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Il assiste au concile

de Tyr, en 235.

Il contribue à opprimer S. Atha

Dase.

LIVE SIÈCLE.]

1

CHAPITRE IX.- EUSÈBE, ÉVÊQUE DE CÉSARÉE EN PALESTINE.

2

d'apprendre de la bouche même de ce prin-
ce les particularités les plus importantes de
sa vie. Cet évêque, de son côté, cultivait les
bonnes grâces de son prince, soit par les élo-
ges qu'il en faisait, soit en lui dédiant une
partie de ses ouvrages, entre autres un traité
sur la Páque, et un autre où il faisait la
description de la basilique du Sauveur, ou du
Saint-Sépulcre de Jérusalem. Constantin re-
mercia3 Eusèbe de son traité de la Páque et
témoigna en faire beaucoup de cas; il l'ex-
horta à lui envoyer souvent de semblables
traités, et l'assura qu'il l'avait communiqué à
beaucoup d'autres personnes, comme il l'en
avait prié.

6

7

8

13. Cependant les ariens, qui n'étaient pas
moins animés contre saint Athanase que con-
tre saint Eustathe, obtinrent de l'empereur
qu'on assemblerait un concile où l'on exa-
minerait les accusations formées contre lui,
et proposèrent la ville de Césarée*, parce
qu'il y avait là plusieurs personnes qui lui
étaient contraires. Saint Athanase refusa de
s'y rendre, craignant, dit Sozomène; la ma-
lice d'Eusèbe, évêque de cette ville. L'empe-
reur comprit qu'en effet Césarée pouvait lui
être suspecte, à cause de son évêque; il
changea donc le lieu du concile et ordonna
qu'on l'assemblerait à Tyr. Il s'y tint en ef-
fet l'année suivante, la trentième du règne
de Constantin, c'est-à-dire, de Jésus-Christ
335, sous le consulat de Constantius et d'Al-
bin. Saint Athanase y fut injustement con-
damné, et Eusèbe était un de ses juges. Ce
fut en cette assemblée que cet évêque reçut
de la bouche de saint Potamon le reproche
d'idolâtrie 10, dont nous avons parlé plus haut,
et que ce saint confesseur le voyant assis en
qualité de juge, tandis que saint Athanase
était debout comme accusé, s'écria " avec lar-
mes: «Faut-il que vous soyez assis, Eusèbe,
et que vous jugiez Athanase qui est inno-
cent; y a-t-il quelqu'un qui puisse souffrir
cette indignité? » Eusèbe, irrité de ce discours

9

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11

Theodoret., lib. I Hist. eccles., cap. 26, p. 577.
5 Sozomen., lib. II Hist., cap. 25, p. 479.
Theodor., lib. I Hist. eccles., cap. 26, p. 577.
7 Ibid.

8 Socrat., lib. I Hist., cap. 28, p. 65.

9 Ibid., p. 481.

10 Apud Epiphan., Hæres. 68, num. 7.

11 Apud Epiphan.,

ibid.

12 Sozomen., lib. II Hist., cap. 25, p. 481; Theodor., Hist. eccles., lib. I, cap. 28, p. 580.

12

173

de Potamon, se leva et sortit de l'assemblée
en disant : « Si vous avez la hardiesse de
nous traiter ainsi en ce lieu, peut-on douter
que vos accusateurs ne disent vrai, et si vous
exercez ici une telle tyrannie, que ne faites-
vous point chez vous? » Le trouble 12 que ces
sortes de disputes excitèrent en différentes
séances alla enfin jusqu'à la sédition. On cria
hautement qu'il fallait se défaire d'Athanase
comme d'un magicien, d'un homme violent
et indigne du sacerdoce. Les gardes commis
pour la sûreté du concile, furent obligés de
l'enlever secrètement du lieu de l'assemblée,
dans la crainte qu'on n'attentât à sa vie. Ce
Saint, voyant qu'il n'était pas sûr pour lui de
demeurer plus longtemps dans cette ville,
s'enfuit 13 et vint à Constantinople se plaindre
à l'empereur des violences de ses ennemis.
Le concile ne laissa pas de le condamner et
de le déposer, bien qu'absent. Constantin
manda alors tous les évêques pour lui rendre
compte de leur jugement; mais ils se conten-
tèrent de lui envoyer Eusèbe, avec cinq au-
tres, et, par
15 les nouvelles calomnies dont ils
chargèrent saint Athanase, ils engagèrent ce
prince à le reléguer dans les Gaules.

14

14. Cependant les évêques du concile de
Tyr reçurent une lettre de l'empereur qui
leur 16 ordonnait de terminer cette assemblée
et de se rendre en diligence à Jérusalem, pour
y dédier l'église de la Croix et de la Résur-
rection, qu'il avait fait bâtir. Ils s'y rendirent
et y trouvèrent d'autres évêques que Cons-
tantin avait fait venir de tous côtés, pour don-
ner plus d'éclat à cette auguste cérémonie,
dont nous aurons lieu de parler ailleurs. Eu-
sèbe y fit divers discours 17 pour orner cette
fête, et releva par son éloquence la magnifi-
cence de la nouvelle église. Quelque temps
après, et vers la fin de l'an 335, étant venu,
comme nous avons dit, à Constantinople pour
soutenir, contre saint Athanase, le jugement
du concile de Tyr, il prononça dans le palais
de l'empereur un long panégyrique de ce prin-

13 Sozomen., lib. II Hist., cap. 28, p. 486.

14 Athanas., in Apolog., p. 201, tom. I.
15 Ibid.,
p. 203.

16 Euseb., lib. IV de Vita Constantini, cap. 43,
p. 548.

17 Ibi nos quoque, quibus majora quam pro meritis nostris bona contigerunt, variis sermonibus publice habitis solemnitatem decoravimus; nunc regalis fabrica decorem ac magnificentiam scriptis enarrantes, nunc propheticorum oraculorum sensus apte et accommodate ad præsentes figuras atque imagines interpretantes, Euseb., ibid., cap. 45, p. 549.

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2

ce, que nous avons1 encore. En 336, il se trouva au concile de Constantinople, où l'on déposa Marcel d'Ancyre, accusé par les ariens, dont il était grand ennnemi, d'avoir avancé des hérésies dans son livre contre le sophiste Astérius. Eusèbe fut même chargé, par les Pères de ce concile, d'écrire contre Marcel; il composa cinq livres pour le réfuter, et montra qu'il était coupable des erreurs pour lesquelles on l'avait condamné. Constantin mourut l'année suivante, c'est-à-dire, en 337. Eusèbe écrivit son Histoire en quatre livres, peu de temps après, et c'est le dernier de ses ouvrages qui nous reste. On' croit qu'il mourut lui-même vers le temps que saint Athanase, Asclépas de Gaze et les autres évêques bannis sous Constantin furent rétablis sur leurs siéges, c'est-à-dire, vers l'an 339. Quelques Martyrologes le mettent au nombre des Saints; et, dans un ancien bréviaire manuscrit de l'Église de Limoges, on trouve trois leçons avec une collecte, pour le jour de sa fête, marquée au 21 juin ®.

15. Il serait à souhaiter que l'on eût pris autant de soin de nous conserver les écrits d'Eusèbe, que lui-même en a eu de transmettre à la postérité ceux des auteurs qui l'avaient devancé. Quoiqu'il nous en reste encore un assez bon nombre, il est néanmoins certain que nous en avons perdu bien davantage; car, outre que nous n'avons pas même tous ceux dont saint Jérôme 7 nous a laissé le catalogue, ce Père nous assure qu'Eusèbe en avait composé une infinité d'autres dont il ne parle point. Voici ceux dont on a connaissance: un livre contre Hiéroclès, six de l'Apologie pour Origène, trois de la Vie de saint Pamphile, l'Histoire de tous les temps, ou une Chronique, et l'abrégé de cette même

1 Apud Vales., p. 603.

2 Voyez l'article des livres d'Eusèbe contre Marcel, plus bas.

Socrat., lib. II Hist., cap. 4 et 5, p. 83.

Die 21 mensis junii, Palæstinæ, sancti Eusebii, episcopi et confessoris, viri excellentissimi ingenii et historiographi. Usuard., in Martyrolog. Item, apud Notkerum, in Martyrolog.: Die 21 mensis junii, in Cœsarea depositio sancti Eusebii, episcopi.

Sancti Eusebii, episcopi et confessoris, lectio 1. Eusebius, Cæsarea Palæstina episcopus, ob Pamphili martyris amicitiam, Pamphili nomen accepit, etc. Ensuite est la collecte ou l'oraison, conçue en ces termes : Omnipotens sempiterne Deus, qui nos concedis sancti Eusebii, confessoris tui atque pontificis, agere festivitatem, deduc nos, quæsumus, ejus precibus ad cœlestium gaudiorum societatem. Per Dominum nostrum, etc. A la tête d'un manuscrit de l'Église de Paris, ancien de

Chronique; un ouvrage sur le grand nombre d'enfants qu'avaient les anciens, ou sur la multiplicité des femmes et des enfants des Patriarches; un autre où il faisait voir l'accomplissement de ce que Jésus-Christ a prédit; un autre sur la Généalogie du Sauveur, quinze livres de la Préparation, et vingt livres de la Démonstration évangélique. Il paraît avoir fait tous ces ouvrages avant qu'il fût évêque de Césarée, c'est-à-dire, avant 315. Depuis ce temps jusqu'au concile de Nicée, on a de lui un long discours qu'il prononça à la dédicace de l'église de Tyr; sa lettre à Constantia, touchant les images; celle à Euphration; une à saint Alexandre d'Alexandrie, pour la défense d'Arius, et peut-être encore plusieurs autres sur le même sujet, qui passaient sous son nom du temps du second concile de Nicée. Vers l'an 325 ou 326, il publia son Histoire ecclésiastique, divisée en dix livres; il avait écrit auparavant les souffrances de presque tous les martyrs de la terre', et il fit ensuite un livre exprès touchant les martyrs de la Palestine. Dans le concile de Nicée, il prononça un panégyrique à l'honneur de Constantin, et, après la conclusion de ce concile, il écrivit sa lettre à son Église de Césarée, pour expliquer en quel sens il avait reçu le terme de consubstantiel. Depuis, il composa son livre de Topiques, où il fait mention de deux autres traités de même nature, dont l'un marquait les noms que les Juifs avaient donné à diverses nations, et comment on les avait appelées depuis; et l'autre était une topographie de la Terre-Sainte et du Temple. Eusèbe fit ces derniers ouvrages à la prière de Paulin de Tyr, mort au plus tard en 332. Il faut mettre plus tard son traité de la Páque, les divers sermons qu'il prononça à la dédicace

plus de huit cents ans, contenant l'Histoire d'Eusèbe, de la traduction de Rufin, on lit ces paroles: In nomine Dei summi ; incipit Historia sancti Eusebii, Cæsariensis episcopi. Voyez M. de Valois, dans ses Prolégomènes sur l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe, où il rapporte plusieurs autres autorités qui le qualifient saint, évêque très-heureux, de sainte mémoire, etc.

Cependant tous les autres calendriers manuscrits ou imprimés de l'Église de Limoges avaient mis au 21 juin la fête de saint Eusèbe, évêque, sans indiquer le lieu de son siége, et renvoyaient au Commun pour les leçons. La mémoire de saint Eusèbe, honoré dans ce jour, avait totalement disparu des Propres des Saints de 1674, 1683, 1689 et 1710. On a rétabli cette fête en 1736 et 1783, mais en l'appliquant à saint Eusèbe de Samosate. (L'éditeur.)

7 Hieronym., in Catalog., cap. 81.

de l'église de Jérusalem, son écrit pour relever la magnificence de Constantin dans la construction et l'ornement de cette église, et un autre encore où il faisait la description de la même église, de la caverne du saint Sépulcre et des ornements magnifiques dont Constantin avait enrichi ces saints lieux. Il fit encore un long panégyrique de ce prince, en la trentième année de son règne, c'est-à-dire, en 335, et enfin il écrivit cinq livres contre Marcel, et quatre de la Vie de Constantin, que l'on croit être son dernier ouvrage. Nous en avons de lui plusieurs dont on ne connaît pas l'époque, comme des commentaires sur le prophète Isaïe, sur tous les psaumes; dix canons évangéliques, avec une lettre à Carpien; deux homélies sur l'histoire de la Résurrection, qui ne sont apparemment que des fragments de l'ouvrage qu'il avait fait sur les endroits de l'Évangile qui paraissent se contredire. Il avait composé de plus cinq livres de la Théophanie, trente contre Porphyre, deux intitulés: De la Réfutation et de l'Apologie; deux, De la Préparation et de la Démonstration; un commentaire sur l'Ecclésiastique, divisés chacun en plusieurs livres et différents de ceux De la Préparation et de la Démonstration évangélique, dont nous avons parlé plus haut; un commentaire sur saint Luc, publié en partie par le cardinal Maï; un commentaire sur la première Épître aux Corinthiens, un commentaire sur l'Épître aux Hébreux, des églogues sur toute l'Écriture, un écrit contre les Manichéens, un adressé à Marin, touchant les différentes manières de vie que l'Église propose à ses enfants, et un autre au même, où il s'appliquait à résoudre des questions sur la Passion et sur la Résurrection du Sauveur. Le Père Sirmond a fait imprimer, sous le nom d'Eusèbe, quatorze opuscules latins, dont les deux premiers sont intitulés De la Foi contre Sabellius; le troisième, De la Résurrection; le quatrième, De la Résurrection et de l'Ascension; le cinquième et sixième, De Dieu invisible et incorporel; le

1 Euseb., lib. advers. Hierocl., p. 511.

2 Lactance nous apprend que Hiéroclès fit paraître ses livres dans le même temps que l'on abattit l'église de Nicomédie, ce qui arriva la première année de la persécution de Jésus-Christ, 303, et qu'il avait même assisté à la lecture que Hiéroclès en fit, lib. V Instit. divin., cap. 2 et 4.

Hiéroclès était un magistrat païen qui, de vicaire de préfet, fut fait gouverneur de la Bithynie, et ensuite de l'Egypte. Il y a apparence qu'il y eut part aux violences qui s'y exercèrent contre les chrétiens, dans

septième, De l'Ame incorporelle; le huitième, De la Pensée spirituelle de l'homme; le neuvième et le dixième, Sur ce que la nature de Dieu n'est pas corporelle; le onzième, sur ces paroles de Jésus-Christ: Je ne suis pas venu mettre la paix sur la terre; le douzième, sur ces autres paroles: Préchez sur les toits ce que je vous ai dit à l'oreille; le treizième, Des bonnes et des mauvaises Œuvres; le quatorzième et dernier, Des bonnes OEuvres. Enfin, on lui attribue un commentaire sur les Cantiques, une Histoire des Vies de divers prophètes, l'ancien Martyrologe qui porte le nom de saint Jérôme, les Actes du pape saint Sylvestre et quelques autres traités que l'on prétend avoir en Orient. Il faut maintenant donner une idée de chacun de ces ouvrages en particulier.

ARTICLE II.

LIVRE D'EUSÈBE CONTRE HIÉROCLÈS.

3

1. Il paraît qu'un des premiers écrits qu'Eusèbe composa, fut sa réponse aux deux livres de Hiéroclès, intitulés : Philalèthes, ou Amateurs de la vérité; car il l'écrivit peu1 après que Hiéroclès eut publié 2 ses deux livres, c'est-àdire, dans les premières années de la persécution générale sous Dioclétien, vers l'an 303, et nous ne connaissons aucun écrit d'Eusèbe d'une époque antérieure à celle-là. Hiéroclès avait adressé son ouvrage aux chrétiens, comme pour les conseiller, car il ne voulait pas paraître écrire contre eux par aucun mouvement de haine. La connaissance qu'il y faisait paraître des divines Écritures, en relevant un grand nombre de contrariétés apparentes, a donné lieu à Lactance de douter s'il n'avait pas été chrétien. Il y accusait * les apôtres, surtout saint Pierre et saint Paul, d'en avoir imposé, quoique d'ailleurs il les taxât de grossièreté et d'ignorance. Enfin, il y faisait une indigne comparaison d'Apollonius de Tyane avec Jésus-Christ, assurant qu'ils avaient fait l'un et l'autre de sembla

la persécution de Dioclétien. Il ne faut pas le confondre avec un autre Hiéroclès, philosophe platonicien, natif d'Alexandrie, qui vivait vers le milieu du Ve siècle, dont Photius cite un ouvrage du Destin et de la Providence, divisé en sept livres. Biblioth., cap. 242, p. 1038. Vide Fabric., Bibl. Græc., t. I, lib. II, .p. 470; Lactant, lib. V, Instit. divin., cap. 2, et lib. de Mort. persecut., cap. 16; item, Epiphan., Hares. 68, p. 717. Lactant., lib. V Instit. divin., cap. 2. Ibid. Ibid.

Ibid.

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Analyse. Preuves de

Jésus-Christ

monst.

514. 513, 514 Pag. 513.

bles prodiges, ou même qu'Apollonius en avait fait de plus grands. Personne, jusque-là, ne s'était avisé d'attaquer la religion chrétienne avec de pareilles armes, et c'est ce qui engagea Eusèbe à réfuter d'abord cette dernière partie de l'ouvrage de Hiéroclès, se réservant de montrer ailleurs 2 la fausseté de ce que le philosophe avançait dans tout le reste. Photius avait lu3 cet écrit de la Réfutation des livres de Hiéroclès, par Eusèbe.

4

2. L'auteur l'adresse à un de ses amis qu'il a divinité de ne nomme point et qui paraissait frappé Ton. De du parallèle d'Apollonius avec Jésus-Christ. Erang, pag. Comme Hiéroclès ne le fondait que sur la Vie de ce philosophe par Philostrate, Eusèbe se propose uniquement de détruire la vérité de cette Histoire. « Mon dessein, ditil, n'est pas d'examiner qui des deux, d'Apollonius ou de Jésus-Christ, a mérité à plus juste titre d'être reconnu pour Dieu, ou lequel a fait des miracles en plus grand nombre et plus éclatants. Je ne parlerai point de l'avantage qu'a Jésus-Christ, d'avoir été seul prédit par les Prophètes, ni de ce que, par la force de sa doctrine céleste, il s'est attiré un plus grand nombre de sectateurs, ni de ce qu'il a eu pour témoins de ses actions ses disciples, gens sincères et incapables d'en imposer, tout prêts à souffrir la mort pour la doctrine de leur maître. Je ne m'arrêterai pas à montrer qu'il est le seul qui ait appris aux hommes à vivre dans la frugalité et de manière qu'il leur soit pofitable pour la vie future; que, par la vertu de sa divinité, il s'est fait connaître à toute la terre pour le Sauveur

1 Euseb., lib. advers. Hierocl., p. 512. * Lib. III Demonstr. Evangel.

3 Lecta est Eusebii Pamphili confutatio brevis librorum Hieroclis de Apollonio. Phot., Bibl., c. 39, p. 23. Philostrate était natif de Lemnos, île de l'Archipel, aujourd'hui Stalimène. Il vint à Rome du temps de l'empereur Sévère, sur la fin du IIe siècle, et il enseigna la rhétorique dans cette ville jusqu'au règne de Philippe, c'est-à-dire, jusqu'en 244, après l'avoir professée à Athènes, d'où vient qu'Eusèbe le nomme athénien. Ce fut sous le règne de Sévère, et à la prière de l'impératrice Julie, qu'il écrivit l'Histoire d'Apollonius de Tyane, tirée, à ce qu'il dit, des Commentaires de Damis, qui, en qualité de disciple d'Apollonius, avait été témoin de la plupart de ses actions. Il dit aussi l'avoir puisée dans les Commentaires de Maxime d'Egée; mais il est à croire que c'est une pure fable controuvée, pour ôter créance aux miracles faits par Jésus-Christ et par ses Apôtres. C'est ce qu'Eusèbe prétend montrer dans son livre contre Hiéroclès, en faisant voir grand nombre de contrariétés et de faits hors de vraisemblance qui se trouvent dans cette Histoire: d'ailleurs, elle n'a été écrite par Philostrate que plus de cent ans après la

des hommes, en sorte qu'encore aujourd'hui plusieurs milliers s'empressent de tous côtés à venir puiser dans la source de sa divine sagesse, et que sa doctrine exposée depuis déjà tant d'années aux contradictions et aux attaques des princes et des peuples, est demeurée victorieuse de tous leurs efforts. Je ne relèverai point non plus la preuve de sa divine puissance, si sensible encore de nos jours en prononçant seulement son saint nom, nous contraignons les démons impurs à sortir des corps et des âmes de ceux qu'ils possèdent. Après cela, il y aurait de la folie, je ne dis pas à mettre en question si Apollonius est comparable à Jésus-Christ, mais même de le penser. »

Pag. 514.

Apollonius n'a lais.

sé après lui que qu'il ait Contradic

aucune mar

été Dieu. tions qui se trouvent dans son

3. Sans donc entrer dans le détail de toutes ces preuves de la divinité de Jésus-Christ, Eusèbe fait voir qu'en s'en tenant à l'Histoire de Philostrate, Apollonius, loin de pouvoir entrer en parallèle avec notre Sauveur, ne mérite pas même qu'on lui donne rang parmi histoire. les philosophes et les hommes d'une qualité médiocre. Il demande à Hiéroclès de lui produire quelque preuve encore subsistante de la divinité d'Apollonius. N'est-il pas absurde de penser qu'un Dieu ait paru sur la terre sans y laisser aucun vestige de sa divinité, tandis que de simples architectes et autres ouvriers semblables se procurent l'immortalité par leurs œuvres ? Il examine ensuite ce que Philostrate dit d'Apollonius et montre, par les contradictions où il est tombé, que son récit ne mérite aucune créance. Par exemple, Philostrate assure dans un endroit qu'Apol

na

mort d'Apollonius. Ce sentiment nous paraît plus sûr que d'attribuer à la magie les miracles d'Apollonius; aussi, quoique Eusèbe ait quelquefois recours à cette solution, il paraît qu'il ne la tenait point pour assurée, puisqu'il déclare expressément qu'il ne veut faire aucune difficulté de reconnaître Apollonius pour un philosophe d'une vie irréprochable. L'auteur des Questions attribuées à saint Justin, Quest. 24, semble avoir cru que ce qu'Apollonius a fait d'extraordinaire, il l'a fait par la connaissance qu'il avait des causes turelles. Gabriel Naudé, dans son Apologie pour les grands hommes faussement soupçonnés de magie, p. 239, a prétendu faire voir qu'il n'y a aucun des faits attribués à Apollonius, que l'on ne puisse rapporter à l'adresse, au prestige ou au hasard. Mais cette opinion est sujette à de grands inconvénients; car si l'on peut expliquer ainsi les prétendus miracles d'Apollonius, cela va à détruire, ou au moins à faire révoquer en doute les mieux avérés, outre que cet auteur lui-même a été obligé de passer sur quelquesuns qu'il a bien vu ne pouvoir être expliqués de cette façon, comme lorsqu'Apollonius disparut tout-à-coup de la présence de Domitien, et qu'il fut transporté de Rome à Ponzzole dans un très-petit espace de temps.

Pag.316.

cit ne mérite aucune créance. Par exemple, Pag. 817, 518. Philostrate assure dans un endroit qu'Apollonius possédait toutes sortes de langues, sans les avoir apprises; et ailleurs il dit que ce même Apollonius, âgé de quatorze ans, fut mis par son père sous la discipline d'Euthydème, phénicien, pour y être instruit de l'art de parler; il nomme aussi les maîtres qu'il avait eus pour la philosophie et rapporte qu'étant allé dans les Indes, il fut obligé de se servir d'interprète, pour pouvoir y conférer avec le roi Phraotès.

Pag. 521.

Suite. Pag. 522.

Pag. 517.

Pag. 532.

Pag. 533.

Pag. 541.

Faasseté

4. Philostrate ajoute que Phraotès, ayant fait retirer l'interprète, commença à répondre en grec au discours d'Apollonius; celui-ci, surpris d'entendre un roi barbare parler cette langue, demanda avec étonnement qui pouvait la lui avoir apprise parmi les Indiens. « Ce qui ne s'accorde guère, dit Eusèbe, avec la suite de son histoire, où il prétend faire passer Apollonius pour un homme qui pénétrait dans les plus secrètes pensées, et doué d'une connaissance comme naturelle de toutes choses, même de l'avenir. » Eusèbe relève encore, à ce sujet, une autre particularité rapportée par Philostrate dans la Vie d'Apollonius. Vespasien, étant venu le trouver pour lui demander l'empire, le consulta en même temps touchant les philosophes qu'il devait choisir pour former son conseil. Apollonius, montrant du doigt Dion et Euphrate, répondit : « Ceux-ci sont gens sages et de bonnes mœurs. » Mais il se brouilla depuis avec Euphrate, et il n'y eut pas de crimes dont il ne le chargeât, témoignant ainsi qu'il s'était trompé dans le jugement favorable qu'il avait porté de ce philosophe. Eusèbe ajoute que ce n'est pas un des moindres préjugés contre Apollonius, que cet Euphrate, son disciple, philosophe très-célèbre et estimé encore de son temps par tous ceux qui avaient l'amour de la philosophie, eût encouru la disgrâce de son maître pour avoir condamné ses actions. Enfin Philostrate, parlant de la fin d'Apollonius, reconnaît que les auteurs dont il avait tiré son histoire, ne convenaient ni du lieu, ni des circonstances de sa mort. Les uns voulaient qu'il fût mort à Éphèse, d'autres à Lindo, dans le temple de Minerve, d'autres dans l'île de Crète; et toutefois il avance comme un fait constant, que ce philosophe était monté vivant au ciel, et rapporte même les circonstances de cette prétendue merveille.

5. Eusèbe, après avoir fait remarquer ces de contradictions dans l'histoire d'Apollonius,

attribués à

III.

Pag. 527.

Pag. 530,

vient aux miracles que Philostrate lui attri- Apollonius buait. Il montre, par cet auteur même, qu'il n'en avait fait aucun avant son retour de l'Arabie et des Indes, où il était allé consulter les brahmanes et les magiciens de ces payslà; d'où l'on pouvait conclure que ceux qu'il fit depuis, n'étaient que l'effet de l'art qu'il avait appris de ces célèbres magiciens. « Ce qui est certain, ajoute Eusèbe, c'est qu'il fut accusé de magie, même par les païens, et entre autres par Euphrate, dont nous avons parlé plus haut. » Ce fut un des principaux chefs d'accusation que l'on intenta contre lui devant Domitien; à Athènes, le hiérophante refusa de l'initier aux mystères d'Eleusine, comme un magicien et un homme qui n'était pas pur du commerce avec les démons. Sur ce fondement, Eusèbe soutient qu'en reconnaissant même pour vraies les prédictions d'Apollonius, comme celle de la peste à Éphèse, qu'il avait annoncée d'avance, il y a tout lieu de croire que le démon en était l'auteur, soit par lui-même, soit par le secours de l'art magique.

6. « Quant à la délivrance d'Ephèse, ajoute-t-il, il est visible que c'est une fable faite à plaisir, ou au moins un prestige du démon; car quelle apparence que la peste, qui n'est autre chose qu'une corruption de l'air, ait été apaisée par le meurtre d'un bon vieillard, qui se trouva ensuite n'être qu'un chien? et comment Ephèse seule pouvait-elle être infectée de cet air corrompu, sans que les endroits circonvoisins s'en ressentissent ? Si Apollonius chassait les démons, continue Eusèbe, c'était, comme l'on dit, par le secours d'un autre démon; et, pour ce qui est du fait de la fille ressuscitée à Rome par le même Apollonius, Philostrate même n'ose se promettre qu'on doive y ajouter foi; aussi ne le propose-t-il qu'en doutant si cette fille n'avait pas encore quelque reste de vie, qui, excité par une pluie douce qui tomba tandis qu'on la portait en terre, l'ait fait revenir à soi. En effet, si ce fait eût été véritable, l'empereur et les grands de la Cour l'eussent-ils ignoré? Euphrate se serait-il séparé, comme il fit bientôt après, d'Apollonius, son maître? et n'eût-on rien dit de ce prodige, dans le procès qu'on lui fit, où l'on n'oublia pas le prétendu miracle arrivé à Ephèse ?»>

7. Voilà les principales raisons dont Eusèbe se sert contre l'histoire de Philostrate. Il finit son ouvrage par une courte réfutation de ce que cet historien faisait dire à Apollo

12

Pag. 534.

Suite. Pag. 528.

Pag. 530.

Eusèbe

combat la nécessité du

Destin.

Pag. 538.

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