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Cap. 11.

Cap. 12.

[IV• SIÈCLE.] CHAPITRE VIII.

EUSÈBE, ÉVÊQUE DE CÉSARÉE EN PALESTINE.

bère, c'est-à-dire à la septième année de son
règne. » Ce fut en la quinzième du règne de
cet empereur, la quatrième du gouvernement
de Pilate, et pendant qu'Hérode le jeune, Ly-
sanias et Philippe étaient tétrarques en Judée,
que Jésus-Christ, âgé d'environ trente ans,
reçut le baptême de saint Jean et commença
à publier son Evangile. Il employa à cette di-
vine fonction un peu moins de quatre ans,
durant lesquels quatre grands-prêtres exer-
cèrent successivement la souveraine sacrifi-
cature. Au commencement de sa prédication
il appela à lui douze Apôtres, auxquels il dé-
cerna ce titre d'honneur, pour les distinguer
des autres disciples qu'il choisit bientôt après,
au nombre de soixante et dix, et les envoya
devant lui deux à deux dans toutes les villes
et dans tous les lieux où lui-même devait
aller.

4. Eusèbe rapporte à peu près à ce temps
la mort de saint Jean-Baptiste. Il parle à cette
occasion des disgrâces d'Hérode, de la perte
qu'il fit de toute son armée en combattant
contre Arétas, roi d'Arabie, et de son exil à
Vienne, avec Hérodiade, qui furent regardés
comme des punitions du double crime qu'il
avait commis en épousant Hérodiade et en
faisant mourir saint Jean-Baptiste. Il décrit
les témoignages avantageux que l'historien
juif Josèphe avait rendus à ce Saint et à Jé-
sus-Christ; puis il revient aux disciples du
Seigneur. Il dit que leurs noms ne se trou-
vaient nulle part, mais qu'on ne laissait pas
de croire que Barnabé, dont il est souvent
parlé dans les Actes des Apôtres et dans l'E-
pître de saint Paul aux Galates, en était un;
que Sosthène, qui écrivit avec Paul aux Gala-
tes, en était aussi. «Au moins, dit-il, c'est le
sentiment de Clément dans le cinquième livre
de ses Institutions, où il prétend encore que
Céphas, auquel saint Paul dit qu'il résista en
face à Antioche, était un des soixante et dix
disciples, qui avait le même nom que saint
Pierre apôtre. » On mettait aussi de ce nom-
bre Thadée, Matthias, qui fut choisi à la pla-
ce de Judas, et celui qui tira au sort avec lui
pour remplir cette place. «Quiconque, ajoute-
t-il, voudra faire attention à un passage de
saint Paul, reconnaîtra clairement qu'il y a
eu plus de soixante et dix disciples. Cet apo-

l'empereur de les envoyer dans les provinces, pour y
être affichés et lus publiquement, comme Eusèbe dit
au même endroit; car il en est fait mention dans les
Actes des saints martyrs Taraque, Probe et Andronic,
qui soufirirent sous Diocletien. Maximus dixit: Ini-

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tre assure que Jésus-Christ, après sa résur-
rection, se fit voir à Céphas, puis au douze
Apôtres; et qu'après il fut vu en une seule fois
par plus de cinq cents frères, dont plusieurs
étaient morts, et plusieurs vivaient encore
lorsqu'il rendait ce témoignage. Le même
apôtre ajoute qu'ensuite il apparut à Jacques,
qu'on croit avoir été disciple et frère du Sei-
gneur.Enfin, parce qu'outre les douze Apôtres,
il y en avait plusieurs autres qu'on nommait
ainsi, comme saint Paul lui-même, il ajoute:
Ensuite il apparut à tous les Apôtres. »

5. Cependant la divinité de Jésus-Christ
s'étant fait connaître à tous les hommes par
les effets miraculeux de sa puissance, attira,
dit Eusèbe, une infinité de personnes des pays
étrangers et fort éloignés de la Judée, dans
l'espoir d'être guéries de leurs maladies. De
ce nombre fut Abgare, roi d'Edesse, qui, con-
sumé par une maladie incurable, écrivit à Jé-
sus-Christ pour le supplier d'avoir la bonté de
le soulager. Jésus-Christ n'alla point le trou-
ver, mais il lui répondit en lui promettant
d'envoyer un de ses disciples pour le guérir
et procurer son salut et celui des siens. L'au-
teur joint à ce récit la copie des deux lettres
et raconte comment, après l'ascension de Jé-
sus-Christ, l'apôtre Thomas envoya Thadée,
l'un des soixante et dix disciples, prêcher l'E-
vangile à Edesse et accomplir la promesse du
Sauveur. Il assure qu'il avait tiré toute cette
histoire des registres publics de la ville d'E-
desse, et l'avait traduite du syriaque en grec.
On peut voir ce que nous en avons dit dans
l'article des Ecrits faussement attribués à Jé-
sus-Christ.

6. Dans le second livre Eusèbe décrit ce qui se
passa après l'ascension de Jésus-Christ, c'est-
à-dire l'élection de Matthias, l'institution des
Diacres, le martyre d'Etienne, l'installation,
dans le siége de Jérusalem, de Jacques, frère
du Seigneur et surnommé le Juste; la prédi-
cation de Thadée à Edesse, la persécution
des Juifs contre l'Eglise de Jérusalem, durant
laquelle tous les disciples, à la réserve des
Apôtres, ayant été dispersés dans la Judée,
quelques-uns avancèrent jusqu'en Phénicie,
en Chypre et à Antioche, où, n'osant encore
prêcher la foi aux Gentils, ils se contentèrent
de la prêcher aux Juifs. Le diacre Philippe

quissime, non scis quem invocas Christum hominem quemdam factum sub custodia Pontii Pilati punitum, cujus et acta reposita sunt. Ruinart, Acta sinc. Martyr., P. 442.

Cap. 13.

Livre It.

Cap.1.

Ad.,

Cap. 2.

étant entré le premier à Samarie, fut tellement soutenu de la grâce, qu'il attira à la foi un grand nombre de personnes. Simon le Magicien, surpris de la grandeur des miracles que Philippe opérait par la puissance divine, feignit de croire, et eut l'adresse d'obtenir le baptême : « Ce que nous voyons encore aujourd'hui avec étonnement, dit Eusèbe, être pratiqué par ceux qui suivent son infâme hérésie. Ils s'insinuent dans l'Eglise comme une maladie contagieuse, à l'imitation de leur maître, et corrompent ceux à qui ils peuvent inspirer le poison dangereux qu'ils cachent. Plusieurs ayant été découverts ont été chassés, de même que Simon fut autrefois puni par Pierre. >>

7. Il ajoute que c'était une opinion commune que l'eunuque de la reine d'Ethiopie, baptisé par Philippe, et le premier d'entre les païens qui ait été converti à la foi, étant retourné en son pays, y publia la connaissance du vrai Dieu et l'avénement du Sauveur. Il parle ensuite de la conversion de saint Paul, raconte comment l'empereur Tibère, sur les avis que Pilate lui avait donnés de la résurrection de Jésus-Christ, de ses miracles et de l'opinion où plusieurs étaient de sa divinité, alla jusqu'à proposer au Sénat de le recevoir Cap. 3 et au nombre de ses dieux. Il décrit les progrès

seq.

Act. II.

Act. V.

Cap 13.

merveilleux que l'Evangile fit en peu de temps, par la prédication des Apôtres; l'histoire de Philon, qui vivait de leur temps; les malheurs arrivés aux Juifs, la mort de Pilate qui se tua de ses propres mains, ne pouvant survivre à ses disgrâces; la famine presque générale arrivée sous le règne de Claude et prédite par le prophète Agabe; le martyre de saint. Jacques, apôtre; la mort d'Hérode Agrippa, qu'il regarde comme la peine due des persécutions qu'il avait fait souffrir aux Apôtres; l'histoire de l'imposteur Theudas; la charité d'Hélène, reine des Osdroëniens ou Adiabéniens, envers les Juifs, dans la grande famine qui affligea la Judée et durant laquelle les disciples qui étaient à Antioche, envoyèrent des aumônes, par Paul et Barnabé, aux frères de la Judée.

8. Le démon, ennemi du salut des hommes, avait suscité l'imposteur Simon pour l'opposer aux saints Apôtres. Il avait été découvert par Pierre en Judée, et, frappé de l'éclat extraordinaire de cette lumière divine, il passa la mer et vint à Rome, où le démon, qui régnait impérieusement dans cette ville, favorisa de telle sorte ses entreprises, que bientôt

Cap. 14

Cap. 15 et

après on lui érigea une statue comme à un dieu. Mais la Providence divine sut y pourvoir, en opposant à cette peste du genre humain Pierre, le plus grand d'entre les Apôtres, qui avait mérité, par sa vertu, d'être mis à leur tête. Il vint à Rome en ce temps-là, sous le règne de l'empereur Claude; il y fit bientôt connaître les impostures de Simon et fut le premier qui apporta en Occident la lumière de la foi. De cette ville, qu'il désigne sous le 16 nom de Babylone, il écrivit sa première Epitre; et Marc, disciple de Pierre, écrivit son Evangile à la prière des nouveaux fidèles de Rome. On dit qu'ayant été envoyé en Egypte, il y prêcha le premier l'Evangile et y fonda l'Eglise d'Alexandrie. Eusèbe croit que Philon, Cap. 17. sous le nom de thérapeutes, dans son livre de la Vie contemplative, a voulu faire l'éloge des premiers chrétiens de cette ville. Quoi qu'il en soit, il dit que c'était l'opinion de plusieurs, que Philon étant venu à Rome sous le règne de Claude, lorsque saint Pierre y prêchait l'Evangile, y avait eu des conférences avec lui, et avait ainsi appris la manière de vivre des chrétiens. Il donne ensuite un catalogue des ouvrages de cet auteur juif, dans lequel il en marque que nous n'avons plus aujourd'hui.

9. Tandis que Félix gouvernait la Judée, il parut à Jérusalem un imposteur, venu d'Egypte, qui persuada à un grand peuple de le suivre sur la montagne des Oliviers et de faire irruption sur la ville pour s'en emparer. Félix dissipa cette troupe, dont quelques-uns furent tués et quelques autres pris; mais le chef se sauva. D'où vient que, dans la sédition que les Juifs excitèrent à Jérusalem contre saint Paul, un des tribuns lui demanda s'il n'était point cet Egyptien qui, quelques jours auparavant, s'était soulevé et avait conduit au désert avec lui quatre mille brigands. Sous Festus, envoyé par Néron pour succéder au gouvernement de Félix, saint Paul, prisonnier, fut mené à Rome; il y resta deux ans entiers prêchant l'Evangile avec toute liberté; mais, s'étant justifié, on dit qu'il en partit pour aller prêcher ailleurs. Ce ne fut donc que la scconde fois qu'il revint dans cette ville, qu'il y souffrit le martyre, et il faut rapporter à ce teinps sa seconde lettre à Timothée, où il prédit sa fin comme prochaine. Saint Pierre fut martyrisé en même temps, sous le même empercur, c'est-à-dire sous Néron. Saint Paul eut la tête coupée, et saint Pierre fut crucifié la tête en bas, ayant demandé par

Cap. 18.

Cap. 19.

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Cap. 22.

Cap. 25, et lib. III, cap

1.

Lib. TIT.

Cap. 4.

Cap. 31.

Cap. 29.

24, 25-1

grâce de mourir dans cette posture. Eusèbe dit que l'on voyait de son temps les monuments de leur martyre dans les cimetières de Romc.

10. Dans le troisième livre l'auteur continue de rapporter ce qu'il avait appris touchant les Apôtres, soit par tradition, soit par les écrits de ceux qui l'avaient précédé. Il dit que Thomas eut en partage le pays des Parthes, pour y prêcher l'Evangile; André, celui des Scythes, et Jean, l'Asie. Pierre prêcha aux Juifs dispersés dans le Pont, la Galatie, la Bithynie, la Cappadoce, l'Asie, et Paul, depuis Jérusalem jusqu'en Illyrie. Jean mourut à Ephèse, et Philippe à Hiéraple, avec ses deux filles, qui demeurèrent vierges jusqu'à la vieillesse. Il écrit qu'on attribuait à saint Matthias ces paroles qu'il faut déclarer la guerre au corps et abuser de lui, en ne lui accordant aucun plaisir; et qu'il faut, au contraire, fortifier l'esprit Cap. 3, 18, par la foi et par la science. Il parle des écrits des Apôtres, et fait le catalogue de ceux qui étaient généralement reçus et de ceux dont l'autorité était encore contestée. Il met au premier rang les quatre Evangiles, à la fin desquels sont les Actes des Apôtres; ensuite les Epitres de saint Paul, puis la première de saint Jean et la première de saint Pierre. « Voilà, dit-il, les livres qui sont reçus d'un commun consentement. L'Epître de Jacques, celle de Jude, la seconde de Pierre, la seconde et la troisième de Jean, soit qu'elles aient été écrites par l'Évangéliste ou par un autre de même nom, ne sont pas reçues de tout le monde. Mais il faut tenir pour apocryphes les Actes de Paul, le livre du Pasteur, la Révélation de Pierre, l'Epitre de Barnabé, les Institutions des Apôtres, et, si l'on veut encore, l'Apocalypse de Jean, que quelques-uns effacent du nombre des livres saints, et que d'autres croient devoir y laisser. Il y en a qui mettent au même rang l'Evangile selon les Hébreux, lequel plaît extrêmement aux Juifs qui ont reçu la foi. »

11. Eusèbe parle dans ce livre des premiers

Cap 26, 27, hérétiques de Ménandre, de Cérinthe, des

Cap. 29.

ébionites, des nicolaïtes, qui se glorifiaient d'avoir pour chef Nicolas, l'un des sept diacres. On disait qu'ayant une belle femme dont les Apôtres lui reprochèrent d'être jaloux, il l'a conduisit devant eux et consentit de la céder à celui qui voudrait l'épouser. On lui attribuait aussi d'avoir dit qu'il faut abuser de son corps. De ces paroles les nicolaïtes prenaient occasion de se livrer impudemment à toute

sorte d'impuretés. « Mais j'ai appris, dit Eusèbe, que Nicolas n'a jamais connu d'autre femme que la sienne, que ses filles ont gardé leur virginité toute leur vie, et que son fils a vécu dans un complet éloignement de tous les plaisirs charnels. Ainsi le discours qu'il tint aux Apôtres en leur présentant sa femme, n'était que pour marquer l'empire qu'il avait pris sur lui-même; et ces paroles: que l'on doit abuser de son corps, ne signifiaient autre chose, sinon qu'il faut dompter la chair par le retranchement des plaisirs. » Eusèbe parle ensuite des premiers disciples des Apôtres et de leurs écrits, des lettres de saint Ignace, de celle de saint Clément, des livres de Papias; il décrit le martyre de saint Ignace et celui de saint Siméon, second évêque de Jérusalem. Voilà ce que nous avions à dire des trois premiers livres de l'Histoire d'Eusèbe.

Des Thérapeutes.

Cap 30.38, 89.

Vie des Therapeutes,

tirée de Phi lon, suivant la traduction

du P. de

Montfaucon

Edit, de Pari

1. On a remarqué qu'Eusèbe comptait pour chrétiens les thérapeutes dont Philon nous a décrit la vie dans son livre de la Vie contemplative, ou de ceux qui s'appliquent à la prière, en cette sorte: c'étaient une espèce de philo- 1709. Pag. 3, 8 el sophes qui, emportés par l'amour des choses. célestes, saisis et comme enivrés d'un saint enthousiasme, ne cherchaient qu'à jouir de la contemplation d'un objet qui faisait toutes les délices de leur cœur. Poussés du désir ardent d'une vie immortelle et bienheureuse, et se regardant comme complétement morts au monde, ils abandonnaient leurs biens à leurs enfants ou à leurs parents, ou, s'ils n'avaient point de parents, à leurs amis, ne se laissant plus, après cela, gagner par l'affection d'aucune chose créée. Ils quittaient aussi sans aucun retour leurs frères, leurs enfants, leurs pères, leurs mères, tous leurs parents, leurs amis, leur patrie, les lieux de leur naissance et de leur éducation, pour se détacher plus facilement des anciennes habitudes qu'ils auraient eu peine de rompre sur les lieux mêmes. Choisissant ensuite leur demeure hors de l'enceinte des villes, dans des jardins et des lieux solitaires, ils y cherchaient la retraite, non par une prétendue misanthropie; mais par précaution contre le commerce incommode et pernicieux des personnes d'un génie opposé au leur. Ils étaient répandus en plusieurs endroits de la terre, surtout dans l'Egypte et autour d'Alexandric; et comme

Pag. 14

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il y en avait parmi eux d'une vertu plus éminente que les autres, ils les envoyaient en un lieu très-propre à la vie solitaire, situé sur une petite colline au-delà du lac Maria. Leurs maisons étaient fort simples, à une distance suffisante les unes des autres, pour qu'ils évitassent le tumulte et se rassemblassent néanmoins aisément, soit pour se visiter, soit pour se défendre contre les attaqus des voleurs. Ils avaient chacun leur cellule, où, seuls et à part, ils vaquaient aux exercices de la vie mystique, n'y apportant jamais ni pain, ni vin, ni aucune des choses nécessaires à la vie, mais seulement la loi, les oracles des Prophètes, des hymnes et autres choses semblables, qui pouvaient les instruire et contribuer à leur avancement spirituel. Continuellement occupés de Dieu, même pendant le sommeil, ils faisaient leurs prières deux fois par jour, le matin au lever du soleil, le soir quand le soleil se couche. Le reste du temps était employé à de saints exercices, à la lecture des saintes Ecritures, qu'ils expliquaient toutes en un sens allégorique, parce qu'ils étaient fermement persuadés que les paroles, outre le sens simple et naturel, en renferment un plus caché et plus mystérieux. Ils avaient également les écrits de leurs anciens, qui, en qualité de chefs de la secte, s'étaient appliqués à composer plusieurs livres touchant ces allégories. Six jours de la semaine ils demeuraient dans leur cellule, qu'ils appelaient semnée ou monastère, sans jamais sortir ni même jeter les yeux sur la campagne. Le septième jour ils s'assemblaient en commun dans un lieu nommé aussi semnée. Ce lieu avait une double enceinte qui séparait les hommes d'avec les femmes; car les femmes assistaient à leurs conférences et n'avaient pas moins de zèle ni moins d'ardeur que les hommes pour cette sainte docirine. Le mur de séparation n'était élevé que de trois ou quatre coudées, en forme d'épaulement, et le haut était tout ouvert, jusqu'au toit; de telle sorte qu'en même temps qu'elles étaient assises hors de la vue des hommes, elles ne laissaient pas d'entendre ce que l'ancien disait. Chacun s'étant assis selon son rang, les mains cachées sous les habits, la droite entre le menton et la poitrine, et la gauche sur le côté, le plus ancien d'entre eux et le plus savant dans leurs dogmes, faisait un discours simple, mais net et solide, que tous écoutaient dans un profond silence, en se

Pag. 3 et seq.

contentant de faire connaître, par des sigues des yeux et des mouvements de têtes, qu'ils acquiesçaient à ce qu'on leur disait. Ce scp- Pag. 1. tième jour était pour eux comme un jour sacré et comme une grande fête. Ils solennisaient particulièrement le septième samedi d'après Pâques, c'est-à-dire la veille de la Pentecôte. Car ils avaient de la vénération, non-seulement pour le nombre septenaire simplement considéré, mais aussi pour la vertu de ce nombre, de même que pour celui de cinquante, qu'ils regardaient comme le plus saint de tous. Ceux qui en avaient la charge, donnaient le signal pour l'assemblée, et tous assistaient vêtus de blanc, avec une gravité tempérée de gaîté, pour prier et manger ensemble. Etant debout rangés modestement, ils levaient les mains et les yeux au ciel, et priaient Dieu que leur festin lui fût agréable. Après cette prière ils se mettaient à table selon l'ordre de leur réception. Les femmes avaient part dans ce festin; la plupart étaient âgées et vierges. Elles se mettaient à gauche et les hommes à droite; tous couchés sur des nattes de jonc un peu élevées de terre vers l'endroit des coudes, pour les y appuyer. On choisissait dans la communauté les jeunes gens les plus civils, les mieux nés et les plus vertueux, pour servir à table, et, lorsqu'ils s'acquittaient de leur ministère, ils ne portaient point de ceinture sur leurs robes, mais leurs tuniques étaient abattues, afin qu'il ne parût dans ce service aucune marque de servitude. Ce jourlà on ne présentait de vin à personne, mais seulement de l'eau très-claire, fraîche pour le commun, et chaude pour ceux d'entre les vieillards à qui leur caducité permettait cette délicatesse. Jamais de viande, et les tables n'étaient chargées que de pain et de sel; l'on y ajoutait cependant quelquefois de l'hysope. Le silence était tel, que nul des convives n'osait parler ni même respirer plus fortement qu'à l'ordinaire. Seulement, quelqu'un d'entre eux proposait une question de l'Écriture sainte et l'expliquait simplement, mais à loisir, répétant plus d'une fois les mêmes choses, afin de les mieux inculquer. Les auditeurs. étaient attentifs: s'ils comprenaient, ils le témoignaient par un mouvement de têteou par un clin d'œil; s'ils approuvaient, ils le marquaient par la joie qui paraissait sur leur visage et par une espèce de roulement de tête; s'ils ne concevaient pas bien, ils la secouaient

Voyez la lettre de M. Bouhier au Père de Montfancón, p 36 et 41,

Pag. 40.

Pag. 41.

fag.42

Pag. 43.

Pag 44.

pag. 43.

Pag. 46.

Pag. 47.

Pag. 4s

Pag. 50.

La confor mité des

doucement et haussaient un doigt de la main droite. L'explication était allégorique; car les thérapeutes regardaient ce sens comme l'âme de l'Ecriture, et la lettre comme le corps. Le discours fini, tous y applaudissaient: celui qui avait parlé se levait alors de table et chantait le premier une hymne à la louange du Seigneur, composée ou nouvellement par lui-même, ou autrefois par quelques-uns des anciens poètes. Après lui d'autres chantaient avec décence et par ordre, et, chacun ayant achevé son hymne, ceux qui étaient chargés de servir, apportaient une table où était le plus saint, le plus sacré de tous les aliments, c'est-à-dire du pain levé et du sel mêlé avec de l'hysope, par une distinction respectueuse pour la table sainte posée au vestibule du Temple, sur laquelle on ne mettait que du pain et du sel, sans autre assaisonnement. Après le repas ils se levaient tous à la fois, et, au milieu de la salle du festin, ils faisaient deux chœurs, un d'hommes et un de femmes, dont chacun était conduit par la personne la plus honorable et qui chantait le mieux. Ensuite ils entonnaient à la louange de Dieu des hymnes de diverses sortes de mesures et d'airs, partic ensemble, partie alternativement, ges ticulant des mains, dansant et paraissant comme transportés, selon ce que demandaient les chants ou les parties du cantique. Puis ils s'unissaient en un seul chœur, à l'imitation de ce que firent les Juifs après le passage de la mer Rouge. C'est ainsi qu'ils passaient la nuit; mais aussitôt qu'ils voyaient lever le soleil, ils se tournaient le visage et tout le corps à l'orient, et, les mains étendues vers le ciel, ils demandaient à Dieu une heureuse journée. Après quoi chacun s'en retournait à sa semnée pour y vaquer à l'exercice de leur philosophie accoutumée.

2. Telle était la vie des thérapeutes, où l'on mours des voit en effet une assez grande conformité avec Thérapentes avec celles les mœurs des premiers chrétiens. Un renoncement universel aux choses de ce monde, preuve qu'ils l'amour de la retraite et de la contemplation notre reli- du souverain bien, l'étude des] divines Écritures, le chant des hymnes et des cantiques

des premiers chrétiens, c'est pas une fusssent de

gion.

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en l'honneur du Tout-Puissant, une abstinence des plus rigoureuses, un mépris pour les plaisirs même permis, des vierges, des ministres, une table sacrée. Mais il faut avouer que, quelque rapport qu'aient ces pratiques avec la religion chrétienne, elles ne lui sont pas tellement propres, qu'elles ne conviennent également à d'autres sectes particulières. Nous avons vu, dans 'l'article sur Bardasane, que les brahmanes, secte de gymnosophistes ou philosophes indiens, renonçaient en général à tous leurs biens, quittaient leur patrie, leurs parents, leurs terres, leurs femmes, leurs enfants, pour vivre seuls dans la solitude; passaient la plus grande partie du jour et de la nuit à chanter des hymnes en l'honneur de la divinité; ne vivaient que d'herbes, de légumes, de fruits et de riz; qu'ils s'assemblaient au son d'une clochette pour prier; qu'après la prière deux d'entre eux leur servaient à manger, après quoi chacun s'en retournait vaquer à ses exercices ordinaires; qu'ils ne souhaitaient rien tant que la mort, regardant cette vie comme onéreuse et attendant avec impatience que leur âme se séparât de leur corps.

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6

3. Les Esséens, qui, selon toute apparence, avaient emprunté leur philosophie des Indiens, vivaient comme eux dans une grande pureté de mours. On n'était reçu dans leur société, qui était composée d'environ 3 quatre mille personnes, qu'après avoir abandonné son bien à ses parents ou aux pauvres, et fait preuve de son amour pour la continence et pour les autres vertus. Car les esséens observaient le célibat, croyant la compagnie des femmes plus nuisible à la tranquillité de la vie, que propre à la conserver. Ils n'avaient point non plus de domestiques, car ils étaient persuadés que cette distinction entre les hommes était contraire aux lois de la nature, et ils se rendaient mutuellement les services dont ils avaient besoin, usant tellement des biens de la communauté, que le riche en jouissait comme le pauvre. Leur vie était sobre; ils ne mangeaient la plupart du temps que des herbes. Ils fuyaient les villes, dont ils craignaient également les vices et l'air

8

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Genre de vie fet appro

des Esséens

chanie de

celle des

Thérapeutes.

6

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