, Lanoue, est saisi, traîné en prison, plu sieurs officiers blessés en voulant le défendre. Dès ce moment, l'insurrection devint révolte; et toute la troupe de Nanci se porta sur Lunéville pour venger la mort de leurs camarades, et avoir le commandant des carabiniers, Malseigne, mort ou vif. Aux premières approches de cette horde sans ordre et sans chef, les magistrats civils de Lunéville se portèrent sur le chemin, au devant d'elle; et, craignant le pillage, requirent le corps des carabiniers de se retirer et de se former dans la plaine: de là on négocia; on convint que Malseigne se rendrait à la maison commune avec une escorte, et que sa personne serait assurée contre toute violence; mais à peine entré dans la ville, les soldats se saisirent de lui, voulant l'emmener avec eux. Il fut encore obligé de s'échapper de leurs mains, et plusieurs des cavaliers de son escorte furent tués. Cependant, sans que l'on ait pu savoir le motif de cette détermination subite, la troupe de Nanci reprit le chemin de cette ville; et dans la même nuit, sur une fausse alarme, les carabiniers montèrent à cheval, et dans le moment que Malseigne se rendait à la tête de sa troupe, il fut envelopé, conduit à Nanci, et livré à la garnison. Tous ces événements arrivèrent successive. |