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Martyre de S Agape, en 306.

le genre de son martyre; mais ce ne fut qu'après avoir confessé plusieurs fois Jésus-Christ, après une longue prison et après avoir passé beaucoup d'années dans les fers et dans les mines de la Palestine. Il avait plus d'études qu'Apphien, s'était fort appliqué à la philosophie et avait gardé le manteau de philosophe, même depuis qu'il avait embrassé la religion chrétienne. Étant venu à Alexandrie, il y fut témoin des excès auxquels le juge se laissait emporter envers les chrétiens; il le voyait outrager des hommes graves et livrer des femmes d'une piété singulière, et même des vierges consacrées à Dieu, à des hommes infâmes, qui ne les achetaient que pour les prostituer. Une telle conduite lui parut insupportable. Comme il n'avait pas moins de courage que son frère, il s'approcha hardiment et couvrit de confusion le juge par ses reproches, ou, comme dit Eusèbe, par ses actions et par ses paroles. Le juge le fit tourmenter aussitôt en diverses manières; et le Saint, ne témoignant pas moins de constance que ses bourreaux avaient de cruauté, fut jeté dans la mer comme son frère l'avait été, et consomma ainsi son martyre 1.

10. La quatrième année de la persécution', qui était l'an 306, un vendredi, vingtième du mois de novembre, on fit mourir, dans la même ville de Césarée en Palestine, un martyr illustre nommé Agape. Il avait déjà souffert plusieurs tourments avec saint Timothée, et avait été condamné à être dévoré par les bêtes dès l'an 504. Il avait souffert trois fois la prison; is le gouverneur avait toujours différé l'exécution de sa sentence, soit qu'il eût pitié de sa jeunesse, soit qu'il espérât de vaincre sa patience. Mais le césar Maximien étant venu à Césarée pour y célébrer la fête de sa naissance par des spectacles, Agape fut amené en sa présence, au milieu de l'arène, avec un esclave qui avait, dit-on, tué son maître. Ce meurtrier, après avoir été exposé aux bêtes et avoir combattu quelque temps, obtint sa grâce de l'empereur à peu près de la même manière que Barabbas la reçut de Pilate. L'amphithéâtre retentit à l'heure même d'acclamations et de louanges

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en l'honneur de l'empereur, pour avoir sauvé la vie et accordé la liberté à cet homicide. Ce prince fit approcher ensuite Agape et lui proposa de renoncer au christianisme; mais il confessa à haute voix et protesta qu'il était prêt à souffrir tout avec joie, non pour aucun crime qu'il eût commis, mais pour le créateur de l'univers. Il joignit l'effet aux paroles, et, ayant aperçu une ourse qu'on avait lâchée contre lui, il courut au-devant avec joie, pour en être dévoré. Cette bête féroce le déchira, en effet; mais elle ne lui ôta pas la vie. Il fut donc remis en prison, où il vécut encore un jour, et le lendemain on le jeta dans la mer avec des pierres aux pieds.

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11. En la cinquième année de la persécution, sous le césar Maximin, l'an de JésusChrist 307, le jour de Pâques, qui était le 2 d'avril, à Césarée en Palestine, une vierge de la ville de Tyr, nommée Théodosie, qui n'avait pas encore dix-huit ans, mais d'un esprit mûr et solide, vit quelques prisonniers confesseurs de Jésus-Christ enchaînés et assis devant le prétoire. Elle s'approcha d'eux, tant pour les saluer que pour les prier, comme il est vraisemblable, dit Eusèbe", de se souvenir d'elle quand ils seraient devant Dieu. Elle fut prise à l'heure même par les soldats et menée devant le juge, comme si elle eût commis un grand crime. Le juge, transporté d'une fureur aveugle et brutale, lui fit déchirer les côtés et les mamelles jusqu'aux os, avec des ongles de fer; et comme elle respirait encore et montrait un visage gai au milieu de tant de douleurs, on la fit jeter dans la mer. Venant ensuite aux autres confesseurs, il les condamna à travailler aux mines de cuivre qui étaient à Phaino en Palestine. Le quatrième de novembre de la même année, et en la même ville de Césarée, Sylvain, qui en était alors prêtre, fut aussi condamné aux mines; mais le juge lui fit auparavant brûler les jointures des pieds avec un fer chaud, ainsi qu'aux autres condamnés. Il avait déjà confessé le nom de Jésus-Christ dans la même ville; il fut ensuite fait évêque de Gaza, et souffrit enfin le martyre. Dans le même temps, le juge fit brûler tout vif Domnin, qui avait con

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Martyre de dosie et des vain, Domnin

sainte Théɔ

saints Syl

et Auxence, en 307.

Confesseurs

tine et martyre de sainte Valentine, en 308.

fessé plusieurs fois Jésus-Christ et qui était connu de tout le monde en Palestine pour l'extrême facilité qu'il avait de parler. Urbain, c'était le nom de ce juge ou gouverneur, condamna trois autres confesseurs à se battre ensemble à coups de poings, à la manière des athlètes. Il fit dévorer par les bêtes un sage et saint vieillard nommé Auxence 2. Il en envoya d'autres aux mines de cuivre, après les avoir fait tailler et rendus eunuques 3, quoique ce fussent des hommes faits. Il y en eut qu'il tint en prison après leur avoir fait endurer de cruels tourments. De ce nombre était l'illustre Pamphile, prêtre de l'église de Césarée, le plus cher et le plus intime des amis d'Eusèbe. Sur le refus qu'il fit de sacrifier, Urbain ordonna qu'on lui déchirât les côtés avec des ongles de fer, et le fit traîner ensuite en prison. Mais ce juge, dont l'esprit était si fécond à inventer de nouveaux supplices pour tourmenter les chrétiens, tomba dans la disgrâce de Maximin, qui lui fit trancher la tête 5, avec d'autres criminels.

12. L'an 308, sixième de la persécution, dans de la Pales- la Thébaïde, en un lieu nommé Porphinte, à cause des carrières de porphyre qu'on y trouvait, entre une multitude innombrable de confesseurs qui y étaient, on en prit quatre-vingtdix-sept, hommes, femmes et petits enfants, et on les envoya à Firmilien, qui avait succédé à Urbain dans le gouvernement de la Palestine. Tous confessèrent' Dieu le créateur de l'univers et Jésus-Christ; alors le gouverneur leur fit, par ordre de l'empereur, brûler, avec un fer chaud, les nerfs de la jointure du pied gauche; puis, avec des stylets, on creva à chacun l'œil droit, et on le brûla, avec des fers chauds, jusqu'au fond de l'orbite et à la racine. En cet état, les confesseurs furent envoyés travailler aux mines qui étaient dans la province, afin qu'ils y périssent de travaux et de misères. On envoya aussi aux procurateurs et au césar Maximin les confesseurs de Palestine qui avaient été condamnés à se battre à coups de poings, et qui ne voulaient ni recevoir ce que l'empereur faisait chaque jour aux athlètes pour leur nourriture, ni s'exercer à ces sortes de combats. Ils confessèrent constamment Jésus-Christ au milieu des tourments, et souf

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frirent le même supplice que les martyrs dont nous venons de parler. Ensuite9 on en amena d'autres, que l'on avait pris à Gaza, lorsqu'ils étaient assemblés pour entendre la lecture de l'Écriture sainte. On brûla aux uns les nerfs de la jointure du pied gauche, et on leur creva l'œil droit; on déchira les côtes aux autres avec des ongles de fer, et on leur fit souffrir les tourments les plus cruels. Entre les chrétiens pris à Gaza 10 était une vierge d'un courage d'homme, qui, outrée de ce qu'on la menaçait de lui faire perdre son honneur, reprocha au tyran Maximin la cruauté des juges à qui il avait donné le gouvernement des provinces. Pour la punir de ce reproche, on la fit mettre sur le chevalet et on lui déchira les côtés avec des ongles de fer. Pendant qu'on la tourmentait ainsi ", une vierge de Césarée, appelée Valentine, mal faite de corps et de mauvaise mine, mais d'un courage beaucoup au-dessus de son sexe, cria au juge du milieu de la foule : « Jusques à quand tourmenteras-tu ainsi ma sœur?» Le juge, en colère, commanda qu'on l'arrêtât. Elle confessa hardiment le nom du Sauveur; et comme elle refusait de sacrifier, on la traîna de force au pied de l'autel. Elle se jeta dessus et renversa à coups de pied le bois et tout ce qui y était. Le juge entra dans une étrange furie; il lui fit déchirer les côtés avec plus de cruauté qu'à aucun autre; puis, l'ayant fait attacher avec celle qu'elle nommait sa sœur, il les fit brûler toutes deux ensemble 12.

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308.

Martyre de

13. Aussitôt après le martyre de ces deux S. Paul, en vierges suivit celui du bienheureux Paul. Il avait été condamné 13 à mort en même temps qu'elles et par la même sentence, et s'était déjà mis à genoux pour la recevoir, lorsqu'il pria le bourreau de surseoir pour un peu de temps à l'exécution. Alors il pria Dieu à haute voix ", premièrement pour tous les Chrétiens, afin qu'il les reçût en grâce et leur rendit la paix et la liberté. Ensuite il pria pour les Juifs, et demanda pour eux qu'ils se convertissent à Dieu par la foi en Jésus-Christ. Il fit la même prière pour les Samaritains, puis pour les Gentils, particulièrement pour ceux qui l'environnaient, demandant qu'ils vinssent à la connaissance du vrai Dieu. Enfin il pria pour

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Centtrente Confesseurs

mines, en

308.

les empereurs, pour le juge qui l'avait condamné et pour le bourreau qui devait le faire mourir, conjurant le Dieu tout-puissant de ne pas venger son sang sur ceux qui allaient le répandre. Tous les assistants l'entendirent ainsi prier; et plusieurs, sachant qu'il mourait innocent, en furent touchés jusqu'aux larmes. Il se mit lui-même en état d'être exécuté, présenta son cou à découvert, et reçut la couronne du martyre le vingt-cinquième du mois de juillet, l'an 308.

14. Peu de temps après', cent trente conenvoyés aux fesseurs égyptiens, illustres par la confession qu'ils avaient faite du nom de Jésus-Christ, et à qui l'on avait brûlé les nerfs de la jointure du pied gauche et crevé l'œil droit, furent envoyés, par ordre de l'empereur Maximin, partie aux mines de Palestine, partie à celle de Cilicie.

Martyre des SS. Autonin, Zébinas et Germain, en 308.

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15. Le feu de la persécution avait été un peu éteint par le sang de tant de martyrs; et les confesseurs qui travaillaient aux mines de la Thébaïde avaient été mis en liberté; les chrétiens pouvaient espérer du repos, lorsque tout d'un coup la persécution se ralluma avec plus de violence qu'auparavant. On vit paraître dans toutes les provinces de nouveaux édits de l'empereur, portant ordre à tous les magistrats des villes et à tous les commandants des places de faire relever les temples qui tombaient en ruine, de contraindre toute sorte de personnes, hommes, femmes, esclaves, et jusqu'aux enfants à la mamelle, à offrir des sacrifices et des libations, et à en goûter réellement; de faire en sorte que tous les vivres exposés dans les marchés fussent profanés par ces libations, et qu'aux portes des bains il y eut des gardes pour obliger tous ceux qui en sortiraient à sacrifier. Ces nouveaux ordres causèrent beaucoup de trouble. Les chrétiens en furent accablés de douleur, et les païens, fatigués de ces nouvelles vexations, en témoignaient leur mécontentement.

ut iisdem reconciliari vellet, utque pax illis ac securitas quam primum restitueretur. Tum pro Judæis supplicavit, ut per Christi fidem ad Deum conversi accederent. Deinde ordine progressus eadem pro Samaritis obsecravit. Post hæc, pro Gentilibus qui errore mentis implicati et ignorationé obcæcati tenebantur, Deum precatus est, ut ad agnitionem ejus tandem pervenirent, veramque religionem susciperent. Sed nec promiscuœ circumstantiam turbæ mentionem prætermisit. Post hos omnes (o vere eximiam et inexplicabilem anima mansuetudinem) pro ipso judice, a quo capitis supplicio damnatus fuerat, pro imperatoribus, ac pro ipso etiam carnifice qui cervicem ipsi jamjam præcisurus,

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Martyred Sainte Eun..

Mais le Sauveur inspira aux défenseurs de la foi tant de force et de courage, qu'ils foulèrent aux pieds la puissance et les menaces des persécuteurs, et les prévinrent eux-mêmes, sans attendre qu'ils vinssent à eux. A Césarée, Antonin, prêtre; Zébinas, natif d'Éleuthérople, et Germain, coururent vers Firmilien, gouverneur de la Palestine, dans le temps qu'il sacrifiait aux idoles, et l'exhortèrent à haute voix à quitter cette erreur, soutenant qu'il n'y a point d'autre Dieu que celui qui a créé le monde. Firmilien leur demanda qui ils étaient; ils répondirent hardiment qu'ils étaient chrétiens, et, sur cette réponse, il leur fit couper la tête, sans les avoir auparavant tourmentés. C'était le 13 novembre de l'an 308. 16. Le même jour, une fille de la ville de Scythople, dans la Palestine, qui portait la thas, en 308. coiffure de vierge, c'est-à-dire une petite mitre de couleur de pourpre ou d'étoffe d'or, fut traînée par force devant le gouverneur. Elle se nommait Ennathas. Après qu'il l'eut fait fouetter cruellement, un tribun, qui commandait près de là, nommé Maxys, robuste de corps, violent de son naturel, corrompu en ses mœurs et haï généralement de tous ceux qui le connaissaient, la prit de son autorité, la dépouilla toute nue de la ceinture en haut, la promena ainsi par toute la ville de Césarée, la fouettant de lanières par la place et par les rues, se faisant un grand plaisir d'être lui-même le bourreau de cette fille. La vierge de Jésus-Christ souffrit ce traitement avec une merveilleuse patience. Enfin elle fut ramenée au tribunal du gouverneur, qui la fit brûler toute vive. Cet impie, donnant à la rage qu'il avait conçue contre les adorateurs du vrai Dieu toute l'étendue qu'elle pouvait avoir, viola jusqu'aux lois de la nature; il défendit de donner la sépulture aux corps des martyrs, les exposa aux bêtes et les fit garder jour et nuit. Pendant plusieurs jours, il y eut un grand nombre d'hommes occupés à cette

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Martyre de quelques

Esyptiens, Promus et

des SE.Ares,

Elie, en 308.

Martyre de S Pierre as

garde; quelques-uns étaient en sentinelle sur des lieux élevés. Les bêtes et les oiseaux déchirèrent donc ces corps et en dispersèrent les os et les entrailles; ces restes hideux étaient semés tout autour de la ville, et leurs ennemis mêmes en avaient horreur, avouant qu'ils n'avaient jamais rien vu de si cruel. Ce triste spectacle, qui dura plusieurs jours, fut suivi d'un miracle qu'Eusèbe n'a pas cru devoir passer sous silence. «Quoique le temps, dit-il', fût beau et l'air très-serein, les colonnes des galeries publiques de la ville parurent couvertes de gouttes d'eau, la place et les rues furent mouillées; ce qui fit dire au peuple que la terre et les pierres les plus dures plenraient ces inhumanités. Je ne doute pas, ajoute-t-il, que, dans les siècles à venir, on ne traite mon récit de conte fait à plaisir; mais ceux qui vivent en ce temps-ci et qui en ont été témoins, n'en révoqueront jamais en doute la vérité. »

17. Le quatorzième jour du mois suivant, c'est-à-dire de décembre de l'an 308, quelques chrétiens, qui étaient partis exprès d'Égypte pour aller en Cilicie secourir les confesseurs qui étaient condamnés aux mines, furent arrêtés par les soldats qui étaient aux portes de la ville de Césarée pour examiner tous ceux qui entraient ou qui sortaient. La plupart furent condamnés à la même peine que ceux qu'ils allaient soulager: on leur brûla les nerfs de la jointure du pied gauche, et on leur creva l'œil droit. Mais on en fit mourir trois, qui furent pris à Ascalon. Le premier, nommé Arès, fut brûlé vif; les deux autres, Promus et Élie, eurent la tête tranchée, et tous donnèrent au milieu des tourments des preuves d'une constance merveilleuse.

18. La septième année de la persécucete, et d'As tion, qui était l'an 309 de Jésus-Christ, le onClonite, en zième de janvier, Pierre, surnommé Apsé

clepius mar

309.

lame, natif du bourg d'Anéa, au territoire d'Éleuthéropolis, qui menait la vie ascétique, fut martyrisé à Césarée et éprouvé comme l'or par le feu, après avoir donné à JésusChrist un témoignage éclatant de la pureté de sa foi. Le juge et tous ceux qui assistaient

1 Forte aer purus et liquidus, et totius cœli mira quædam serenitas erat, cum repente maxima pars columnarum, quæ publicos urbis porticus sustentabant, quasdam velut lacrymarum guttas stillaverunt, fora quoque et plateæ, cum nullus ex aere delapsus ros esset, nescio unde aqua perfusæ maduerunt, adeo ut communi omnium sermone vulgaretur, terram miro et inexplicabili modo lacrymas edidisse, cum eorum quæ

au jugement le conjurèrent plusieurs fois d'avoir pitié de lui-même et de faire attention à sa jeunesse; mais, mettant sa confiance en Dieu, il préféra l'espérance des biens futurs à sa propre vie, et consomma son martyre par le feu . Avec lui et dans le même bûcher fut brûlé un certain Asclepius, que l'on disait être évêque, de la secte des marcionites, à laquelle il était attaché, poussé comme il croyait, par un bon zèle, mais qui n'était pas selon la science.

Martyre de quelques chrétiens d'Egipte. et phile, en 309

19. Au mois de février de la même année, Pamphile, prêtre de Césarée, fut présenté au gouverneur avec douze autres martyrs. de S. PamPamphile fut interrogé le premier; ensuite, un diacre de l'Église d'Élia, c'est-à-dire de Jérusalem, nommé Valens. C'était un vieillard respectable par ses cheveux blancs, et dont le seul aspect imprimait de la vénération, et qui savait si parfaitement l'Écriture, qu'il en récitait par cœur des pages entières, de quelque endroit que ce fut, aussi facilement que s'il les eût lues dans le livre. Le troisième était Paul, de Jamnia, ville épiscopale dépendante de la métropole de Césarée. Il était homme d'une grande ferveur et plein de zèle; avant de souffrir le martyre, il avait mérité le titre de confesseur, et avait eu, pour la foi, les nerfs brûlés avec un fer chaud. Ces trois confesseurs avaient été envoyés en prison sous Urbain, et y étaient demeurés pendant deux ans. Voici ce qui fournit occasion aux persécuteurs de se les faire représenter en cette circonstance. Des chrétiens d'Égypte, qui avaient accompagné des confesseurs en Cilicie, furent arrêtés, à leur retour, à la porte de Césarée. Les soldats y faisaient garde, et, ainsi que nous l'avons déjà remarqué, ils avaient ordre d'examiner soigneusement tous ceux qui se présentaient pour entrer ou pour sortir. Ces fidèles, interrogés par ces barbares qui ils étaient et d'où ils venaient, répondirent sans détour qu'ils étaient chrétiens, et déclarèrent le sujet de leur voyage: sur cette réponse on les saisit comme des criminels, et on les mena liés devant le gouverneur, qui, ne pouvant souffrir la liberté avec laquelle ils

patrabuntur impietatem ferre non posset et ad immites ac barbaras hominum mentes convincendas, lapides ipsos resque anima carentes his quæ fierent ingemuisse Ibid.

2 Euseb., lib. de Martyr. Palæst., cap. 10. 3 Ibid.

⚫ Voyez Assémani, ut supra. (L'éditeur.)

* Euseb., lib. de Martyr. Palæst., cap. 11.— Ibid.

Martyre de S. Porphyre

eucus,en 309

:

confessaient la foi, les fit mettre en prison. Ils étaient cinq et avaient pris chacun des noms de prophètes, au lieu des noms de faux dieux que leurs parents leur avaient donné en naissant, savoir Élie, Jérémie, Isaïe, Samuel et Daniel. Le lendemain, qui était le seizième de février, le gouverneur les fit amener, et avec eux Pamphile et les autres confesseurs. Il tâcha d'abord d'ébranler la constance des Égyptiens par toutes sortes de tourments; il demanda au premier, qui était un jeune homme, comment il s'appelait. « Élie,» répondit-il. Le gouverneur, ne comprenant point la force de ce nom, lui demanda ensuite son pays. Élie répondit que Jérusalem était sa patrie, entendant la Jérusalem céleste. Le gouverneur ne connaissait point ce nom, quoiqu'il fut en Palestine, parce que depuis que l'empereur Adrien, qui s'appelait Ælius, en rebâtissant la ville détruite par Tite, lui avait donné son nom, elle ne se nommait plus qu'Ælia. Il fit attacher le martyr les mains derrière le dos, en suite il lui fit déboîter les pieds avec violence, pour l'obliger à dire au vrai quels étaient sa ville et son pays. Élie répondit qu'il avait dit vrai; et comme le gouverneur le pressait, il ajouta que cette cité n'était la patrie que des adorateurs du vrai Dieu, et qu'elle était située à l'orient. Le gouverneur, embarrassé, croyait que les chrétiens avaient dessein de bâtir une ville de ce nom et de s'y fortifier contre les Romains; et, ne pouvant tirer d'Élie d'autre réponse, il le condamna à mort, après l'avoir fait déchirer de coups. Il exerça sur les autres de pareilles cruautés, et les fit ensuite exécuter de même. Après cela, il vint à Pamphile et à ses compagnons; et comme il savait qu'ils avaient déjà confessé la foi au milieu des tourments, sans en être ébranlés, après leur avoir demandé s'ils ne voulaient donc pas enfin obéir aux ordres de l'empereur, il les condamna, sur le refus qu'ils en firent, à la même peine que les autres.

20. Alors un jeune homme nommé Poret de S Se phyre, de la maison de saint Pamphile, élevé sous ses yeux et formé par lui dans les sciences et dans la vertu, voyant la sentence prononcée contre son maître, s'écria du milieu de la foule, demandant qu'au moins on accordât la sépulture aux martyrs après leur mort. Le gouverneur lui demanda s'il était chrétien;

1 Euseb., lib. de Martyr. Palæst., cap. 11. Nec post unicam illam vocem, quam cum flamma ipsum contingere cœpisset, protulit, Jesum scilicet Filium

il répondit que oui. On le mit entre les mains des bourreaux, avec ordre de ne point l'épargner; et comme il refusait de sacrifier, on lui déchira les côtés jusqu'aux os. Pendant ce supplice, qui dura longtemps, Porphyre ne disait pas un mot et ne témoignait point sentir de la douleur. Le gouverneur, voyant qu'il ne pouvait le vaincre, le condamna au feu. Porphyre alla au supplice avec joie, ayant le corps défiguré, mais le visage gai; il était vêtu de son manteau de philosophe, qu'il avait coutume de porter, et marquait à ses amis, avec un esprit tranquille, ce qu'il désirait qu'ils fissent pour lui. Il conserva le même air de visage et la même assiette d'esprit, même quand il fut attaché au poteau; et parce que le feu était allumé tout autour assez loin de lui, il ouvrait la bouche pour recevoir plus aisément la flamme. Dès que le feu le toucha, il invoqua à son secours Jésus', Fils de Dieu. Puis il garda le silence, et souffrit constamment jusqu'au dernier soupir. Tel fut le combat de Porphyre, qui, quoique entré après son maître dans la carrière, arriva 3 au terme avant lui. Un nommé Séleucus, originaire de Cappadoce, qui, dans sa jeunesse, avait porté les armes, et qui depuis s'était acquis beaucoup de réputation parmi les chrétiens pour avoir confessé le nom de JésusChrist, vint en porter la nouvelle à Pamphile, et salua un des martyrs par le saint baiser de paix. On l'arrêta sur-le-champ, et il fut conduit au gouverneur, qui le condamna aussitôt à perdre la tête, comme s'il eût eu dessein de le rendre compagnon de la gloire de Porphyre et de le faire entrer au ciel avec lui. Ce Séleucus, après avoir quitté la profession des armes, avait embrassé la vie ascétique, c'est-à-dire la méditation continuelle des saintes Écritures et les autres exercices de piété, veillant assidûment sur les besoins des veuves, des orphelins, des pauvres et des malades.

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