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IV

Ballade pour prier Nostre Dame

(Le Testament, 1461)

Dame des cieulx, regente terrienne,
Emperiere des infernaux palus,1

Recevez moy, vostre humble chrestienne,
Que comprinse soye entre vos esleus,

Ce non obstant qu'oncques rien ne valus.
Les biens de vous, Ma Dame et Ma Maistresse,

2

Sont trop plus grans que ne suis pecheresse,

Sans lesquelz biens ame ne peut merir
N'avoir les cieulx, je n'en suis jangleresse.3
En ceste foy je vueil vivre et mourir.

A vostre Filz dictes que je suis sienne;
De luy soyent mes pechiez abolus;
Pardonne moy comme a l'Egipcienne,1
Ou comme il feist au clerc Theophilus,5
Lequel par vous fut quitte et absolus,
Combien qu'il eust au deable fait promesse.
Preserve moy que face jamais ce,
Vierge, pourtant, me vueillés impartir
Le sacrement qu'on celebre a la messe.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.

6

Femme je suis povrette et ancïenne,
Qui riens ne sçay; oncques lettre ne leus.
Au moustier voy dont suis paroissienne
Paradis paint, ou sont harpes et lus,8
Et ung enfer ou dampnez sont boullus:
L'ung me fait paour, l'autre joye et liesse.

'The marshes of the underworld.

2 much.

4 St. Mary of Egypt, d. 421.

3 untruthful.

5 Steward of the Monastery of Adana in Cilicia.

" although he.

7 church.

8 lutes.

La joye avoir me fay, haulte Deesse,
A qui pecheurs doivent tous recourir,
Comblez de foy, sans fainte ne paresse.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.

ENVOY

Vous portastes, digne Vierge, princesse,
Iesus regnant qui n'a ne fin ne cesse.
Le Tout Puissant, prenant nostre foiblesse,
Laissa les cieulx et nous vint secourir,
Offrit a mort sa tres chiere jeunesse ;
Nostre Seigneur tel est, tel le confesse.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.

V

L'Épitaphe Villon
(1463)

Freres humains qui après nous vivez,
N'ayez les cuers contre nous endurcis,
Car, se pitié de nous povres avez,
Dieu en aura plus tost de vous mercis.
Vous nous voiez cy attachez cinq, six:
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça1 devorée et pourrie,

Et nous, les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s'en rie;

Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!

Se vous clamons 2 freres, pas n'en devez
Avoir desdaing, quoy que fusmes occis
Par justice. Toutesfois, vous sçavez
Que tous hommes n'ont pas bon sens assis;
Excusez nous, puis que sommes transsis,3
Envers le fils de la Vierge Marie,

' long since.

3 call.

3 departed.

Que sa grace ne soit pour nous tarie,
Nous preservant de l'infernale fouldre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie; 1

1

Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!

La pluye nous a büez 2 et lavez,

Et le soleil dessechiez et noircis ;

Pies, corbeaulx, nous ont les yeux cavez,
Et arrachié la barbe et les sourcis.
Jamais nul temps nous ne sommes assis;
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d'oiseaulx que dez a couldre.
Ne soiez donc de nostre confrairie;

Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!

ENVOY

Prince Jhesus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie:
A luy n'ayons que faire ne que souldre.3
Hommes, icy n'a point de mocquerie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!

CLÉMENT MAROT

(b. Cahors, 1496 or 1497; d. Turin, 1544)

CLÉMENT MAROT, as his father before him (see Introduction, p. 2), was a courtier. After an idle childhood and youth, he became in 1519 gentleman-in-waiting to Queen Margaret of Navarre, who, like her brother, François I., was an enlightened ruler, ever ready to protect graceless poets from ecclesiastical persecutors. At the Battle of Pavia in 1524 Marot was taken prisoner along with François I. In 1526 his Protestant leanings were the cause of his imprisonment No one harries us. * scoured. s to pay.

in the Châtelet, and all that the intervention of powerful friends (see No. VI.), could effect was to have him transferred to more comfortable prison quarters at Chartres. After various other difficulties with both the ecclesiastical and the civil authorities, he succeeded to his father's office at Court, and found time and peace to follow his literary bent, publishing in 1532 his first collection of poems, entitled Adolescence Clémentine, and an edition of Villon, whom he admired.

But in 1535 King François hardened his heart against Protestants, and Marot fled, first to Navarre, then to Italy. When he returned to France at the end of the following year, he is said to have abjured his religion at Lyons, but, having incurred disfavour by his verse translation of the Psalms in 1543, he retired to Geneva (where, however, he chafed under Calvin's strict rule), and then to Italy, where, a year later, he died.

Marot's work consists of the lighter forms of verse, epigrams and satires, translations from the classics and, in his later years, from the Bible. He can scarcely be called a great poet, because he is more flippant than profound, but he is at least sprightly, witty and elegant, and sums up in a charming form the sunny philosophy of the early Renaissance.

EXTRACTS

VI. Incarcerated for eating meat in Lent, Marot invokes the aid of his friend, Lyon Jamet, secretary to the Duchess of Ferrara, by pointing the moral of the story of the "Lyon" and the Rat.

VII. A typical sixteenth century description of scenery-that amid which Marot spent his boyhood. The poem was written in prison at Chartres.

VIII. Others may be fickle lovers, but the poet professes undying fidelity to Virtue.

VI

A son Amy Lyon

(1526)

Je ne t'écry qui est rude ou affable,
Mais je te veulx dire une belle fable,
C'est à sçavoir du lyon et du rat.

Cestuy lyon, plus fort qu'un vieil verrat,
Veit une foys que le rat ne sçavoit
Sortir d'un lieu, pour autant qu'il avoit
Mangé le lard et la chair toute crue;
Mais ce lyon (qui jamais ne fut grue)
Trouva moyen et maniere et matiere,
D'ongles et dens, de rompre la ratiere,
Dont maistre rat eschappe vistement,
Puis meit à terre un genouil gentement,
Et, en ostant son bonnet de la teste,
A mercié mille foys la grand' beste,
Jurant le Dieu des souris et des ratz
Qu'il luy rendroit. Maintenant tu verras
Le bon du compte. Il advint d'aventure
Que le lyon pour chercher sa pasture
Saillit dehors sa caverne et son siege,
Dont (par malheur) se trouva prins au piege,
Et fut lié contre un ferme posteau.
Adonc le rat, sans serpe ne cousteau,
Y arriva joyeux et esbaudy,

Et du lyon (pour vray) ne s'est gaudy,
Mais despita chatz, chates et chatons,
Et prisa fort ratz, rates et ratons,
Dont il avoit trouvé temps favorable
Pour secourir le lyon secourable,
Auquel a dict: "Tays toy, lyon lié,
Par moy seras maintenant deslyé:
Tu le vaulx bien, car le cueur joly as:
Bien y parut quand tu me deslyas.
Secouru m'as fort lyonneusement;
Or secouru seras rateusement."

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