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concile de Sardique, il y en a plusieurs qui portent le nom d'Osius, ce qui n'est pas surprenant, puisqu'il en était l'âme et le président, comme il l'avait été de beaucoup d'autres, étant regardé comme le père des évêques.

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[Ce qui nous reste d'Osius se trouve reproduit dans la Patrologie latine, tom. VIII, d'après les éditions des Conciles et d'après Galland, qui a donné l'épitre à Constance, tom. V, pag. 81.]

Naissance

de Julien, en

cation jus

qu'en 354.

CHAPITRE XVII.

Les Actes des Martyrs, dans la persécution de Julien l'Apostat.

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1. Julien, né à Constantinople, sur la fin de 331. S nédu- l'an 331, fut élevé dans les principes de la religion chrétienne par les soins de l'empereur Constantius, son cousin-germain, et mis, à l'âge de sept ans, sous la conduite d'un eunuque de Scythie, nommé Mardonne, qui se donna beaucoup de soins pour lui inspirer de la gravité et de la modestie. Eusèbe de Nicomédie eut aussi part à son éducation. En 345, on le retira des écoles publiques pour l'envoyer, avec son frère Gallus, en un château de Cappadoce, nommé Macelle, où ils furent instruits pendant six ans en toutes sortes de sciences, par des maîtres chrétiens. Mais en même temps qu'on leur apprenait la doctrine de l'Église, on leur en faisait pratiquer les règles et on leur apprenait à honorer les ministres des autels et toutes les personnes de piété, à aller souvent à l'Église et à révérer les tombeaux des saints martyrs. Ils furent 10 même admis dans le clergé en qualité de lecteurs, et lurent publiquement au peuple les livres sacrés, faisant autant de cas de cette fonction que de ce qu'il y a de plus relevé dans les dignités du siècle. Ils s'appliquèrent l'un et l'autre à donner des marques de leur zèle pour Jésus-Christ et pour l'honneur des martyrs, en faisant " de riches présents aux Églises. Gallus le faisait avec sincé

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rité; Julien, pour tromper le monde et couvrir sa mauvaise inclination, sous l'apparence de piété. Dieu fit voir qu'il connaissait la différente disposition du cœur des deux frères, par un miracle rapporté par Théodoret "2, par saint Grégoire de Nazianze et par Sozomène. Ils voulurent faire bâtir ensemble une église sur le tombeau de saint Mamas, célèbre martyr de Césarée en Cappadoce. Mais le côté que Julien avait entrepris ne put jamais être élevé, comme si ce martyr n'eût pas voulu souffrir que celui-là lui rendit quelque honneur, qui devait un jour se déclarer l'ennemi de Dieu et de ses Saints.

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2. L'an 351, Julien passa de Macelle à 13 Constantinople, où il étudia sous un sophiste nommé Ecébole, grand ennemi des dieux, et ensuite à Nicomédie ", où Libanius, célèbre sophiste païen, tenait les écoles publiques. Julien n'osa le fréquenter, Constantius le lui ayant défendu " expressément; mais il lisait en secret ses ouvrages, qu'il estimait extraordinairement. Pendant son séjour à Nicomédie, usant 16 de la liberté qu'il avait d'aller partout où il lui plaisait, il fit un voyage " à Pergame, pour voir le philosophe Edésius, magicien comme les autres philosophes de ce temps-là. Edésius avait un disciple nommé Eusèbe, qui, ayant remarqué dans Julien de

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12 Idem, ibid.; Sozomen., lib. V, cap. 2; Gregor. Na zianz., Orat. 3, pag. 59, 60, 61.

13 Sozomen., ubi supra

14 Ibid. et Socrat., lib. III, cap. I.

15 Eunapius, de Vitis Sophist.. cap. 14.

16 Julian., Epist. ad Themistium, pag. 478.

17 Eunap., cap. 4, 5, 6.

Julien v étudier a

Constantinople et à Vi

comédie, es 331. Maxime

le porte a li

dolatrie.

Il est envoyé à Athe

en

l'inclination pour la magie, lui persuada d'aller à Ephèse trouver Maxime, un des plus grands maîtres qui fut alors en cette science diabolique. Celui-ci lui promit l'empire, et se l'attacha d'autant plus aisément, qu'il flattait mieux son ambition. Gallus, que Constantius avait fait César au commencement de l'année 351, ayant appris que son frère pensait à quitter la religion chrétienne, pour suivre de vaines superstitions, lui envoya Aëce pour l'en détourner; mais Gallus ne pût veiller longtemps sur sa conduite, ayant été tué sur la fin de l'an 354, par ordre de Constance.

3. Ce prince fit aussi arrêter Julien, qu'il Son portrait soupçonnait d'avoir eu part aux cruautés de Gallus; mais, après l'avoir retenu comme prisonnier à Milan ou aux environs, il l'envoya à Athènes sous le prétexte de s'y perfectionner dans les sciences. Julien y arriva vers le milieu de 355, et y étudia non-seulement les lettres profanes, mais aussi les divines Écritures. Saint Basile et saint Grégoire de Nazianze y étaient alors, appliqués aux mêmes études que Julien. Ils découvrirent le déréglement de son esprit par sa physionomie et tout son extérieur. Il était de médiocre taille, avait le col épais, et les épaules larges, qu'il haussait, remuait souvent, ainsi que la tête. Ses pieds n'étaient point fermes, ni sa démarche assurée; ses yeux étaient vifs, mais égarés et tournoyants: il avait le regard furieux, le nez dédaigneux et insolent, la bouche grande, la lèvre d'en bas pendante, la barbe hérissée et pointue. Il faisait des mouvements ridicules et des signes de tête sans sujet, riait sans mesure, avec de grands éclats, s'arrêtait en parlant et reprenait haleine, faisait des questions impertinentes et des réponses embarrassées l'une dans l'autre, qui n'avaient rien de ferme ni de méthodique. Grégoire disait en le voyant : « Quel monstre nourrit l'Empire romain! Dieu veuille que je sois faux prophète!» Toutefois, comme il avait quelque capacité pour l'éloquence, il ne laissait pas d'avoir des admirateurs parmi les philosophes, les rhéteurs et autres. Il s'ouvrait dèslors, à ses plus intimes amis, sur la disposi

1 Sozomen., lib. V, cap. 2.

2 Philostorg., lib. III, cap. 27.

8 Sozomen., lib. V, cap. 2; Julian., Epist. ad Atheniens., pag. 501, et ad Themistium, pag. 479.

Julian., ad Atheniens., pag. 503.

5 Gregor. Nazianz, Orat. 4, pag. 122.

6 Gregor. Nazianz., Orat. 5, pag. 175.

7 Idem, Orat. 12, pag. 268; Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. IV, pag. 495.

tion où il était d'abandonner la religion chrétienne et de relever, quand il en aurait le pouvoir, l'idolâtrie qu'il voyait fort abaissée. On croit que celui à qui il fit particulièrement confidence de ses desseins était le pontife d'Eleusine, à qui Maxime d'Ephèse l'avait renvoyé.

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Il est fait César. Sa Conduite

Gaules. Il est fait Auguste jouit

pire, en 361.

4. Le séjour de Julien à Athènes fut court. Constantius le rappela la même année 355, dans les en Italie, où il le déclara César le 6 du mois de novembre, en lui donnant le département seul de l'Emdes Gaules, de l'Espagne et de l'Angleterre, et, quelques jours après, il lui fit épouser sa sœur Hélène. Sa vie réglée, sérieuse et austère, le fit tout-à-fait aimer 10 et estimer des Gaulcis. Il les délivra de la tyrannie des Barbares, qui exerçaient depuis plusieurs années des ravages dans le pays, et régla les impôts, afin que les peuples n'en fussent pas accablés. Les soldats, témoins de sa valeur, lui donnèrent le titre d'Auguste, sur la fin de l'hiver de l'an 360. Cette proclamation eut lieu à Paris, où Julien faisait alors sa demeure. Si on l'en croit, il résista longtemps aux soldats, et il ne consentit à recevoir d'eux la qualité d'Auguste, qu'après que les dieux le lui eurent ordonné. Dans la nuit même qu'il fut proclamé, un spectre, représentant le génie de l'Empire, lui apparut, comme pour demeurer avec lui, mais en l'avertissant que ce ne serait que pour peu de temps. Jusqu'alors, Julien, quoique païen dans le cœur, ne s'était pas encore déclaré ouvertement pour le culte des faux dieux. Il se trouva même à l'église, l'au 361, à la fête11 de l'Epiphanie; mais, peu de temps après, étant passé des Gaules en Illyrie, et se trouvant maitre de l'Empire par la mort de Constantius, arrivée le 3 novembre de la même année 361, il y ouvrit les temples, y offrit des sacrifices et exhorta les autres à en faire de même. A Constantinople il publia 13 des édits solennels pour le rétablissement du culte des dieux, et prit toutes les mesures qu'il crut nécessaires pour les remettre en honneur. Il rappela tous ceux qui avaient été bannis sous ce prince, moins dans la vue de faire cesser que de fomenter

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8 Ammian., lib. XV, pag. 47; Julian., Orat. 3, pag. 225.

9 Ammian., lib. XV, pag. 49, 50.

10 Julian., in Misopogon., pag. 92 et seq.

11 Ammian., lib. XXI. pag. 180, 181.

12 Libanius, Orat. 12, pag. 288.

13 Ammian., lib. XXII, pag. 208.

1 Sozomen., lib. V, cap. 5.

Il commence à persécu

les divisions qui étaient entre les évêques, en laissant à chacun la liberté entière de croire et d'enseigner tout ce qu'il trouverait bon. Il soutint, par un même esprit, les donatistes contre ceux qui les avaient opprimés sous Constantius, témoigna de l'affection aux Juifs et accorda à ceux qui avaient été punis ou déposés par les évêques pour quelques crimes, la liberté de poursuivre leurs prétentions. Cette manière de persécuter l'Église était nouvelle; mais Julien se persuadait que l'artifice et une douceur apparente lui réussiraient mieux qu'une guerre ouverte en quoi il ne fut pas trompé. Car il pervertit plus de chrétiens par ses présents et par ses persuasions, qu'il n'eût pu faire par la violence des tourments. Ecébole 3, professeur en éloquence à Constantinople, et qui l'avait autrefois enseignée à Julien, fut un de ceux qui préférèrent les honneurs à la véritable félicité; et nous avons encore la lettre de compliments que Julien lui écrivit sur son apostasie. Mais il ne trouva pas la même faiblesse dans tous les chrétiens, et il fut obligé, tant pour suivre sa cruauté naturelle, qu'il ne pouvait plus contenir, que pour contenter sa passion contre les chrétiens, d'user envers eux de violence et de les persécuter ouvertement.

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5. Il commença la persécution par les ofter les chré- ficiers de la cour, dont quelques-uns furent mis à mort par son ordre; il chassa les autres,

tiens en 362.

et n'épargna son propre médecin que parce qu'il était bien aise d'avoir auprès de lui une personne si habile. Ensuite il essaya de séduire ses soldats, et il y en eut plusieurs qui, n'ayant d'autre loi que la volonté de leur prince, embrassèrent sa religion. Pour y engager les autres, il fit une loi qui portait que l'on chasserait des armées tous les chrétiens qui refuseraient d'abandonner leur foi et de sacrifier. Il chassa 7 des villes les évêques et les autres ecclésiastiques, afin que les peuples, n'ayant personne pour tenir les assemblées ni pour les instruire, oubliassent peu à peu leur religion, faute d'en faire l'exercice. Il

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cassa toutes les lois que Constantin avait faites en leur faveur, et les soumit aux charges et aux fonctions publiques. Il dépouilla les vierges chrétiennes de leurs priviléges, et fit ôter du rôle de l'Église les veuves qu'on y avait mises à cause de leur pauvreté. Il ordonna que tous ceux qui, sous Constantin et sous Constance, avaient renversé les temples et les autels, seraient obligés de les rétablir, ou de fournir l'argent nécessaire; et il employa pour les y contraindre les prisons, les questions les plus cruelles et même la mort. Il fit 10 aussi payer ceux qui s'étaient servis des pierres tirées des temples que d'autres avaient démolis; et, pour ne rien laisser à l'Église, pas même les offrandes ou les vases sacrés, les gouverneurs avaient ordre de se saisir des églises et de traiter avec rigueur les ecclésiastiques, pour en découvrir" et livrer les richesses. Les moines ne furent pas exempts de sa persécution. Il en fit 12 enrôler plusieurs pour les mener à la guerre. Quant aux autres chrétiens, il les exclut des charges et les maltraita en différentes manières, pour les obliger à sacrifier. On trouve une loi, dès le commencement de son règne, qui défend aux chrétiens d'apprendre les lettres humaines et d'étudier les auteurs païens, et interdit de recevoir dans les colléges ceux qui n'adoreraient pas les idoles. Le prétexte de 15 cette loi était que les chrétiens ne devaient chercher d'autre science que la simplicité de leur foi, les lettres humaines, qu'on appelait les lettres grecques, n'appartenant qu'à ceux qui suivaient la religion grecque, c'est-à-dire le paganisme. Mais 16 on présume que ce qui obligea Julien à la donner fut nonsculement pour empêcher les chrétiens de tirer avantage, contre les païens, de leurs livres et de les combattre par leurs propres armes, mais encore parce que l'apostat ne pouvait souffrir sans jalousie qu'il y eût, parmi les chrétiens, un grand nombre de personnes qui honoraient l'Église par leur science et leur éloquence, entre lesquels Sozomène 17 met Apollinaire, saint Basile et saint Grégoire

11 Sozomen., lib. V, cap. 5.

12 Rufin., in Vitis Patrum, cap. 7.

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13 Sozomen., lib. V, cap. 5; Gregor. Nazianz., Orat. 3, pag. 52.

1 Gregor. Nazianz., Orat. 3, pag. 52, 96.; Augustin., lib. XVIII de Civitate Dei, cap. 52.; Rufin., lib. X, cap. 32.

15 Gregor. Nazianz., Orat. 3, pag. 97.

16 Theodoret., lib. III, cap. 4.; Sozomen., lib. V,

cap. 18.. -17 Sozomen., ibid.

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son portrait.

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qu'ils s'en aperçussent. C'était la coutume d'exposer aux peuples les images des empereurs, afin qu'ils les révérassent. Julien 1 fit peindre, avec son portrait, les images des démons qu'il voulait faire adorer ; il ne doutait pas que les peuples ne donnassent dans le piége, et il était résolu de punir ceux qui refuseraient de rendre cet honneur aux démons, non comme chrétiens, mais comme criminels d'Etat. Les gouverneurs des provinces, chargés de l'exécution de ses ordres, traitaient avec cruauté les chrétiens qui refusaient de s'y soumettre. Julien le savait et en avait de la joie. Ainsi, sans avoir donné aucun édit public contre les chrétiens, il leur faisait souffrir une cruelle persécution. On voit même par ses lettres qu'il affectait de répandre partout que son intention était que les Galiléens, c'est ainsi qu'il nommait les chrétiens, fussent traités avec douceur. « J'ai résolu 3, dit-il, dans sa lettre à Écébole, d'user avec tous les Galiléens d'une telle humanité, qu'aucun d'eux, en quelque lieu que ce soit, ne souffre violence; qu'il ne soit ni traîné au temple, ni maltraité en aucune autre manière contre sa religion. » Et dans une autre à Artabion: «Par les dieux, je ne veux point qu'on fasse mourir les Galiléens, qu'on les frappe injustement, ni qu'on leur fasse souffrir aucun mal mais je suis d'avis qu'on leur préfère les serviteurs des dieux. »

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avaient coutume de distribuer de leurs mains des largesses aux troupes, leur donnant des pièces d'or, selon leur rang et leur mérite. Julien y ajouta une cérémonie extraordinaire il fit placer auprès de lui un autel avec des charbons ardents, et de l'encens sur une table, et ordonna que chacun mit de l'encens sur le feu avant de recevoir son or. On disait aux soldats que c'était simplement une ancienne cérémonie qu'on rétablissait. Quelques-uns ayant été avertis de ce qui devait se passer, évitèrent le piége en feignant d'être malades. D'autres, par intérêt ou par crainte, y tombèrent malheureusement. Il y en eut qui, plutôt que de jeter de l'encens sur le feu, refusèrent de l'argent du prince. La plupart ne s'apercevant point de l'artifice, firent ce qu'on demandait d'eux. Quelques-uns de ces derniers étant donc retournés chez eux et s'étant mis à table avec leurs compagnons, avant de boire, invoquérent à leur ordinaire le nom de JésusChrist, et firent le signe de la croix sur la coupe. Un de la compagnie s'en étonna et leur dit : « Qu'est-ce ceci? Vous invoquez Jésus-Christ après l'avoir renoncé.-Comment, répondirent les autres à demi-morts d'étonnement, que voulez-vous dire ?— Parce que, dit-il, vous avez mis de l'encens sur le feu. Aussitôt ils s'arrachèrent les cheveux, en jetant de grands cris, se levèrent de table et coururent dans la place transportés de zèle, en prenant Dieu et les hommes à témoins qu'ils étaient chrétiens, qu'ils n'avaient sacrifié que de la main, sans savoir ce qu'ils faisaient, mais que le cœur n'avait eu nulle part à ce sacrifice. Ils coururent jusqu'au palais, et jetant aux pieds de l'empereur l'or qu'ils avaient reçu, ils le supplièrent de les faire mourir par le feu, et protestèrent que, quelque supplice qu'on pût leur faire endu rer, ils ne changeraient jamais de sentiment. Julien, irrité de leur hardiesse, commanda qu'on leur coupât la tête. On les mena hors de la ville, et le peuple les suivit, admirant leur courage. Quand ils furent arrivés au lieu de l'exécution, le plus âgé de tous pria le bourreau de commencer par le plus jeune,

8 Fertur autem quosdam ex iis qui istud sceleris imprudentes admiserant, cum in convivio, ut fieri solet, sibi mutuo propinarent benevolentiæ testificandæ causa, Christum ad singula pocula nominasse. Sozomen., ibidem. Horum unus, sumpto poculo, non prius bibit quam salutare signum imprimeret. Theodoret., lib. III, cap. 13.

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Martyre de saint Cyrille en 362.

Martyre

Eusèbe,

de peur que le supplice des autres ne le décourageât. Ce jeune homme, nommé Romain, s'était déjà mis à genoux, et le bourreau tenait l'épée nue à la main, quand on vint annoncer la grâce et crier de loin de ne les pas exécuter. Le jeune soldat en fut pénétré de douleur et dit : « C'est que Romain n'était pas digne de porter le nom de martyr. » L'empereur, qui ne leur avait fait grâce de la vie qu'afin de ne leur pas donner la gloire du martyre, les bannit aux extrémités de l'empire, et leur défendit de demeurer dans les villes.

2. A Héliopolis, près du mont Liban, était un diacre nommé Cyrille, qui, du temps de Constantin, avait brisé plusieurs idoles . Les païens en avaient gardé un tel ressentiment, qu'ayant sous Julien la liberté de se venger, ils fendirent le ventre à Cyrille et mangèrent de son foie 2. La punition divine éclata sur tous ceux qui avaient pris part à cette inhumanité. Les dents leur tombèrent toutes à la fois; leur langue se corrompit, et ils perdirent la vue. En la mème ville, des vierges consacrées à Dieu, qui ne se laissaient voir à personne, furent produites en public dépouillées, exposées nues à la vue et aux insultes de tout le peuple. Les païens leur rasèrent la tête, leur ouvrirent le ventre et y jetèrent de l'orge qu'ils firent manger à des pourceaux, pour les engager à leur dévorer les entrailles avec le grain qui les couvrait. On croit que ce qui les anima d'une telle fureur contre ces vierges, c'est que Constantin leur avait défendu de prostituer leurs filles, comme ils avaient coutume, lorsqu'il y fit bâtir la première église, après avoir ruiné le temple de Vénus 5. A Dorostore en Thrace, c'est-à-dire en Mésie, comprise sous le gouvernement général de Thrace, Emilien fut jeté au feu par les soldats, sous le vicaire Capitolin, pour avoir renversé des autels.

3.A Gaze et à Ascalon en Palestine 6, on oudes saints vrit le ventre à des prètres et à des vierges, et, après y avoir mis de l'orge, on l'y fit manger à des pourceaux. A Gaze même,

Nestabe et Zenon en

362.

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trois frères, Eusèbe, Nestabe et Zénon, furent cruellement martyrisés 7. On les prit dans leurs maisons, où ils s'étaient cachés, on les mit en prison, on les fouetta 8. Ensuite le peuple, réuni au théâtre, cria que c'étaient des sacriléges qui avaient abusé de la licence des derniers temps, pour ruiner la religion. Ils s'excitèrent tellement par ces cris, que l'assemblée se tourna en sédition ; ils coururent à la prison pleins de fureur, en tirèrent les trois frères, commencèrent à les traîner, tantôt sur le ventre, tantôt sur le dos, les déchirant contre le pavé et les frappant de pierres, de bâtons et de tout ce qu'ils rencontraient. Les femmes mèmes, quittant leur ouvrage, les piquaient de leurs fuseaux : les cuisiniersqui étaient sur la place, prenaient leurs chaudières de dessus le feu et versaient sur eux l'eau bouillante, ou les perçaient de leurs broches. Après les avoir mis en pièces et leur avoir cassé la tête, en sorte que la cervelle était répandue par terre, ils les traînèrent hors de la ville, au lieu où l'on jetait les bêtes mortes. Ils y allumèrent du feu, les brûlèrent et mêlèrent les os qui restaient avec ceux des chameaux et des ânes, en sorte qu'il n'était pas aisé de les démêler. Il y eut néanmoins une femme qui les ramassa la nuit et qui les apporta à Zénon, parent des martyrs. Ce Zénon avait pensé être pris et tué avec eux. Mais tandis que le peuple était occupé à les massacrer, il trouva l'occasion de s'enfuir à Authédon, ville épiscopale, entre Gaze et Ascalon, sur la mer. Cette ville était aussi fort adonnée aux superstitions païennes; et comme il y fut reconnu pour chrétien, on le battit de verges cruellement, et on le chassa. Il se retira donc à Majume, qui était l'arsenal de Gaze, et y demeura caché. Ce fut là que les reliques des trois frères lui furent apportées. Il les conserva pour lors dans sa maison mais, étant devenu évêque de Majume, sous l'empereur Théodose, il les enterra auprès du confesseur Nestor, sous l'autel d'une église qu'il batit.

4. Nestor avait été pris avec Eusèbe, Nes- Martyre de

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