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Elle fut de

rée en Occi

dent.

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même que la cupidité ne fait paraître aujourd'hui d'ambition pour les dignités temporelles. Les chrétiens' aimaient mieux souffrir la faim et la soif, être percés de clous, brûlés vifs, dévorés par les bêtes, avoir les yeux crevés, les membres rompus, être jetés dans la mer, que de renoncer au culte de Dieu et d'adorer des idoles; la persécution fut beaucoup plus cruelle et d'une plus longue durée dans la Palestine, la Libye, l'Égypte, la Syrie, et dans toutes les provinces de l'Orient jusqu'à l'lllyrie, que dans celles d'Occident. Elle dura pendant huit ans dans celles-là; et Galère, à qui, après l'abdication de Dioclétien et du vieux Maximien, elles étaient échues en partage pour la plupart, y exerça des cruautés inouïes. Il inventa contre les chrétiens une nouvelle manière de les faire brûler. Après les avoir mis à la torture, quand on les avait attachés au poteau, on allumait au-dessous d'eux un petit feu qui n'était que pour leur brûler lentement la plante des pieds. Ensuite on appliquait des torches ardentes sur tous leurs membres, afin qu'il n'y eût pas une partie de leur corps qui n'eût son supplice. Durant ces tourments on leur jetait de l'eau sur le visage, et on leur en faisait même avaler, de peur qu'une soif ardente ne les desséchât trop et ne les fit mourir avant que leur chair eût été toute rôtie. Néanmoins, après que le feu les avait consumés entièrement et avait pénétré jusqu'au fond de leurs entrailles, on allumait un grand brasier, où on les jetait. Ensuite onmettait leurs os en poudre, que l'on précipitait ou dans la mer ou dans la rivière, dans la crainte que les chrétiens ne leur rendissent quelque honneur.

6. Les provinces d'Occident, comme l'Itamoindre du- lie, la Sicile, les Gaules, l'Espagne, la Mauritanie et l'Afrique, ne ressentirent le feu de la persécution* que les deux premières années, Dieu, par sa bonté, l'ayant bientôt éteint dans toutes ces provinces, à cause de la foi et de la simplicité des fidèles. Il paraît même, par Lactance, que les Gaules étaient en paix tandis que Dioclétien, Maximien et Galère persécutaient les autres provinces; Eusèbe dit expressément que Constance, qui avait en partage la Gaule et l'Espagne, ne fit abattre aucune

1 Euseb., lib. VIII Hist., cap. 14.

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2 Euseb., lib. de Martyr. Palæstinæ, cap. 13.

3 Lacl., lib. de Mort. Persecutor., num. 20 et seq. Euseb., lib. de Martyr. Palæstinæ, cap. 13. Lact., lib. de Mort. Persecut., num. 16.

• Euseb., lib. I de Vita Constantini, cap. 13.

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église, et qu'il conserva les chrétiens exempts de la persécution. Mais le même Eusèbe dit ailleurs que ces deux provinces souffrirent pendant les deux premières années de la persécution de Dioclétien; et on ne voit pas d'autre moyen d'accorder cet historien avec luimême et avec Lactance, qu'en disant que, malgré l'affection de Constance pour les chrétiens des Gaules et d'Espagne, ils ne laissèrent pas de souffrir quelque persécution de la part des gouverneurs, quoiqu'ils n'en eussent reçu aucun ordre particulier de Dioclétien. Nous avons, en effet, des Actes de plusieurs martyrs des Gaules et d'Espagne dont on ne peut guère mettre la mort qu'en l'une des deux premières années de la persécution de Dioclétien, comme nous le verrons en parlant de saint Vincent, de sainte Eulalie, de saint Julien, de saint Ferréol et de quelques autres martyrs des Gaules et d'Espagne.

ARTICLE PREMIER.

DES MARTYRS DE LA PALESTINE.

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1. C'est d'Eusèbe que nous tenons ce que nous allons dire des martyrs qui souffrirent dans la Palestine durant la persécution de Dioclétien. Il avait recueilli leurs actes dans un ouvrage à part, dont quelques-uns ont fait une partie du huitième livre de son Histoire de l'Eglise; mais on l'en a distingué dans l'édition de Paris de l'an 1659. Quoiqu'il eût eu d'abord en vue de ne mettre dans ce Recueil que les actes des martyrs de la Palestine, il y joignit néanmoins ceux de saint Romain 1o, martyrisé à Antioche, parce que, dit-il, il était de la Palestine, et diacre de Césarée. Il y inséra aussi ceux de saint Ulpien et de saint Édèse ", l'un martyrisé à Tyr, l'autre à Alexandrie; et il en donne pour raison la conformité de la mort du premier avec celle de saint Aphien, un des martyrs de la Palestine, dont il avait raconté le triomphe dans le chapitre précédent.

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2. L'édit de Dioclétien, par lequel il était ordonné de démolir les églises, de brûler les S. Procope, livres saints, de priver les officiers de leurs charges et de réduire en servitude les personnes de basse condition, s'ils continuaient

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à faire profession de la religion chrétienne, fut, comme nous avons dit, publié à Nicomédie le 24 février de l'an 303; mais il ne le fut que vers Pâques 1, à la fin de mars et au commencement d'avril dans la Palestine. Flavien était alors gouverneur de cette province. On y publia bientôt après d'autres édits qui portaient que les évêques seraient mis en prison et contraints par toutes sortes de moyens de sacrifier aux dieux. Le premier martyr de la Palestine, dans cette persécution, fut Procope. Il était de Jérusalem, mais demeurait à Scythople, sur le Jourdain 3, où il servait l'Église en qualité de lecteur et d'interprète en langue syriaque. Les lectures publiques de l'Écriture se faisaient en grec, et il l'expliquait au peuple en syriaque, qui était la langue vulgaire. Il y faisait aussi les fonctions d'exorciste, en imposant les mains sur ceux qui étaient possédés du démon. Dès sa jeunesse il avait eu un grand soin de conserver la chasteté et de pratiquer les autres vertus. Sa nourriture n'était que de pain et d'eau, qu'il ne prenait que de deux ou trois jours l'un, et quelquefois au bout de sept jours; en sorte que son corps, abattu par l'austérité, semblait être mort et ne se soutenir que par la vigueur de son esprit, à qui la parole divine donnait une force merveilleuse. Il la méditait jour et nuit, ne s'appliquant guère aux lettres humaines, dont il était peu instruit. Envoyé " de Scythople à Césarée, avec quelques autres, il fut arrêté à la porte de la ville et mené aussitôt au gouverneur, nommé Flavien, qui, sans l'avoir fait mettre en prison, lui commanda de sacrifier aux dieux. Procope répondit qu'il n'en connaissait qu'un, créateur de l'univers, à qui il faut sacrifier en la manière qu'il le désire. Flavien, n'ayant rien à répliquer sur cela, lui ordonna de sacrifier aux quatre princes qui régnaient alors, savoir Dioclétien, Maximien, Constance et Galère. Le Saint, pour se moquer de cette demande, lui répondit par un vers d'Homère, qui porte qu'il n'est pas bon d'avoir tant de

1 Euseb., in Prologo de Martyr. Palæstinæ.

2 La même ville que Bethsan, aujourd'hui Bisan, ville de Palestine, en Samarie. (L'éditeur.)

3 Acta sincera Martyr., pag. 353. Valesius, in Notis in lib. VIII Euseb., pag. 172; Fleury, lib. VIII, p. 423, num. 31.

Act. sincera Martyr., pag. 353.

6 Homerus, Iliad. II.

7 Les Actes publiés par Assémani contiennent, en langue syriaque, le martyre des saints Alphée, Zachée et Romain, de saint Timothée et de saint Procope.

maîtres, qu'il n'y a qu'un seigneur et un roi. Flavien, prenant cette réponse pour une injure faite aux empereurs, lui fit aussitôt trancher la tête. C'était le septième de juillet ".

Autres martyrs de Palestine

3. Après lui, dans la même ville de Césarée, plusieurs évêques du pays souffrirent avec en 303. joie de cruels supplices. Quelques-uns, néanmoins, cédèrent à la première attaque. Ceux qui demeurèrent fermes furent tourmentés en différentes manières. On fustigea cruellement les uns; on déchira les autres avec des ongles de fer. Les autres furent accablés de chaînes avec une telle violence, qu'ils en eurent les mains démises; mais ils endurèrent tous ces tourments avec une patience invincible. A l'un on tenait les mains, en l'approchant de l'autel des idoles, et on lui jetait dans la main droite quelque chose du sacrifice profane, afin qu'il parût y participer; et on le laissait aller en liberté, comme s'il eût sacrifié. Un autre traîné au pied de l'autel, n'ayant pas touché à l'encens, se retirait sans rien dire, tandis que les païens assuraient qu'il avait sacrifié. Un autre emporté demimort, était jeté comme s'il eût déjà rendu l'âme on le relâchait ensuite, et on le comptait entre ceux qui avaient sacrifié. Un autre criait et protestait qu'il n'obéirait pas; mais on le frappait au visage, plusieurs mains lui fermaient la bouche, et on le repoussait avec force, quoiqu'il n'eût pas sacrifié. Les païens comptaient pour beaucoup de paraître réussir dans leur dessein.

4. Il y en eut deux seulement, entre tous ceux-là, qui reçurent la couronne du martyre, Alphée et Zachée. Celui-ci était diacre de l'Église de Gaddi ou Gadare, au-delà du Jourdain. Après avoir enduré les chaînes les plus dures, les fouets, les ongles de fer, ils furent tenus pendant vingt-quatre heures dans les entraves, écartés jusqu'au quatrième trou. Enfin, comme ils confessèrent qu'il n'y avait qu'un seul Dieu 10, et que Jésus-Christ est l'unique roi, ils eurent la tête tranchée le dixseptième du mois de novembre.

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Martyra S. Alphée

des Zach

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Martyre de 5. Le même jour 1, saint Romain souffrit le de S. Baru- martyre à Antioche. Il était de Palestine,

S Romain et

las, enfants.

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diacre et exorciste de l'Église de Césarée; car, dans les premiers siècles de l'Église, comme les clercs étaient en petit nombre, ils exerçaient souvent deux et quelquefois trois fonctions différentes. Il se trouva à Antioche dans le temps qu'en vertu de l'édit on détruisait les églises, et voyant plusieurs personnes, hommes, femmes et enfants, courir en foule an temple des idoles pour y sacrifier, son zèle pour le culte du vrai Dieu lui rendit ce spectacle insupportable. Il s'avança et leur fit des reproches à haute voix. Il attaqua même le juge, qui triomphait de tant de personnes qu'il avait vaincues. Cette hardiesse fut cause qu'on se saisit aussitôt de lui, et le juge, nommé Asclépiade, s'imaginant qu'il l'abattrait avec aussi peu de résistance que tant d'autres, le fit amener devant lui et lui reprocha de détourner les chrétiens d'obéir à l'empereur : Romain ne le désavoua pas. Le juge le fit tourmenter en toutes les manières que sa rage put inventer. Le Saint ne laissait pas, au milieu des tourments, de confesser que Jésus-Christ est le vrai roi. Comme on continuait à le tourmenter et qu'on le menaçait de le faire brûler vif, au lieu de s'en épouvanter, il proposa à Asclépiade d'interroger un enfant innocent, pour voir ce qu'il dirait de Jésus-Christ. Le juge accepta le parti, et on prit un enfant d'environ sept ans, nommé Barulas3. Romain lui demanda lequel il valait mieux, d'adorer Jésus-Christ, et par lui le Père, ou la multitude des dieux. L'enfant répondit sans hésiter: « Ce que les hommes appellent Dieu, quel qu'il soit, doit être un. Ce Dieu a un Fils unique avec qui il n'est qu'un, et c'est Jésus-Christ. Mais qu'il y ait plusieurs dieux, les enfants mêmes n'en croient rien.» Le juge, étonné d'une réponse si précise, demanda à l'enfant qui lui avait appris ce qu'il venait de dire. Il répondit : « C'est ma mère 5. En suçant le lait de ses mamelles, j'ai sucé la connaissance de Jésus-Christ et j'ai appris à croire en lui.» Le juge fit approcher la mère, et ensuite fit mettre l'enfant sur un chevalet, où on le fouetta si cruellement, que le sang

1 Euseb., cap. 2.-2 Euseb., lib. de Resurrectione, et Prudentius, Hymno 10 ; Act. Martyr., pag. 358 et 360.

3 Baillet nie le martyre de cet enfant, parce qu'Eusèbe de Césarée n'en parle pas, comme si cet écrivain avait entrepris de tout dire (voyez Honoré de SainteMarie, Réflexions sur l'usage et l'abus de la critique, tom. I, p. 259.) (L'éditeur.)

* Est quidquid illud quod ferunt homines Deum, unum esse oportet, et quod uni est unicum. Cum Christus hoc

coulait de tous côtés. Ce spectacle tira les larmes de tous les assistants, même des bourreaux. La mère, en qui l'amour de JésusChrist étouffait tous les sentiments d'une pitié trop molle, voyait seule son enfant avec un visage serein, et l'encourageait. Elle le reprit même, comme d'une faiblesse, de ce que, brûlé d'une soif ardente que lui causait la rigueur des tourments, il demandait à boire, et lui dit qu'il ne devait plus souhaiter que l'eau vivante de la vie éternelle. On détacha l'enfant, et on le conduisit en prison. Le juge fit appliquer de nouveau saint Romain à la question; et, après l'avoir renfermé en prison, il le condamna à être brûlé vif, et l'enfant à avoir la tête tranchée. La mère porta son enfant entre ses bras jusque sur l'échafaud, et le donna au bourreau sans répandre de larmes. Seulement elle le baisa pour la dernière fois, et se recommanda à ses prières. Le bourreau prit d'une main cette tête innocente, et la coupa d'un seul coup. La mère étendit son manteau pour recevoir le sang et la tête, qu'elle emporta dans son sein. On amena saint Romain au même lieu, où l'on avait préparé un grand bûcher: il portait sur ses épaules et sur son front le signe royal de la croix. On l'attacha à un poteau, les mains liées derrière le dos, et on l'entoura de bois. Plusieurs Juifs qui étaient accourus à ce spectacle, disaient: «Où est donc le Dieu des chrétiens? Chez nous, les trois enfants furent sauvés de la fournaise; mais ceux-ci brûlent. >> Aussitôt le ciel se couvrit, et une pluie mêlée de grêle tomba avec tant de force et d'abondance, qu'on ne put pas même allumer le feu. Cela causa un grand bruit parmi le peuple ; et comme l'empereur Maximien Galère était alors à Antioche, on lui rapporta ce qui venait d'arriver. Pendant qu'on attendait sa réponse, le martyr s'écria: «Où est donc ce feu? »> L'empereur fit délivrer le confesseur; mais le juge obtint de l'empereur que le Saint serait condamné à avoir la langue coupée. Un médecin nommé Ariston, qui, par faiblesse plutôt que de propos délibéré, avait renié la foi, se trouva présent, avec les instruments néces

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Martyre de

Agape, The

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saires pour cette opération; car les médeeins faisaient alors toutes les opérations de chirurgie, ordonnaient et composaient les médicaments. On l'obligea, malgré lui, à couper la langue du martyr, et il la garda 1 dans sa maison comme une relique précieuse, pour se mettre en quelque sorte à couvert de la colère de Dieu, qu'il s'était attirée par sa prévarication; et c'est ainsi, dit Eusèbe, que ceux qui ont la faiblesse de trahir leur foi, tâchent d'avoir quelques reliques des martyrs qu'ils honorent particulièrement. Après que cette incision eut été faite, le martyr fut envoyé en prison. En entrant, le geôlier lui demanda son nom: il le dit, et parla encore depuis, à toute occasion, prononçant mieux qu'il ne faisait auparavant; car, naturellement, il bégayait. Le juge et l'empereur, l'ayant appris, soupçonnèrent le médecin de l'avoir épargné. On le fit venir, il montra la langue qu'il avait gardée, et dit : « Qu'on fasse venir un homme qui ne soit point assisté de Dieu, qu'on lui coupe autant de la langue: s'il peut vivre après, accusez-moi d'artifice. Là-dessus on fit venir un homme condamné à mort, et le médecin, ayant pris la mesure sur la langue de Romain, coupa à la même distance celle du criminel, qui tomba mort aussitôt. Cependant saint Romain était gardé en prison, et il y demeura plusieurs mois, les pieds étendus dans les ceps jusqu'au cinquième trou. Il était encore aux fers lorsque la solennité de la vingtième année de l'empereur Dioclétien arriva. On mit partout les prisonniers en liberté, selon la coutume. Saint Romain fut excepté seul de cette grâce, et, au lieu d'être délivré comme les autres, on l'étrangla tout étendu comme il était dans les ceps, et il arriva ainsi à la couronne du martyre, qu'il souhaitait depuis si longtemps. Cela se passa la première année de la persécution, où l'on attaquait principalement les évêques et les ministres de l'Église 2.

6. L'année suivante, la persécution s'étant SS. Timothée échauffée3, Urbain, gouverneur de la Palesceerde huit tine, reçut les lettres de l'empereur, par les quelles il était ordonné à tous les sujets de l'empire de sacrifier aux dieux. Les premiers

autres, en 304.

1 Cum autem incidisset ipsam linguam, usus est ad tutelam sui: non enim projecit quam incidit, sed accipiens eam ut medicamen ad sunitatem illius delicti quod admiserat abnegando; accipiens domi recondit, ut consuerunt infirmiores, fideles tamen, honorare si quid a martyribus sumpserint. Euseb, ibid., pag. 352.

2 Voyez les Actes de saint Alphée, Zachée et Romain,

qui signalèrent en cette rencontre leur foi et leur constance, furent Timothée, Agape et une vierge nommée Thècle. Ils souffrirent tous trois le martyre à Gaza, ville de Palestine. Timothée, après avoir enduré une infinité de supplices, fut enfin consumé à petit feu, et donna, par sa patience invincible, une preuve certaine de la sincérité de sa piété et de son amour envers Dieu. Sainte Agape et sainte Thècle furent exposées aux bêtes. Quelque temps après, il y eut à Césarée une grande solennité, où le bruit se répandit qu'outre les gladiateurs ordinaires, on ferait combattre des chrétiens qui avaient depuis peu été condamnés à mort. A ce bruit, six jeunes hommes, savoir Timolaüs, natif du Pont; Denys, qui était de Tripoli en Phénicie; Romule, sous-diacre de Diospolis dans la Palestine; Paèse et Alexandre, égyptiens, et un autre Alexandre, qui était de Gaza, s'étant lié les mains pour montrer qu'ils étaient résolus au martyre, se rendirent promptement à l'amphithéâtre, dans le moment que le gouverneur Urbain y entrait pour prendre sa place, et confessèrent tous qu'ils étaient chrétiens. Leur hardiesse donna de l'étonnement au gouverneur et à ceux qui l'accompagnaient; et on les fit à l'instant mettre en prison. Peu de jours après, on y en enferma deux autres avec eux, un nommé Denys, qui leur fournissait les choses nécessaires à la vie, et un Agape, différents de ceux dont nous venons de parler. Ces huit saints furent décapités en un même jour à Césarée, qui était le 24 mars.

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7. Cependant Maximien Galère ayant été élevé à l'empire après que Dioclétien et Maximien Hercule se furent réduits à une vie privée, la paix dont l'Église avait joui en quelques provinces, à l'occasion de ces changements dans les affaires de l'empire, fut bientôt troublée. Ce prince persécuta les chrétiens avec plus de fureur que n'avaient fait ses prédécesseurs, comme s'il eût affecté de signaler son impiété et sa haine contre Dieu. L'alarme et le trouble se mirent parmi les fidèles, et ils fuyaient de tous côtés pour se mettre à l'abri de cet orage. Il y en eut néanmoins quelquesuns sur qui la crainte des tourments ne fit

dans Assémani, Actes des Martyrs de la Palestine. (L'éditeur.)

3 Euseb., lib. de Martyr. Palæst., cap. 3. Les Actes de Timothée se trouvent aussi dans Assémani. Ibid. (L'éditeur.)

Euseb., lib. de Martyr, Palæstina, cap. 3. 6 Ibid., cap. 4.

Martyre de S. Apphien, en 305.

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aucun effet. Apphien fut de ce nombre, et Eusèbe n'a point trouvé de paroles assez énergiques pour exprimer l'ardeur de la charité et la confiance avec laquelle ce généreux martyr confessa le nom de Jésus-Christ, quoiqu'il n'eût pas encore atteint l'âge de vingt ans. Il était né à Pagas 1, ville de Lycie, d'une famille considérable et fort riche, et avait étudié les lettres humaines à Béryte, où était alors une école célèbre de droit civil. Pendant le long séjour qu'il fit en cette ville, il s'y préserva des tentations de son âge et des mauvaises compagnies, vivant avec la gravité, la modestie et la piété que demandait le christianisme, dont il faisait profession. Quand il fut de retour de Béryte à Pagas, où son père tenait le premier rang, il ne put demeurer avec ses parents, parce qu'il n'y possédait pas la liberté de vivre suivant la religion chrétienne, et il s'enfuit secrètement de la maison paternelle, sans se mettre en peine d'emporter de quoi subsister, tant il avait de confiance en la Providence, qui le conduisit à Césarée, en Palestine, où il vécut avec Eusèbe l'historien. Il s'y appliqua à l'étude des divines Écritures, autant que le peu de temps qu'il demeura dans. cette maison le lui put permettre, et s'y prépara au martyre par divers exercices de pénitence et de piété. Lors donc que le césar Maximien, qui gouvernait sous Galère la province d'Orient, eut publié contre les chrétiens de nouveaux ordres, avec commandement aux gouverneurs de faire sacrifier tout le monde, et que le cri du héraut par toute la ville de Césarée appelait tout le monde au temple des idoles, Apphien, sans communiquer son dessein à personne, non pas même à Eusèbe ni aux autres avec qui il demeurait, se glissa au milieu des gardes jusqu'auprès d'Urbain, alors gouverneur de la Palestine, et qui allait sacrifier. Le voyant prêt à faire les libations devant les idoles, il le prit hardiment par le bras, l'empêcha de sacrifier, et, d'un ton grave, il lui dit qu'il n'était pas raisonnable de quitter le seul vrai Dieu pour sacrifier à des idoles et à des démons. « Dieu le poussa sans doute, dit Eusèbe, à une action si extraordinaire, pour faire connaître, par cet exemple, que les véritables chrétiens, bien loin d'être détournés de la piété par les menaces et par les supplices, en tirent une nouvelle confiance de publier la

1 Euseb., lib. de Martyr. Palæst., cap: 4.

2 Euseb., lib. de Martyr. Palæst., cap. 4.

3 Voilà bien des miracles, et pourtant c'est une histoire authentique. (L'éditeur.)

vérité avec une plus grande liberté qu'aupavant, et d'exhorter les persécuteurs à renoncer à l'erreur et aux superstitions. » Aussitôt ceux qui étaient autour du gouverneur se saisirent d'Apphien, lui donnèrent mille coups par tout le corps, puis le jetèrent dans une prison, où il demeura un jour et une nuit, les pieds étendus dans les ceps. Le lendemain on l'amena devant le juge, qui, le voulant contraindre à sacrifier, lui fit souffrir les plus grands tourments. On lui déchira les côtés, non-seulement une et deux fois, mais plusieurs, en sorte que l'on y voyait les os et les entrailles. On le battit sur le visage et sur le cou avec tant de cruauté, qu'il devint méconnaissable, même à ses amis, tant la tête lui était enflée. Sa fermeté ne paraissant point ébranlée par ce supplice, le juge lui fit envelopper les pieds avec des linges trempés dans de l'huile, auxquels on mit le feu. La flamme, ayant consumé ses chairs, pénétra ses os, fit fondre comme de la cire toutes les graisses et toutes les autres humidités de son corps; et on les voyait tomber par gouttes. Mais il ne fut point abattu par ce tourment, et on le remit en prison. Le troisième jour on le présenta encore au juge. Il témoigna la même constance dans sa foi, et, quoiqu'à demi-mort, il fut jeté dans la mer. Dans le moment même il s'éleva une si grande tempête, non-seulement sur la mer, mais dans l'air, que la terre et toute la ville en furent ébranlées la mer rejeta le corps du saint martyr sur le rivage, devant les portes de Césarée, comme n'étant pas digne de le garder. Tous ceux qui étaient alors dans la ville furent témoins de cette merveille, entre autres Eusèbe, de qui nous l'apprenons . Saint Apphien consomma son martyre le 2 d'avril de l'an 305, un jour de vendredi ".

Martyre de S Ulpien, en

8. Presque dans le même temps, un autre jeune homme nommé 5 Ulpien, après avoir été 305. fouetté cruellement et avoir souffert d'autres tourments horribles, fut enfermé dans un sac de cuir avec un chien et un aspic, et jeté dans la mer; ce qui était l'ancien supplice des parricides; car alors on ne s'en servait plus, comme trop cruel, même pour ceux qui étaient coupables des plus grands crimes.

9. Peu de temps après, Edèse 6, né du même père qu'Apphien, et autant son frère selon l'esprit que selon la chair, le suivit dans

Voyez aussi Assémani, Actes des Martyrs de Palestine. (L'éditeur.)

Euseb., lib. de Martyr. Palæstina, cap. 5. 6 Ibid.

Martyre de S. Edèse en 305.

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