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Confession d'Hilarien.

Les Actes de ces saintes

tre assez haute, sans néanmoins se faire de mal, et se sauva à l'église, l'asile de la pureté, où elle se consacra à Dieu pour vivre dans une virginité perpétuelle, Le proconsul lui demanda quelle était sa religion. Elle répondit à haute voix: «Je suis chrétienne. » L'avocat Fortunatien, son frère, voulait montrer, par de vains raisonnements, que sa sœur avait l'esprit aliéné. Mais elle soutint qu'elle était dans son bon sens. Le proconsul tâcha de la gagner, et lui offrit de la laisser aller avec son frère, Elle répondit: « Ceux-là sont mes frères qui gardent les commandements de Dieu. » Le juge, la voyant inflexible, la fit mettre en prison avec les autres.

9. Il restait encore Hilarien, un des fils du prêtre Saturnin, qui, dans un âge très-tendre, témoignait beaucoup de vertu et souhaitait extrêmement d'avoir part au triomphe de son père et de ses frères. On lui demanda s'il avait été avec eux. Il répondit avec sa voix d'enfant: «Je suis chrétien1; j'ai été à l'assemblée, de mon propre mouvement, avec mon père et mes frères,» Anulin le menaça de lui faire couper les cheveux, le nez et les oreilles, et de le laisser aller en cet état. Hilarien lui dit avec fermeté : « Faites tout ce qu'il vous plaira, je suis chrétien.» Anulin ordonna qu'on le mît en prison, Hilarien dit avec joie : « Je rends grâces à Dieu.» Ces martyrs, selon que nous l'apprenons de l'auteur de leurs Actes 2, demeurèrent longtemps en prison: la plupart y moururent de faim et remportèrent ainsi la palme du martyre, le proconsul Anulin et les autres persécuteurs étant occupés à d'autres affaires.

ARTICLE VI.

LES ACTES DES SAINTES AGAPE, QUIONIE ET
IRÈNE, MARTYRES.

1. Nous avons deux histoires différentes du sont sincères martyre de ces Saintes. La première tirée d'un manuscrit grec de l'abbaye de la Grotte

dum pro Christo Domino passura, si pro sola tunc pudicitia moreretur. Liberata igitur nuptialibus tædis, illusoque simul cum parentibus sponso, media pene de ipsa nuptiarum frequentia prosiliens, ad ædem pudicitiæ, portumque pudoris ecclesiam, intacta virgo confugit, ibique consecrati Deo dicatique capitis in perpetua virginitate sacratissimum crinem, inconcusso pudore, servavit. Ruinart, Act. Martyr. p. 389. On voit par là qu'en Afrique les vierges qui se consacraient à Dieu ne coupaient pas leurs cheveux.

1 Christianus sum, et mea sponte atque voluntate, cum patre meo et cum fratribus feci collectam. Ibid., p. 390.

ferrée, dans la campagne de Rome 3, et traduite en latin par le cardinal Sirlet. La seconde, dans Métaphraste, avec la Vie de saint Chrysogone et de sainte Anastasie, Celle-ci est mêlée de quantité de fables et de faits non croyables: par exemple, on y lit les récits suivants : «Le gouverneur Dulcétius étant entré, la nuit, dans la chambre où reposaient ces trois Saintes, fut saisi d'un accès de folie si extraordinaire, qu'il se mit à rouler et à baiser les chaudières et les marmites de la cuisine, et en sortit tout barbouillé et les habits déchirés; ce qui le rendit l'objet de la risée de tous ceux qui le virent rentrer en cet état au palais; quelques jours après, comme il était assis sur son tribunal, il s'endormit si profondément, que personne ne put l'éveiller; le juge à qui sainte Irène fut présentée tourna tout autour d'elle, depuis le matin jusqu'au soir, sans pouvoir l'atteindre. L'autre histoire, au contraire, au jugement des plus habiles", est pure, sincère, très-fidèle, extraite mot à mot des registres publics et telle, qu'on ne la peut lire sans y remarquer tous les caractères de vérité. Baronius l'a insérée tout entière dans ses Annales; Dom Ruinart, dans son Recueil des Artes sincères des Martyrs, enfin l'abbé Fleury, dans son Histoire de l'Eglise. Celui qui a recueilli les Actes de ces Saintes, a mis à la tête une petite préface dans laquelle il avertit qu'il racontera en peu de mots leurs actions; ce qui donne lieu de croire qu'il a un peu abrégé les originaux du greffe. On voit, en effet, que le premier interrogatoire des Saintes n'est pas si rempli que dans les Actes des autres martyrs. Le juge ne leur demande ni leur nom, ni leur religion, et il manque quelque chose dans le commencement de leur histoire.

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• Anulino proconsule, aliisque persecutoribus interim circa alia negotia occupatis, beati martyres isti corporeis alimentis destituti, paulatim et per intervalla dierum naturali conditioni, famis atrocitate cogente necessitate cesserunt; et ad siderea regna cum palma martyrii migraverunt. Bal., tom. II, Missel, p. 495.

Act. sincera Martyr., p. 390, in Admonitione. Ibid. et Godefridus Henschenius, ad diem tertiam aprilis, p. 246.

5 Baronius, in Martyrolog. Rom., ad diem tertiam aprilis, et ad ann. 304, num. 40; Act. sincera Martyr. ̧ p. 391; Tillemont, tom. V Hist, eccles., p. 240 et 680.

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s'occupaient nuit et jour à lire l'Écriture sainte, dont elles avaient un grand nombre de volumes. L'an 303, Dioclétien ayant publié le premier édit de la persécution, qui ordonnait de brûler tous les livres saints, elles quittèrent leur pays, leurs parents et leurs biens, cachèrent chez elles, avant de partir, les livres qu'elles avaient, et se retirèrent sur les montagnes. Elles furent néanmoins découvertes, arrêtées et envoyées au gouverneur, nommé Dulcétius, avec un billet de Cassandre, exempt et officier du guet, où il disait: «< Sachez, seigneur, qu'Agathon, Agape, Quionie, Irène, Cassie, Philippe et Eutyquie ne veulent pas manger de ce qui a été immolé aux dieux. » Le gouverneur, ayant fait lire ce billet en leur présence, dit, en s'adressant à Agathon: << Toi qui allais aux sacrifices, selon la coutume de ceux qui sont consacrés aux dieux, pourquoi n'as-tu pas mangé de ces sacrifices?» Agathon répondit : « Parce que je suis chrétien.» Dulcétius ajouta: «Es-tu encore dans cette résolution?»›—« Assurément,» dit Agathon. Dulcétius fitla même demande à Agape et à Quionie; et elles répondirent qu'elles croyaient au Dieu vivant. Irène, interrogée sur le même sujet, dit que la crainte de Dieu l'empêchait d'obéir aux ordres des empereurs et des Césars. Cassie dit qu'elle voulait sauver son âme; Philippe et Eutyquie, qu'elles aimaient mieux mourir que de manger des viandes immolées. Le gouverneur, apprenant d'Eutyquie qu'elle était veuve depuis près de sept mois, lui demanda de qui elle était grosse. Elle répondit: «Dumari que Dieu m'avait donné.» Il l'exhorta à obéir à l'édit des empereurs. Elle répondit qu'elle n'y voulait point obéir, parce qu'elle était chrétienne, servante du Dieu tout-puissant. Comme les lois romaines ne permettaient pas qu'on mit à la question les femmes enceintes, le gouverneur ordonna qu'on la gardât en prison jusqu'à ce qu'elle fût accouchée.

3. Il interrogea une seconde fois Agape et Quionie, et leur demanda qui les avait portées à embrasser ces folies. Elles dirent que c'était Dieu tout-puissant et son Fils unique

1 Dixit præses: Quinam sunt qui vobis auctores fuerunt, ut ad istam stultitiam veniretis? Deus, inquit Chionia, omnipotens et unigenitus ejus Filius Dominus Noster Jesus Christus. Ruinart, Act. sinc. Martyr., p 394. 2 Irène ne répond rien sur le mensonge dont on l'accusait. Peut-être croyait-elle qu'on avait enlevé les écrits qu'on lui demandait, et il se trouva, effectivement, qu'ils étaient chez le gouverneur au second interrogatoire.

3 Ille, inquit Irene, Deus omnipotens qui jussit no

Notre-Seigneur Jésus-Christ'. Ainsi, les voyant inébranlables, il les condamna toutes deux à êtres brûlées, et fit mettre Agathon, Cassie et Philippe en prison, jusqu'à nouvel ordre. On ne dit pas ce qu'ils devinrent. Il commanda aussi qu'on y mit Irène; mais, après qu'Agape et Quionie eurent été consumées par le feu, il se la fit représenter, et lui dit : «Ta folie est manifeste: tu te montres insensée dans ta conduite, en voulant garder tant de parchemins, de livres, de mémoires et d'écrits de tous les chrétiens qui ont jamais écrit. On t'a mis ces écrits sous les yeux; tu les a reconnus, quoique tu eusses formellement nié tous les jours les posséder'. Il faut te punir. Je ne refuse pas néanmoins d'user encore de quelque indulgence, si tu veux immoler aux dieux et manger des sacrifices. » Irène répondit : « Nullement, nullement, par ce Dieu tout-puissant qui a créé le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent; car on menace du feu éternel ceux qui auront renoncé à Jésus, le Verbe de Dieu. » Le gouverneur dit : « Qui t'a persuadée de garder jusqu'aujourd'hui ces livres et ces écrits?» Irène dit : « Le Dieu tout-puissant, qui nous a commandé de l'aimer jusqu'à la mort3; c'est pourquoi nous n'avons pas osé le trahir; mais nous avons mieux aimé être brûlées vives, ou souffrir ce qui pourrait nous arriver, que de découvrir de tels écrits.» Le gouverneur dit : « Qui savait que ces écrits étaient dans la maison où tu demeurais? » Irène répondit: «Personne ne le savait que Dieu tout-puissant, à qui rien n'est caché; car nous nous cachions même de nos domestiques, comme de nos plus grands ennemis, de peur qu'ils ne nous accusassent ainsi nous ne les avons montrés à : qui que ce soit. » Le gouverneur dit : « Quand vous fûtes revenues des montagnes, lisiez-vous ces écrits devant quelqu'un?» Irène répondit: «Ils étaient dans notre maison*, et nous n'osions les en tirer : c'est pourquoi nous étions dans une extrême peine de ne pouvoir les lire jour et nuit, comme nous avions toujours fait, jusqu'à l'année dernière, que nous les cachâmes.>> Le gouverneur ne voulut pas lui faire souffrir

bis ad mortem usque ipsum diligere. Qua de causa, non ausæ sumus ipsum prodere, sed maluimus aut viventes comburi, aut quæcumque alia nobis acciderent perpeti, quam talia scripta prodere. Ibid., p. 394.

↳ Domi nostræ erant, neque audebamus illa efferre, quamobrem magnopere angebamur quod non poteramus, nocte ac die, illis operam dare sicut a principio consueveramus usque ad annum superiorem quo et illa occultavimus. Ibid., p. 395.

Pag. 394.

Les Actes de S. Didyme

d'abord le dernier supplice; mais il ordonna qu'elle serait exposée toute nue dans un lieu infâme, qu'elle n'y aurait qu'un pain par jour; défense était faite aux soldats de la laisser sortir de là. Il ajouta : « Qu'on tire ces écrits hors des coffres et des cassettes d'Irène. » La Sainte fut exposée dans le lieu où le gouverneur avait dit; mais, par la grâce du SaintEsprit qui la protégeait, pas un homme n'osa approcher d'elle, ni dire une seule parole qui pût faire peine à sa modestie. Dulcétius la fit donc ramener à son tribunal, où, après l'avoir interrogée de nouveau, voyant qu'elle persévérait dans sa piété envers Dieu, il la condamna à être brûlée vive, comme ses deux autres sœurs. Les soldats la conduisirent au même lieu où elles avaient souffert; ils y allumèrent un bûcher, et lui commandèrent d'y monter. Irène, sans hésiter, se jeta dans le feu, chantant des psaumes et louant Dieu. C'était le 25 mars, sous le neuvième consulat de Dioclétien et le huitième de Maximien, c'est-à-dire l'an de Jésus-Christ 304.

ARTICLE VII.

LES ACTES DE SAINT DIDYME, MARTYR A ALEXANDRIE, ET DE SAINTE THÉODORE, VIERGE.

1. Les Actes de ces deux Saints, dont nous el de sainte avons encore le texte grec, sont communésont sincères ment reconnus pour authentiques et très-fi

Théodore

dèles 1. Il y a seulement quelques différences de leçons entre ce texte et les traductions latines. Mais, outre qu'elles sont de peu de conséquence, il est à présumer qu'elles viennent des copistes. Il y a un endroit dans le grec où l'on donne à la Vierge la qualité de Mère de Dieu 2. On ne trouve rien de semblable dans l'ancienne traduction latine: ce qui donne lieu de croire qu'on y a ajouté l'hérésie de Nestorius. Saint Ambroise rapporte l'histoire d'une sainte Théodore dont les circonstances ont beaucoup de conformité avec ce que nous lisons de sainte Théodore d'Alexandrie,

3

1 Surius, ad diem 5 aprilis; Bolland., ad diem 28 aprilis; Ruinart, Act. sincera Martyr., p. 396; Tillemont, tom. IV Hist. eccles., p. 244, 684.

2 AOBOTOXOU Bolland., ad diem 28 april. in Græc., p. 63. Nous avons déjà vu que ce mot était employé dans le IIIe siècle. (L'éditeur.)

3 Ambros., lib. II de Virginitate, cap. 4, p. 167, tom. II nov. edit.

Antiochiæ nuper virgo quædam fuit, etc. Ibid. Sic enim et in persecutionibus prostitutæ virgines ob fidem in sponsum impiis hominibus traditæ, vel cor

dans les Actes de saint Didyme. Ce qui fait quelque difficulté, c'est que saint Ambroise met le martyre de cette Sainte à Antioche*, et celle dont il est parlé dans ces Actes, était d'Alexandrie, et y souffrit pour la foi. Il dit encore qu'il n'y avait pas longtemps qu'elle avait souffert; d'où il paraît qu'on doit inférer que cette Théodore, dont il rapporte l'histoire, était morte sous Julien et non sous Dioclétien. En effet, il n'est pas impossible qu'il y ait eu, en divers endroits, des vierges condamnées au même supplice et delivrées par un semblable miracle. Un ancien auteur, sous le nom de saint Basile 5, assure que plusieurs, qui avaient été condamnées à des lieux d'infamies, en avaient été retirées par une protection particulière de Dieu; mais aussi rien n'empêche qu'on ne rapporte à sainte Théodore d'Alexandrie ce que saint Ambroise dit de celle d'Antioche. Il ne parle du martyre de cette Sainte que sur un bruit populaire ", et il pouvait n'être pas mieux instruit du lieu où la Sainte avait souffert. S'il parle de son martyre, comme d'un événement assez récent, c'est en comparaison de celui de sainte Thècle, qui avait vécu longtemps auparavant, puisqu'elle avait été instruite par l'apôtre

saint Paul.

7

Ces Saints ont souffert

2. On ne sait point précisément en quelle année saint Dydime souffrit le martyre. Mais en 304 il paraît que ce fut en 304, quelque temps après l'édit qui condamnait tous les chrétiens à la mort. Car il est remarqué, dans les Actes, que le Saint dit au juge d'exécuter promptement ce qui lui était ordonné par les princes, et il est certain que c'est la mort qu'il lui demandait. Il est encore remarqué que cet édit général n'avait été publié que depuis peu 3. Ces Actes paraissent tirés, en parties, mot à mot des registres du greffe ; le reste est de la main d'un chrétien qui écrivait avec beaucoup d'esprit et de piété. En voici la subs

tance.

8

3. A Alexandrie le juge Procule, étant assis sur son tribunal, se fit présenter la vierge Act. sincer

poribus incorruptæ sunt servatæ, eo, propter quem trudi non dubitabant : impiorum hominum conatum in ipsorum carnibus irritum ac mortuum reddente. Apud Basil., tom. III, pag. 636 nov. edit.

• Fertur puella ad locum supplicii cucurrisse, certasse ambos de nece, etc. Ambros., lib. II de Virginitate, cap. 4, p. 170.

7 Deprecor te facere cito quod jussum est tibi a tuis imperatoribus. Ruinart, Act. sincera Martyr., p. 410. 8 Cela paraît par le commencement des Actes grecs. Apud Bolland., ad diem 23 aprilis, p. 63.

Analyse de ces Actes. Mart p. 397.

Théodore et lui demanda si elle était libre ou esclave. Elle répondit qu'elle était chrétienne et délivrée du péché par Jésus-Christ; que, pour ce qui regarde le monde, elle était née de parents libres : ce que Luce, curateur de la ville, attesta être vrai. « Pourquoi donc, dit le juge, n'avez-vous pas voulu vous marier?»> Elle répondit : « Pour Jésus-Christ; car, en venant en ce monde dans la chair, il nous a tirés de la corruption et nous a promis la vie éternelle. » Le juge dit qu'il avait ordre d'exposer aux lieux infâmes les vierges qui refuseraient de sacrifier; mais que, par considération pour sa naissance et pour sa beauté, il l'exhortait à s'épargner cette injure. Théodore lui répondit qu'elle n'ignorait pas que Dieu regardait la volonté, et que la violence que l'on souffre n'est pas un crime. Elle ajouta: «Si vous voulez me couper la tête, ou la main, ou le pied, ou mettre mon corps en pièce, ma volonté n'a point de part à ces violences'. Mon vœu consiste dans la promesse que j'ai faite à Dieu par sa grâce; ma virginité est entre ses mains; il est le maître de toutes choses et conserve son bienfait comme il lui plaît. » Le juge l'exhorta à ne point déshonorer sa famille. Théodore dit : « Je confesse premièrement Jésus-Christ, qui m'a donné l'honneur et la noblesse: il sait comment il conservera sa colombe. » Le juge lui demanda si elle prétendait qu'un crucifié la délivrerait de ses mains. « Oui, réprit-elle, j'ai confiance en Jésus-Christ crucifié sous Ponce-Pilate3, j'espère qu'il conservera ma pureté, malgré toute la violence des hommes, tant que je conserverai sa foi et que je ne le renoncerai point. » Le juge lui fit donner de grands soufflets et voulut l'obliger à sacrifier. Elle jura, par le Seigneur, que jamais elle n'adorerait les démons, parce qu'elle était soutenue par la main de Dieu. Le juge lui donna trois jours pour penser à elle, avec défense de lui faire violence.

4. Ce terme expiré, Procule s'assit sur son tribunal et fit appeler Théodore. Elle lui déclara une seconde fois qu'elle faisait profession de virginité pour l'amour de Jésus-Christ, qui saurait bien conserver la pureté de sa

1 Tillemont, tom. IV Hist. eccles., p. 244.

Dei est promissio, quantum ad votum meum pertinet. Ipsi enim adjacet virginitas et confessio. Ruinart, Act. Martyr., p.398.-3 Christo credo, qui passus est sub Pontio Pilato, quoniam liberabit me de manibus inimicorum horum et sine macula custodiet perseverantem in fide sua; et ego non nego. Ibid.

* Deus qui cognitor est absconditorum, qui scit omnia

servante. Procule la condamna à être livrée au lieu infâme, en disant : « Voyons si ton Christ, parce que tu t'opiniâtres à résister, t'en délivrera. » Théodore répondit : « Dieu qui connaît les choses cachées et qui sait tout avant que cela arrive, Dieu qui m'a gardée sans tache, jusqu'à présent, saura bien aussi me garantir de ceux qui voudraient me faire injure.» Comme elle entrait dans le lieu infâme, elle leva les yeux et dit : « Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, vous qui avez secouru Pierre dans la prison et l'en avez tiré sans aucun mal, tirez-moi d'ici sans tache, afin que tous voient que je suis votre servante. » Le peuple était autour de la maison, observant celui qui entrerait le premier; mais Jésus-Christ suscita un chrétien nommé Didyme, qui s'habilla en soldat et y entra. Théodore, le voyant, en fut trou-· blée, et fuyait par les coins de la chambre. Il la rassura en lui disant ce qu'il était, et qu'il venait pour la délivrer. «Venez, ajouta-t-il, changeons d'habit; je demeurerai avec le vôtre.» Elle y consentit, et prit, entre autres, un chapeau qu'il portait et l'enfonça sur son visage comme de honte, suivant que Didyme l'en avait avertie. Il lui dit aussi de baisser les yeux et de ne parler à personne. Ainsi elle sortit heureusement.

5. Une heure après, un autre entra, mais dans un dessein bien différent, et trouvant un homme au lieu d'une fille, il fut surpris et dit en lui-même : «Est-ce que Jésus change aussi les filles en hommes ? J'avais bien ouï dire qu'il avait changé l'eau en vin, et je croyais que c'était une fable. Je crains qu'il ne me change moi-même en femme.» Didyme ne se cacha point, et lui dit : « Le Seigneur ne m'a point changé, il m'a couronné aussi bien qu'elle. Vous ne la tenez plus, prenez-moi. La vierge est encore vierge, et le soldat est devenu athelète de Jésus-Christ. » Celui qui était entré le dernier sortit aussitôt, et dit ce qui était arrivé. Le juge se fit amener Didyme et, après lui avoir fait dire son nom, il lui demanda où était Théodore. Il répondit: «Par JésusChrist, Fils de Dieu, je n'en sais rien. Ce que je sais certainement, c'est qu'elle est servante de Dieu et qu'il l'a conservée sans tache. En

antequam fiant, qui usque hodie sine macula me custodivit, propter promissionem suam, ipse custodiet me, etc. Ibid., p. 399.

B Dominus autem Jesus Christus, nec tunc defuit, sed confestim misit qui eam liberavit. Ibid.

6 Per Christum Filium Dei nescio ubi est. Ruinart, Act. sincera Martyr., p. 400,

Les Actes de saint Iré

née et de martyrs, en

saint Pollion

304, sont sinceres.

Analyse des

Irénée.

402.

Act. sinc.

même temps il confessa qu'il était chrétien, et refusa de sacrifier. Procule, le voyant ferme dans la foi, ordonna qu'il aurait la tête tranchée et que son corps serait jeté au feu; ce qui fut exécuté le 5 avril de l'an 304. Les Actes ne disent point ce que devint Théodore : mais saint Ambroise rapporte, sur une tradition incertaine1, que, sachant que Didyme allait être exécuté à mort, elle courut au lieu du supplice pour lui disputer la couronne du martyre, et qu'ils la gagnèrent tous deux ensemble. D'autres disent qu'après la mort de saint Didyme, sainte Théodore fut prise de nouveau, décapitée et jetée dans la rivière.

ARTICLE VIII.

LES ACTES DE SAINT IRÉNÉE, ÉVÊQUE DE SIR-
MICH ET MARTYR; ET CEUX DE SAINT POL-
LION, LECTEUR DE CIBALES.

1. Nous joignons ensemble les Aetes du martyre de ces deux Saints, parce qu'ils ont souffert, presque dans le même temps, dans la même province et sous le même gouverneur. Ceux de saint Irénée, que nous avons en grec et en latin, ont été composés sur les registres publics du greffe, et sont cités avec honneur dans les Actes de Pollion, qui paraissent également tirés des greffes, mais recueillis sous le règne de Valentinien Ier*. L'année du martyre de ces Saints n'est point marquée. Il est seulement dit qu'ils souffrirent sous l'empire de Dioclétien et de Maximien, saint Irénée le 6 d'avril, et saint Pollion le 28 du même mois. Mais on croit que ce fut en l'an 304, et non en 303, parce que, dans leurs Actes, il n'est rien dit de la recherche des livres de l'Écriture, qui fut d'abord le plus grand prétexte de la persécution contre les évêques et contre les lecteurs.

2. Saint Irénée était évêque de Sirmich, Actes de S. dans la basse Panonnie. Les édits de la persécution y étant arrivés, il fut arrêté et présenté Mart., p. 401, à Probe, gouverneur de cette province, qui lui ordonna de sacrifier aux idoles. Irénée répondit par ces paroles de l'Écriture : « Qui sacrifie aux dieux et non à Dieu, sera exterminé de son peuple. » Probe lui réitéra ces mêmes ordres, et, voyant qu'il refusait cons

1 Fertur puellaad locum supplicii cucurrisse, certasse ambos de nece, etc. Ambros., lib. II de Virginit., cap. 4, p. 170.

2 Tillemont, tom. IV Hist. eccles., p. 248.

3 Irenæum quoque, episcopum Sirmiensis Ecclesiæ, pro fide et commissæ sibi plebis constantia fortiter dimi

tamment de sacrifier, il le fit tourmenter cruellement. Son père, sa mère, ses enfants encore petits, tous ses parents, ses domestiques, ses voisins et ses amis le priaient en pleurant de se laisser fléchir et d'avoir pitié de sa jeunesse. Mais il ne répondit à leurs conjurations que par ces paroles de JésusChrist : « Si quelqu'un me renonce devant les hommes, je le renoncerai, à mon tour, devant mon Père qui est dans les cieux.» Le gouverneur l'envoya en prison, où il demeura longtemps et souffrit divers tourments. Au second interrogatoire, qui se fit au milieu de la nuit, Probe lui commanda de nouveau de sacrifier. Irénée répondit : «< Faites ce qui vous est ordonné, et n'attendez pas cela de moi. » Probe lui fit donner des coups de bâton. Cependant Irénée disait : « J'ai mon Dieu, j'ai appris à l'adorer dès mes premières années. Il ne m'a jamais refusé son assistance: c'est à lui que je sacrifie; mais, pour les dieux faits par la main des hommes, je ne saurais les adorer. » Probe lui demanda s'il avait une femme, des enfants et des parents. Irénée répondit qu'il n'en avait point. «Qui sont done, dit le gouverneur, ceux qui pleuraient au premier interrogatoire ? »> « Mon Seigneur Jésus-Christ a dit : Qui aime son père ou sa mère, sa femme ou ses enfants, ou ses parents plus que moi, n'est pas digne de moi.»> En disant cela, il levait les yeux au ciel, comme pour témoigner qu'il ne connaissait plus personne sur la terre. Probe lui dit: «Sacrifie du moins à cause d'eux.» Irénée répondit: «Mes enfants ont le même Dieu que moi, qui peut les sauver; quant à vous, exécutez les ordres que vous avez.»> Probe le condamna à être jeté dans le fleuve. Irénée dit : « Après tant de menaces, j'attendais de grands tourments, et j'espérais que vous me feriez mourir par le fer. Je vous prie de le faire, afin que vous voyiez combien la foi donne aux chrétiens de mépris pour la mort.>> Probe, en colère, ajouta à sa sentence qu'on lui couperait aussi la tête. Irénée en remercia Dieu, et lorsqu'il fut arrivé sur le pont d'où il devait être précipité, il se dépouilla de ses habits et dit, les mains étendues au ciel : «< Seigneur Jésus-Christ, qui avez bien voulu souffrir pour le salut du monde, ouvrez-moi vos cieux,

cantem ad cœlestem palmam simili sententia cogit. Ruinart, Act. sincera Martyr., p. 404.

Et cum ad urbem Cibalitarum pervenisset, de qua Valentinianus christianissimus imperator oriundus esse cognoscitur. Ibid. - Ibid., p. 404 et 405.

6 Domine Jesu Christe, qui pro mundi salute pati

Pag. 408,

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