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Sa mort en 856, à l'âge de 105.

encore le pouvoir de la foi des chrétiens par le grand nombre de païens qui se convertis saient, tandis qu'on ne voyait personne passer du christianisme au paganisme. « Avec vos syllogismes, leur dit-il, vous ne persuaderez à aucun chrétien d'embrasser votre religion; et nous, en enseignant de croire en JésusChrist, nous ruinons toute votre superstition, chacun reconnaissant que Jésus-Christ est Dieu et le Fils de Dieu. Au seul nom1 de JésusChrist crucifié, nous mettons en fuite les démons que vous adorez comme des dieux; et lorsque l'on fait le signe de la croix, la magie perd toute sa force, et le poison sa vertu. Où sont maintenant vos oracles ? Où sont les charmes des Égyptiens? Où sont les spectres que faisaient voir vos enchanteurs? En quel temps toutes ces choses ont-elles cessé, sinon lorsque l'on a vu paraître la croix de JésusChrist? Est-elle donc digne de risée ? Et les choses qui ont été abolies par elle ne sontelles pas plutôt dignes de mépris? Mais ce qu'il y a encore de plus admirable, personne ne vous persécute à cause de votre religion. Elle est même en honneur dans les villes. Les chrétiens, au contraire, sont persécutés; toutefois, notre religion ne laisse pas de fleurir, de croître au préjudice de la vôtre, et notre doctrine s'est déjà répandue par toute la terre. » Enfin il apporta pour preuve de la vérité de notre foi le grand nombre de martyrs qui sacrifiaient leur vie pour Jésus-Christ, et les vierges qui, par un semblable motif, passaient leur vie dans une pureté inviolable. Saint Antoine finit sa dispute avec ces philosophes, en guérissant en leur présence plusieurs démoniaques par le signe de la croix qu'il fit trois fois sur eux. De là il prit occasion de les exhorter encore à croire en Jésus-Christ, qu'il reconnaissait pour seul auteur de ces merveilles. Ils s'en retournèrent en admirant également la sagesse et l'humilité du Saint, et en avouant qu'ils avaient beaucoup profité de sa conversation.

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toine alla, selon sa coutume, visiter les moines qui étaient dans la montagne extérieure, pour leur dire les derniers adieux. Il était âgé de près de cent cinq ans. Il les exhorta à persévérer dans les travaux de la pénitence, à s'éloigner des méléciens et des ariens, et à garder la tradition des Pères, principalement la foi de Notre-Seigneur. Les frères, tout en larmes, le pressaient de demeurer avec eux et d'y finir ses jours; mais il ne le voulut pas, pour plusieurs raisons qu'il faisait assez connaître par son silence, et principalement pour celle-ci. Les Égyptiens aimaient à conserver les corps des personnes vertueuses, surtout des martyrs. Ils les ensevelissaient et les enveloppaient de linges; mais ils ne les enterraient point; au contraire, ils les mettaient sur des lits et les gardaient dans leurs maisons, croyant honorer ainsi les morts. Saint Antoine avait souvent prié les évêques d'instruire les peuples sur ce point. Il en avait luimême repris sévèrement les laïques, et particulièrement les femmes; il disait que cet usage n'était ni légitime, ni pieux, puisque les corps des patriarches et des prophètes étaient encore conservés dans les tombeaux, et que le corps même du Sauveur fut mis dans un sépulcre fermé d'une pierre, jusqu'à sa résurrection. Il prouvait par là que c'était mal fait de ne pas cacher les corps des défunts, quelque saints qu'ils fussent, puisque rien n'est plus grand ni pius saint que le corps du Seigneur. Plusieurs le crurent; ils enterrèrent leurs morts et remercièrent le Saint de l'instruction qu'il leur avait donnée. Ce fut donc la crainte qu'on ne traitât ainsi son corps, qui l'obligea de se presser et de dire adicu aux moines de la montagne extérieure. Etant rentré dans la montagne intérieure, où il était accoutumé de demeurer, il tomba malade au bout de quelques mois. Il n'avait auprès de lui que deux de ses disciples, Macaire et Amathas, qui le servaient depuis quinze ans, à cause de sa vieillesse.

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12. Quelques mois avant sa mort, saint An- Après les avoir exhortés à la persévérance

1 Nos Christum crucifixum nominantes, omnes fugamus dæmones quos ut deos timetis, et ubi signum crucis formatur, magica ars vires amittit, atque veneficia nihil virtutis habent. Athanas., in Vit. Anton., pag. 854.

2 His dictis Christum invocavit, et dæmoniacos bis terque sigillo crucis signavit. Moxque steterunt homines incolumes, mentisque compotes, gratiasque agentes Domino. Ibid., pag. 855.

3 Athanas., in Vita Anton., pag. 861.

Ibid., pag. 862.

Iidem.

6 Nous trouvons que, dans les temps les plus anciens, les Égyptiens enfermaient les corps embaumés et ensevelis dans des boîtes de bois, qui représentaient une figure humaine, et les posaient debout dans des lieux où ils les gardaient; et l'on voit encore aujourd'hui de ces boîtes et des momies qu'elles enferment. Fleurs, liv. XI Hist. ecclés.. num. 34, pag. 478.

7 Athanas., in Vita Anton., pag. 862.

8 Ibidem, pag. 863.

• Ibidem.

Lettres de

3

CHAPITRE XV.

1

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SAINT ANTOINE, SOLITAIRE.

[Ive SIÈCLE.]
dans la vertu et à fuir toute communication
avec les méléciens et les ariens, il leur recom-
manda de ne point souffrir que l'on portât son
corps en Égypte, de peur qu'on ne le gardât
dans les maisons, mais de le mettre et de le
couvrir de terre, en un lieu qui ne fût connu
que d'eux seuls. « Au jour de la résurrection,
ajoute-t-il, je le recouvrerai incorruptible de
la main du Sauveur. Partagez mes habits,
et donnez à l'évêque Athanase une de mes
peaux de brebis, avec le manteau sur lequel
je couche, qu'il m'a donné tout neuf et que
j'ai usé; donnez à l'évêque Sérapion l'autre
peau de brebis, et gardez pour vous mon ci-
lice. Adieu, mes enfants; Antoine s'en va et
n'est plus avec vous. » Quand il eut ainsi par-
lé, ils l'embrassèrent; il étendit ses pieds et
demeura couché avec un visage gai, comme
s'il eût vu ses amis venir le voir. Sa mort ar-
riva le 17 de janvier de l'an 356: il était âgé
de 105 ans. Depuis sa jeunesse jusqu'à un
si grand âge, il garda toujours la même fer-
veur dans ses exercices. La vieillesse ne l'o-
bligea ni à prendre une nourriture plus déli-
cate, ni à changer la manière de se vêtir, ni
à se laver même les pieds. Toutefois, il n'a-
vait aucune incommodité : sa vue n'était point
affaiblie; ses dents étaient seulement usées,
mais il n'en avait pas perdu une seule; enfin
il était plus fort et plus vigoureux que ceux
qui se nourrissent de diverses viandes, qui
se baignent et changent fréquemment d'ha-
bits. Ses deux disciples l'enterrèrent, comme
il le leur avait ordonné, et personne autre ne
sut le lieu de sa sépulture. Entre les diver-
ses visions dont Dieu le favorisa pendant
sa vie, la plus célèbre est celle où, sous
la figure d'une multitude de mulets qui en-
vironnaient la sainte table et qui renver-
saient à coups de pieds ce qui était dessus,
Dieu lui fit voir les maux que les ariens de-
vaient faire à l'Église. Il eut cette vision vers
l'an 339, et deux ans après on en vit l'accom-
plissement, lorsque les ariens mirent par
violence Grégoire sur le siége d'Alexandrie,
au commencement de l'an 341.

ARTICLE II.

DES ÉCRITS DE SAINT ANTOINE.

6

389

ne au grand

saint Athanase ayant été banni par ordre du saint Antoi-
grand Constantin, vers l'an 335, saint An- Constantin.
toine qui, avec tous les autres solitaires, était
fortement attaché à la foi de Nicée, écrivit
plusieurs lettres à ce prince en faveur de
saint Athanase, dans lesquelles il le conju-
rait de n'ajouter nulle foi aux méléciens et
de regarder toutes leurs accusations comme
des calomnies et des impostures. Ces lettres,
qui sont perdues, n'eurent aucun effet: Cons-
tantin répondit qu'il ne pouvait mépriser le
jugement d'un concile (c'était celui de Tyr);
qu'un petit nombre de personnes pouvaient
bien être soupçonnées de juger par passion
ou par affection, mais qu'on ne devait point
supposer qu'un si grand nombre d'évêques,
pieux et savants, se fussent unis ensemble,
contre saint Athanase, par d'aussi mauvais
principes; qu'au reste Athanase était un in-
solent, un brouillon, un superbe et un sédi-
tieux (car c'est ainsi que les ennemis de ce
saint évêque l'avaient caractérisé auprès de
l'empereur). On rapporte à l'année 337, ou
peut-être à la précédente, une autre lettre
de saint Antoine à Constantin et à ses deux
fils, Constantius et Constant. Ces princes, in-
formés de ses vertus, lui avaient écrit 7; dans
cette lettre ils le traitaient de père, et lui
demandaient réponse. A la réception de ces
lettres, le Saint, sans s'émouvoir, appela les
moines et leur dit : « Ne vous étonnez point
si un empereur nous écrit: ce n'est qu'un
homme; étonnez-vous plutôt de ce que Dieu
a écrit une loi pour les hommes et nous a
parlé par son propre Fils. » Il ne voulait pas
même recevoir ces lettres, disant qu'il ne sa-
vait point y répondre. Mais les moines lui
ayant représenté que les empereurs étaient
chrétiens, et qu'ils pourraient se scandaliser,
comme étant méprisés, il permit qu'on les
lût, et y fit réponse. Il leur témoigna sa joie
de ce qu'ils adoraient Jésus-Christ, et les
exhorta à ne pas faire grand cas des choses
présentes, mais à penser plutôt au jugement
futur; à considérer que Jésus-Christ est le
seul roi véritable et éternel; à avoir beau-
coup de clémence et d'humanité, enfin à
rendre la justice et à prendre soin des pau-
vres. Cette lettre, dont saint Athanase nous
a conservé le précis, fut bien reçue. Nous

1. Nous apprenons de Sozomène que lisons ailleurs que Constantius, depuis qu'il

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7 Athanas., in Vita Anton., pag. 855.

8 Apophtegm. Patr., tom. I Monum. Eccl. Græcæ

Cotelerii, pag. 351.

? Tillemont, tom, VII Hist, eccl., pag. 121,

Aux Arsénoites.

Рабе 79.

fut parvenu à l'empire, écrivit aussi à saint Antoine pour le prier de venir à Constantinople; que le Saint, délibérant sur ce qu'il avait à faire en cette occasion, prit l'avis de Paul le Simple, l'un de ses disciples, qui lui répondit en ces termes : « On vous appellera Antoine, si vous y allez, et si vous n'y allez pas, vous serez l'abbé Antoine. » Il voulait dire par là que le monde n'honore la vertu que dans ceux qui le fuient.

2. Saint Jérôme ne dit rien de ces lettres de saint Antoine à Constantin, dans son Catalogue des hommes illustres, mais il y en marque sept autres du même Saint, à divers monastères; elles sont écrites dans le style des Apôtres et remplies de leurs maximes. Il dit qu'on les avait traduites en grec et que la principale était adressée aux Arsénoïtes. Mais elles avaient été écrites originairement en égyptien, et l'on assure qu'elles sont encore aujourd'hui en cette langue dans les monastères de la Thébaïde. Celles que nous avons dans le quatrième tome de la Bibliothèque des Pères, sous le nom de saint Antoine, et qu'on croit communément étre de lui, sont en latin, traduites du grec par Sarasius, d'un style si embarrassé, qu'on a peine à les bien entendre. Elles roulent toutes sur des matières de piété. La première, qui est adressée aux frères en général, traite de trois différentes manières dont Dieu nous appelle, par des inspirations intérieures, par la lecture des livres saints, par les tentations et les afflictions qui nous arrivent. Il y parle aussi des différentes manières dont nous sommes tentés, soit par rapport au corps, soit par rapport à l'esprit. La seconde est adressée aux Arsénoïtes en particulier. Saint Jérôme la regardait comme la plus considérable de toutes. Elle est pleine de tendresse, mêlée de réflexions sur la bonté de Dieu, qui a donné son Fils pour nous racheter, et sur les ruses du démon, toujours attentif à nous perdre. On y voit que les bons et les mauvais anges ont reçu différents noms, selon leurs différentes actions; que les bons ont été nominés, les uns Archanges, les autres Siéges, Dominations, Puissances, Ché

Hieronym., in Catal., pag. 88.

Renaudot, Præfat. ad tom. I Liturg. orient., p. 119. Le savant Mingarelli a publié deux lettres de saint Antoine en langue copte dans les Ægyptiorum codicum Reliquia. Venise, 1785. (L'éditeur.)

Et fundavit, ipse nobis veritatis domum, quæ est Ecclesia Catholica. Antonii Epist. 4, pag. 83.

4

rubins, pour avoir obéi aux ordres du Créateur; que les noms de diable et de satan ont été donnés aux méchants à cause de leur crime et de leur malice; que, par une raison semblable, on a donné à certains hommes les noms de patriarches, de prophètes, de rois, de prêtres, de juges, d'apôtres, à cause de leurs vertus. Le Saint témoigne en deux endroits qu'il ne cesse de prier pour les Arsénoïtes, pour leur obtenir de Dieu les lumières nécessaires; et il finit en disant qu'il avait souhaité de les voir, mais qu'il se sentait proche de sa fin. Dans la troisième, qu'il écrivit à ses moines, après leur avoir représenté les bienfaits de Dieu envers nous, particulièrement son incarnation et ses souffrances, il les exhorte à ne désirer que les biens à venir et à les mériter par une vie toute sainte. Dans la quatrième, il leur dit que l'avénement de Jésus-Christ est proche, qu'ils doivent s'y préparer en s'exerçant dans la vertu et par la componction de coeur. Il y appelle l'Église catholique la maison de vérité. Pour les engager, dans la cinquième, à veiller sur euxmêmes, il leur représente combien les anges sont sensibles à la perte et au salut des hommes, et la grandeur du péché, qui n'a pu être effacé que par la mort du Fils de Dieu. Il dit nettement que toutes choses n'ont qu'un mème principe, les anges comme les hommes, le ciel et la terre, excepté la parfaite et bienheureuse trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Il marque dans la sixième ce que Dieu a fait dans tous les âges, pour le salut de l'homme, dont la plaie était si profonde, qu'elle n'a pu être guérie que par le Fils unique de Dieu. La septième est imparfaite. Il y exhorte les frères à travailler à se connaître eux-mêmes, pour parvenir à la connaissance de Dieu. Sur la fin, il parle de l'hérésie d'Arius. On trouve dans ces lettres plusieurs phrases répétées en mêmes termes en divers endroits, dont quelques-unes n'ont que peu ou point de sens; ce qui peut venir de ce que le texte en a été corrompu, ou de la faute des traducteurs. Dans la seconde, les Arsénoïtes sont appelés quelquefois fils de l'Israélite, qualité que saint Antoine don

Ex uno sunt omnes, excepta sola perfecta ac beata trinitate Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Idem, Epist. 5, pag. 84.

60 filii Israelitæ, secundum sensualem vestram exstantiam. Idem, Epist. 2, pag. 79. Dilectissimi mei nati in Domino filii Israelitæ sanctissimi. Ibid., pag. 80.

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Page 82.

Pag 83

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Page 85.

Lettres de saint Antoi

vers l'an 341.

nait aussi aux disciples d'Orsise, supérieur
de Tabenne, ainsi que l'a remarqué l'auteur
de la Vie de saint Pacôme.

3. Saint Antoine, ayant appris les violences
né a Balacius que le duc Balacius faisait dans Alexandrie,
pour maintenir Grégoire dans le siége épis-
copal de cette ville en la place de saint Atha-
nase, jusqu'à battre des vierges, dépouiller
et fouetter des moines, lui écrivit en ces ter-
mes: « Je vois la colère de Dieu venir sur
toi; cesse donc de persécuter les chrétiens,
de peur qu'elle ne te surprenne, car elle est
prête à tomber. » Balacius se mit à rire, jeta
la lettre par terre et cracha dessus. Il mal-
traita ceux qui la lui avaient apportée et les
chargea de dire à Antoine pour réponse:
<«< Puisque tu prends soin des moines, je vais
aussi venir à toi. » Mais, cinq jours après, il
éprouva la colère de Dieu, dont Antoine l'a-
vait menacé, et mourut en voyage, ayant eu
la cuisse déchirée par le cheval de Nesto-
rius, vicaire d'Égypte, qui l'accompagnait.
4. Il nous reste encore une lettre fort
Tabenne, courte de saint Antoine à saint Théodore,
successeur d'Orsise à Tabenne. Elle lui fut
rendue par deux de ses religieux, Théophile
et Copré, qui revenaient d'Alexandrie, vers
l'an 353, et qui avaient vu saint Antoine dans
leur voyage. Il y appelle saint Théodore son
fils, comme beaucoup plus jeune que lui, et
lui fait part d'une révélation dans laquelle
Dieu lui avait fait connaître qu'il userait d'in-
dulgence envers tous les vrais adorateurs de
Jésus-Christ qui, après être tombés dans
quelque faute depuis leur baptême, en au-
raient un regret sincère. Cette lettre fut lue
en présence de tous les frères, comme saint
Antoine l'avait souhaité, et ils en furent
édifiés.

A saint Théodore de

vers l'an 353 ou 354.

Antoine.

3

Écrits faus- 5. On trouve à la suite des lettres de saint
sement attri-
bues à saint Antoine, dans la Bibliothèque des Pères im-
primée à Cologne et à Lyon, un discours de
la Vanité du monde et de la Résurrection, qui
lui est attribué sur la foi d'un ancien manus-
crit latin. Gérard Vossius, qui l'a donné le pre-
mier, le croit de ce Père. Mais, quoique le style
ait quelque conformité avec celui de ses let-
tres, il est néanmoins plus clair, mieux suivi

1 Respondit Antonius non Orsisium, sed Israelitam illum vocetis oro.... sic Athanasium a me compellabitis...... curam habe de filiis Israelitæ. Tom. III SS. maii, pag. 326, apud Bolland.

2 Athanas., in Vita Anton., pag. 859, 860.

3 Epist. de SS. Pachomio et Theodoro, apud Dolland., tom. III maii, pag. 355.

et plus élégant, et il nous paraît d'un homme
plus au fait des dérangements qui se passent
dans le monde, que n'était saint Antoine. On
n'a d'ailleurs aucune autre preuve qu'il soit
de lui, que l'autorité du manuscrit d'Alde
Manuce, sur lequel il a été donné. Les deux li-
vres de Sermons que Trithème lui* attribue ne
peuvent en être, puisque saint Basile, saint
Chrysostome, Photius, quelques autres, beau-
coup plus récents que saint Antoine, y sont
cités. On croit qu'ils sont d'un autre An-
toine qui vivait dans le douzième siècle. Ce
recueil de Sermons est ce qu'on appelle la
Melisse, qui n'est qu'une compilation et un
recueil de divers lieux communs sur les vices
et les vertus. On le trouve dans le tome Ier
de la Bibliothèque des Pères de Paris, en 1575,
et dans le cinquième de l'édition de l'an 1589.
Nous avons plusieurs autres pièces sous
le nom de saint Antoine, données en latin
par Abraham Ecchellensis, maronite, et im-
primées à Paris en 1641, in-4°, savoir: vingt
lettres traduites de l'arabe, dont sept sont les
mêmes que celles dont nous venons de par-
ler; vingt petits sermons aux solitaires, sur
des matières de piété; sept avertissements
ou instructions, aussi pour des solitaires; plu-
sieurs réponses du même Père; mais toutes
ces pièces sont sans autorité. On y cite divers
auteurs, qui n'ont vécu que depuis saint An-
toine: entre autres, le bienheureux Évagre,
mort sur la fin du quatrième siècle ; et l'abbé
Pasteur, qui a vécu longtemps après dans le
cinquième. Le même Ecchellensis a traduit
d'arabe en latin une Règle qui porte le nom
de saint Antoine, imprimée à Paris en 1646,
in-8°. Cette Règle se trouve aussi dans le re-
cueil de Holsténius, à Rome, 1661, et à Paris
en 1963, in-4°, [et dans la nouvelle édition du
Codicis Regularum donnée par G. Maria Bro-
kie à Augsbourg, tome Ier, pag. 3]; elle ne con-
tient rien qui ne soit édifiant, mais on n'a au-
cune preuve qu'elle soit de saint Antoine.
Saint Athanase, qui rapporte tout au long
quelques-uns de ces discours, ne dit rien de
sa Règle; saint Antoine témoigne lui-même
n'avoir pris d'autre guide pour sa conduite
que les divines Écritures, et il paraît n'en

Trithem., in Catalog., cap. 61. On a retranché cet endroit dans quelques éditions de Trithème, comme dans celle de Hambourg, en 1718, par Fabricius. Trithème n'y fait mention d'aucun autre écrit de saint Antoine, que de ses sept lettres.

Antonii Regul. et Sermones, pag. 53, 71, 74.

Eloge de saint Antoi

не

avoir point prescrit d'autres à ses disciples, puisque, lui ayant demandé un jour de leur faire quelque exhortation, il leur répondit: « Les saintes Écritures suffisent pour notre instruction. » Toutefois, il leur fit entendre un grand discours, dont nous avons donné le précis plus haut.

6. Au reste, si saint Antoine n'a point écrit de Règle pour ses disciples, on peut dire que sa vie a été un parfait modèle sur lequel ils pouvaient conformer leur conduite, et que saint Athanase, en décrivant les actions du divin Antoine, ainsi que l'appelle saint Grégoire de Nazianze, a fait, sous la forme d'une histoire, la règle de la vie religieuse. Saint Chrysostome exhortait 3 ses auditeurs à la lire, afin d'y apprendre la véritable sagesse, par l'exemple de ce Saint, qui avait presque égalé la gloire et la vertu des Apôtres, qui avait paru rempli de l'esprit de prophétie, qui avait montré, par son exemple, ce que Jésus-Christ a commandé par ses préceptes, et qui avait été lui-même une preuve 5 admirable de la vérité de notre religion, n'y ayant point de secte où l'on puisse trouver un aussi grand

homme. « C'est lui, dit Sozomène, qui a mis la vie solitaire dans sa perfection et dans sa pureté, par les exercices d'une vie sainte. »

7. Les sept lettres de saint Antoine furent imprimées pour la première fois à Paris, en 1551, par les soins de Symphorien; à Cologne, en 1536, avec les commentaires de Denys le Chartreux, parmi les ouvrages attribués à saint Denys l'Aréopagite; à Bâle, en 1550, dans le Micropresbyticus, et en 1555, parmi les Orthodoxographes. On leur a aussi donné place dans les Bibliothèques des Pères de Paris, de Cologne et de Lyon. Mais c'est sans raison que les six dernières y sont adressées aux Arsénoïtes, puisqu'il paraît clairement, par saint Jérôme, qu'il n'y avait que la seconde qui leur fùt adressée, ce que l'on a observé dans les éditions de Bâle de 1550 et 1555. Trithème ne marque non plus qu'une lettre aux Arsénoïtes. [Les Sermons, les Épitres, la Règle et les Instructions se trouvent dans Galland, tome VI, pages 633 à 715, et dans le tome XL de la Patrologie grecque, qui contient les Pères égyptiens. ]

Éditions de ses lettres

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↳ Talem vitam exhibuit Antonius, qualem Christi le- probus ille, neque senectutem, centenarius enim erat, ges postulant. Ibid.

Id quod cum aliis etiam adjunctis maximum est veritatis argumentum, quod videlicet nulla hæresis talem habet virum, sed ne ultra hæc a nobis audire pergatis, silibrum in quo hæc scripta sunt legatis, accurate omnia ediscere poteritis, et multam inde haurire philosophiam. Ibid.

veneratus, vir inhumanus. Athanas., Hist. Arian, ad monach., pag. 172. Major centenario fuit. Sulpic. Sever., lib. II Hist., cap. 55, pag. 439.

8 Sed eam rem minime neglexit senex, instante quippe morte vim sibi illatam quasi testamenta declaravit. Athanas., ubi supra.

• Nulli quippe notus non erat ille vere Osius, id est

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