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Idée des livres de la

étanjelique. Dessein d'Eusèbe

vrage.

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leur victoire sur Maxence, qu'Eusèbe fit paraître son grand ouvrage de la Préparation et de la Démonstration évangélique. Il semble lui-même marquer cet édit dans le sixième livre de la Démonstration, lorsqu'il dit que l'autorité des empereurs romains était comme un frein qui retenait les Égyptiens et les autres peuples, et les empêchait non-seulement de rien entreprendre contre l'Église, mais même d'aboyer contre elle. Mais, dans les livres précédents, il témoigne que les princes et les nations ne cessaient de conjurer contre Jésus-Christ et contre sa doctrine; et3 qu'on traînait encore, dans ce temps, les chrétiens devant les tribunaux des magistrats, où il suffisait de confesser le nom de JésusChrist, pour être puni du dernier supplice, quelque innocent que l'on fût d'ailleurs. On peut donc croire qu'il composa cet ouvrage partie pendant la persécution, partie après qu'elle eut cessé. Il est adressé à un évêque nommé Théodote, que l'on croit être celui de Laodicée, dont Eusèbe parle 'ailleurs avec éloge et qu'Arius compte parmi ceux de son parti, dans sa lettre à Eusèbe de Nicomédie.

§ Ier.

Livres de la Préparation évangélique.

7

8

1. La première partie, intitulée: De la PréPréparation paration évangélique, contient quinze livres, mentionnés par saint Jérôme et par Phodans cet ou- tius. C'est un ouvrage d'une érudition profonde, dans lequel Eusèbe nous a conservé des fragments précieux et considérables de plusieurs auteurs très-anciens, dont les noms mêmes ne seraient pas connus sans lui. Il y rapporte aussi des extraits empruntés à beaucoup d'autres, auxquels il assure la propriété des ouvrages qui nous restent et dont ils portent le nom. On ne peut voir sans étonnement

1 Sic autem ipse regnum Romanorum arbitror esse vocatum, quo tanquam freno ac vinculo impediti, non solum Ægyptii superstitiosissimi, sed reliqui quoque universi homines, nihil possunt jam, audentve contra Salvatoris nostri Ecclesiam oblatrare. Euseb., lib. VI Demonstr., cap. 20, p. 299.

2 Necdum gentes et populi, et reges et principes desistunt, tum adversus illum (Christum), tum adversus doctrinam ejusdem convenire. Ibid., lib. IV, cap. 16, p. 182.

3 Talia item erant quæ propter nomen suum passuros illos prædicabat, significans quod ad præsides ducendi essent, quod ante reges sistendi; quod omnis generis pœnas subituri, non ob ullam probabilem causam, sed id totum propter nomen suum. Quod interim cum reipsa ad hunc usque diem compleri cernamus, cur non hujusce

cette foule prodigieuse de théologiens, de philosophes et d'historiens païens, dont il entasse à plaisir les opinions les unes sur les autres, pour les battre en brèche et les faire ensuite toutes tomber en ruine, par une espèce de guerre intestine qu'il excite entre elles. On est obligé de convenir, avec Scaliger', que c'est un travail divin, pour la composition duquel il lui avait fallu fouiller dans toutes les bibliothèques de l'Égypte, de la Phénicie et de la Grèce, afin de prendre en défaut leurs plus célèbres écrivains et de les convaincre d'erreur par l'autorité de la loi de Dieu, en montrant que ce qu'ils avaient dit de bon, ils l'avaient puisé dans les livres des Hébreux. Le but de l'auteur est donc de faire voir que les chrétiens ont été bien fondés à rejeter la doctrine des Grecs, pour suivre celle des Hébreux, se réservant d'exposer ensuite, dans sa Démonstration évangélique, les raisons qui les ont portés à embrasser la foi de Jésus-Christ, à l'exclusion de celle de Moïse. C'est ainsi qu'il prépare son lecteur à recevoir les preuves de l'Évangile, et c'est pourquoi il donne à son ouvrage le titre de Préparation évangélique.

2. Il commence par y donner la définition de l'Évangile, tirée de l'étymologie même du nom, qui veut dire en grec, bonne nouvelle. Avant de mettre au jour l'impiété et la folie du paganisme, ce qu'il se propose de faire dans les six premiers livres, il rapporte les principales preuves sur lesquelles notre religion est fondée. Une des plus évidentes est l'accomplissement des prophéties. Jésus-Christ avait prédit que sa doctrine devait se répandre par toute la terre, et que son Église, qui n'avait alors que de faibles commencements, se fortifierait de telle sorte, qu'elle deviendrait inébranlable aux plus violentes attaques de ses ennemis. « Qui osera nier, dit Eusèbe, que

eventi prædictionem obstupescimus? Una enim confessio nominis Jesu animos consuevit accendere principium, nam etsinihil reprehensione dignum admiserit, qui Christum confessus est, eum tamen puniunt plectentes nominis illius causa omnibus scelestis asperius. Quod si quis eam appellationem abjuraverit, negaveritque se Christi esse discipulum, dimittitur illico ac liberatur, etiamsi innumerabilibus peccatis obnoxius teneatur. Eusèb., lib. III Demonstr., cap. 7, p. 119.

Præparat. Evang., lib. I, cap. 1, p. 1.
Euseb., lib. VII Hist., cap. 32, p. 288.

6 Theodoret., lib. I Hist. eccles., cap. 4, p. 538.
7 Hieronym., in Catalogo., p. 81.

8 Phot., Biblioth., cap. 9, p. 10.

9 Scalig., in Not, ad Euseb. Chron.

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Preuves de la religion chrétienne par les pro

Juifs.

ces prédictions ne fussent vraies, puisque l'événement en est une preuve si convaincante? Déjà la voix de l'Évangile s'est fait entendre par toute la terre; déjà il s'est ouvert un chemin de tous côtés, chez les peuples et les nations, et le nombre de ceux qui le reçoivent s'augmente de jour en jour; déjà l'Église a poussé de profondes racines, et, soutenue des prières et des voeux des hommes justes et agréables à Dieu, elle élève sa tête jusqu'au plus haut des cieux, prenant à chaque jour de nouveaux accroissements qui l'affermissent, en sorte que ni les menaces de ses ennemis, ni la mort même ne peuvent l'ébranler.

3. « Les prophéties des Hébreux ne sont pas de moindres preuves de la vérité de notre phéties des religion. Leurs prophètes ont prédit la venue d'un Messie; ils ont dit qu'il devait paraître une doctrine nouvelle et inconnue auparavant, qui s'étendrait par tout le monde; ils ont prévu l'incrédulité des Juifs, leur opiniâtreté et leur endurcissement dans l'erreur; tout ce qu'ils ont fait contre Jésus-Christ, et les malheurs qui devaient leur arriver en conséquence, savoir la ruine de Jérusalem et de tout le pays, suivie de leur dispersion chez les nations étrangères, pour y souffrir une dure servitude sous la puissance de leurs ennemis. Tout le monde a vu et voit encore aujourd'hui l'accomplissement de ces prédictions, tant pour ce qui regarde les malheurs et la réprobation de la nation juive, que pour la vocation des Gentils à la foi.

Préjugés

la religion

Cap 4.

4. « Ce sont là des preuves capables de confavorables à vaincre toute personne, que notre religion n'est chrétienne pas d'une invention humaine, puisqu'elle a été prédite si longtemps auparavant par des hommes inspirés de Dieu. Mais, sans s'arrêter à ces preuves, peut-on voir la doctrine chrétienne, en butte depuis tant d'années aux attaques secrètes des démons et aux persécutions ouvertes des princes, se soutenir néanmoins et même se fortifier de plus en plus, sans être obligé d'avouer que cette force admirable qui la rend supérieure aux efforts de ses ennemis, ne peut lui venir que de Dieu, modérateur de toutes choses? Ce qui montre encore qu'elle est véritable, c'est le progrès si rapide de l'Évangile, le monde entier pacifié par une providence spéciale de Dieu, pour faciliter ce progrès; un changement total dans les mœurs des nations les plus barbares; la connaissance d'un seul Dieu substituée au culte déraisonnable des idoles, des démons, des astres, des hommes, des animaux mêmes; la vie pure et

innocente de ceux qui ont reçu cette doctrine; l'excellence de sa morale, la grandeur de ses dogmes, en particulier de celui de l'immortalité de l'âme, que de simples filles et de faibles enfants, soutenus du secours de Jésus-Christ, établissent plus solidement, par leur mépris pour la vie présente, que n'ont fait les plus habiles philosophes par leurs raisonnements.>> Ainsi Eusèbe fait voir que la foi des chrétiens n'est ni déraisonnable, ni téméraire, les uns croyant après un mûr examen, déterminés par la solidité des motifs qui lesportent à croire, et les autres, incapables d'en juger, s'appuyant sur la foi et sur l'autorité des premiers; en quoi ils ne s'écartent en rien de la manière d'agir en usage parmi les hommes sensés; car un malade, par exemple, qui ignore pourquoi son médecin lui ordonne tels ou tels remèdes, ne laisse pas de se soumettre entièrement à sa conduite, parce qu'il suppose qu'étant bien instruit de la qualité de son mal et des remèdes qu'il faut y apporter, il ne lui prescrira rien que d'utile à sa santé.

Cap. 5.

Théologie fabuleuse des palens.

Cap. 8.

Cap. 9.

5. Après avoir ainsi disposé ses lecteurs en faveur de la religion chrétienne, il travaille à les convaincre de la vanité de celle des païens. Pour cet effet, il propose d'abord la théologie fabuleuse des nations les plus célèbres, d'après le témoignage de leurs propres auteurs, et il en emprunte même les paroles, afin qu'on ne l'accuse pas d'en imposer. Le premier qu'il fait parler est Diodore de Sicile, cap. 6 et 7. très-connu chez les Grecs pour avoir ramassé en un seul corps de bibliothèque les histoires particulières de chaque pays. Viennent ensuite Plutarque, qui rapporte les différentes opinions des philosophes sur l'origine et le principe de toutes choses; Socrate, qui se moque de ces philosophes; Porphyre, qui décrit l'ancienne manière de sacrifier aux dieux; Sanchoniathon, qui fait connaître la théologie des Phéniciens. Dans le second livre, il continue d'exposer la théologie des païens, en produisant les témoignages de Manéthon sur celle des Égyptiens; de Diodore de Sicile, déjà cité, sur celle des Grecs; de Clément d'Alexandrie, qui, dans son Exhortation aux Grecs, réfute les fables et les mystères du paganisme; de Platon, qui conseille d'ensevelir ces fables dans le silence, ou du moins de n'en parler qu'avec précaution, comme n'étant propres qu'à gâter l'esprit des jeunes gens. Enfin il expose la théologie des Romains, rapportée par Denys d'Halicarnasse, et entièrement contraire à celle des Grecs.

Cap. 10.

Lib. II, cap. 4 et 2. Cap. 3 et 6. Cap. 7.

Cap. 8.

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83 et seqq.

Il combat

civile des

oracles des faux dieux. Lib. IV. cap.

1.

fables les plus grossières, et de les expliquer par la physique. Eusèbe montre, au contraire, que la vraie théologie des païens ne consistait que dans ces fables prises au pied de la lettre, comme les poètes les avaient proposées; et que, suivant même les allégories des physiciens, c'était toujours une idolâtrie grossière, puisque, sous les noms de dieux et de déesses, on n'aurait adoré que les astres et les éléments, en un mot des corps et de la matière.

7. Dans les trois livres suivants il réfute la la théologie théologie civile des païens, c'est-à-dire le palens, elles culte des idoles, fondé sur les oracles qu'ils rendaient. Eusèbe soutient que, sans aller chercher une cause surnaturelle, Dieu, ou le démon, il était facile de faire voir que tout ce que les oracles présentaient de merveilleux. en apparence, n'était ou qu'une illusion, ou des effets purement naturels, qu'on n'admirait que parce que l'on n'en connaissait point les causes. Il suppose donc qu'au lieu des idoles qui paraissaient répondre à ceux qui venaient les consulter, c'étaient des hommes cachés dans le creux de ces mêmes idoles, et qui, ayant une connaissance, au-dessus du commun, de la vertu des plantes et des herbes, des causes naturelles et de leurs effets, instruits en même temps par leurs espions des raisons qui amenaient chacun à l'oracle, rendaient à tous des réponses conformes à ce qu'ils désiraient, prescrivaient aux uns les remèdes convenables à leurs maladies, et annonçaient aux autres l'avenir par une longue suite de vers magnifiques, que l'on ignorait avoir été composés à loisir, et dont le sens équivoque les sauvait du reproche de s'être trompés, quoi qu'il pût arriver. Il prouve ce qu'il avance par l'aveu même de ceux qui étaient les auteurs de ces fourberies; car quelques-uns du nombre de ces gens qui se faisaient gloire de porter le manteau de philosophes, et d'autres qui comptaient parmi les premiers magistrats d'Antioche, se voyant traînés aux tribunaux des Romains et mis à la question, avaient découvert toute la tromperie, et leurs dépositions se trouvaient enregistrées dans les actes publics. Eusèbe assure

Cap. 2.

1 Fleury, tom. III Hist. ecclés, p. 9.

2 Et nunc mirum ulli videatur, civitatem hoc morbo

ce fait comme étant arrivé de son temps. A cette preuve il en ajoute une autre, c'est qu'un très-grand nombre de philosophes et des sectes entières, comme les péripatéticiens, les épicuriens, les cyniques, non-seulement ne convenaient point de la vérité des oracles, mais prétendaient même qu'ils étaient inutiles et souvent nuisibles à l'État.

8. Il montre ensuite que, quand il serait vrai que les idoles rendissent des oracles, c'étaient les mauvais génies ou démons qui en étaient les auteurs; en effet Porphyre, rapportant un oracle d'Apollon touchant les différentes cérémonies qui devaient accompagner les sacrifices d'animaux, assurait qu'il n'y avait que les mauvais démons qui demandassent de ces sortes de sacrifices. Il disait de plus que c'étaient eux qui avaient inventé les oracles, les divinations et la magie; qu'il fallait renoncer à leur culte, pour servir le Dieu souverain; et que ce Dieu était si grand, que tout culte extérieur, même de paroles, était indigne de lui. Il condamnait surtout la coutume barbare d'immoler des hommes aux idoles, comme étant de l'invention des mauvais démons: or, Eusèbe fait voir, par Porphyre même et par plusieurs autres, que l'on avait offert de ces sacrifices abominables à ceux qui passaient pour les plus grands dieux du paganisme, à Junon, à Minerve, à Saturne, à Mars, à Apollon, à Jupiter même: d'où il conclut qu'ils étaient donc de mauvais démons, ou au moins qu'ils approuvaient qu'on les apaisât par ces victimes, n'étant pas assez puissants sur eux-mêmes pour s'empêcher de faire du mal aux hommes.

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Puissance

les démons: témoignage remarquable à ce sujet. Lib. V, cap.

9. C'est pour nous délivrer de la tyrannie de J.-C. sur de ces malins esprits que Jésus-Christ est venu sur la terre; et en effet, depuis que sa doc- de Porphyre trine a paru, les hommes, ramenés à des sentiments plus humains, n'ont plus cherché à se détruire les uns les autres, comme ils faisaient auparavant, par des guerres presque continuelles. Ils sont revenus de la peur que leur causait la méchanceté des démons, et ont cessé d'égorger sur leurs autels ce qu'ils avaient de plus proche et de plus cher. Les oracles sont devenus muets; enfin toute la puissance des démons a été abattue, ce que Porphyre même avait été obligé d'avouer : «Faut-il s'étonner, disait ce philosophe, si cette ville est affligée de maladies depuis tant

2

tot jam annos conflictari, cum Esculapius, cæterique dui hominum sese consuetudini consortioque subduxerint ?

3.

Cap, 4 et

seq.

Cap. 8.

Cap. 10.

Cap. 19 et

seqq.

d'années, puisqu'Esculape et les autres dieux se sont retirés de la compagnie des hommes; car, depuis que Jésus a commencé d'être adoré, personne n'a ressenti les effets de leur protecCap. 2 et tion. Eusèbe remarque ensuite les différentes sources de l'idolâtrie et les artifices dont les démons s'étaient servis pour attirer les hommes à leur culte; puis il continue à montrer que les dieux adorés par les païens étaient de mauvais démons. Il le prouve par Plutarque, par les maux que ces dieux faisaient aux hommes; car, à force d'enchantements et de maléfices, on leur faisait faire ce que l'on voulait, comme ils l'avouaient eux-mêmes sur quoi il rapporte un passage de Porphyre, où ce philosophe, témoigne ne pas concevoir comment les dieux étant supérieurs aux hommes, se trouvaient néanmoins obligés de leur obéir par la force de l'art magique. Il vient, en particulier, à l'examen des plus célèbres oracles, et, pour en montrer l'illusion, il emprunte les paroles d'un certain ŒEnomaüs, qui, ayant été trompé par un oracle d'Apollon, avait composé exprès un long discours où il faisait voir, par énumération, qu'il n'y avait aucun de ces oracles que l'on ne pût convaincre de Lib. VI, cruauté, d'ignorance, de fausseté ou d'inutilité. S'il arrivait parfois qu'ils annonçassent vrai, c'était, selon Porphyre, dans des choses qui s'apprennent en étudiant le mouvement des astres; en quoi il n'y a rien que les hommes ne puissent faire. Quelquefois, lorsqu'ils s'étaient trompés dans leurs prédictions, ils s'excusaient sur la force invincible du destin; car c'était l'opinion de la plupart des païens, que tout se faisait par nécessité. Eusèbe en prend occasion de réfuter cette erreur; il le fait d'abord par ses propres raisons, qui sont peu différentes de celles qu'il emploie dans son traité contre Hiéroclès; ensuite par celles des philosophes païens qui l'avaient combattue.

cap. 1 et 2.

Cap. 6 et seq.

Doctrine des Hé

en quoi ils

sont distin

gués des Juifs. Lib. VII,

cap. et seq.

10. Venant à la doctrine des Hébreux, il en breux éty- fait voir l'excellence en la comparant avec mologie de leur nom; toutes ces vaines théologies des autres nations. Celles-ci, pour unique et souverainbien, proposaient les voluptés du corps; et c'était à quoi se rapportait tout le culte qu'elles ordonnaient de rendre aux dieux. L'autre, au contraire, enseignant le mépris des plaisirs, place la fin de l'homme dans l'union avec Dieu; elle apprend à penser juste sur l'immortalité de l'âme et le culte d'un seul Dieu;

Ex quo enim Jesus coli cœptus est, communem ac publicam deorum opem nemo sensit, Porphyr., apud

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elle seule a su jeter les fondements de la vraie piété, ainsi que l'ont prouvé, par l'innocence de leur vie, ceux qui ont tenu cette doctrine, Enos, Enoch, Noé, Melchisédech, Abraham, et les autres qui ont vécu avant la loi de Moïse, ou même depuis, mais sans y être assujettis, comme Job. Ces Saints ont été nommés Hébreux, soit qu'ils tirassent ce nom d'Héber, oncle d'Abraham; soit qu'on le leur ait donné pour marquer, par sa signification, qui veut dire passants, qu'ils ne regardaient la terre que comme un passage, et qu'ils en méprisaient les biens, pour s'attacher à la contemplation du Dieu tout-puissant. Eusèbe les distingue des Juifs, qui étaient un peuple particulier soumis à la loi de Moïse et à toutes ses cérémonies; tandis que les Hébreux ne suivaient que la loi de nature et la lumière de la raison, commune à toutes les nations. Il rapporte en abrégé la vie de ces Saints, telle que les livres de Moïse la racontent; puis, expliquant quelle était leur doctrine, il dit qu'ils reconnaissaient un seul Dieu créateur et conservateur de toutes choses, gouvernant tout par sa providence; après lui, sa parole ou sa sagesse engendrée de lui avant toutes créatures, par laquelle il a fait toutes choses; et en troisième lieu, le Saint-Esprit. Ils croyaient aussi que le soleil, la lune, les étoiles et les astres sont l'ouvrage de Dieu; qu'il a créé des substances purement spirituelles, c'est-à-dire des anges, dont le nombre infini n'est connu que de lui seul, et dont les uns sont demeurés bons, les autres sont devenus méchants par leur faute; qu'il a précipité ces derniers dans les enfers, pour y souffrir la peine de leur révolte; mais qu'il en a laissé une partie répandue autour de la terre, afin que les hommes exposés sans cesse à leurs attaques, eussent toujours des occasions présentes de mériter, en leur résistant. Ce sont ces démons qui ont inventé l'idolâtrie et qui, en haine de Dieu, se sont fait adorer à sa place, abusant de la simplicité des hommes par les divinations, les oracles et autres prestiges. L'homme, selon ces Saints, est composé de deux parties, d'un corps terrestre et d'une âme immortelle; c'est dans celle-ci que Dieu a gravé son image.

11. Il passe à la loi de Moïse, faite pour les Juifs, et rapporte de suite l'histoire de la traduction des Septante, telle qu'Aristée l'avait

Euseb., lib. V Præparat, evangel,, cap. 1, p. 179.

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Bainte.

seq

Cap. 6 et

Cap. 9.

Cap. 40.

[IVE SIÈCLE.] CHAPITRE IX. — EUSÈBE, ÉVÊQUE DE CÉSARÉE EN PALESTINE.

'Écriture écrite; remarque, comme une providence
particulière, que Dieu ait inspiré à Ptolémée
le dessein de faire traduire cette loi, afin de
préparer les nations étrangères à recevoir le
Lib. VIII, Messie qui devait bientôt paraître. Il montre
cap 1 et seq. ensuite l'excellence de cette même loi, par les
témoignages de Philon et de Josèphe; puis,
faire voir la distinction des viandes
pour
que
qui y est prescrite, n'a rien de contraire à la sa-
gesse du législateur, il rapporte le discours du
grand-prêtre Éléazar, expliquant aux envoyés
du roi Ptolémée les raisons mystérieuses de
cette distinction. De tous les animaux à quatre
pieds, les Juifs ne pouvaient manger que ceux
dont la corne du pied est fendue et qui rumi-
nent, pour marquer tout à la fois le discerne-
ment qu'ils devaient faire du bien et du mal,
et la méditation continuelle de la loi de Dieu.
Il leur était défendu de toucher la chair des
leur en-
bêtes carnassières et voraces, pour
seigner qu'ils ne devaient faire injure à per-
sonne, de fait ni de paroles. De même on leur
avait ordonné de choisir, pour le sacrifice, les
animaux les plus doux, et ils ne devaient sa-
crifier aucune bête sauvage, afin qu'ils appris-
sent à pratiquer la douceur et l'humanité. Le
juif Aristobule, qui, suivant Aristée, est le
même dont il est parlé au commencement
du second livre des Machabées, avait adressé
un écrit à Ptolémée, où il expliquait d'une
manière allégorique les endroits de l'Écriture
qui attribuent à Dieu des membres humains.
Selon lui, la main de Dieu signifie sa puis-
sance; son repos, la durée de ses ouvrages;
son changement d'un lieu à un autre, ses
opérations. Eusèbe justifie de même, par les
explications des Juifs, quelques autres en-
droits de l'Écriture dont le sens littéral sem-
ble avoir quelque chose de choquant. Il rap-
porte aussi les témoignages de plusieurs au-
teurs grecs sur le déluge, sur la construction
de la tour de Babel, sur la confusion des lan-
gues, sur l'histoire d'Abraham, de Jacob, de
Jérémie, de la captivité de Babylone, et sur
divers autres points de l'histoire des Juifs;
mais il prouve surtout l'excellence de leur
religion, par la sainteté de plusieurs d'entre
eux, et plus particulièrement des Esséniens,
dont il fait la vie sur le récit de Philon, juif,
de Théophraste et de Porphyre, païens, en
prenant soin d'appuyer ce qu'il avance, de
témoins désintéressés et non suspects.

Cap. 11.

Cap. 12.

Les Paiens

12. Aux Grecs qui reprochaient aux chréreprochent tiens d'avoir reçu leur religion des Barbares, bendir il répond en leur montrant qu'ils avaient

Chré

pris leur re

187

Barbares; cette objec

Lib. X

enx-mêmes emprunté tous les arts, les lettres ligion des
et les sciences aux peuples qu'ils nommaient réfutation de
barbares, et en particulier aux Hébreux. C'est tion.
par le propre aveu de
ce qu'il prouve d'abord
leurs auteurs, ensuite par la conformité des
sentiments de Platon avec ceux de Moïse et
de quelques autres Hébreux, reconnus anté-
rieurs à Platon et aux plus anciens auteurs
grecs, conformité telle, que souvent il n'a fait
que rendre en sa langue les pensées de ces
écrivains sacrés. Eusèbe traite fort au long Lib. XI.
cette matière, et rapporte les passages de ce
philosophe sur l'ineffabilité et l'unité de Dieu;
sur un premier, sur un second et un troisième
principe; sur ce que Dieu seul est le souve-
rain bien; sur ses vertus incorporelles, dont
les unes sont bonnes, les autres mauvaises ;
sur l'immortalité de l'âme, sur la création du
monde; sur la lune et les étoiles, qu'il regar-
de comme l'ouvrage du Verbe; sur la fin du
monde, la résurrection des morts, le jugement
dernier et plusieurs autres points, soit dog-
matiques, soit moraux, sur lesquels son sen-
timent est conforme à ce que les Écritures
nous enseignent.

Pourquoi les chrétiens n'ont point resul quoiqu'elle me en pluavec celle

doctrine Platon,

soit confor

sieurs point

des Hébreux.

13. Mais, disaient les Grecs, s'il est vrai que la doctrine de Platon et celle des Hébreux soient si conformes, ne valait-il pas mieux suivre ce philosophe, que des étrangers et des barbares? Eusèbe répond que, malgré le pas respect que les chrétiens ont pour Platon, à cause de cette conformité, ils ne laissent de remarquer une grande différence entre ses lois et celles de Moïse; que les unes sont purement humaines, au lieu que celles-ci sont émanées de Dieu même; que Platon a toujours hésité sur ce qu'il fallait croire de la nature de Dieu; qu'il a cru que le ciel mérique les tait un culte particulier; que sa morale n'est pas pure en tout, comme quand il dit femmes peuvent s'exercer nues à la lutte, qu'elles doivent être communes dans une république bien réglée. Il passe aux autres phi- Lib. XI losophes, et, après avoir remarqué que la doctrine des chrétiens avait été tenue constamment, depuis le commencement du monde, Moïse même et par d'abord par les Hébreux qui avaient vécu avant Moïse, ensuite par les Prophètes qui lui ont succédé, sans qu'aucun ait osé y rien changer, il montre au contraire, par les disputes de ceux-ci, 'qu'il y a toujours eu une extrême opposition de sentiments, non-seulement entre ceux qui adhéraient à différentes sectes, mais encore entre plusieurs qui faisaient profession de suivre

et

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