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Analyse des Actes de S. Pollion.

Act., sinc

puisque je souffre pour votre nom et pour le peuple de votre Église catholique de Sirmich. Daignez, par votre miséricorde, me recevoir et confirmer dans votre foi les fidèles. Après qu'il eut achevé cette prière, il reçut le coup de la mort et fut jeté dans la Save.

3. Probe était passé de Sirmich à Cibales, alors ville épiscopale de Pannonie; on arrêta Mart.,p 304. Pollion, premier des lecteurs de l'église de ce lieu, et on le lui présenta comme un homme qui ne cessait de se moquer des dieux de bois et de pierre que les païens adoraient à quoi on ajoutait qu'il parlait insolemment contre les empereurs. Probe, après lui avoir demandé son nom et s'il était chrétien et lecteur, lui demanda ce que l'on entendait par lecteurs. Pollion répondit que c'étaient ceux qui avaient coutume de lire au peuple la parole de Dieu 1.« Sont-ce ceux, dit Probe, qui abusent de la légèreté des filles, en leur persuadant de conserver leur chasteté et de ne point se marier?» Pollion répondit que ceux-là étaient légers qui, abandonnant leur Créateur, embrassaient les superstitions païennes; mais qu'on ne pouvait douter de la constance de ceux qui, malgré tous les tourments, s'efforcent d'accomplir les commandements de Jésus-Christ. Probe voulut savoir quels étaient ces commandements et ce qu'ils enseignaient. Pollion dit : « Ils nous apprennent qu'il n'y a qu'un Dieu dans le ciel qui lance le tonnerre; que l'on ne peut nommer dieu ce qui est fait de bois et de pierre : ils corrigent les pécheurs, ils fortifient les bons dans l'innocence. Ils enseignent aux vierges à garder l'état sublime de l'intégrité; aux femmes, la continence qui convient à la production des enfants; aux maîtres, à commander avec douceur à leurs frères; aux esclaves, à servir plus par amour que par crainte, à obéir aux rois et aux puissances, quand ils commandent des choses justes; à rendre l'honneur aux parents, la pareille aux amis, le pardon aux ennemis, l'affection aux citoyens, l'humanité aux hôtes, la compassion aux pauvres, la charité à tous. Ne faire mal à personne, souffrir patiemment les injures, n'en faire aucune, céder ses biens, ne point désirer ceux d'autrui, pas même

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d'un regard de complaisance. Enfin ils enseignent que celui-là vivra éternellement qui, pour la foi, méprisera la mort d'un moment, que vous pouvez nous donner. » Probe dit : «A quoi servira tout cela à un homme mort, privé de la lumière et de tous les biens du corps?»> Pollion répliqua : « La lumière perpétuelle et les biens permanents valent mieux, et il y a de l'imprudence à préférer les biens passagers à ceux qui ne passent jamais. >> Probe lui ordonna de sacrifier, sous peine de perdre la tête. Pollion répondit: «Faites ce qui vous est ordonné; pour moi, je dois suivre les traces des évêques, des prêtres et de tous les Pères qui m'ont instruit.» Probe le condamna au feu, et aussitôt les exécuteurs l'emmenèrent à un mille de la ville, où il consomma son martyre, en louant, bénissant et glorifiant lieu, sans témoigner la moindre crainte de la mort. Il est parlé, dans les Actes de ce Saint, du martyre de Montan, prêtre de Singidon, et d'Eusèbe, évêque de Cibales, qui souffrit le même jour que saint Pollion, mais plusieurs années auparavant.

ARTICLE IX.

LES ACTES DE SAINTE SOTÈRE, VIERGE, ET DE SAINT PANCRACE, MARTYRS A ROME.

3

1. C'est à saint Ambroise ' que nous sommes redevables de tout ce que nous savons de l'histoire de sainte Sotère. Il l'appelle sa mère, et dit qu'elle faisait l'honneur de sa famille, et que sa vertu était pour lui comme un exemple domestique; ce qui ne laisse aucun lieu de douter qu'elle ne fût, en effet, de ses parents. Elle comptait des consuls et des préfets parmi ses ancêtres; mais, préférant la foi en Jésus-Christ aux vains honneurs de sa famille, elle fut arrêtée comme chrétienne et présentée au juge, qui, à cause de son refus de sacrifier aux dieux, ordonna qu'on la frappât sur le visage. Sotère se dévoila aussitôt et découvrit volontiers, pour le martyre, son visage qu'elle avait coutume de cacher avec soin, car elle était d'une rare beauté. Elle souffrit généreusement la honte et la douleur

conjugem pudicam in creandis filiis continentiam custodire... Suis bonis cedere, aliena ne oculorum quidem delectatione concupiscere, etc. Ibid, p. 405.

Ambros., lib. de Exhortatione Virginitatis, cap. 12, p. 299, tom. II; et lib. III de Virginibus, cap. 7, p. 184, tom. II,

Histoire sainte Sore martyriso en 301.

Actes du martyre

de

trace: il y a

lieu de dou

ter s'ils sont Sinceres

de ce supplice, sans verser une larme ni proférer un soupir, et sans tourner le visage, lassant ses bourreaux par sa patience. Enfin, après avoir surmonté beaucoup d'autres tourments, elle finit sa vie par l'épée, comme elle l'avait souhaité. Saint Ambroise ne dit point en quelle année sainte Sotère souffrit le martyre. Quelques manuscrits des Actes de saint Pancrace portent que ce fut sous le neuvième consulat de Dioclétien et le huitième de Maximien, c'est-à-dire en 304, et cette époque n'a rien d'insoutenable, quand bien même on la fixerait au 12 de mai de cette année, comme il paraît qu'elle y est fixée dans les Actes que nous venons de citer.

1

2. Ils mettent au même jour et en la même Saint Pan- année le martyre de saint Pancrace, et nous apprennent que ce Saint, qui était d'une grande naissance, étant demeuré orphelin dans un fort bas âge, sous la tutelle de Denys, son oncle paternel, fut mené de Synades, ville de Phrygie, à Rome, et y reçut le baptême des mains du pape qui gouvernait alors. Il fut pris quelques temps après, et, quoiqu'il n'eût encore que quatorze ans, il confessa JésusChrist avec beaucoup de fermeté. Les persécuteurs, dans la crainte d'être vaincus par un enfant, n'osèrent l'exposer à de grands tourments, et ils se contentèrent de le faire décapiter. C'est tout ce qu'on peut tirer de ces Actes, qui, quoique très-courts et très-simples, n'ont pas le mérite des originaux; on y trouve même des endroits incompatibles avec l'histoire du temps3: par exemple, que ce fut Dioclétien qui l'interrogea à Rome, en 304; ce qui est insoutenable, puisque ce prince en était parti dès le 20 décembre de l'an 303, et qu'il n'y revint plus depuis. Ces Actes mettent encore le pontificat de saint Corneille sous le règne de Dioclétien; ce qui n'est pas moins insoutenable, ce saint pape étant mort en 252, trente ans avant que Dioclétien parvint à

1 Apud Ruinart, Act. sincera Martyr., p. 380.,

2 Apud Bolland., ad diem 12 maii, tom. II, p. 17 .3 Ibid.

et seq.

Les originaux ont pourtant quelquefois des dates insoutenables. (L'éditeur.)

5 Est etiam haud procul ab hujus urbis muro et Pancratius martyr, valde in perjuris ultor, ad cujus sepulcrum si cujus mens insana juramentum inane proferre voluerit, priusquam sepulcrum ejus adeat, hoc est antequam usque ad cancellos qui sub arcu habentur, ubi clericorum psallentium stare mos est, accedat statim; aut arripitur a dæmone, aut cadens in pavimento amittit spiritum. Gregor. lib. I de Gloria Martyr., cap. 39, p. 765 nov. edit.

L'église de saint Pancrace est un titre cardinalice,

5

l'empire. Saint Grégoire de Tours marque que le tombeau de saint Pancrace était près des murailles de Rome, et qu'il était particulièrement célèbre en ce que ceux qui s'en approchaient, après avoir fait un faux serment, étaient aussitôt possédés du démon, ou même tombaient morts à terre . Saint Grégoire-leGrand parle de ce saint martyr", en divers endroits de ses ouvrages, surtout dans l'homélie vingt-septième sur les Évangiles, qu'il prononça le jour de la fête du Saint, à laquelle un grand nombre de personnes étaient venues avec des marques extraordinaires de dévotion 9.

ARTICLE X.

LES ACTES DE SAINTE AFRE, MARTYRE A AUGSBOURG, ET DE SAINT EUPLE, DIACRE ET MARTYR.

1. Les Actes de sainte Afre, tels que Velférus, et après lui Surius et Dom Ruinart nous les ont donnés, paraissent extraits des registres publics du greffe et ne renferment rien que de très-bon et de très-édifiant. Afre était d'Augsbourg, ville la plus considérable de la Souabe, et n'y fut d'abord connue que par ses déréglements; mais Dieu l'ayant appelée à la religion chrétienne, et ensuite à la gloire du martyre, elle servit de preuve que les plus grands crimes ne doivent point ôter l'espérance du salut à ceux qui font de dignes fruits de pénitence. On met son martyre 10, au septième jour d'août de l'an 304.

2. La persécution étant allumée dans Augsbourg, Afre fut arrêtée avec quelques autres chrétiens de la ville et menée devant le juge, nommé Gaius, qui, après les interrogations ordinaires, lui ordonna de sacrifier. Afrer épondit: «J'ai assez commis de péchés avant de connaître Dieu; mais je ne ferai jamais ce que vous me commandez.>> - «Va au Capitole, lui dit

et saint Pancrace est encore en grande vénération à Rome. (L'éditeur.)

7 Gregor. Mag., lib. IV, Epist. 18 ad Maurum Albatem, p. 697, tom. II nov. édit.; et lib. VI, Epist. 49 ad Palladium, p. 828.

8 Tom. I, p. 1560.

9 Ecce videmus, fratres carissimi, quam multi ad solemnitatem martyris convenistis; genua flectitis, pectus tunditis, voces orationis ac confessionis emittitis, faciem lacrymis rigatis. Ibid. p. 1563.

[Voyez saint Jénichem, dans sa dissertation de sancto Pancratio urbis et Ecclesiæ primariæ Giessensis patrono titulari, imprimée à Giessen, en 17% 8. ](L'éditeur.)

10 Ruinart, Admonitione in Act. sinc. Afræ, p. 454; Tillemont, tom. V Hist. eccles., p. 274.

Les Actes de sainte

Afie mai tyre sincères.

en 304, sont

Analyse de

ces Actes.

Act. Mart.

sine., p. 455.

Sainte Afre consomme

:

le juge. » Elle répondit: «Mon capitole est Jé sus-Christ, que j'ai devant les yeux je lui confesse tous les jours mes péchés, et parce que je suis indigne de lui offrir un sacrifice, je désire de me sacrifier moi-même pour son nom, afin que le corps par lequel j'ai péché soit purifié par les tourments. » Le juge dit: « J'apprends que tu es une femme publique: sacrifie, puisque tu es étrangère au Dieu des chrétiens.» Afre répondit: « Mon Seigneur Jésus a dit qu'il était descendu du ciel pour les pécheurs. Ses Évangiles témoignent qu'une femme perdue lui arrosa les pieds de ses larmes, et reçut le pardon, et qu'il n'a jamais méprisé ni ces femmes, ni les publicains, à qui même il a permis de manger avec lui. >> Gaïus l'exhorta à rentrer dans ses premiers dérangements, par la vue du gain qu'elle y avait fait autrefois. Afre, à qui cette proposition faisait horreur, protesta que jamais elle ne souillerait ses mains par cet argent détestable, et ajouta qu'elle avait jeté celui qu'elle avait reçu ; que ses frères les pauvres n'en voulant point', elles les avait obligés, par ses prières, àle recevoir, afin qu'ils intercédassent pour ses péchés. Le juge lui dit qu'en vain elle voulait reconnaître Jésus-Christ pour son Dieu, qu'une femme publique ne pouvait être nommée chrétienne. «Il est vrai, répliqua-telle, que je ne mérite pas le nom de chrétienne; mais la miséricorde de Dieu, qui ne regarde pas le mérite, m'a bien voulu admettre à ce nom.>> Le juge la pressa de sacrifier, la menaçant de la faire fouetter en présence de ceux qui avaient eu part à ses débauches. Afre répondit: «Je n'ai confusion que de mes péchés.»> Et comme le juge ajouta qu'il la ferait mourir et même brûler vive, si elle s'opiniâtrait, elle dit: «Que ce corps dans lequel j'ai péché reçoive divers tourments; pour mon âme, je ne la souillerai point par les sacrifices des démons.»

3. Alors le juge prononça sa sentence; elle son martyre portait qu'Afre, femme publique, qui s'était déclarée chrétienne et avait refusé de participer aux sacrifices, serait brûlée vive. Au

Far le feu.

Pag. 456.

1 Nam nolentes accipere aliquando fratres meos pauperes, etiam precibus exoravi, ut, a me dignarentur accipere et pro peccatis meis orarent. Ruinart, Act. sinc, Martyr., p. 455. On voit ici l'ancienne discipline, suivant la quelle l'Eglise ne recevait point, même pour les pauvres, les offrandes des pécheurs publics, ni l'argent acquis par de mauvaises voies. Fleury, Hist. eccl., t. II, lib. VIII, p. 477, num. 48; et lib. IV Const. Apostolic., cap. 5, 6.-2 Judex Gaius dixit: Jam te Christus dignam non habet, Sine causa vis eum tuum dicere, qui te suam

même moment, les exécuteurs se saisirent d'elle et la menèrent dans une île de la rivière du Lech, qui passe à Augsbourg, où ils la dépouillèrent et l'attachèrent à un poteau. Elle leva les yeux au ciel et pria avec larmes le Seigneur Dieu tout-puissant d'oublier ses péchés, et, par le feu temporel préparé à son corps, de la délivrer du feu éternel qui brûle l'âme et le corps. On mit ensuite le feu aux sarments dont on l'avait environnée, et elle rendit l'esprit, en s'offrant à Jésus-Christ et en lui rendant grâces de l'honneur qu'il lui faisait de la recevoir en victime pour son saint nom.

4. Cependant Digne, Eunomie et Eutropie, ses servantes, qui avaient été les compagnes de sa conversion, après l'avoir été de ses crimes, et qui avaient été baptisées avec elle par le saint évêque Narcisse, étaient sur le bord de la rivière. Elles se firent descendre dans l'île et trouvèrent le corps de la Sainte tout entier. Unvalet, qui était avec elles, ayant repassé la rivière à la nage, courut chez Hilarie, mère de la martyre, lui donner avis de ce qui était arrivé. Elle vint la nuit avec les prêtres de Dieu, enleva le corps et le mit à deux milles de la ville, dans un monument qu'elle avait dressé pour elle et pour ceux de sa famille. Gaius, averti de tout cela, envoya des soldats au lieu de la sépulture de la Sainte, avec ordre d'arrêter tous ceux qu'ils y trouveraient et de leur persuader d'y sacrifier, s'il était possible, sinon de les y brûler, sans autre forme de procès. Les soldats, les voyant résolues à ne pas sacrifier, emplirent le sépulcre de sarments et d'épines sèches, le fermèrent, y mirent le feu et procurèrent ainsi à sainte Hilarie et aux saintes Digne, Eunomie et Eutropie la couronne du martyre.

3

4

5. Dans la ville de Catane, en Sicile, la même année 304, sous le neuvième consulat de Dioclétien et le huitième de Maximien, le douzième du mois d'août, Euplius, diacre, souffrit le martyre pour le nom de JésusChrist. Ses Actes, que nous avons en grec et en latin, sont reconnus de tout le monde

esse non cognoscit? Meretrix enim quæ est, dici christiana non potest. Afra respondit: Christiana ego quidem dici non mereor, nec vocari ; sed misericordia Dei, qui non de merito, sed de sua pietate judicat, ipse me ad hoc nomen admisit. Ruinart, Act. sincera Martyr., p. 455. 3 Les sépulcres des anciens étaient des bâtiments élevés, souvent assez grands pour contenir des logements. Fleury, Hist. eccles, lib. VIII, n. 48, p. 479 tom. II.

↳ Diocletiano novies et Maximiana octies consulibus,

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Analyse de ces Actes.

Act. sinc. Mart., p. 406

Matth. v.,10.

Matth,XVI 22

1

comme sincères, si l'on en excepte ceux qui
se trouvent dans le Recueil de Métaphraste.
On croit néanmoins que toutes les diffé-
rentes éditions que nous en avons viennent
d'un original plus ancien, et ce qui le per-
suade, c'est que toutes ces éditions, quoique,
bonnes, ne sont pas tout-à-fait conformes
entre elles. L'édition grecque de Cotelier et
l'édition latine de Baronius sont estimées les
meilleures. La confession de la Sainte-Trinité
est clairement exprimée dans ces Actes'; mais
cela ne doit point faire de difficulté, puisque,
plusieurs années avant qu'ils fussent écrits,
Origène avait reconnu 3 en termes formels la
divinité de la Trinité adorable, selon la re-
marque de saint Basile, et que ce terme était
depuis longtemps en usage dans l'Église.

5

7. Pendant qu'on le tourmentait, Calvisien lui demanda s'il persistait dans la confession qu'il avait faite. Euplius, après avoir fait sur son front le signe de la croix de la main qu'il avait libre, dit : « Je confesse encore ce que j'ai déjà dit, que je suis chrétien et que je lis les divines Écritures.»-«Pourquoi, lui dit Calvisien, as-tu gardé ces Écritucres, au lieu de les livrer?» Il répondit : «C'est que je suis chrétien et qu'il ne m'était pas permis de les livrer; il vaut mieux mourir. La vie éternelle y est: celui qui les livre perd la vie éternelle; pour ne pas la perdre, je donne ma vie.» Calvisien lui fit donner la question; et comme il l'exhortait pendant les tourments à adorer les dieux pour se délivrer, Euplius dit: «J'adore Jésus-Christ, je déteste les démons. » Après que les bourreaux l'eurent tourmenté longtemps, Calvisien les fit cesser et dit à Euplius: «Misérable, adore les dieux. » Il répondit: « J'adore le Père, le Fils et le Saint-Esprit, j'adore la sainte Trinité, hors laquelle il n'y a point de Dieu. » Calvisien le fit tourmenter de nouveau, mais plus cruellement qu'auparavant. Enfin, ne pouvant le vaincre, il le condamna à mourir par le glaive. Alors on lui pendit au cou les Évangiles, dont on l'avait trouvé saisi, et un crieur qui marchait devant lui disait: « Euplius, ennemi des dieux et des empereurs.» Lorsqu'il fut arrivé au lieu du supplice, il pria longtemps à genoux; puis, après avoir rendu grâces, il présenta son cou, que le bourreau lui coupa. Les chrétiens enlevèrent son corps', l'embaumèrent et l'ensevelirent.

6. Euplius ayant été arrêté par ceux qui
cherchaient les chrétiens et conduit dans la
salle de l'audience, près du rideau qui fermait
le lieu où était le juge, dit tout haut : « Je
suis chrétien et je désire mourir pour le nom
de Jésus-Christ. » Le juge ou le gouverneur,
qui était le consulaire Calvisien, l'ayant ouï,
dit: «Qu'on fasse entrer celui qui a crié.» Eu-
plius entra, portant les Évangiles. Un des
amis de Calvisien, nommé Maxime, dit: «Il ne
doit pas tenir de tels écrits contre les ordres
des empereurs.» Calvisien demanda à Euplius
d'où venaient ces écrits, s'ils étaient sortis de
sa maison et s'il les avait lui-même apportés.
Euplius répondit : « Je n'ai point de maison;
mon Seigneur Jésus-Christ le sait. Je les ai
apportés ici moi-même, comme vous voyez;
on m'en a trouvé saisi. » Calvisien lui dit d'en
lire quelque chose. Il lut cet endroit de saint
Mathieu Bienheureux ceux qui souffrent per-
sécution pour la justice, puisque le royaume des
cieux est à eux; et cet autre : Que celui qui LES ACTES DES SAINTS MARTYRS TARAQUE,
veut venir après moi porte sa croix et qui'l me
suive. Calvisien lui demanda ce que cela vou-
lait dire.» Il répondit: «C'est la loi de mon Sei-
gneur, qui m'a été confiée par Jésus-Christ,
Fils du Dieu vivant. » Calvisien, le voyant
ferme dans la foi, ordonna qu'il serait mis à
la question et livré aux bourreaux.

pridie Idus augusti. Ruinart, Acta sincera Martyrum,
p. 406. Dans quelques manuscrits et dans l'édition
de Monbritius, on lit Diocletiano noves et Maximiano
seplies consulibus ce qui est insoutenable, le sep-
tième consulat de Maximien n'ayant rien de commun
avec le neuvième de Dioclétien.

1 Tillemont, tom. V Hist. eccles., p. 695.

Euplius dixit: Patrem et Filium et Spiritum Sanctum adoro, Sanctam Trinitatem adoro, præter quam non est Deus. Ruinart, Act, sincera Martyr., p.407,

ARTICLE XI.

PROBE ET ANDRONIC.

1. Il est peu de monuments dans l'antiquité plus beaux et plus précieux que les Actes du martyre de ces Saints, et il n'y en a guère, de l'aveu de tous les savants, qui soient plus purs et plus assurés. Ils sont composés de

3 Tom II, p. 718 de cet ouvrage.

Euplius dixit: Lex Domini mei, quæ mihi tradita est a Jesu Christo Filio Dei vivi. Ibid.

Euplius, libera manu, signans sibi frontem, dixit, etc. Ibid. — Adoro Christum, detestor dæmonia. Ibid. 7 Sublatum est postea corpus ejus a christianis, et conditum aromatibus sepultum est. Ibid., p. 408.

8 Ruinart, Act. sincera Martyr., p. 419, in Admonit. ad Act. SS, Tarachi; Tillemont, tom. V, p. 285.

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On croit qu'ils souf frirent en 304

quatre parties: les trois premières sont les interrogatoires que les confesseurs subirent en divers lieux, à Tarse, capitale de la Cilicie; à Mopsueste, dans la même province; àAnazarbe, autre ville de Cilicie. Ces interrogatoires sont les propres termes des registres publics, copiés par les chrétiens du même temps. La quatrième partie contient la manière dont ils consommèrent leur martyre; elle fut écrite par des chrétiens qui en avaient été témoins oculaires et qui rendirent les derniers devoirs de piété à leurs corps. Ils se nommaient Marcion ou Marcien, Félix et Vérus; et on ne peut douter raisonnablement qu'ils n'aient été du nombre des onze nommés dans l'inscription de la lettre qui, dans plusieurs manuscrits, se trouve à la tête des Actes de nos saints martyrs, en forme de préface adressée à Bassus, Bérule, Timothée, Aquilas et à tous les fidèles de l'Église d'Icône. Elle est conçue en ces termes : « Nous avons eu soin de recueillir ce qui s'est passé dans la Cilicie à la mort de quelques martyrs dont nous souhaiterions pouvoir porter les chaînes, et nous vous en envoyons les Actes, vous priant de les rendre publics. Nous en avons eu communication par l'entremise de l'un des exécuteurs de la justice, nommé Sabacte, au moyen d'une somme de deux cents deniers que nous lui avons donnée. Vous y verrez le commencement et la suite du martyre de ces généreux martyrs, leur fin glorieuse et les prodiges qu'il a plu à Dieu d'opérer par eux pour notre édification. Nous vous supplions d'en faire part aux fidèles de le Pisidie et de la Pamphilie, afin que NotreSeigneur Jésus-Christ soit glorifié, et qu'un chacun de vous trouve dans ce fidèle récit un nouveau motif de s'animer à combattre, sous les auspices du Saint-Esprit, les ennemis de la vérité. » Marcien, Félix et Vérus témoignent, à la fin des Actes, qu'ils sont résolus d'achever leur vie auprès du tombeau des trois martyrs, dans l'espérance de mériter que leurs corps seront mis, après leur mort, auprès de ces Saints.

2. On ne sait pas bien en quelle année ils souffrirent. Le texte grec de leurs Actes met leur martyre sous le premier consulat de Dioclétien Auguste. Le texte latin, dans Baronius et dans Rosweyde, le fixe au quatrième consulat de Dioclétien et au troisième de Maximien; mais les plus habiles croient qu'il manque un chiffre dans cette date, et qu'au

1 Ruinart, ibid., p. 423; Tillemont, ibid., p. 703.

lieu du quatrième consulat de Dioclétien et du troisième de Maximien, il faut lire le neuvième de Dioclétien et le huitième de Maximien, et mettre, par conséquent, la mort de ces Saints, en 304; ce qui convient d'autant mieux, qu'ils étaient tous les trois laïques et que, jusqu'en 304, il n'y avait point eu d'édit général de la part de Dioclétien, qui condamnât à mort les laïques qui faisaient profession de la religion chrétienne.

3. Taraque, Probe et Andronic furent pris. à Pompeiopolis, ville de Cilicie, et présentés au gouverneur de la province, nommé NumérienMaxime. Les Actes ne disent point ce qui se passa alors. Mais le douzième des calendes de juin, c'est-à-dire, le 21 mai de l'an 304, lorsque Numérien-Maxime était à Tarse et assis sur son tribunal, Démétrius, centenier, lui présenta de nouveau les confesseurs comme étant de la religion impie des chrétiens, et désobéissant aux ordres des empereurs. Maxime interrogea Taraque le premier, parce qu'illui paraissait le plus avancé en âge, et lui demanda son nom. Taraque répondit : « Je suis chrétien; ce qu'il répéta une seconde fois. Il ajouta néanmoins que son nom de famille était Taraque, et que, quand il portait les armes, on l'appelait Victor; qu'il était de famille romaine, né à Claudiopolis en Isaurie; que, faisant profession du christianisme, il avait quitté le service, avec permission de Publion, son capitaine. Numérien, qui l'avait déjà fait frapper sur la bouche, lorsqu'il s'était avoué chrétien, témoigna vouloir le favoriser, à cause de ses cheveux blancs, et l'exhorta à sacrifier aux dieux, à l'imitation des empereurs.Taraque dit: «Ils se trompent eux-mêmes, étant séduits par Satan. » Maxime lui fit casser les mâchoires pour avoir parlé ainsi des empereurs ; et comme il le pressait de sacrifier, Taraque dit : « Je sers le Dieu de mes pères, non par des sacrifices sanglants, mais par la pureté de cœur ; car Dieu n'a pas besoin de tels sacrifices; je ne puis commettre une impiété ; j'honore la loi de mes pères, que vous violez en adorant des pierres, du bois, des inventions humaines. » Le gouverneur le fit frapper sur le cou et battre ensuite de verges. Pendant ce supplice, Taraque disait : « C'est maintenant que vous m'avez rendu vraiment sage2, en me fortifiant par les coups, et je souhaite que cette force s'augmente toujours au nom de Dieu et de son Christ. » Maxime dit :

2 Nunc vere prudentem me fecisti, plagis confortans

Analysed leurs Actes Premierin terrogatoire Act. sinc

Mart.,p. 42%

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