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en expliquant des expressions trop dures par d'autres plus orthodoxes. Mais deux raisons ont pu les détourner de lui faire cette grâce : ses liaisons avec les chefs de la cabale arienne, et la part qu'il a eue aux violences exercées contre saint Athanase, contre saint Eustathe et quelques autres évêques dont la foi et la vertu ont été reconnues. On s'est persuadé aisément qu'il n'avait pas d'autres sentiments que ceux dont il prenait si ouvertement le parti; et la cause de saint Athanase ayant été considérée comme celle de l'Église par tous ceux qui s'en tenaient aux décisions du concile de Nicée, ils ont été portés, comme par une suite nécessaire, à condamner, comme ennemi de la doctrine de l'Église, celui qui l'avait été de saint Athanase. Il s'est trouvé néanmoins, dans la suite, plusieurs écrivains célèbres par leur savoir et d'une foi très-pure qui ont travaillé à justifier Eusèbe. Qu'il nous soit permis d'examiner ici si l'on peut séparer sa conduite de la cause de la foi, et si ses écrits sont exempts des erreurs que l'on a prétendu y trouver 1.

3. Pour montrer que la conduite qu'Eusèbe a tenue n'a pas un rapport essentiel avec la pour foi, il suffit de faire voir qu'il a pu agir par d'autres motifs que par une suite des sentiments qu'on lui attribue. Arius, chassé d'Alexandrie avec ses partisans, vint se réfugier à Césarée. C'était un homme extrêmement dissimulé, qui ne manqua point de lui faire entendre qu'on le persécutait injustement, et d'exagérer comme des violences outrées la juste rigueur dont Alexandre, son évêque, avait usé à son égard. Ne peut-on pas croire qu'Eusèbe se laissa tromper, et que, par l'effet d'une compassion naturelle pour un homme

1 On est étonné de l'ardeur que met l'auteur à justifier Eusèbe du reproche d'arianisme. Les Mémoires de Trévoux signalèrent, en 1734, cette justification faite par D. Ceillier. Ils reprochent d'abord au savant bénédictin de faire entendre que l'arianisme n'était qu'un différend entre Arius et son archevêque, reproche que Photius avait déjà adressé à Eusèbe. Ils le blâment d'accuser le grand nombre des écrivains ecclésiastiques et le second concile de Nicée d'être tombés dans la précipitation, dans leur jugement sur Eusèbe. « D'ailleurs, ajoutent-ils, a-t-il fait réflexion à la conduite des sectaires et surtout des chefs de parti, qui ne font pas difficulté de s'expliquer quelquefois d'une manière orthodoxe, même sur les points contestés, pour se mettre à couvert des foudres de l'Eglise, ou pour tromper ceux qui ne se donnent pas la peine de les confronter avec eux-mêmes pour les surprendre en contradiction? Nous ne tirons pas l'arianisme d'Eusèbe de la manière dont il se conduisit dans l'afaire de saint Athanase et de saint Eustathe. On ne

qui se disait persécuté, il entreprit sa défense, sans aucun dessein formé d'appuyer ses erreurs? C'est ce qui nous paraît d'autant plus probable que, dans la suite, étant mieux informé des véritables sentiments d'Arius, il ne fit aucune difficulté de l'anathématiser dans le concile de Nicée. Toutefois, comme il s'était lié pour le défendre avec Eusèbe de Nicomédie, Paul de Tyr et quelques autres des principaux chefs de l'arianisme, retenu dans leur faction, tant par les liens du sang et de l'amitié, que par la crainte que ceux du parti contraire ne voulussent établir l'erreur de Sabellius à l'abri du consubstantiel, il ne fut jamais favorable à ce terme (quoiqu'il l'eût reçu par respect pour l'autorité du concile de Nicée), et il entra même dans diverses entreprises que les eusébiens formèrent contre ceux qui le défendaient. Il assista avec eux au concile d'Antioche, où saint Eustathe fut déposé; à celui de Tyr, où il fut un des juges de saint Athanase; mais il ne paraît pas qu'il ait été de leurs complots dans les injustes accusations qu'ils inventèrent contre ces saints évêques; s'il eut quelque part à leur déposition, rien n'empêche de croire que ce ne fut qu'après avoir été trompé lui-même par leurs ennemis, qui n'avaient que trop d'artifices pour couvrir une calomnie de tout ce qui pouvait la rendre spécieuse et plausible. On voit dans toute cette conduite d'Eusèbe bien des faiblesses, mais de ces faiblesses dont les saints. mêmes ne sont pas exempts et qui ne prouvent point qu'il ait eu dans le cœur les sentiments qu'on lui attribue. L'empereur Constantin, qui n'avait en vue que le bien de l'Église et la pureté de sa doctrine, ne se laissat-il pas surprendre aux artifices d'Arius et de

peut néanmoins s'empêcher d'observer qu'il est difficile de se persuader qu'un prélat aussi éclairé qu'Eusèbe se fût laissé tromper par les artifices grossiers des ennemis d'Athanase et d'Eustathe. La calom. nie dévoilée du concile de Tyr ne suffisait-elle pas pour le mettre en garde contre ses auteurs? D'ailleurs, l'acharnement avec lequel il poursuivit lui-même ces grands défenseurs de la foi de Nicée, ses indignes manœuvres dans tout le cours de cette affaire, peuvent-ils bien être regardés comme de ces faiblesses dont les saints ne sont pas exempts? Et si Constantin fut séduit par les partisans d'Arius', toute l'antiquité n'a-t-elle pas jugé que rien n'y avait plus contribué que le grand crédit de l'évêque de Césarée sur l'esprit de cet empereur?... Eusèbe a constamment rejeté ce terme de consubstantiel qui renfermait la décision de l'Eglise. Le grand nombre des écrivains ecclésiastiques a donc eu raison de le regarder comme un ennemi du concile et de croire qu'il y avait signé de mauvaise foi le consubstantiel, Peut-il y avoir du

Eusèbe souscrit au

Nicée il y a

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fait de mauvaise foi.

ses sectateurs, et ne prit-il pas leur défense contre saint Alexandre, saint Athanase et saint Eustathe?

4. A l'égard de ses écrits, il n'est pas diffisymbole de cile de faire voir que, bien loin d'avoir soutede la téméri- nu les erreurs d'Arius, il les y condamne exser de l'avoir pressément en divers endroits; qu'il y donne au Fils les mêmes attributs qu'au Père; qu'il le reconnaît pour son Fils naturel, engendré de lui-même et de sa propre substance; en un mot, qu'il a cru sur cet article tout ce que le concile de Nicée en a cru. Nous pourrions en apporter pour preuve sa lettre même à son Église de Césarée, écrite immédiatement après ce concile 1, dans laquelle il rend un témoignage public de sa soumission à ses décrets, tant pour ce qui regardait la personne d'Arius, que pour le Symbole de la foi, qu'il déclare avoir reçu, sans en excepter même le terme de consubstantiel. On a beau l'accuser d'hypocrisie, lui reprocher de n'avoir donné sa signature que dans l'intérêt de sa conservation temporelle et contre les dispositions de sa conscience; en un mot, représenter sa soumission apparente comme un masque sous lequel il cachait la subtilité secrète et la corruption d'un arien: raisonner de la sorte, c'est vouloir sonder les cœurs et usurper un droit qui n'appartient qu'à Dieu. Nous n'avons, pour justifier ou condamner un homme mort, que ses écrits ou ses paroles. Saint Athanase, qui vivait du temps d'Eusèbe, qui l'accuse même d'avoir été arien avant le concile de Nicée, sur une expression très-dure dont il s'était servi dans une de ses lettres, ne lui reproche nulle part cette prétendue

crime à accuser un homme d'avoir été arien, avec un concile général et le plus grand nombre des auteurs ecclésiastiques, et n'y a-t-il pas au moins de la témérité à le vouloir justifier contre de pareilles autorités? (L'éditeur.)

1 Euseb., in Epist. ad Cæsarienses; apud Athanas. lib. de Decret. Nicæn. Synod., p. 238.

2 Præsertim Acacius quidnam de magistro suo Eusebio dixerit: Qui non modo Nicænæ Synodo subscripsit, sed per epistolam plebi suæ significavit, hanc esse veram fidem quæ in Nicæna Synodo declarata esset? Athanas., lib. de Synod., p. 727. Vide eumdem, lib. de Decret. Nicæn. Synod., p. 210.

3 Cum qui per seipsum et per Patris prolatum testimonium, Filius usurparetur, nisi summam per impietatem cum cæteris creaturis nec componi debeat, neque comparari. Nam quo pacto unigenitus appellari queat, qui cum multitudine annumeratur creaturarum; cum vel de nominis solius usurpatione Filius naturalem quamdam obtineat ad Genitorem suum relationem: cumque nomen illud unigenitus, ad genus pertingat et generationem, solum eum indicet ac solitarium, nec in

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hypocrisie; au contraire, il emploie avantageusement son autorité pour reprocher à Acace qu'en s'éloignant de la foi de Nicée, il s'éloignait en même temps de celle d'Eusèbe, son maître. Mais voyons s'il se dément dans ses autres écrits.

5. Les principales erreurs d'Arius étaient, que le Fils a été tiré du néant; qu'il n'a pas toujours été, et qu'il n'existait point avant d'être engendré du Père. Eusèbe condamne expressément toutes ces erreurs. « Le Verbe3, dit-il, étant, selon son propre témoignage et suivant le témoignage de son Père, Fils de Dieu, on ne peut, sans impiété, le comparer avec le reste des créatures, puisque le seul nom de Fils nous marque qu'il a une relation naturelle à son Père. » Il dit ailleurs que*, « comme il y a du danger à confondre la personne du Fils avec celle du Père, il y en a aussi à dire que ce Fils est engendré de rien, comme les créatures, parce qu'autre est la génération du Fils, autre est la création du monde par le Fils. » Ailleurs encore il s'exprime ainsi : « Après tout ce que l'Écriture nous dit du Fils, de vouloir encore soutenir qu'il est créature, c'est ne lui laisser que le simple nom de Fils de Dieu, et nier qu'il le soit effectivement; car s'il est tiré du néant et engendré de rien, il ne peut être vrai Fils de Dieu, et ne l'est pas plus que le reste des créatures. » Ceux mêmes qui lui sont contraires, avouent qu'il rejette ici de bonne foi le blasphème d'Arius, qui disait que le Fils a été tiré du néant; car il le rejette, non parce que cette expression n'est pas de l'Écriture, par où les eusébiens avaient coutume de se

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filiatione sua quocumque cum alio participantem. Euscb., lib. I de Eccl. Theol., cap. 10, p. 68.

Siquidem in contrariam abire partem et simpliciter sic enuntiare, ex nihilo genitum esse Filium, eadem ratione qua reliqua quæ facta sunt, non absque periculo sit: alia est enim Filii generatio, et alia per Filium aliarum rerum creatio, quare cum divina Scriptura modo quidem primogenitum omnis creaturæ, Filium appellet, ex ipsis persona sic dicens: Dominus creavit me initium viarum suarum, modo autem genituram Patris dicat, ubi ait: Et ante omnes colles gignit me; hanc item nos sequi sani judicii sit, confiterique ante omnia sæcula esse Verbum Dei creatoris administrum, esseque una cum Patre et unicum esse maximi Dei Filium, qui Patri det operam, ejusque sit socius dum omnia quæ sunt facit, ut sint eadem quæ disponit. Euseb., lib. V Demonst., p. 214.

5 Atque ideo reprehendi nec immerito debent ii qui ausi sunt illum, creaturam nominare : ipsumque dicere e non ente quemadmodum, et cæteræ producuntur creaturæ, progeneratum. Nam qui quæso ita esse potest Filius? Qui Dei unigenitus Filius, si eamdem cum reli«

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tirer, quand ils étaient contraints de la condamner; mais parce qu'elle est contraire à la doctrine de l'Ecriture, et absolument fausse. Il' soutient de plus que le Verbe a été engendré du Père avant tous les siècles2; qu'il subsiste depuis des siècles infinis, ou plutôt avant tous les siècles; qu'il est toujours avec son Père, dont il n'est pas plus séparable que l'odeur l'est du baume, ou l'éclat de la lumière. Enfin, dans l'explication qu'il donne au fameux passage des Proverbes : Le Seigneur m'a créé, etc., il montre3 que cet endroit ne doit point s'entendre d'une création proprement dite, d'autant que le texte hébreu ne porte pas, le Seigneur m'a créé, mais, le Seigneur m'a possédé. «Or, ajoute-t-il, il y a bien de la différence entre ces mots : le premier, dans sa notion la plus commune, signifie le passage des créatures du non-être à l'être; au lieu que le second marque seulement une

quis creaturis naturam sortiatur? Hoc enim pacto ipsorum potius esset frater quam Filius Dei : hoc pacto de multis productis ipse unus erit: veluti qui participaverit creationis illius, non de præexistente subjecto, et ejusdem sit cum creaturis communionis. Enim vero longe aliter de eo divina oracula prædicarunt..... quisquis igitur post hæc testimonia progenitum illum de non entibus, et ex non ente productam affirmaverit creaturam, istum Filium, nomen ei nudum tantummodo largiri deprehenditur, revera autem Filium esse pernegare. Nam qui de non existentibus generatus est, is certe Dei Filius esse revera nequit: non magis quam quidvis aliud creatum. Euseb., lib. I de Eccl. Theol., cap. 9, p. 67 et 68.

i Ibid., lib. I de Eccl. Theol., cap. 8, p. 66, loco infra citato.

• Neque dici, neque denominari, neque intelligi, nec omnino concipi possunt, quæ ad primam unici Filii Dei generationem pertinent; de quo sane nihil habemus amplius quod dicamus aut cogitemus, quam illud: Generationem ejus qui enarrabit? Quod si quis hoc ulterius progrediens, eo provehatur audaciæ, ut quæ nulla prorsus intelligentia comprehendi possunt, ea visibilibus et corporeis exemplis assimilet; forsitan dicat, ingeniti Patris naturæ atque ineffabilis essentiæ, quasi fragrantiam quamdam ac lucis splendorem ipsum Filium ex infinitis sæculis, ac potius ante omnia sæcula extitisse dumque existit simul esse, neque Patrem unquam relinquere, sicut nec unguentum bonus odor, nec lucem splendor relinquit. Verum exempla hæc non omnimodo integram præstant similitudinem, sed quomodo, jam antea dictum est, etc. Ibid., lib. V Demonst., p. 214 et 215.

3 Plurimum vero differt, ἔκτισε creavit, et εκτήσατο possedit, cum illud significet communi notione creaturarum processum, de non esse ad subsistere, hoc vero rei præexistentis possessionem, et proprietatem peculiarem possidentis. Inquiens ideo Dei Filius: Dominus condidit me principium viarum suarum ad opera sua, simul et ejus indicas præexistentiam, et peculiarem ad Patrem proprietatem. Ibid., lib. III de Eccl. Theol., cap. 2, p. 153.

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propriété particulière d'une chose qui existait déjà auparavant ainsi lorsque le Fils de Dieu dit: Le Seigneur m'a possédé, il marque en même temps sa préexistence éternelle, et le rapport particulier qu'il a avec son Père.»> Eusèbe, dans tous ces endroits, ne rejette pas seulement l'hérésie d'Arius, il la détruit même par raisons. Peut-on rien de plus fort pour le justifier?

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6. Il enseigne de plus que le Fils n'est sujet à aucun changement', qu'il est simple de sa nature, immense, incompréhensible; attributs qui ne conviennent qu'à un être véritablement Dieu, comme il le nomme expressément. Mais ce qui doit le mettre à couvert de tout soupçon, c'est qu'avant comme après le concile de Nicée, il a parlé de la divinité du Fils d'une manière absolument conforme aux décrets de ce concile. Voici comme il s'en explique : « L'Église, dit-il, s'éloi

Nam dilectus Dei cum semetipsum exinanivit, formam servi accipiens et habitu inventus ut homo, non parvam mutationem sustinere visus est; etsi utpote Deus, immutabilis et invariabilis sit. Euseb., Comment. in Psal. XLIV, p. 185.

5 Nam si concreta esset atque composita Dei natura, altero opus haberet ut componeretur, nec omnino divina esse posset, cum ex diversis ac dissimilibus, et ex deterioribus simul ac præstantioribus componeretur. Est autem Dei natura, simplex prorsus et indivisibilis atque incomposita..... divinus autem sermo qui neque ex partibus constat, neque ex contrariis compositus est, sed simplex atque indivisibilis. Euseb., Orat. de Laud. Constant., p. 641.

6 Et quemadmodum in uno corpore, partes quidem ac membra; viscera quoque et intestina quam plurima simul compaginuta sunt, unus autem animus per cuncta diffunditur, et mens indivisibilis atque incorporea una est; sic in hoc universo, mundus quidem ipse ex multis partibus in unum conflatus est : divinus autem sermo, multa vi pollens, et omnipotens, itidem unus; per universa permanans; et absque vago errore per omnia diffusus, omnium quæ in ipsis fiunt causa est. Ibid.

7 Nam Moysi quidem dictum est : Non poteris videre faciem meam, non enim videbit homo faciem meam et vivet. Siquidem vultus Dei Verbi, et deitas unigeniti Filii Dei, mortali naturæ comprehensibilis neutiquam fuerit. Euseb., Comment. in Isai., p. 375. Cet endroit est remarquable, pour montrer qu'Eusèbe, en attribuant au Fils la visibilité, ne la lui attribue point comme une propriété qui lui convienne par sa nature, mais seulement par un effet de sa bonté, qui l'engage à descendre et à se dépouiller de sa propre grandeur pour se rendre visible aux hommes. Unigenitus Filius, qui est in sinu Patris, qui descendens ex propria magnitudine, inde sese visibilem et comprehensibilem hominibus efficit. Ibid., p. 374 et 375.

8 Considera, quæso, si non tanquam vere Deus vocem emiserit, ubi suis illis adeo ignobilibus, ad verbum dixit discipulis: Euntes docete omnes gentes. Ibid., lib. III Demonst., p. 136.

• Ab istorum omnium erroribus Ecclesia se mundans

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gnant également des erreurs des Juifs et des païens, enseigne un seul Dieu, qui est Père tout-puissant, Père d'un seul Christ, Créateur de toutes choses. Elle reconnaît aussi pour Fils unique de Dieu, celui qui est engendré du Père avant tous les siècles, qui n'est point une même personne avec le Père, mais qui subsiste et qui vit d'une manière qui lui est propre, qui est véritablement Fils, coexistant au Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vie de vie, seul engendré du Père, et qui est la vie même1. Il est vrai Fils et vrai Dieu, non pas selon une notion générale, d'après laquelle il est écrit: Je dis que vous êtes des dieux et les enfants du Très-Haut; mais d'une manière singulière, étant engendré du Père avec la forme de Dieu. Il est l'image de Dieu invisible, et le premier-né des créatures; et c'est pour cela que la même Eglise nous a appris à l'honorer, à lui rendre nos homma

unum Deum prædicat: et eumdem esse docet Patrem et omnipotentem : Patrem quidem unius solius Christi, omnium autem Dominum et conditorem et Deum. Ad eumdem quoque modum Dei Filium unigenitum agnoscit eum qui ante omnia sæcula de Patre fuit genitus : non illum certe eumdem cum Patre existentem, at per se subsistentem, viventemque vere Filium, cum Patre coexistentem Deum de Deo, lumen de lumine, vitam de vita, inenarrabilibus ineffabilibus, omnimodo incognitis et imperscrutabilibus rationibus de Patre genitum, ad salutem universis procurandam. Non similiter aliis subsistentem; nec vitam viventem cum illis parem qui ab eo sunt creati: solum de solo Patre genitum : ipsammet vitam existentem. Ibid., lib. III de Eccl., Theol., cap. 8, p. 66.

1 At enim videntur iidem isti cum Marcello eodem plane modo affecti, præ metu; namque ille, ne duos videretur deos profiteri, ad Filii processit abnegationem, hypostasim ipsius inficiando. Illi vero cum concedant hypostases duas, unam ingenitam, creatam alteram de non existentibus, unum quidem substituunt Deum. At nullus interea illis Filius habetur in numerato, non unigenitus, non Dominus, non Deus; neque enim quidquam habet secundum eos, cum paterna divinitate commune: sed per omnia componitur cum creaturarum turba in hoc quod de nihilo procreabatur: sed non ad istum modum Ecclesia. Nam Filium Dei prædicat Deum Dominumque, vere Filium esse eum atque Deum docet: non communi quadam cum multis ratione, qui denominantur filii atque Dei, utpote de quibus dicitur: Ego dixi: Dii estis et filii Allissimi omnes: sed prout parerat illum solum dici qui de illo procreabatur Patre, qui in forma Dei existebat, et imago fuerat invisibilis Dei, primogenitus universæ creaturæ. Quocirca ab Ecclesia edocti sumus, illum solum colere, venerari, adorare, utpote qui Dominus, Servator et Deus existat. Euseb., lib. I de Eccl. Theol., cap. 10, p. 69.

2 Adeo ut Servator noster Jesus Christus: solus ex omnibus qui ab omni ævo unquam extiterunt, ab ipsis orbis terrarum summis principibus, non ut rex vulgaris, ex hominibus factus prædicetur, sed tanquam summi omnium Dei naturalis Filius, ac ipsemet Deus, KÚTOĐEÒÇ

ges, et à l'adorer comme étant le seul qui est en même temps notre Seigneur, notre Sauveur et notre Dieu. Le Verbe est le Fils naturel de Dieu, et nous l'adorons avec raison comme étant Dieu même3. Nous tenons pour certain que le Sauveur est, selon sa nature divine, le Fils unique de Dieu et son Verbe substantiel. Nous savons que ce Fils est engendré, non dans un certain temps, comme s'il n'avait pas existé auparavant; mais qu'il existe avant des temps éternels, qu'il les précède et qu'il a toujours été avec le Père, comme étant son Fils; il n'est pas néanmoins sans principe; mais il est engendré du Père, lequel n'a point de principe. >>

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7. Comment se persuadera-t-on qu'un auteur qui parle d'une manière si orthodoxe, qui représente le Verbe comme engendré Fils. du Père, d'une génération proprement dite"; produit de ses entrailles mêmes et de sa"

adoretur, atque id jure merito. Euseb., Orat. in dedicat. Eccles. Tyrens., lib. X Hist. Eccl., cap. 4, p. 375. 3 Hoc sane modo affirmamus illum esse unicum Dei Filium, ac substantiale Dei Verbum. Euseb., lib. V Demonst., p. 202.

↳ Quæ autem ad propositam a nobis theologiam pertinent, cum omnem exempli comparationem exuperent, nihil tale quale ex corporibus manat, præ se ferunt : sed cogitationi solertissimæ intuendum, quasi in speculo præbent, docentque esse Filium, qui genitus sit, non illum quidem qui certis temporibus non fuerit, posterius autem sit natus, sed qui sit ante tempora æterna, atque anteeat, et tanquam Filius una cum Patre semper degat, neque vero qui non sit genitus, sed ex Patre non genito, genitus: qui unicus sit, qui verbum, qui Deus de Deo, non diremptione aliqua, aut sectione, aut divisione de substantia Patris productus, sed qui de Patris consilio ac virtute, omnem elocutionem, omnemque cogitationem superante ab ævo, ac potius ante omne ævum essentiam sit nactus, modo quodam qui neque verbis comprehendi, neque cogitatione colligi a nobis possit. Siquidem generationem ejus, inquit, quis enarrabit. Et, Quemadmodum nemo novit- Patrem nisi Filius, sic Filium quoque nemo novit, nisi unus qui genuit illum, Pater. Ibid., lib. IV Demonst., p. 149.

5 Condit equidem civitatem rex; non autem gignit civitatem. Gignere vero Filium, non condere dicitur : artifex etiam constructor, nequaquam vero Pater ejus dici debet, quod construxit : qui Filii de se progenerati conditor non appellatur. Ad eumdem modum universorum Deus, Filii sui Pater ; mundi conditor optimo jure et constructor appellatur. Ibid., lib. I de Eccl. Theol. cap. 10, p. 68.

6 Quidam arbitrati sunt ex persona Patris psalmum sive canticum pronuntiari de Verbo, quod in principio erat apud Deum, quodque ipse ceu ex corde, sive ex ipsis visceribus produxit ; et ex bono corde bonum verbum prodiit. Euseb., Comment. in Psal. XLIV, p. 186. 7 Deus de Deo non diremptione aliqua, aut sectione, aut divisione de substantia Putris productus. Euseb., lib, IV Demonstr., p. 149.

substance, quoique sans division ni séparation1; comme participant à la divinité et au règne du Père en qualité de Fils unique, et qui enfin reconnaît clairement l'unité d'une seule nature divine en trois personnes, ait cru que le Fils est d'une autre nature que le Père? Ecoutons le raisonnement qu'il fait à ce propos : « On ne doit pas s'étonner3, ditil, si le Verbe, étant engendré du Père, est Dieu; d'autant que Dieu ne pouvait rien engendrer qui ne fût parfaitement semblable à lui. » Et ailleurs: « Non-seulement, dit-il, le Fils est de la substance du Père, mais il est cette substance même, autoυa; expression qui a quelque chose de plus fort que le consubstantiel, et d'autant plus remarquable, qu'Eusèbe s'en sert dans un ouvrage écrit avant toutes les contestations. Puisque saint

1 Quoniam vero Paternæ deitatis particeps est Filius, cum sit ejusdem regni consors, utpote unigenitus Filius, Dei Verbum et Dei sapientia; jure et ipse præsenti theologiæ accenseatur, qua hæc docemur, inter multos illos qui Dii vocantur non esse quempiam similem Deo universorum. Euseb., Comment. in Psal. LXXxv, p. 534.

2 Et sine unitate quidem numerorum substantia cogitatione comprehendi non potest; ipsa vero extra multitudinem subsistit, longissime secreta et omnibus numeris præstantior; cuncta faciens et constituens, ipsa vero a nullo incrementum accipiens. Hujus autem affinis est ternarius, qui nec ipse scindi, nec dividi potest, primusque est numerorum qui ex paribus et imparibus compositi sunt; nam binarius numerus par, adjuncta sibi unitate ternarium primum numerorum imparium procreavit. Porro ternarius justitiam primus hominibus ostendit æqualitatem docens : quippe qui principium, medium ac finem habeat æqualia. Atque hæc mysticæ, sacrosanctæ et regiæ Trinitatis imaginem referunt; quæ cum in natura ortus ac principii experte consistat, omnium quæ ortum habent substantiarum semina, rationes causasque in se continet. Euseb., Orat. de Laud. Const., p. 618.

• Qui secundum veritatem Dei Filius est, de illo, hoc est, de Patre genitus, quid mirum si et dilectus audiat et Patris sui unigenitus, ob quam ipsam causam et Deus fuerit? De Deo siquidem qui aliud gigni possit, quam quod ipsi per omnia sit simillimum. Euseb., lib. I de Eccl. Theolog., cap. 10, p. 68.

Eadem porro ratione imago Dei erit, ita quidem ut rursus nullis neque verbis, neque rationibus, quomodo sit, comprehendere possimus, quippe cum viventis Dei, vivens ipsa sit, et per se ipsam consistens, sine materia, sine corpore, nihil prorsus habent admixtum contrarii, neque vero cujusmodi ulla sit apud nos imago, quæ et aliud essentiæ subjectum habeat, et aliam speciem, sed quæ tota ipsa sit species et ipsa substantia per omnia Patri assimilatus. Ibid., lib. V Demonst., p. 215.

Athanas., lib. de Decret. Nic. Synod., p. 232. Dans le dogme du Verbe, on doit distinguer deux choses: le principe et la conséquence. Le principe, c'est que le Verbe n'a point été tiré du néant, que c'est une émanation de la substance du Père; et ce point est avoué par Eusèbe. La conséquence, c'est que le Verbe est parfaitement égal à son Père, possède la

Athanase compte Origène entre ceux qui avaient reconnu la consubstantialité du Fils, parce qu'il avait écrit, dans un de ses ouvrages, qu'il n'est pas d'une autre substance que le Père, à étéρns ovcías, pourquoi n'y compterait-on pas aussi Eusèbe, qui reconnaît qu'il. est cette substance même? Nous pourrions insister encore sur les comparaisons qu'il apporte pour nous donner une idée de la génération du Fils, génération, au reste, qu'il présente comme incompréhensible aux anges mêmes. En effet, en disant que le Père produit le Fils, comme le soleil sa lumière, la fleur son parfum, ne fait-il pas assez entendre qu'il le regardait comme produit de la substance même de son Père? Mais nous laissons ces preuves et quelques autres, pour venir à l'examen de celles que l'on oppose contre lui".

même et identique nature, substance, puissance, sans division et dans sa plénitude. Et Eusèbe paraît avoir rejeté cette conséquence, quelque évidente qu'elle soit, et l'a traitée de sabellianisme. De là son aversion pour le terme de consubstantiel, qu'il a admis, il est vrai, comme malgré lui et après beaucoup de résistance au concile de Nicée, mais qu'il a toujours évité de répéter depuis. « Eusèbe, m'écrit un savant confrère, est disciple de Philon, qui n'a jamais eu une doctrine assez nette de la création et qui pose en principe ex nihilo nihil fit, ce qui l'a rendu suspect de flotter entre le panthéisme, qui dérive tout de la substance de Dieu, et le dualisme, qui admet un principe éternel de la matière. Dans le fait, il y a chez Philon, sinon par rapport à la matière, au moins par rapport aux êtres spirituels, une sorte de panthéisme dont il ne s'est pas rendu compte à lui-même. Il semble admettre avec les cabalistes, et comme l'ont enseigné plus nettement les gnostiques, des émanations multipliées de Dieu, comme autant de rayons émanant d'un centre unique. Le Verbe, première émanation, est aussi la plus parfaite. Le Saint-Esprit, seconde émanation, l'est déjà moins, et ainsi de suite. Si Philon est excusable de n'avoir pas eu une idée plus nette des personnes divines et de leur égalité dans l'identité de substance; si les pères grecs des premiers siècles sont inexcusables aussi d'avoir puisé quelquefois dans Philon et dans les traditions hébraïques quelques formules moins rigoureuses, pour énoncer le dogme catholique, je ne crois pas qu'on puisse appliquer la même excuse à Eusèbe, chez qui le système des émanations décroissantes paraît, et qui ne veut point s'en départir, même après la décision d'un concile œcuménique. Je ne prétends pas qu'il ait étendu ce système jusqu'aux esprits créés; et cependant je remarque en lui, sur ce point, presque la même obscurité que dans Philon. Nous sommes les fils du Verbe, comme le Verbe est Fils de Dieu. La mort de Jésus-Christ a consisté dans la séparation du Verbe d'avec le corps, etc. Cet axiome, que toutes les œuvres ad extra sont communes aux trois personnes, lui est parfaitement inconnu. Le Père est au-dessus de tout, n'influant point sur le monde par lui-même, mais le créant et le gouvernant par son Verbe, qui pénètre l'univers dans toutes ses parties. Autant que j'en puis juger, ces façons de

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