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се

Il commen

à former

vers l'an 305.

cellent, s'efforçant à son retour de rassembler en lui seul toutes les vertus qu'il avait remarquées dans les autres. Après s'être affermi dans la vertu et rendu victorieux de diveses tentations du démon, il alla se cacher dans un sépulcre des plus éloignés de son village; car l'Égypte était pleine de sépulcres, et c'étaient des bâtiments considérables. Les démons l'y battirent de telle sorte, qu'un de ses amis qu'il avait prié de lui apporter du pain de temps en temps, l'ayant trouvé étendu comme mort, le porta dans l'église du village. Vers minuit Antoine s'éveilla et se fit reporter dans le même sépulcre, où il continua de demeurer seul. Les démons l'y attaquèrent encore et lui firent de nouvelles plaies; mais1 Jésus-Christ l'étant venu consoler et l'ayant guéri, il partit dès le lendemain pour aller dans le désert. Il était âgé d'environ trentecinq ans : ainsi il faut mettre sa retraite dans le désert vers le commencement du règne de Dioclétien, c'est-à-dire l'an 285. Il y avait dans les montagnes sur lesquelles il se retira un vieux château, où il demeura enfermé durant près de vingt ans, c'est-à-dire, jusque vers l'an 305, ne vivant que du pain qu'on lui apportait de six mois en six mois, et de l'eau qu'il trouvait dans ce château même. Il n'ouvrait sa porte ni à ceux qui lui apportaient à manger, ni aux autres personnes qui venaient quelquefois pour le voir. Ces personnes étaient témoins des bruits que les démons excitaient pour l'épouvanter, et elles en étaient effrayées; mais le Saint les rassurait, les exhortait à se retirer sans crainte et à se munir du signe de la croix.

3. Le désir que plusieurs lui témoignèrent des disciples de vouloir imiter sa manière de vivre, l'obligea de sortir de ce château, comme d'un sanctuaire où il s'était consacré à Dieu. Ses amis furent remplis d'étonnement de voir son corps dans le même état, ni grossi par manque d'exercice, ni atténué par tant de jeunes et de combats contre les démons. Le saint était tel qu'ils l'avaient connu avant sa retraite, égal en tout comme gouverné par la raison, et

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ferme dans son état naturel. Dieu guérissait par lui plusieurs malades, délivrait plusieurs 3 possédés et donnait tant de grâce à ses paroles, qu'il consolait les affligés et réconciliait ceux qui étaient mal ensemble, leur disant à tous qu'il n'y a rien dans le monde de préférable à l'amour de Jésus-Christ. Il persuada à plusieurs d'embrasser la vie solitaire; ce qui fut cause que les montagnes du désert se remplirent d'anachorètes, dont les uns demeurèrent auprès de lui à l'orient du Nil, du côté de la mer Rouge, en un lieu nommé Pisper; les autres à l'occident, vers la ville d'Arsinoé. Un de ses premiers disciples fut saint Hilarion, par qui la discipline monastique se répandit ensuite dans la Palestine et dans d'autres provinces.

Il visite ses disciples,

à la vertu.

4. Saint Antoine avait coutume d'aller visiter ses disciples, même les plus éloignés. les exhorte Un jour ceux qui étaient le plus près de lui s'étant assemblés, il leur fit, en langue égyptienne, un grand discours dans lequel il les exhortait à persévérer dans le genre de vie qu'ils avaient embrassé, sans se laisser abattre par les peines qui s'y rencontraient, à compter pour rien les travaux passés, à travailler avec autant de ferveur que s'ils ne faisaient que commencer, leur faisant remarquer combien cette vie est courte, si on la compare avec les siècles à venir, et les assurant que quatre-vingts ou cent années passées dans les exercices de la vie ascétique, seraient récompensées par un règne qui n'aura pas de fin. Il leur découvrait encore les divers artifices du démon et les moyens de les vaincre, entre lesquels il mettait le signe de la croix3, la foi, la prière, les jeûnes, la bonne vie, les veilles, le mépris de l'argent et de la vaine gloire, l'humilité, l'amour des pauvres, l'aumône, la piété envers Jésus-Christ. Il leur racontait les combats qu'il avait soutenus contre les démons, et comment il les avait vaincus. Les discours de saint Antoine causaient un singulier plaisir à ceux qui les écoutaient. Ils augmentaient dans les uns l'amour de la vertu, chassaient des autres la tiédeur,

vita et fides in Deum. Ibidem, pag. 820. Timent sane illi (damones) ascetarum jejunia, vigilias, orationes, mansuetudinem, tranquillitatem, pecuniæ et inanis gloriæ contemptum, humilitatem, pauperum amorem, eleemosynas, lenitatem et præ cæteris pietatem in Christum. lbid., pag. 122. Timidi sunt (dæmones) et signum dominicæ crucis admodum pertimescunt. Illo quippe ipsos Salvator spoliatos palam traduxit. Ibid., pag. 823.

Ibid., pag. 825.

Sa vie or dinaire.

et persuadaient à tous le mépris des piéges du démon. Il y avait donc dans les montagnes des monastères remplis de solitaires. qui passaient leur vie à chanter, à étudier, à jeûner, à prier, à se réjouir dans l'espérance des biens à venir; à travailler pour pouvoir donner l'aumône, conservant entre eux la charité et l'union: ainsi l'on pouvait voir réellement comme un pays particulier de piété et de justice. Il n'y avait là personne qui fit tort à autrui, ou qui en reçût: on n'y entendait point la voix de l'exacteur; tous n'avaient d'autre désir que de s'avancer dans la vertu.

5. Saint Antoine 2 vivait d'ordinaire retiré dans son monastère particulier: augmentant ses exercices, soupirant continuellement par la pensée des demeures célestes, et considérant la fragilité de cette vie et la noblesse de l'âme, il avait honte d'être obligé de manger, de dormir et de condescendre aux autres nécessités du corps. Souvent il se ressouvenait de la nourriture spirituelle, et lorsqu'il était près de manger avec ses disciples, il s'abstenait de le faire et s'éloignait d'eux: ainsi il mangeait ordinairement seul. Néanmoins il ne laissait pas de manger avec ses frères lorsqu'ils l'en priaient, afin de pouvoir, avec plus de liberté, leur tenir des discours utiles. Il disait qu'il faut plutôt donner tous nos soins à l'âme qu'au corps, et que nous ne devons accorder au corps que fort peu de temps, par nécessité, et tout employer à l'utilité de l'âme, afin qu'elle ne soit pas entraînée par les plaisirs du corps, mais qu'au contraire, elle le réduise en servitude. Il faisait son capital d'augmenter dans son cœur l'amour de Dieu. 6. La persécution que Maximin renouvela Alexandrie, en 311, après la mort de Maximien-Galère, fit venir saint Antoine à Alexandrie, avec d'autres moines, pour y servir les martyrs que l'on y conduisait de toutes parts. Il disait : « Allons aussi combattre ou voir les combattants. » Quelque désir qu'il eut du martyre, il ne voulut pas se livrer lui-même : mais il servait les confesseurs dans les mines où ils travaillaient et dans les prisons. Il prenait grand soin d'encourager devant les tribunaux, ceux

Il cherche le martyre à

vers l'an 311.

1 Erant igitur in montibus monasteria quasi tabernacula repleta divinis choris psallentium, lectionis studiosorum, jejunantium, orantium, exultantium spe fu turorum, laborantium ad eleemosynas erogandus, mutua charitate et concordia junctorum. Ac revera videre erat quasi aliquam segregatam regionem pietatis atque justitiæ. Nullus ibi qui injuria vel afficeret, vel afficeretur, nulla exactoris increpatio ; sed multitudo asce

qui y étaient appelés, et, après qu'ils avaient confessé, il les accompagnait jusqu'à l'exécution. Le juge voyant la fermeté d'Antoine et de ses compagnons, fit défense à aucun moine de paraître dans les jugements, ou de séjourner dans la ville. Tous les autres se cachèrent ce jour-là; mais Antoine méprisa tellement cette ordonnance, que le lendemain il se mit en un lieu élevé, ayant tout exprès lavé son habit de dessus, qui était blanc, afin qu'il parût davantage. Il se présenta ainsi au juge tandis qu'il passait avec sa suite, et fut sensiblement affligé de n'avoir pas souffert le martyre. Mais Dieu le réservait pour l'instruction des solitaires. Ainsi, après le martyre de saint Pierre d'Alexandrie, l'effort de la persécution étant passé, sur la fin de l'an 312, il retourna à son monastère, où sa foi et sa piété lui acquéraient chaque jour le mérite du martyre, par les austérités toutes nouvelles qu'il faisait souffrir à son corps.

7. Les miracles que Dieu accordait à ceux qui venaient implorer les prières d'Antoine, lui firent prendre la résolution de quitter son monastère et d'aller en la haute Thébaïde, où il n'était connu de personne; mais, en chemin, il changea de dessein, par ordre de Dieu, et se retira plus avant sur une montagne fort haute, où coulait une eau douce, claire et fraiche, et autour une plaine et quelques palmiers négligés, qui lui servirent pour vivre. Des Sarasins qui étaient venus en cet endroit, de compagnie avec lui, et qui étaient dans ces déserts, du côté de la mer Rouge, y repassaient exprès et lui apportaient volontiers du pain. Ses disciples eurent soin aussi de lui en envoyer; mais, afin qu'il ne fût à charge à personne, il laboura un petit endroit de la montagne, et y sema du blé, dont il faisait lui-même du pain. Il planta une vigne et des arbrisseaux, fit de ses mains un potager d'où il put tirer des herbes pour ceux qui le venaient voir. Sa cellule ne contenait en carré qu'autant d'espace qu'il en faut à un homme pour étendre ses pieds en dormant. Il avait un endroit destiné au chant des psaumes, un autre à la prière, un autre au travail des mains, un autre pour se reposer lorsqu'il

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tarum, quorum unum omnium erat virtutis studium. Ibid., pag. 830.

2 Athanas., in Vita Anton., pag. 830

3 Apophtegmat. Patr, tom. I Monument. Eccl. Græcæ, pag. 351 et 392.

Athanas., in Vita Anton., pag. 833.

Hieronym., in Vita S. Hilarion., tome IV, pag. 85.

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Son respect

pour les mi

l'Eglise. Son

pour les hé

les schismatiques.

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était las. Sur le sommet de la montagne il y avait deux cellules taillées dans le roc. C'était là qu'il se retirait lorsqu'il voulait fuir la presse de ceux qui venaient le voir, soit pour obtenir la guérison de leurs maladies, soit pour recevoir de lui des instructions. Les frères le prièrent de trouver bon qu'ils lui apportassent tous les mois des olives, des légumes et de l'huile; car il était déjà vieux. Il faisait dans sa retraite quantité de miracles rapportés par saint Athanase et y recevait de Dieu diverses autres grâces et d'autres dons surnaturels. Entr'antres avis importants qu'il donnait à ceux qui venaient le consulter, il conseillait cette pratique, pour éviter le péché. «Que chacun de nous, disait-il, marque et écrive les actions et les mouvements de son âme, comme si nous devions nous en rendre compte les uns aux autres. Assurezvous que la honte d'être connus nous fera cesser de pécher et d'avoir aucune mauvaise pensée notre écriture nous tiendra lieu des yeux de nos frères. » Il compatissait aux affligés et priait avec eux: mais comme il ne tirait point de gloire d'être souvent exaucé, aussi ne murmurait-il point quand il ne l'était pas. Il rendait toujours grâces à Dieu, et exhortait les malades à prendre patience et à reconnaître que la guérison ne dépendait pas de lui ni d'aucun homme, mais de Dieu seul, qui la donne quand et comment il lui plaît.

8. Quelque grande que fùt sa réputation, il Distres de ne laissait pas d'honorer extraordinairement éloignement l'ordre ecclésiastique et de céder le pas à tous rétiques et les cleres. Il s'inclinait devant les évêques et les prêtres, et si quelque diacre venait le trouver pour profiter de ses instructions, il lui disait ce qui lui était utile, mais il lui cédait l'honneur de la prière. Loin d'avoir honte d'apprendre, il écoutait volontiers tout le monde, et si quelqu'un disait quelque chose d'utile, il avouait qu'il en avait profité. Son visage avait une grâce extraordinaire, en sorte que, sans l'avoir jamais vu, on n'avait point de peine à le reconnaître entre plusieurs autres moines.

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Il attirait les regards, non qu'il fût d'une taille avantageuse, mais parce que la pureté et la tranquillité de son âme paraissaient toujours sur son visage par une sainte joie, sans aucun trouble de passion. Trois moines avaient accoutumé d'aller le voir une fois l'an: deux lui proposaient des questions, mais le troisième ne disait jamais mot. Saint Antoine lui en demanda la raison, craignant que ce ne fût par crainte. Il répondit : « Mon Père, il me suffit de vous voir. » Il ne voulut jamais avoir aucun commerce avec les méléciens, schismatiques d'Égypte, ni avec aucun hérétique, particulièrement les manichéens, si ce n'est de paroles, pour les exhorter à quitter leur impiété. Il se comportait de même avec les ariens, et quelques-uns d'entre eux l'étant venus voir sur sa montagne, il les chassa aussitôt qu'il eut connu qui ils étaient.

9. Sur la fin de l'année 340, ou au commencement de la suivante, saint Antoine étant dans la quatre-vingt-dixième année de son âge, alla, par ordre de Dieu, chercher saint Paul, ermite, dans la retraite où il était demeuré caché et inconnu à tous les hommes depuis environ quatre-vingt-dix ans. Après avoir traversé les déserts sans savoir où il allait, il arriva le troisième jour de grand matin à la caverne de Paul, et y resta jusqu'à midi passé, en le conjurant d'ouvrir. Paul, après quelques difficultés, lui ouvrit sa porte en souriant. Ils s'embrassèrent, se saluèrent par leurs noms, eux qui n'avaient jamais ouï parler l'un de l'autre, et rendirent ensemble grâces à Dieu. Après le saint baiser, comme ils s'entretenaient de diverses choses, le corbeau qui, depuis soixante ans, apportait tous les jours à Paul la moitié d'un pain, en vint mettre devant eux un tout entier. Ayant fait la prière, ils s'assirent sur le bord de la fontaine pour manger. Il y eut dispute entre eux pour savoir qui romprait le pain, et, pour la terminer, ils convinrent que chacun le tirerait de son côté. Ensu ils burent un peu d'eau, appliquant la bouche sur la fontaine, et passèrent la nuit en velles et en prières. Le jour

5 Ecclesiæ canonem pra modum observabat. Omnem clericum honore sibi præire volebat. Non verebatur enim episcopis presiorisque inclinare caput. Diaconus vero si utilitatis gratia accederet, quæ utilia essent ille loquebatur, que rationem vero spectant, ipsis cedebat. Ibid., pag. Si.

Apophtegm. P., tom. I Monument. Eccles., pag. 349.

7 Athanas., in Vaa Anton., pig. 847.

8 Hieronym., in Via Pauli, tom., IV, pag. 71 et seq.

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étant venu, saint Paul dit à saint Antoine : « Mon frère, je savais, il y a longtemps, que vous demeuriez en ce pays, et Dieu m'avait promis que je vous verrais; mais parce que l'heure de mon repos est arrivée, il vous a envoyé pour couvrir mon corps de terre. » Alors saint Antoine, pleurant et soupirant, le priait de ne pas l'abandonner et de l'emmener avec lui. Il répondit : « Vous ne devez pas chercher ce qui vous est avantageux; il est utile aux frères d'être encore instruits par votre exemple: c'est pourquoi, je vous prie, si ce n'est point trop de peine, allez quérir, pour envelopper mon corps, le manteau que vous a donné l'évêque Athanase. » Ce n'est pas que saint Paul se souciât beaucoup que son corps fut enseveli, mais il voulait épargner à saint Antoine l'affliction de le voir mourir. Saint Antoine, étonné de ce qu'il lui avait dit de saint Athanase et du manteau, crut voir Jésus-Christ présent en lui, et n'osa rien répliquer; mais, en pleurant, il lui baisa les yeux et les mains, et retourna à son monastère avec plus de diligence que son corps, épuisé de jeunes et de vieillesse, ne semblait permettre. Il tira le manteau de sa cellule, et, sans prendre aucune nourriture, il s'en retourna par le même chemin, ayant toujours Paul dans l'esprit et devant les yeux, et craignant de le trouver mort. Le lendemain, il avait déjà marché trois heures, quand il vit, au milieu des anges, des prophètes et des apôtres, Paul monter en haut, revêtu d'une blancheur éclatante. Aussitôt il se prosterna le visage contre terre, jeta du sable sur sa tête, et dit en pleurant : « Paul, pourquoi me quittez-vous? je ne vous ai pas dit adieu; fallait-il vous connaître si tard pour vous perdre si tôt?» Etant arrivé à la caverne, il trouva le corps à genoux, la tête levée, les mains étendues en haut; il crut d'abord qu'il priait et se mit aussi à prier; mais, ne l'entendant point soupirer comme il avait accoutumé de

1 Hieronym., ibid., pag. 72.

2 Vidit inter angelorum catervas, inter prophetarum et apostolorum choros niveo candore Paulum fulgentem in sublime conscendere. Ibid., pag. 73.

3 Igitur obvoluto et prolato foras corpore, hymnos quoque et psalmos de christiana traditione decantans, contristabatur Antonius, etc. Ibid.

Et deposito eo in fossam, desuper humum congregans, tumulum ex more composuit. Ibid.

5 Postquam autem alia dies illuxit, ne quid pius hæres ex intestati bonis non possideret tunicam ejus sibi vindicavit, quam in sportarum modum de palmæ foliis ipse sibi contexuerat. Ac sic ad monasterium reversus, discipulis cuncta ex ordine replicavit; diebusque solem

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faire dans la prière, il l'embrassa en pleurant, et s'aperçut qu'il ne priait plus que de la posture. Il enveloppa 3 le corps, le tira dehors, et chanta des hymnes et des psaumes suivant la tradition de l'Église. Puis il enterra le corps dans une fosse que deux lions avaient creusée, et éleva de la terre au-dessus, suivant la coutume. Le lendemain, il 3 prit la tunique que saint Paul s'était faite lui-même de feuilles de palmier entrelacées comme dans les corbeilles. Il retourna à son monastère avec cette succession, et raconta tout par ordre à ses disciples. Il se revêtit toujours, depuis, de la tunique de saint Paul aux jours solennels de Pâques et de la Pentecôte. Saint Antoine avait souhaité aussi de voir saint Pacôme, pour qui il avait beaucoup d'estime; mais il n'en rencontra pas l'occasion, et il crut qu'il n'en avait pas été digne. Il apprit la mort de ce saint homme par deux religieux de Tabenne qui allaient à Alexandrie et qui, en passant, étaient venus recevoir sa bénédiction. Il les consola de la mort de leur saint abbé par les grands éloges qu'il en fit, témoigna être bien informé de la vertu d'Orsise, son successeur, et leur donna 3 une lettre de recommandation pour saint Athanase, qui les reçut très-bien, particulièrement en considération de saint Antoine.

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10. Il alla lui-même à Alexandrie vers l'an 355, à la prière des évêques et de tous les fidèles, pour y combattre l'arianisme; il disait que c'était une des dernières hérésies qui précéderait l'Antechrist. Il enseignait au peuple que le Fils de Dieu n'est point une créature, ni fait de rien, mais éternel, de la substance du Père, son Verbe, sa sagesse. « N'ayez donc, disait-il, aucune communication avec les impies ariens. Vous êtes chrétiens eux qui disent que le Fils de Dieu est une créature, ne diffèrent en rien des païens, adorant la créature au lieu du créateur. » Tout le peuple se réjouissait de lui entendre

nibus Pascha et Pentecostes semper Pauli tunica vestitus est. Hieronym., ibidem.

6 De abbate porro vestro multorum sermonibus accepi in divinis eum Litteris apprime fuisse versatum. Equidem sæpe volui illum corporali præsentia cernere; sed forte dignus haud fui. Vita Pachom., die 14 maii, apud Bolland., tom. III, pag. 326. -7 Ibidem.

8 Si ad episcopum Athanasium, virum eo gradu dignissimum, vobis est iter: sic ipsum a me compellabitis; hæc tibi commendat Antonius: curam habe de filiis Israelite (Orsisii); quo dicto ac sua illis benedictione impertita, non sine commendatitiis ad magnum Athanasium litteris ab sese dimisit. Ibidem.

9 Athanas., in Vita Anton., pag. 847.

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Il confond divers philo

iens.

anathématiser l'hérésie: on courait en foule pour le voir; les païens eux-mêmes et leurs sacrificateurs venaient à l'église en disant: « Nous désirons de voir l'homme de Dieu; »> car tous l'appelaient ainsi ; et, par ses prières, Dieu délivra plusieurs possédés et guérit plusieurs insensés. Beaucoup d'entre les païens désiraient au moins de le toucher, croyant en être soulagés, et dans ce peu de jours, il se fit plus de chrétiens qu'il ne s'en serait fait en une année. Quelques-uns, croyant que la foule pourrait l'importuner, il leur dit sans s'émouvoir : « Ils ne sont pas en plus grand nombre que les démons avec qui nous combattons sur la montagne. » Avant de sortir d'Alexandrie, il rendit visite par trois fois au célèbre Didyme, qui, quoique aveugle dès l'âge de quatre ans, s'était néanmoins rendu habile en toutes sortes de sciences, particulièrement dans les saintes Lettres. Didyme vint aussi le visiter, et ils s'entretinrent ensemble sur les divines Écritures. Au sortir 2 de la ville, saint Antoine guérit une possédée, en présence et à la prière de saint Athanase, qui le reconduisait.

11. Lorsqu'il fut de retour à la montagne sophies pa- où il faisait sa demeure ordinaire, deux philosophes païens 3 vinrent le trouver. Il s'avança et, leur parlant par interprète, il leur dit : « Pourquoi vous fatiguez-vous tant à chercher un insensé? » Ils dirent qu'ils le croyaient très-sage, et il ajouta : « Si vous venez chercher un insensé, votre peine est inutile; et si vous me croyez sage, devenez comme moi car si je vous étais allé chercher, je vous imiterais: or, je suis chrétien. » Ils se retirèrent étonnés, ayant aussi été témoins de son pouvoir sur les démons. D'autres, croyant se moquer de ce qu'il n'avait pas étudié, il leur dit : « Que vous en semble? lequel est le premier, le bon sens ou les lettres; lequel est la cause de l'autre ?-C'est, dirent-ils, le bon sens qui est le premier et qui a trouvé les lettres.-Donc, reprit Antoine, les lettres ne sont pas nécessaires à celui qui a le sens droit. » Ils s'en allèrent surpris de la sagesse de cet ignorant; car il n'était point rustique pour avoir vieilli dans la montagne, mais agréable et civil, et ses discours étaient assaisonnés d'un sel divin et qui le rendait

1 Pallad., in Hist. Lausiaca, cap. 4, et Hieronym., Epist. 100 ad Castrutium, tom. IV, pag. 802. 2 Athanas., in Vita Anton., pag. 849.

3 Ibidem.

* Licet enim in monte enutritus ibi consenuisset, ne.

aimable à tous ceux qui allaient le voir. Il en vint d'autres pour lui demander raison de la foi que nous avons en Jésus-Christ, et tourner en ridicule la prédication de la croix. Saint Antoine ayant pitié de leur ignorance, leur montra, par un discours fort long et fort élevé, qu'il était plus raisonnable de révérer la croix, que de reconnaître que ceux à qui ils donnaient le nom de dieux ont commis des adultères et autres crimes abominables, vu que cette croix est une marque de courage et du mépris de la mort, au lieu que ce qu'ils attribuaient à leurs dieux était des preuves de dissolution et de mollesse ; qu'il était bien plus raisonnable de dire que le Verbe de Dieu, qui n'est point sujet au changement, s'est fait homme pour nous sauver, que d'enseigner que des dieux ressemblent à des animaux, et d'adorer, pour cette raison, des bêtes brutes, des serpents, et des figures d'hommes; que les mêmes choses faites par JésusChrist pour le salut des hommes font aussi connaître qu'il est Dieu; que c'est une mauvaise foi d'objecter aux chrétiens la croix sur laquelle il a souffert, et de n'admirer pas sa résurrection, de taire les miracles qu'il a faits sur terre en ressuscitant les morts et rendant la vue aux aveugles, la santé aux lépreux et aux paralytiques; que les païens, au lieu d'adorer Proserpine, Vulcain, Junon, Apollon, Diane et Neptune, comme représentant la terre, le feu, l'air, le soleil, la lune, la mer, devaient bien plutôt adorer le Créateur de toutes ces choses, puisqu'il n'était pas juste de rendre aux ouvrages l'honneur qui n'est dù qu'au divin Ouvrier qui les a formés. Ces philosophes ne sachant que répliquer, saint Antoine leur demanda de quelle manière la connaissance d'un Dieu se pouvait acquérir le mieux, ou par une démonstratien ou par la foi, et lequel précédait, ou la foi par opération, ou la démonstration par raison. Ils répondirent que l'opération par la foi précédait, et que c'était elle qui donnait une connaissance certaine. Saint Antoine approuva leur réponse, et ajouta : « Aussi, nous autres chrétiens, nous n'établissons pas nos mystères sur la sagesse des raisonnements des Grecs, mais sur la puissance de la foi, qui nous est donnée de Dieu par Jésus-Christ. » Il leur prouva

quaquam agrestis erat moribus; sed comis urbanusque, divinoque sale conditus sermo illi fuit, ita ut nemo invideret ipsi, sed lætarentur potius universi qui ad eum accederent. Ibid,

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