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XXIV

Paraphrase d'une Partie
du Psaume CXLV

N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde;
Sa lumière est un verre, et sa faveur une onde
Que toujours quelque vent empêche de calmer.1
Quittons ces vanités, lassons-nous de les suivre:
C'est Dieu qui nous fait vivre,
C'est Dieu qu'il faut aimer.

En vain, pour satisfaire à nos lâches envies,
Nous passons près des rois tout le temps de nos vies
A souffrir des mépris et ployer les genoux:

Ce qu'ils peuvent n'est rien; ils sont, comme nous sommes,
Véritablement hommes, ;

Et meurent comme nous.

Ont-ils rendu l'esprit, ce n'est plus que poussière
Que cette majesté si pompeuse et si fière

Dont l'éclat orgueilleux étonnait l'univers;

Et, dans ces grands tombeaux où leurs âmes hautaines
Font encore les vaines,

Ils sont mangés des vers.

Là se perdent ces noms de maîtres de la terre,

D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre;

Comme ils n'ont plus de sceptre, ils n'ont plus de flatteurs; Et tombent avec eux, d'une chute commune,

Tous ceux que leur fortune

Faisait leurs serviteurs.

1 se calmer.

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Que mon fils ait perdu sa dépouille mortelle,
Ce fils qui fut si brave, et que j'aimai si fort,
Je ne l'impute point à l'injure du sort,
Puisque finir à l'homme est chose naturelle.

Mais que de deux marauds la surprise infidèle
Ait terminé ses jours d'une tragique mort;
En cela ma douleur n'a point de réconfort,
Et tous mes sentiments sont d'accord avec elle.

O mon Dieu, mon Sauveur, puisque, par la raison
Le trouble de mon âme étant sans guérison,
Le vœu de la vengeance est un vœu légitime,

Fais que de ton appui je sois fortifié;
Ta justice t'en prie, et les auteurs du crime
Sont fils de ces bourreaux qui t'ont crucifié.

MARC-ANTOINE GERARD

Sieur de SAINT-AMANT

(b. Rouen, 1594; d. 1661)

THE son of a mariner who had commanded one of Queen Elizabeth's squadrons, Saint-Amant led a merry, wandering life, now a swashbuckler (Sardinia 1641), now attached to diplomatic missions (England 1643), now living at the Polish or the Swedish Court, at all times a familiar figure in the Paris cabarets, as the uncrowned "roi des goinfres." One of the original members of the French Academy, he is chiefly famous for the ridicule which Boileau poured on his long idyll, Moïse sauvé (1653), but the poetic talent which Saint-Amant wasted on fleshly topics was considerable and might in a less Bacchanalian age have been turned to high purpose.

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XXVII. A specimen of the lighter vein practised in the first half of the seventeenth century.

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Assis sur un fagot, une pipe à la main,
Tristement accoudé contre une cheminée,
Les yeux fixés vers terre, et l'âme mutinée,
Je songe aux cruautés de mon sort inhumain.

L'espoir, qui me remet du jour au lendemain,
Essaye à gagner temps sur ma peine obstinée,
Et, me venant promettre une autre destinée,
Me fait monter plus haut qu'un empereur romain.

Mais à peine cette herbe est-elle mise en cendre,
Qu'en mon premier état il me convient descendre
Et passer mes ennuis à redire souvent:

Non, je ne trouve point beaucoup de différence
De prendre du tabac à vivre d'espérance,
Car l'un n'est que fumée et l'autre n'est que vent.

PAUL SCARRON

(b. Paris, 1610; d. Paris, 1660)

THE orphan son of a judge, Scarron had an unhappy and disorderly youth. Struck down in 1638 by a complicated malady of which paralysis was only a minor part, he spent his life on a couch, endeavouring to drown his misfortunes in rollicking gaiety with the wits of the time who gathered at his house, and particularly in outrageous burlesques of greater poets than himself (Virgile travesti, 1648-53). In 1652 he married Françoise, granddaughter of Agrippa d'Aubigné (see p.3), who after his death became Mme. de Maintenon. Forgotten as a burlesque writer, Scarron is remembered for the pathetic description of himself as 'un abrégé de la misère humaine" and by the epitaph which he wrote for himself:

XXVIII

Épitaphe

Celui qui cy maintenant dort
Fit plus de pitié que d'envie,
Et souffrit mille fois la mort
Avant que de perdre la vie.
Passant, ne fais ici de bruit,
Et garde bien qu'il ne s'éveille,
Car voici la première nuit

Que le pauvre Scarron sommeille.

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