Page images
PDF
EPUB

1790.

ment à l'assemblée, et l'on fit d'abord des dé- HI. Εpi crets de cir constance pour ramener des hommes égarés; mais, soit que les autorités civiles de Nanci fussent intimidées et maîtrisées par les 16 août. soldats, soit que, dans une ville, ancien patrimoine de la maison d'Autriche, où le souvenir du dernier duc Charles n'était pas effacé, où depuis, Stanislas, roi de Pologne, avait répandu beaucoup de grâces de cour, le nouvel ordre de choses trouvât des ennemis, les décrets conciliatoires ne furent point publiés, et la garnison révoltée resta toujours entre la crainte de se soumettre à discrétion, et la nécessité de soutenir ses premières démarches.

Le dernier décret priait le roi de prendre les mesures nécessaires pour que force restat à la loi.

En conséquence, le général Bouillé avait reçu ordre de rassembler les troupes de son commandement, et de les joindre aux gardes na-' tionales de Metz. Il marcha avec environ trois mille hommes.

Nanci, outre la garnison révoltée, contenait beaucoup d'étrangers qui, sous l'habit de garde nationale, s'y étaient introduits, prenaient part aux troubles et les augmentaient. Lorsque la marche du général Bouillé fut connue, les soldats forcèrent les magistrats civils de publier un arrêté qui ordonnait aux habitants de prendre les armes et de se joindre à eux.

III.. Ep. 1790.

Le général Bouillé n'était qu'à deux lieues de Nanci. On lui députa quatre soldats; ils portaient des lettres circulaires imprimées, et se vantaient qu'en deux heures, tous les soldats de son armée seraient désarmés, c'est-à-dire, gagnés et ralliés à eux; cette armée n'étant composée Procès- que de détachements tirés de différents corps, la différence des uniformes fit croire aux soldats députés, qu'elle était forte au moins de quinze mille hommes. Les soldats de Bouillé les accablèrent de mépris; il fut même obligé de leur donner une escorte pour assurer leur retraite.

verbal.

Les officiers municipaux venus avec les soldats députés, ne voulurent point retourner avec eux, et écrivirent les intentions du général :

1.° Que les deux officiers Malseigne et Denoue détenus, fussent reconduits, dehors de la ville, à la tête des trois régiments pour y attendre les ordres;

2.° Que quatre soldats, par régiment, fussent envoyés sur le champ à l'assemblée nationale, pour y être jugés selon la rigueur des lois, avec menaces, en cas de refus, de passer au fil de l'épée tout ce qui serait trouvé en armes dans la ville.

La garnison de Nanci commençait à être étonnée de sa position et de la fermeté du général; on lui députa encore quatre soldats par régiment; giment; il les reçut, à la tête de son armée, et in. Ep: leur dicta sa réponse :

1790.

verbal.

<<< Dans une heure, M. de Malseigne et M. De- Procès<<< noue seront en dehors de la ville, ainsi que les <<< trois régiments reposés sur les armes, sinon << j'entre à coups de canon. Signé, Bouillé. »

Déja son ordre s'exécutait; les deux officiers étaient sortis de leur prison et reconduits à son armée; les trois régiments s'étaient rendus, hors de la ville, au lieu qui leur avait été prescrit; la municipalité avait ordonné de retirer les postes qui défendaient les portes de la ville; mais ces postes, composés de soldats volontaires, et en grande partie, de ces hommes inconnus et étrangers qui s'étaient mêlés avec les habitants armés, refusèrent d'obéir, et firent feu sur l'avant-garde, qui s'était arrêtée à trente pas de la porte. Cette avant-garde était composée de gardes nationales de Metz, la moitié tomba à la première décharge, le reste força la porte et pénétra dans la ville; ce fut là qu'un jeune officier du régiment du roi, Desilles, dont le nom est dû à la postérité, après d'inutiles efforts pour empêcher les soldats rebelles de mettre le feu au canon, se jeta sur la pièce, et, ne pouvant en être arraché par eux, y fut percé de plusieurs coups dont il mourut, peu de jours après; il put encore recevoir les témoignages honorables de l'assemblée et du roi.

Tome I.

17

II. Ep. 1790.

Au premier bruit de cette attaque imprévue, lorsqu'on croyait la paix assurée, les cris de trahison et de perfidie éclatèrent dans les deux partis; les régiments sortis rentrèrent dans la ville; le combat s'engagea dans les rues; les colonnes de l'armée étaient fusillées des fenêtres et des caves, et le feu ne finit qu'à la nuit.

A l'impression que fit dans l'assemblée la nouvelle de cet événement, il eût été facile de reconnaître l'esprit de chaque parti. Les hommes sages et modérés applaudissaient ; mais regrettaient, à la fois, un succès sanglant, qui pouvait présager une guerre civile. Le parti révolutionnaire craignait de voir s'éteindre trop tôt cet élan nécessaire, ou du moins inévitable dans les révolutions. Le parti opposé triomphait d'un succès qui semblait prouver l'insuffisance des moyens du législateur, et la nécessité d'une force réprimante et unique pour l'exécution des lois; mais la tribune des jacobins, qui, de jour en jour, devenait une puissance, retentit d'inculpations contre Bouillé. On lui demandait compte du sang français. Il fallut même le défendre à la tribune de l'assemblée.

L'envie se servit d'un patriotisme égaré pour lui susciter des ennemis; et l'espèce de défaveur populaire qu'il éprouva, à cette époque, ne contribua pas peu à le jeter dans le parti opposé, où sa prépondérance était desirée, tandis

[ocr errors]

1790.

qu'elle était redoutée dans le parti de la ré- ΠΙ.. Ερ. volution, où les grands moteurs le préféraient ennemi plutôt que rival. L'instruction de cette affaire fut renvoyée à l'assemblée, et le roi nomma des commissaires : les Suisses furent livrés à la justice militaire des régiments de leur nation; dix-sept furent pendus, vingthuit envoyés aux galères, dont ils sortirent par un décret de la première assemblée législative. On jugea, à cette époque, l'affaire d'Avignon; deux partis avaient pris les armes et le sang avait coulé; ensuite le parti populaire vainqueur s'était porté à des excès qui avaient obligé le plus grand nombre de leurs adversaires de quitter la ville. La garde nationale d'Orange avait été obligée d'intervenir. Avignon sollicitait sa réunion à la France; et, après avoir discuté tous les titres diplomatiques, tous les traités qui en assuraient la souveraineté aux papes, les principes de l'assemblée la ramenèrent au titre originel qui, sans doute, laisse à un peuple le droit de changer son gouvernement, quand sa volonté est prononcée d'une manière que le nombre et la persistance ne laisse pas douteuse.

Ces titres étaient, en même temps, discutés dans une affaire de plus haute importance; il existait un traité, sous le nom de pacte de famille, qui liait tous les souverains de la maison de

« PreviousContinue »