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Toy, Seigneur, qui abbats, qui blesses, qui gueris,

Qui donnes vie et mort, qui tue et qui nourris?

Les princes n'ont point d'yeux pour voir ces grand'merveilles;

Quand tu voudras tonner, n'auront-ils point d'oreilles?
Leurs mains ne servent plus qu'à nous persecuter;
Ils ont tout pour Satan, et rien pour te porter.
Sion ne reçoit d'eux que refus et rudesses,
Mais Babel les rançonne et pille leurs richesses;
Tels sont les monts cornus qui (avaricieux)
Monstrent l'or aux enfers et les neiges aux cieux.
Les temples du payen, du Turc, de l'idolatre,
Haussent au ciel l'orgueil du marbre et de l'albastre,
Et Dieu seul, au desert pauvrement hebergé,
A basti tout le monde et n'i est pas logé!

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(Les Tragiques: Jugement)

O enfans de ce siecle, ô abusez mocqueurs,
Imployables esprits, incorrigibles cœurs,
Vos esprits trouveront en la fosse profonde
Vray ce qu'ils ont pensé une fable en ce monde.
Ils languiront en vain de regret sans mercy.
Vostre ame à sa mesure enflera de soucy.
Qui vous consolera? L'amy qui se desole
Vous grincera les dents au lieu de la parolle.

Les Saincts vous aimoient-ils? Un abisme est entr'eux;
Leur chair ne s'esmeut plus, vous estes odieux.
Mais n'esperez-vous point fin à vostre souffrance?
Point n'esclaire aux enfers l'aube de l'esperance.
Dieu auroit-il sans fin esloigné sa merci?
Qui a peché sans fin souffre sans fin aussi.
La clemence de Dieu faict au ciel son offyce,
Il desploye aux enfers son ire et sa justice.
Mais le feu ensouphré, si grand, si violent,

Ne destruira-t-il pas les corps en les bruslant?
Non. Dieu les gardera entiers à la vengeance,
Conservant à cela et l'estoffe et l'essence,
Et le feu qui sera si puissant d'operer
N'aura pouvoir d'esteindre, ains de faire durer,
Et servira par loy à l'eternelle peine.

L'air corrupteur n'a plus sa corrompante haleine,
Et ne faict aux enfers office d'element;
Celuy qui le mouvoit, qui est le firmament,
Ayant quitté son bransle et motives cadences,
Sera sans mouvement, et de là sans muances.
Transis, desesperez, il n'y a plus de mort
Qui soit pour vostre mer des orages le port.
Que si voz yeux de feu jettent l'ardente veüe
A l'espoir du poignard, le poignard plus ne tue.
Que la mort (direz-vous) estoit un doux plaisir !
La mort morte ne peut vous tuer, vous saisir.
Voulez-vous du poison? en vain cest artifice.
Vous vous precipitez? en vain le precipice.
Courez au feu brusler, le feu vous gelera;
Noyez-vous, l'eau est feu, l'eau vous embrasera ;
La peste n'aura plus de vous misericorde;
Estranglez-vous, en vain vous tordez une corde;
Criez après l'enfer, de l'enfer il ne sort
Que l'éternelle soif de l'impossible mort.

FRANÇOIS DE MALHERBE

(b. Caen, 1555; d. 1628)

THE scion of a legal family in Normandy, Malherbe received a sound education at Caen and Paris, completed at the Universities of Bâle and Heidelberg. Quarrelling with his family, he settled in Provence, where, at the age of twentysix, he married a widow who had already had two husbands. His fame having attracted the notice of Henry IV., he was

brought to the Paris Court in 1605 as semi-official laureate, and acted thenceforth as supreme arbiter in matters of poetic diction.

Malherbe's Norman birth, legal surroundings, unromantic marriage and court connection are not without their bearing on his poetry. It consists of Les Larmes de Saint Pierre (1587), a close imitation of Italian models and showing the same faults as Ronsard, various Moral Odes, ultimately collected under the title Bouquet de fleurs à Sénèque (1590), and occasional pieces, such as the ode to Henry IV., Sur la Prise de Marseille (1596), and the famous Consolation (1599). While Malherbe's maturer poems are in sharp contrast with the exuberant manner of La Pléiade and models of clarity and polish, they appeal more to the head than to the heart, they are uninspired and, being usually suggested by great public events in which he can have had little direct personal interest, they are often abstract and general. His qualities are such as are equally valuable in prose; his shortcomings are in lyric inspiration, tact and sensibility; his tendency is towards frigidity and, sometimes, bathos.

EXTRACTS

XXIII. Logic, classical allusion, historical precedent and personal candour are invoked to console a nobleman of Provence for the loss of his young and beautiful daughter, Marguerite. Stanzas 5-18, seldom quoted, because they weaken the effect and offend good taste, are typical of Malherbe's sturdy faith in the power of reason.

XXIV and XXV. Despite his fondness for pagan allusion, Malherbe found congenial themes in Christian doctrines: equality in death (cp. No. XVII.) and the transitory nature of this world.

XXVI. A wild lament for Marc-Antoine de Malherbe, a magistrate at Aix and an incorrigible dueller, who met his death at the hands of a Jewish officer.

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Tithon 1 n'a plus les ans qui le firent cigale;
Et Pluton aujourd'hui,

Sans égard du passé, les mérites égale
D'Archémore 2 et de lui.

Ne te lasse donc plus d'inutiles complaintes:
Mais, sage à l'avenir,

Aime une ombre comme ombre, et des cendres éteintes
Éteins le souvenir.

C'est bien, je le confesse, une juste coutume
Que le cœur affligé,

Par le canal des yeux vidant son amertume,
Cherche d'être allégé.

Même quand il avient que la tombe sépare
Ce que nature a joint,

Celui qui ne s'émeut a l'âme d'un barbare,
Ou n'en a du tout point.

Mais d'être inconsolable, et dedans sa mémoire
Enfermer un ennui,

N'est-ce pas se haïr, pour acquérir la gloire
De bien aimer autrui?

Priam, qui vit ses fils abattus par Achille,
Dénué de support,

Et hors de tout espoir du salut de sa ville,
Reçut du réconfort.

François, quand la Castille, inégale à ses armes,
Lui vola son Dauphin,3

Sembla d'un si grand coup devoir jeter des larmes
Qui n'eussent point de fin.

1 Granted immortality, he had forgotten to ask for eternal youth; weary of age, he longed for death and he was turned into a grasshopper.

So called because of the shortness of his life; the infant prince of Nemea.

3 Son of François I. He was supposed to have been poisoned by the Spaniards.

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