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Martyre des SS. Adrien et

303.

irrité, parce qu'il était de sa famille; il le fit attacher à une croix, et le Saint consomma ainsi son martyre de la même manière que notre Sauveur. Théodule fut le onzième qui endura la mort le même jour; et comme il en manquait encore un pour achever le nombre douze, un chrétien de Cappadoce, nommé Julien, arriva alors à Césarée de Palestine tout à propos. C'était un homme d'une vie très-sainte, d'une foi pure, plein de zèle pour la religion et rempli du Saint-Esprit. Ayant appris dans les rues qu'on venait de faire mourir des martyrs, il alla droit à la place où ils étaient, et, voyant leurs corps étendus, il fut rempli d'une grande joie, se mit à les embrasser et à les baiser respectueusement l'un après l'autre. Les soldats qui avaient servi à exécuter à mort les martyrs, le prirent, le menèrent à Firmilien, qui le condamna à être brûlé vif. Julien rendit tout haut grâces à Dieu de l'honneur qu'il lui procurait en l'associant aux martyrs, et remporta la couronne qui lui était préparée. Leurs corps demeurèrent exposés à l'air quatre jours et quatre nuits, gardés par ordre du gouverneur, afin qu'ils fussent dévorés par les bêtes; mais ni oiseau, ni chien, ni autre bête n'y toucha; et, par une providence bien singulière, ils furent enlevés tout entiers et enterrés, selon la coutume, avec le soin et les honneurs convenables 1.

2

22. Tout le monde parlait encore de la bale, en cruauté que le gouverneur avait exercée contre les martyrs, quand deux chrétiens du pays de Mangane, Adrien et Eubule, arrivèrent à Césarée, à dessein de voir les autres confesseurs. Les gardes les arrêtèrent à l'entrée de la ville, et leur demandèrent le sujet de leur voyage. Comme ils l'avouèrent ingénument, on les mena à Firmilien, qui leur fit déchirer les côtés avec des ongles de fer, et les condamna à être exposés aux bêtes. Ainsi, deux jours après, c'est-à-dire le quinzième de mars de cette année 309, dans le temps que le peuple de Césarée célébrait la fête en l'honneur du génie public, Adrien fut exposé à un lion, et ensuite égorgé. Le gouverneur différa de deux jours la mort d'Eubule, espérant de le vaincre pendant cet intervalle. Il lui offrit la liberté, s'il voulait sacrifier aux idoles; mais il préféra la mort. Il fut donc exposé aux bêtes, puis tué par le glaive. Ce fut le dernier de

1 Tandem divina ordinante Providentia, integra atque illæsa asportata sunt : omnique funebri cultu, ut par erat, ornata et cura consueta tradita sunt sepulturæ.

tous ceux qui souffrirent le martyre à Césarée de Palestine. La persécution y cessa cette septième année ; et Firmilien, qui l'avait exercée avec tant de rigueur3, finit misérablement ses jours par la main du bourreau.

23. La persécution s'affaiblit aussi insensiblement dans les autres endroits de la Palestine, et les confesseurs qui y travaillaient aux mines de cuivre, jouissaient d'une telle liberté, qu'ils y bâtirent des églises. Le nouveau gouverneur de la province, homme méchant et cruel, se trouvant sur les lieux et voyant la manière dont ils vivaient, en écrivit à l'empereur, et mêla dans sa lettre tout ce qu'il lui plut pour les rendre odieux. Ensuite l'intendant des mines y vint, et, comme par ordre de l'empereur, divisa les confesseurs en plusieurs bandes, en envoya une partie en Chypre, d'autres au mont Liban, dispersa les autres en divers lieux de la Palestine, et recommanda à ceux qui présidaient aux ouvrages de les accabler de travaux et de mauvais traitements. Il en choisit quatre qui paraissaient les premiers de tous, et les envoya au général des troupes qui étaient dans ces quartiers-là. De ces quatre, deux étaient évêques d'Égypte, savoir Pélée et Nil. Le troisième, que quelques-uns nomment Élie, était prêtre, et Patermouthi, le quatrième, était fort connu par la charité dont il usait envers tout le monde. Ce général leur commanda de nier leur religion, et comme ils le refusèrent, il les fit brûler tout vifs.

Martyre des
SS. Pélée,

Nil, Elie et

Patermouthi en 309.

Martyre de S. Sylvain

plusieurs

autres en 310.

24. Il y avait encore d'autres confesseurs qui vivaient dans un quartier séparé de la Pa- de les lestine, et qui, à cause de leur vieillesse, de leurs maladies ou des tourments qu'ils avaient soufferts, étaient dispensés du travail. Leur chef était Sylvain, natif de Gaza et évêque de la même ville, modèle parfait et accompli du christianisme; il s'était rendu illustre par plusieurs combats, particulièrement en la cinquième année de la persécution, où il mérita le titre de confesseur et eut l'un des jarrets brûlé avec un fer chaud, à Césarée de Palestine. Avec lui était un égyptien nommé Jean, qui, quoiqu'aveugle dès avant la persécution, s'y était néanmoins rendu célèbre par les tourments qu'il y endura pour la confession du nom de Jésus-Christ; car, après qu'on lui eut brûlé les nerfs d'un pied, on lui brûla encore

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Les Actes de S Théodote

Son martare

l'œil dont il ne voyait plus. Il savait toute l'Écriture sainte par cœur, de sorte qu'il était toujours prêt à en réciter ce qu'il voulait, tantôt les livres de Moïse, tantôt les Prophètes, tantôt l'histoire sainte, tantôt l'Évangile, tantôt les épîtres des Apôtres, comme s'il les eût lues dans un livre 1. « J'avoue, dit Eusèbe, que je fus surpris la première fois que je le vis dans l'église, debout au milieu d'une grande multitude, récitant quelque partie de l'Écriture divine. Tant que je n'entendis que sa voix, je crus qu'il lisait comme on a coutume de le faire dans les assemblées; mais quand je fus assez proche pour voir ce qui se passait; que tous les autres, avec de bons yeux, étaient debout tout autourde lui, et que lui, ne se servant que des yeux de l'âme, parlait comme un prophète, je ne pouvais assez admirer et louer Dieu. Je m'imaginais voir clairement, en la personne de cet aveugle, que l'homme n'est pas ce qui paraît de lui au dehors, mais que c'est l'esprit et l'intelligence.» Ces deux saints personnages s'occupaient, avec les autres confesseurs de leur quartier, à prier jour et nuit, à jeûner et aux autres exercices de piété et de pénitence qui leur étaient ordinaires, quand, par un ordre de l'empereur, on leur trancha à tous la tête en un seul jour. Ils étaient au nombre de trente-neuf; et ce fut par eux que finit la persécution dans la Palestine, après y avoir duré pendant huit ans, c'est-à-dire jusqu'en l'an 340. Elle commença par la démolition des églises; puis, passant aux ministres de l'Église, elle s'étendit enfin sur tous les fidèles.

ARTICLE II.

SAINT THÉODOTE, CABARETIER, MARTYR A ANCYRE, ET SEPT VIERGES MARTYRES.

1. Les Actes que nous avons du martyre de sont sincères saint Théodote et de sept vierges, sont tirés en l'an 303. d'un exemplaire manuscrit de la Bibliothèque vaticane. Le style en est grave et naturel ; celui qui les a composés assure avoir été témoin oculaire des faits qu'il raconte et s'être même trouvé en prison avec saint Théodote: rien n'empêche qu'on ne le croie et qu'on n'ajoute foi à sa narration. Cet auteur, qui se

1 Euseb., lib. de Martyr. Palæstinæ, cap. 13.—2 Ibid. 3 Act. sinc. Mart. Ruinart, p. 336, in Admonitione. ↳ Ego qui martyri ab initio convixi, dicam qaæ novi et oculis ipsis usurpavi ; constantium scilicet ejus, cujus

nomme Nil, ne marque point en quel endroit saint Théodote souffrit le martyre, apparemment parce qu'il écrivait en un temps et en un pays où cet événement était fort connu. Mais on croit que ce fut à Ancyre, en Galatie, et le titre des Actes favorise ce sentiment. Il ne marque pas non plus l'année de sa mort; seulement il insinue qu'elle arriva avant le quatrième édit qui ordonnait la peine de mort, généralement, contre tous les chrétiens, lorsqu'il dit que le Saint parla, en mourant, aux chrétiens qui pleuraient à la vue de tous les infidèles, et qui l'avaient suivi jusqu'au lieu de l'exécution. Or, cet édit fut publié au commencement de l'an 304: ainsi l'on peut mettre le martyre de saint Théodote en l'année 303, la première de la persécution.

2. A Ancyre, ville capitale de la Galatie, était un chrétien nommé Théodote. Il était marié et menait une vie commune en apparence, dans l'emploi de cabaretier, mais en effet d'une vertu très-relevée. Dès ses premières années il méprisa les plaisirs et les richesses, faisait l'aumône et vivait dans l'austérité, dans le jeune et dans l'amour de la pauvreté. Il soulageait les malades et les affligés, travaillait à la conversion des pécheurs, et, par ses exhortations, il en convertit plusieurs il porta beaucoup de juifs et de païens à embrasser le christianisme, et engagea un grand nombre de personnes à souffrir toutes sortes de tourments pour le nom de Jésus-Christ. Il avait même le don des miracles; et quelque incurables que fussent les maladies, il les guérissait par ses prières et par l'imposition de ses mains.

3. Cependant la persécution s'éleva alors, et Théotecne fut fait gouverneur de la Galatie. C'était un homme violent et cruel, sans religion, aimant à répandre le sang, et qui n'avait obtenu ce gouvernement qu'en promettant à l'empereur que, dans peu de temps, il y détruirait entièrement le chritianisme. Le seul bruit de son arrivée dans la province remplit de terreur tous les fidèles : les églises furent abandonnées, et un grand nombre de chrétiens s'enfuirent dans les montagnes pour se cacher. Théodote seul demeura, résolu de s'exposer à divers périls pour secourir ses frères. Son emploi de cabaretier lui donna moyen de faire de son logis un lieu de re

consorsio et colloquio dignatus fui ad propriam instruc

tionem.

* Conversus vidit fratres flentes, et dixit: Nolite lugere, fratres, etc. Ibid., page 349,

Analyse de ces Actes Act sinc Martyr, Ru 337, 338, 339 nart, pages

Martyre de

traite pour tous les serviteurs de Jésus-Christ', une maison de prières, un hospice aux étrangers, un temple et un autel où les prêtres célébraient les mystères. Car Théotecne avait ordonné que tout ce qui serait exposé en vente, le pain, le vin et les fruits, serait auparavant offert aux idoles, afin que, toutes ces choses étant souillées en cette manière, les chrétiens ne pussent faire à Dieu les oblations ordinaires. Mais Théodote, qui avait fait ses provisions, fournissait de sa maison le pain et le vin pour le sacrifice, Il prenait aussi un fort grand soin des confesseurs détenus en prison, les encourageait aux tourments jusqu'aux pieds des autels profanes; et quand ils avaient consommé leur martyre, il tâchait d'enlever leurs corps pour leur donner la sépulture, quoiqu'on l'eût défendu sous peine de mort.

4. Victor, un de ses amis, fut arrêté vers le Victor,en 303 même temps. Les prêtres de Diane l'accusèrent d'avoir parlé peu respectueusement d'Apollon et d'avoir dit, entre autres choses, que ce dieu avait corrompu sa sœur Diane à Délos, en présence des autels, et que les Grecs devaient rougir d'adorer une semblable divinité. Beaucoup de païens, amis de Victor, le portaient à obéir sans réserve au gouverneur, par la crainte des supplices et par l'espérance de recevoir de l'empereur des dignités et des richesses. Théodote, averti du péril que courait son ami, pénétra de nuit dans la prison et le soutint dans la foi par les paroles de vérité qui sortaient de sa bouche. Victor, en effet, endura d'abord avec beaucoup de constance tous les tourments qu'on lui fit souffrir, jusque-là qu'il s'attira l'admiration de ceux qui en furent témoins. Mais comme il était prêt d'achever sa course et de recevoir la couronne, il demanda un peu de temps pour délibérer sur ce qu'il avait à faire. On le reconduisit donc en prison, où il mourut quelques jours après, des coups de fouet dont on l'avait déchiré, nous laissant dans l'incertitude de son salut.

5. Il y avait, à quarante milles environ ou treize lieues d'Ancyre, un bourg nommé Mal; Théodote, par une disposition particulière de la Providence, y arriva pour recueillir les re

1 Conversa ergo erat taberna in ædem orationis, in hospitium peregrinorum, in altare sacerdotum ad offerenda sacra dona. Ruinart, Act. sinc. Mart., p. 359.

2 Misit ad vicum qui sibi advocarent presbyterum, qui simul pranderet et profecturos consuetis ad iter muniret precationibus. Nec enim cibum sumere consueverat

liques du martyr Valens, que l'on avait jetées dans le fleuve Halys ; il rencontra quelques chrétiens qui avaient été mis entre les mains de la justice par leurs parents, pour avoir renversé un autel de Diane, et à qui, peu auparavant, il avait obtenu la liberté à force de sollicitations et de dépenses. Ils lui rendirent grâces de ses bienfaits. Charmé de les voir, il les pria de manger avec lui pour continuer ensuite leur voyage, et ils s'assirent ensemble sur l'herbe près d'une caverne, au bord du fleuve, à deux stades du bourg. Théodote y envoya quelques-uns de ses compagnons inviter le prêtre du lieu à venir manger avec eux et leur faire les prières ordinaires des voyageurs 2; car, autant qu'il pouvait, il ne mangeait point, qu'un prêtre n'eût fait la bénédiction des viandes. Ceux qui étaient allés au bourg, trouvèrent le prêtre qui sortait de l'église après l'office de sexte 3. Fronton, c'était le nom de ce prêtre, vint et mangea avec eux près de la caverne. Après qu'ils eurent mangé, Théodote dit au prêtre, en souriant: « Ce lieu me paraît bien propre à mettre de saintes reliques ". » Le prêtre dit : « Il faut enavoir avant de songer à bâtir.» — «C'est mon affaire, répliqua Théodote, ou plutôt celle de Dieu; ayez seulement soin de bâtir l'église, et n'y perdez point de temps, les reliques viendront bientôt. » En disant cela, il tira son anneau de son doigt, en prenant Dieu à témoin de sa promesse. Ensuite il reprit le chemin d'Ancyre, où il trouva toutes choses dans le trouble et dans l'émotion, comme en un tremblement de terre.

Martyre de

6. Il y avait sept vierges, âgées et exercées à la vertu dès leur première jeunesse. sept vierges. Le gouverneur les fit arrêter et livrer, après plusieurs tourments, à de jeunes libertins, pour les outrager au mépris de la religion. Elles eurent alors recours à Jésus-Christ, et le supplièrent avec larmes de les conserver pures. Elles se nommaient Técuse, Alexandrée, Faïne, Claudie, Euphrasie, Matrone et Julitte. La première était âgée de 70 ans, et les autres n'étaient guère plus jeunes. Un de ces libertins ayant tiré à part Técuse, elle lui prit les pieds en pleurant, et le toucha de telle façon par ses paroles et en lui montrant ses

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cheveux blancs, que tous se mirent à pleurer avec elles, et se retirèrent. Théotecne, l'ayant appris, les tenta d'une autre manière; il voulut les faire prêtresses de Diane et de Minerve. On lavait ce jour-là les statues de ces déesses dans un étang voisin, et les prêtresses devaient se laver aussi. On mit les saintes sur des chariots; elles étaient debout et dépouillées de leurs habits: après, suivaient les idoles portées avec pompe, et une grande foule de peuple avec des flûtes, des cymbales, et des femmes qui dansaient, les cheveux épars comme des Bacchantes, au son des instruments. Cependant Théodote priait pour chacune de ces vierges, craignant qu'elles ne succombassent dans le combat. Il s'était enfermé dans une petite maison appartenant à un nommé Théocharis, près de l'église des Patriarches, avec un autre Théodote, son cousin; Polychrone, neveu de la vierge Técuse, et quelques autres chrétiens. Ils étaient demeurés prosternés contre terre depuis le matin jusqu'à midi, lorque la femme de Théocharis vint leur dire que les vierges avaient été noyées dans le lac. A cette nouvelle, Théodote se releva, et, encore à genoux, il étendit ses mains au ciel, fondant en larmes, et dit : « Seigneur, je vous rends grâces de n'avoir pas voulu que mes pleurs fussent inutiles. Ensuite il songea à retirer les corps des martyres; ce qui n'était pas aisé, parce que le gouverneur avait mis des soldats exprès pour l'empêcher. Sur le soir, Théodote sortit seul pour aller à l'église des Patriarches; mais les païens en avaient muré les portes: il se prosterna donc en dehors, près de la conque1 où était l'autel, et y demeura quelque temps en oraison. De là il alla à un autre oratoire appelé des Pères, dont il trouva aussi la porte murée, et il pria de même. Fatigué de tant de mouvements, il s'en retourna chez Théocharis, où il s'endormit. Sainte Técuse lui apparut, et l'exhorta à tirer de l'étang son corps et ceux de ses compagnes. Elle l'avertit en même temps que, dans deux jours, il aurait un grand combat à soutenir. Il rapporta cette vision aux chrétiens qui étaient avec lui. Le jour étant venu, ils envoyèrent deux d'entre eux, Glycérius et Théocharis, reconnaître exactement la garde,

1 Foris juxta concham se projecit in orationem. Ruinart, Act. Martyr., p. 343.

2 Peiterrefacti, crucis signum suæ quisque impressit fronti. Ibid., p. 344. Nous avons remarqué déjà que les chrétiens avaient coutume de faire le signe de la croix lorsqu'ils se trouvaient en quelque

espérant que les soldats se seraient retirés, à cause de la fête de Diane. Mais ils n'avaient point quitté leur poste; il fallut donc attendre le soir; alors les chrétiens sortirent tous à jeun, et allèrent droit à l'étang, portant avec eux des faulx bien tranchantes pour couper les cordes qui tenaient aux pierres auxquelles on avait attaché les corps des martyres. Quand ils furent arrivés au lieu où l'on exécutait les criminels, ils entendirent une voix qui exhortait Théodote à prendre courage; effrayés, chacun d'eux fit sur son front le signe de la croix. Ils avancèrent, et, fortifiés par diverses apparitions miraculeuses, ils arrivèrent auprès de l'étang. En même temps survint un grand orage mêlé d'éclairs et de tonnerres, qui mit en fuite les gardes. Le vent était si violent, qu'en faisant remonter les eaux sur le rivage opposé, il découvrit le fond où étaient les corps des vierges. Ainsi Théodote et les chrétiens qui étaient avec lui coupèrent les cordes, tirèrent les corps, les mirent sur des chevaux et les transportèrent proche l'église des Patriarches, et les enterrèrent.

7. Le lendemain matin, le bruit s'étant répandu en un instant que les corps des vierges avaient été enlevés, toute la ville fut en rumeur; dès qu'un chrétien paraissait en public, il était arrêté aussitôt et mis à la question. Théodote, ayant su qu'on en avait déjà pris plusieurs, voulut se livrer lui-même; mais il en fut empêché par les frères. Cependant Polychrone, déguisé en paysan, s'en alla sur la place pour s'assurer de ce qui se passait ; mais il fut pris et mené au gouverneur, à qui, après avoir souffert quelques tourments, il avoua que Théodote avait enlevé les reliques des vierges, et indiqua le lieu où il les avait cachées. Les païens allèrent aussitôt les tirer, et les brûlèrent. Alors Théodote et les siens reconnurent la vérité de ce qui lui avait été dit dans deux visions, qu'il avait amené un traître avec lui; et, ne doutant plus lui-même que sa mort ne fût proche, il dit adieu aux frères, les exhorta à prier pour lui sans relâche, et se prépara au combat. Il leur recommanda, en les quittant, s'ils pouvaient retirer son corps, de le donner au prêtre de Mal3, quand il viendrait avec son anneau. Après avoir

danger, et que ce signe mettait en fuite les démons.

3 Il y a dans le texte : Monuitque ut quando veniret papa Beatus. Fronton prouve qu'on donnait alors le nom de pape non-seulement aux évêques, mais encore aux prêtres. Honoré de Sainte-Marie, à ce propos, fait observer, d'après Mabillon, que le sou

l'ag. 448.

P.. 449.

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achevé ces paroles, il fit le signe de la croix sur lui et s'en alla hardiment au lieu du combat. Il se présenta au gouverneur d'un air assuré, et regardait en souriant le feu, les chaudières bouillantes, les roues et plusieurs autres instruments de supplice que l'on avait préparés. Théotecne n'oublia rien pour le gagner, jusqu'à lui promettre l'amitié de l'empereur et de le faire sacrificateur d'Apollon, avec pouvoir sur toute la ville. Théodote, sans s'arrêter à de si flatteuses propositions, répondit en faisant voir que les dieux méritaient, par leurs crimes, non d'être adorés des hommes, mais les supplices les plus infâmes; et il démontra ensuite 2 la divinité de Jésus-Christ par ses miracles. Le gouverneur le fit attacher au chevalet, et plusieurs bourreaux, l'un après l'autre, le déchirèrent longtemps avec des ongles de fer. On répandit du vinaigre sur ses plaies, et on y mit le feu. Théodote, sentant l'odeur de sa chair brûlée, détourna un peu le visage, ce qui fit croire au gouverneur qu'il commençait à céder aux tourments. «Non, dit Théodote, mais fais-toi mieux obéir, tes ministres se relâchent invente de nouveaux supplices pour m'éprouver, ou plutôt reconnais le courage que me donne Jésus-Christ, et qui fait que je te méprise comme un vil esclave et tes empereurs aussi.» Théotecne le fit battre sur les mâchoires, avec des pierres, pour lui casser les dents, et l'envoya en prison. Mais, en passant dans la place, il montrait au peuple, qui accourait de toutes parts, son corps découpé et tout couvert de plaies, comme une preuve de la puissance de Jésus-Christ et de la force qu'il donne à ceux qui souffrent pour lui. Cinq jours après, Théotecne se fit amener Théodote, et après avoir fait rouvrir ses plaies et l'avoir fait étendre sur des pièces de pots rougis dans le feu, qui lui firent une extrême douleur, le voyant invincible, il condamna ce chef des galiléens, comme il l'appelait, à

3

verain Pontife seul s'est attribué, en parlant de luimême, le titre de pape. Voy. t. II, 4* Dis., p. 68. (L'édit.) 1 Atque hæc dicens totumque corpus suum signo crucis muniens, in stadium processit animo imperterrito. Ruinart, Act. sincera Martyr., p. 345.

2 E contra de virtute Domini Nostri Jesu Christi ejusque miraculis, deque mysterio Incarnationis ejus, multa quidem tam prophetæ quam viri spirituales prædixerunt... Persarumque sapientissimi astrorum motu ducti et tempus nativitatis ejus secundum carnem agnoverunt, et primi agnito a se Deo ut Deo munera obtulerunt. Ibid., p. 347.

3 Quin potius agnosce Dominum Jesum Christum adjuvantem me, etc. Ibid.

perdre la tête, et ordonna que son corps serait brûlé, de peur que les chrétiens ne l'ensevelissent. Le martyr, étant arrivé au lieu de l'exécution, demanda à Dieu la paix de l'Église, et quand il eut fini sa prière par l'Amen, il se tourna vers les chrétiens qui pleuraient et leur promit que, dans la suite, il prierait pour eux, dans le ciel, avec confiance. Après qu'on l'eut décapité, on mit son corps sur un grand bûcher; mais il y parut une si grande lumière, que personne n'osa en approcher pour l'allumer. Théotecne, l'ayant appris, ordonna aux soldats de garder le corps et la tête au même lieu.

8. Dès le soir du même jour, Fronton, prêtre de Mal, s'en venait à la ville avec l'anneau que saint Théodote lui avait confié; il menait une ânesse chargée de vin vieux d'une vigne qu'il cultivait lui-même et venait exprès chercher les reliques que le martyr lui avait promises. Comme il passait par l'endroit où les soldats gardaient le corps et qu'il était déjà fort tard, ils le prièrent de manger et de loger avec eux dans une hutte qu'ils avaient faite de roseaux et de branches de saule. Le prêtre déchargea son ânesse et leur présenta de son vin, qu'ils trouvèrent excellent. En buvant, ils lui rapportèrent le martyre de saint Théodote et lui montrèrent où était son corps. Fronton rendit grâces à Dieu; puis, quand il vit les soldats endormis du vin qu'ils avaient bu avec excès, il prit le corps du martyr, lui remit son anneau au doigt, le chargea sur son ânesse et remit le foin et les branches comme auparavant, afin que les gardes ne s'aperçussent de rien. Il laissa aller son ânesse d'ellemême, retourna à Mal et s'arrêta à l'endroit que le Saint avait marqué et où l'on avait déjà bâti une église, dans le temps que Nil, auteur contemporain et témoin oculaire, écrivait cette histoire. Le jour étant venu, Fronton commença à chercher son ânesse, à faire beaucoup de bruit et à pleurer, comme

Videte, universi, quam admirabilis Christi sit virtus et quomodo iis qui se ejus causa tormentis exponunt largiatur impassibilitatem. Ibid., p. 348.

Deinceps enim in cœlis cum fiducia pro vobis Deum deprecabor. Ruinart, Act. sincera Martyr., p. 349.

6 Habens secum jumentum vino veteri onustum. Agriculturam enim exercet egregius iste vir. Ibid. On voit, par cet endroit, que Fronton vivait encore lorsque Nil écrivait ceci.

7 Dans le texte il y a Asina autem deducta ab angelo, per devia loca abiit in Malum. Notre auteur et Baillet passent ce célèbre miracle, et pourtant il est rapporté dans des Actes authentiques. (L'éditeur.)

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