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notre langue, trop délicat et trop susceptible. Les Latins disaient tout et nommaient tout; ils n'avaient pas, comme nous, deux idiomes; l'un, élevé et théatral; l'autre, familier et usuel. Nous traitons trop l'Histoire comme l'Épopée : elle marcherait mieux avec le brodequin qu'avec le cothurne dont nous la rehaussons; peut-être même doit-elle, pour peindre, se servir toujours des couleurs contemporaines : le style de l'Histoire du siécle de Louis XIV, ne doit pas être le même que celui de l'Histoire d'un temps de révolution populaire; il faut parler la langue

du

pays où l'on se trouve, et le langage de chaque siécle est un des traits qui en caractérise le tableau.

On ne trouvera donc placé ici en pièces justificatives ou en notes historiques, que ce qu'on n'a pas osé faire entrer dans le texte de l'Histoire, soit par ménagement pour notre extrême délicatesse, soit comme détails trop minutieux, selon nous. Souvent ce sacrifice à coûté, et sûrement il a terni la couleur. Dans une époque où la langue même a subi des altérations, où des expressions nouvelles ont été admises,

où la nécessité de tout dire, comme de tout faire à la fois et à la hâte, obligeait à négliger les formes, pour ne s'occuper que du fond des sujets, il était inévitable que le Dictionnaire s'augmentât de volume en perdant souvent de sa pureté : il a cependant fallu se servir du Dictionnaire courant, sons peine de parler une autre langue, et de manquer ainsi un trait de la ressemblance.

Les nuances même ont été tranchantes; la langue de la convention ne fut pas la même que celle de la première assemblée : on ne s'occupa plus de pureté de style ni de l'élégance d'expression; et de plus, les mêmes orateurs n'eurent pas le même idiome à la tribune législative et à la tribune des jacobins. Il y a telle période de la révolution où la langue devint aussi, dure, barbare et féroce, et l'historien est obligé d'y forcer son style, comme un compositeur adapte sa musique aux paroles.

Il arrivera quelquefois que plusieurs pièces seront jointes sous le même chiffre de renvoi,

quoique n'appartenant pas précisément au même événement; alors le rapprochement, l'à-propos, la convenance, sont dans le rapport de circonstances semblables.

JUSTIFICATIVE S.

INTRODUCTION.

No. I. (Page 5.)

Fragments du discours de Calonne aux notables, en 1787.

En général, l'économie d'un ministre des finances peut exister sous deux formes si différentes, qu'on pourrait dire que ce sont deux sortes d'économie.

res,

L'une qui frappe tous les yeux par des dehors sévèqui s'annonce par des refus éclatants et durement prononcés, qui affiche la rigueur sur les moindres objets, afin de décourager la foule des demandeurs. C'est une apparence imposante qui ne prouve rien pour la réalité, mais qui fait beaucoup pour l'opinion: elle a le double avantage d'écarter l'importune cupidité, et de tranquilliser l'inquiète ignorance.

L'autre, qui tient au dévoir plutôt qu'au caractère, peut faire plus en se montrant moins; stricte et réservée pour tout ce qui a quelque importance, elle n'affecte pas l'austérité pour ce qui n'en a aucune; elle laisse parler de ce qu'elle accorde, et ne parle pas de ce qu'elle épargne; parce qu'on la voit accessible aux demandes, on ne veut pas croire qu'elle en rejette, la plus grande partie; parce qu'elle tâche d'adoucir l'amertume des

refus, on la juge incapable de refuser; parce qu'elle n'a pas l'utile et commode réputation d'inflexibilité, on lui refuse celle d'une sage retenue; et souvent, tandis que, par une application assidue à tous les détails d'une immense gestion, elle préserve les finances des abus les plus funestes, et des impérities les plus ruineuses, elle semble se calomnier elle-même par un extérieur de facilité que l'envie de nuire a bientôt transformé en profusion.

Mais, qu'importe l'apparence, si la réalité est incontestable? Persuadera-t-on que les libéralités sont devenues excessives, lorsqu'il est constaté par le compte effectif de l'année dernière, que les pensions qui s'élevaient notoirement à 28 millions ne montent plus qu'à environ 26, et qu'elles continueront nécessairement de décroître, chaque année, par l'exécution du réglement que sa majesté a rendu le 8 mai 1785? Refusera-t-on de reconnaître que, dans un royaume comme la France, la plus certaine, la plus grande des économies consiste à ne pas faire de fausses opérations; qu'une seule méprise en administration, une spéculation erronée, un emprunt mal calculé, un mouvement rétrograde, coûtent infiniment plus au trésor public, sans qu'on le sache, que les dépenses ostensibles dont on parle le plus, et que le titre d'administrateur économe est plutôt dû à celui dont on ne peut citer aucune opération manquée, qu'à celui qui ne s'attacherait qu'à des épargnes souvent illusoires et toujours plus avantageuses au ministre qui s'en fait un mérite, qu'à l'État dont l'utile splendeur est incompatible avec une puérile parcimonie..........

Ces comptes, dressés sous deux points de vue, l'un, pour l'année 1787, l'autre, pour une année ordinaire, présentent une balance très-correcte des recettes et dé

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