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en 362.

saint Nestor tabe et Zénon, et avait souffert comme eux la prison et les fouets; mais quand on le traina par la ville, le peuple en eut pitié à cause de sa beauté on le jeta hors des portes respirant encore, mais en apparence prêt à mourir. Quelques-uns l'enlevèrent et le portèrent chez Zénon, cousin des martyrs, où il mourut, comme on le pansait de ses blessures. Plusieurs autres chrétiens s'enfuirent par les villes et les bourgades, à l'occasion de cette persécution; de ce nombre fut saint Hilarion et les ancêtres de l'historien Sozomène, dans le mème pays de Gaze. Les habitants craignaient d'être punis de cette sédition, et l'on disait déjà que l'empereur, irrité, voulait les faire décimer, mais c'était un faux bruit. Julien ne leur fit pas même une réprimande, comme il avait fait aux habitants d'Alexandrie, à l'occasion du massacre de Georges. Au contraire, il priva de sa charge le gouverneur de la province et l'exila, prétendant lui faire grâce en lui donnant la vie; et cela, parce qu'il avait mis en prison les auteurs du meurtre et de la sédition, pour en faire justice, quoiqu'il eût aussi emprisonné un grand nombre de chrétiens. « Car, disait Julien, estce une si grande affaire qu'une troupe de Grecs ait tué dix Galiléens? »

Martyre

Macedo

dule et Tatien en 362.

5. A Mère ou Myre, ville épiscopale de des saints Phrygie, le gouverneur de la province, Amanius. Theo chius, commanda d'ouvrir le temple, d'en ôter les ordures, de nettoyer les idoles Les chrétiens en furent sensiblement affligés 3. Trois d'entre eux, Macédonius, Théodule et Tatien, transportés de zèle, se jetèrent de nuit dans le temple et brisèrent les idoles . Le gouverneur, extrêmement irrité, était prêt à faire mourir plusieurs personnes de la ville qui étaient innocentes, mais les auteurs de l'action se présentèrent d'eux-mêmes, ne voulant pas que d'autres mourussent pour eux. Le gouverneur leur offrit leur grâce, s'ils voulaient sacrifier: ils aimèrent mieux mourir, et il leur fit souffrir toutes sortes de tourments. On les mit enfin sur des grils, où, après avoir été quelque temps, ils dirent : « Amachius, si tu veux manger de la chair roție, fais-nous tourner de l'autre côté, de peur de ne nous trouver qu'à demi-cuits; » et ils finirent ainsi leur vie.

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en 362.

fins de la Phrygie, deux jeunes hommes dont Pessinonte, nous ne savons point le nom, souffrirent le martyre en présence de Julien même. L'un d'eux, après avoir insulté la mère des dieux et renversé ses autels, fut emmené devant l'empereur, comme criminel. Mais il entra dans le palais comme en triomphe. Les discours et la pourpre de Julien lui parurent ridicules, et il sortit avec la même liberté que les autres sortent d'un repas magnifique. L'autre se voyant tout déchiré de coups de fouets, en sorte qu'on lui voyait les entrailles et qu'il ne conservait plus qu'un souffle de vie, montra aux bourreaux sa jambe, que les ongles de fer n'avaient point sillonnée, se plaignant qu'ils n'y eussent pas fait les mêmes blessures qu'ils avaient faites à tout son corps. Enfin tous deux furent exposés aux bètes et au feu, et souffrirent le martyre avec leur mère et l'évêque de la ville.

ARTICLE II.

LES ACTES DU MARTYRE DE SAINT BASILE, PRÊTRE D'ANCYRE; DE SAINT EUPSYQUE, DE SAINT THÉODORE ET DE PUBLIE.

1. Il y avait à Ancyre, capitale de Galatie, un prêtre nommé Basile, comme l'évèque du lieu, uniquement occupé à prècher et défendre les vérités de la religion chrétienne, et à retirer de l'erreur ceux qui y étaient engagés. Sous le règne de Constantius, il avait résisté avec tant de vigueur aux ariens, qu'Eudoxe et ceux de son parti dans le concile de Constantinople, lui défendirent de tenir les assemblées ecclésiastiques'. Au contraire, deux cent trente évèques assemblés dans la Palestine, l'exhortèrent de continuer à exercer son zèle pour la religion, et il suivit leur conseil. Ii allait donc, et même depuis que Julien avait apostasié, exhorter publiquement les chrétiens, par toute la ville d'Ancyre, à demeurer fermes, sans se souiller par les sacrifices et les libations des païens. Ceux-ci en furent extremement irrités, et un d'eux nommé Macaire, s'étant saisi de lui, lui fit des reproches de ce qu'il courait partout pour détruire le culte des dieux, heureusement rétabli par l'empereur. Basile répondit que ce n'était point lui, mais Dieu, qui avait dissipé les erreurs du paganisme, par Jésus-Christ.

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5 Ex

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Alors les païens le prirent et le menèrent au gouverneur de la province, nommé Saturnin, en l'accusant de sédition, d'avoir induit un grand nombre de personnes dans l'erreur, renversé des autels et dit des injures à l'empereur. Le gouverneur l'interrogea sur tous ces chefs, et le trouvant ferme dans la foi, le fit suspendre et déchirer jusqu'à lasser les bourreaux; puis, voyant que les tourments ne pouvaient l'obliger à sacrifier, il l'envoya en prison. Cependant il en donna avis à l'empereur, qui n'était pas à Ancyre. Il envoya le comte Elpidius, qui avait renoncé au christianisme par complaisance pour lui, à Pégase, aussi apostat. En passant par Nicomédie, ils engagèrent Asclepius à venir avec eux à Ancyre, pour essayer d'ébranler la constance de Basile. Pégase alla le trouver en prison; mais il en revint tout affligé, n'ayant pu rien gagner sur son esprit. Elpidius donc et Asclépius le présentèrent de nouveau au gouverneur qui, le voyant intrépide, le fit encore tourmenter, et ensuite renvoyer en prison chargé de chaînes. Julien vint quelque temps après à Ancyre: les sacrificateurs allèrent au-devant de lui, portant avec eux l'idole d'Hécate; et, quand il fut entré dans le palais, il les assembla et leur distribua de l'argent. Le lendemain, Elpidius lui fit son rapport touchant Basile. Julien se l'étant fait amener au palais, lui demanda son nom. « Je vais vous l'apprendre, répondit Basile: premièrement, je m'appelle chrétien: il est glorieux de porter ce nom, qui est au-dessus de toutes les pensées humaines; car le nom de JésusChrist est un nom éternel 1. En second lieu, je porte le nom de Basile, et c'est ainsi qu'on m'appelle dans le monde. Si je conserve sans tache le nom de Jésus-Christ, je recevrai de lui pour récompense l'immortalité bienheureuse. Ne vous laissez pas aller à l'erreur, dit Julien, j'ai quelque connaissance de vos mystères celui en qui vous croyez est mort sous le gouvernement de Pilate. Je ne suis point dans l'erreur, repartit Basile, c'est vous-même, vous qui avez renoncé à Jésus-Christ dans le moment qu'il vous donnait l'empire: mais je vous avertis qu'il vous l'òtera dans peu avec la vie, et vous connaîtrez alors quel est le Dieu que vous avez of

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1 Christi nomen æternum est et humanas cogitationes supergreditur... Si autem Christi nomen intemeratum servavero, recipiam ab eo in die judicii immortalitatis mercedem. Ruinart., Acta sinc. Martyr., p.584.

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fensé. » Comme Julien le traitait de fou et de faux prophète, Basile ajouta : « Comme vous avez perdu la mémoire de ses bienfaits, il ne se souviendra plus de vous que pour vous punir. Vous n'avez eu aucun respect pour ses autels : vous avez violé sa loi, cette loi que vous avez tant de fois annoncée au peuple, en qualité de lecteur. C'est pourquoi il vous ôtera votre empire au plus tôt, et votre corps restera sans sépulture, après que votre âme en sera sortie, par l'effort des plus violentes douleurs.- Mon dessein, lui dit Julien, était de te renvoyer, mais l'impudence avec laquelle tu rejettes mes conseils et me dis des injures, m'oblige à te maltraiter. » Il laissa au comte nommé Frumentin, qui était chef des écuyers, le soin de le tourmenter, marquant lui-même le genre de supplice. Chaque jour on levait sur le corps de Basile sept aiguillettes de chair. Basile, après ces cruelles incisions, témoigna le désir de voir et de parler à l'empereur. Frumentin, ravi de joie et s'imaginant que Basile était enfin résolu de sacrifier aux dieux, en donna aussitôt avis à Julien, qui se fit amener Basile au temple d'Esculape. Dès qu'il fut devant l'empereur : « Où sont, lui dit-il, vos sacrificateurs et vos devins? Vous ont-ils dit ce qui m'a fait vous demander audience? --- J'ai cru, répondit Julien, que c'était pour m'assurer que vous étiez prêt à reconnaître les dieux. Ceux que vous appelez dieux, lui dit Basile, ne sont que des idoles sourdes et aveugles.» En disant cela, il prit un morceau de la chair qu'on lui avait coupé ce jour-là, et le jetant au visage de Julien « Tiens, Julien, lui dit-il, mange de cela, puisque tu l'aimes si fort. Je te déclare, au reste, que la mort est pour moi un gain, que c'est pour Jésus-Christ que je souffre, que je crois en lui, qu'il est mon aide. »

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Les Actes

sile sont sinceres.

heureusement sa course, de persévérer dans la foi de ses pères et de mériter, par cette persévérance, un royaume éternel. Le soir étant venu, Basile fut remis en prison. Julien partit le lendemain matin pour Antioche, sans voir le comte. Cet officier,craignant pour sa fortune et pour sa personne, n'oublia rien pour obliger Basile à se soumettre aux volontés de Julien. Mais, n'ayant pu vaincre sa constance, il lui fit enfoncer par tout le corps des pointes de fer rougies au feu. Tandis qu'on le perçait ainsi, il priait à haute voix : « Jésus-Christ', ma lumière et mon espérance, Seigneur Dieu de mes pères, qui avez retiré mon âme de ce séjour de mort, ne permettez pas que je profane le nom sacré que je porte, afin que, remportant la victoire et achevant ma carrière, j'entre en possession du repos éternel. » En finissant cette prière il expira, comme par un doux sommeil, le 28 juin de l'an 362.

3. Sozomène raconte le martyre de saint de saint Ba- Basile avec les principales circonstances que nous venons de décrire ; mais il ne dit rien de ce qui se passa entre le Saint et l'empereur, sa coutume n'étant point de rapporter en entier les Actes des martyrs dont il parle dans son Histoire. Les harangues que nous lisons dans ceux de saint Basile paraissent un peu longues et trop étudiées, de mème que ses prières : mais il faut remarquer que le Saint était prêtre, et apparemment accoutumé à parler. Il se peut faire aussi que l'auteur des Actes ait mis en sa manière ce qu'il avait ouï dire au martyr.L'histoire n'en serait pas pour cela moins assurée; elle s'accorde fort bien avec ce que nous savons de Julien; et le style, quoiqu'obscur et embarrassé, ce qui vient peut-être de la faute du traducteur ou des copistes, a un air d'antiquité et de vérité. Ce que le Saint y prédit à Julien, que son corps resterait sans sépulture et serait foulé aux pieds 5, pourrait faire quelque peine, puisqu'il est certain que le corps de ce prince fut enterré à Tharse ; mais saint

fici æterni et immortalis regni. Ibidem, pag. 585. 1 Lumen meum Christe et spes mea Jesu... Domine, Deus patrum meorum, qui eruisti animam meam ex inferno inferiori, custodi in me nomen tuum inviolabile, ut victoriam referens æternæ quietis hæres efficiar. Ibid., pag. 586. * Sozomen., lib. V, cap. 11. 3 Corpus tuum sepultura privabitur. Ruinart., Acta sinc. Martyr., pag. 385.

Ammian. Marcell., lib. XXV, pag. 305, et Zozim., lib. III, pag. 733.

* Impium illum et sacrilegum ad Persas vis numi

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Grégoire de Nazianze dit qu'on lui avait raconté que la terre, que les crimes de cet apostat avaient fait trembler, rejeta impétueusement son cadavre: ainsi la prophétie du saint martyr aura été accomplie.

4. Dans le même temps, un homme de qualité nommé Eupsyque, natif de Césarée en Cappadoce, et qui était marié depuis très-peu de jours, couronna sa vie par le martyre. Sozomène croit qu'il fut mis à mort à cause du temple de la Fortune publique, dont la démolition mit l'empereur en grande colère contre tous les habitants de Césarée. Ceux qu'il en crut auteurs furent condamnés à la mort ou à l'exil. Julien haïssait les habitants de Césarée, tant parce qu'ils étaient affectionnés à la religion chrétienne, que parce qu'autrefois ils avaient démoli deux temples, l'un de Jupiter, dieu tutélaire de la ville; l'autre d'Apollon; et ce furent là les motifs. qui le portèrent à dépouiller Césarée de la dignité de ville, et à lui ôter le nom de Césarée, qui lui avait été donné sous le règne de l'empereur Claude. Auparavant elle se nommait Mazaca. Il ôta aux églises de la ville et de son territoire tout ce qu'elles possédaient en meubles et en immeubles, avec ordre d'en porter trois cents livres d'or au trésor public; fit enrôler tous les ecclésiastiques entre les bas officiers, ministres de la justice, sous le gouverneur de la province, et taxa les laïques pour payer tribut comme dans les villages; menaça les chrétiens de ne cesser de les maltraiter, s'ils ne rétablissaient le temple de la Fortune, et blåma fort les païens de ne s'être pas exposés à toutes sortes de dangers pour en empêcher la démolition.

5. Julien donna à Antioche une autre marque de sa légèreté et de sa bassesse d'âme 6. Il y avait au bourg de Daphné, à quarante stades de cette ville, une fontaine appelée Castalie, qui, à ce que l'on prétendait, donnait la connaissance de l'avenir et produisait un effet semblable à celle de Delphes". On dit qu'Adrien y apprit qu'il devait régner, et

nis ultrix ablegat, illicque causam disceptat: et quem magnificum et honoris cupiditate flagrantem transmiserat, eumdem mortuum reducit, ne miseratione quidem quemquam permoventem: immo ut mihi quispiam narravit nec ad sepulturam assumptum : sed a terra quæ propter illius scelus tremore affecta fuerat, excussum, æstuque vehementi projectum. Gregor. Nazianz., Orat. 21, pag. 394.

6 Ex Theodoret., lib. III, cap. 6 et 8. 7 Sozomen., lib. V, cap. 19.

8 Rufin., lib. II, cap. 35.

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qu'ayant trempé une feuille de laurier dans l'eau, il lut dessus ce qui devait lui arriver 1, mais que, dans la crainte qu'un autre n'en tirat la moindre conséquence, il fit fermer la fontaine. Ce lieu était encore célèbre par un temple dédié à Apollon. Le César Gallus, frère de Julien, voulant sanctifier un endroit si profane, y avait fait apporter, onze ans auparavant, le corps de saint Babylas, autrefois évêque d'Antioche, et martyr dans la persé cution de Dèce; et depuis ce temps-là l'oracle ne parlait plus. Julien, qui avait tenté de recevoir quelque réponse d'Apollon, et qui n'en avait point reçu, quoiqu'il n'eût épargné ni les libations ni les victimes, en demanda la raison aux prètres du démon, qui répondirent qu'Apollon ne pouvait plus rendre d'oracles, parce que le lieu était plein de corps. Julien jugea bien que, quoiqu'il y eût quantité de corps enterrés à Daphné, son dieu ne se plaignait que de celui de saint Babylas. Il commanda donc aux chrétiens d'enlever son cercueil et de le transporter ailleurs. Ils y vinrent en foule, de tout âge et de tout sexe, et ayant mis le coffre sur un chariot, ils le transportèrent à Antioche. Ils regardaient cette translation comme un triomphe du martyr vainqueur des démons, et témoignaient leur joie en chantant des psaumes pour se soulager, disaient-ils, de la fatigue d'un si long che min. Ceux qui savaient le mieux chanter commençaient, et tout le peuple répondait, répétant à chaque verset ces paroles Que tous ceux-là soient confondus qui adorent les statues et qui se glorifient en leurs idoles; leurs voix s'élevaient jusqu'au ciel. L'empereur, extrêmement irrité de ces chants et de cette pompe, résolut d'en punir les chrétiens. Salluste, préfet du prétoire d'Orient, autre que celui des Gaules, tout païen qu'il était, n'en fut pas d'avis et représenta à l'empereur qu'il leur donnerait la gloire du martyre. Mais Julien s'opiniȧtra; et, pour lui obéir, Salluste, dès le lendemain, fit prendre et mettre en prison plusieurs chrétiens. Le premier dont il se saisit fut un jeune homme nommé Théodore. Il le fit tourmenter depuis le matin jusqu'au soir, par plusieurs bourreaux tour à

1 Acta sinc. Martyr., pag. 587.

2 Tunc Theodorum ipsi nos postmodum apud Antiochiam vidimus, et cum requireremus ab eo si sensum doloris habuisset, ex integro dicebat: dolores se quidem parum sensisse, adstitisse autem quemdam juvenem, qui subdenti sibi linteo candidissimo et sudores extergeret, et aquam frigidam frequenter infunderet,

tour, avec tant de cruauté, qu'on ne croyait pas qu'il se fut jamais rien vu de semblable. Tantot on lui mettait le dos en pièces à coups de fouets, tantôt on lui déchirait les côtes avec des ongles de fer. Cependant Théodore, attaché au chevalet avec deux bourreaux à ses côtés, ne faisait que répéter, d'un visage tranquille et gai, le psaume que l'Église avait chanté le jour précédent. Salluste, voyant qu'il n'avançait rien par les tourments, le renvoya en prison chargé de chaînes; dès le lendemain, il alla rendre compte à Julien de ce qu'il avait fait et de la constance que Théodore avait fait paraître au milieu des supplices, l'assurant que plus il persécuterait les chrétiens, plus il augmenterait leur triomphe et la honte de ceux qui adoraient les dieux. Julien le crut et fit sortir de prison Théodore,avec tous les autres qu'on avait arrêtés avec lui. Théodore vécut encore longtemps depnis, et Rufin dit l'avoir vu lui-même à Antioche. Comme il s'entretenait avec lui des tourments qu'on lui avait fait souffrir, il lui demanda s'il en avait senti toute la violence. Théodore lui répondit qu'il en avait un peu senti d'abord, mais qu'un jeune homme qui était auprès de lui essuyait toutes ses sueurs avec un linge très-blanc et lui jetait souvent de l'eau fraiche, ce qui lui causait tant de joie, qu'il fut plus triste quand on l'eut détaché du chevalet. Théodoret et Sozomène racontent le même fait; et il est visible que c'est de Théodore dont saint Augustin parle dans un de ses chapitres de la Cité de Dieu, lorsqu'il dit que Julien était près de persécuter ouvertement les chrétiens à Antioche, s'il n'en eût été détourné par la constance d'un jeune homme aussi généreux que fidèle, qui, ayant été tourmenté le premier d'entre un grand nombre de chrétiens arrêtés pour être mis à la question, souffrit tout un jour les tortures avec tant de gaieté et de liberté d'esprit, qu'elles ne l'empêchaient point de chanter.

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Les Actes

de sant Théodoret sont sincè

res.

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longtemps le premier des prêtres de l'Église d'Antioche, et qui eut souvent des suffrages pour eu être élu évêque 1; mais il évita toujours cette charge. Publie, à qui Théodoret donne le titre de diaconesse, gouvernait une communauté de vierges qui faisaient profession de chasteté perpétuelle, avec lesquelles elle chantait les louanges de Dieu. Quand l'empereur passait, elles élevaient leurs voix. toutes ensemble et chantaient principalement les psaumes qui font ressortir la faiblesse des idoles, comme celui-ci : Les idoles des Gentils sont or et argent, ouvrages des mains des hommes; puissent leur ressembler ceux qui les font et qui se confient en elles ! Julien, fort irrité, commanda à ces filles de se taire dans le temps qu'il passerait. Publie, méprisant la défense, les encouragea et leur fit chanter, comme il passait une autre fois : Que Dieu se lève, et que ses ennemis se dissipent. Julien, en colère, se fit amener Publie, et, sans respect pour son grand âge ni pour sa vertu, il lui fit donner, par un de ses gardes, des soufflets des deux côtés, qui lui rougirent les joues. Elle le tint à grand honneur, et, retournant à sa chambre, elle continua ses cantiques spirituels, combattant Julien par ses chants sacrés, comme David avait combattu le démon dans Saul. L'Église honore sainte Publie le 9 d'octobre.

ARTICLE III.

LES ACTES DU MARTYRE DE SAINT THÉODORET.

1. Nous les avons tout entiers dans les du martyre Analectes de D. Mabillon, et parmi les Actes sincères des Martyrs donnés par D. Ruinart. Leur conformité avec ce que nous lisons du martyre de ce Saint dans Sozomène, et la simplicité de leur style, ne nous laissent aucun lieu de douter qu'ils ne soient authentiques et tirés des originaux. Il y a néanmoins quelques difficultés, mais elles sont peu considérables et viennent, pour la plupart, de la faute des copistes, et Dom Ruinart a eu soin de les corriger sur divers manuscrits. L'auteur des Actes ajoute au récit du martyre

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de saint Théodoret, plusieurs circonstances de la vie de Julien, qui ne se trouvent pas ailleurs. Comme il était un des officiers mêmes du palais de Julien 5, il devait être mieux informé qu'un autre de la vie de ce prince et de ce qui s'était passé sous son règne.

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8

Analyse des Actes de

doret.

2. Il nous apprend que le comte Julien, à qui l'empereur, son neveu, avait donné le saint Théogouvernement d'Orient, ayant eu avis qu'il y avait beaucoup d'or et d'argent dans le trésor de l'église d'Antioche, y vint lui-même pour s'en emparer et exécuter l'ordre que l'empereur avait donné aussitôt après l'incendie du temple de Daphné, de porter les richesses de l'église dans son trésor. Théodore ou Théodoret, prêtre d'Antioche, avait la garde des vases sacrés, non de la grande église, qui était occupée par Cazoïus et les ariens, mais de quelqu'autre qui servait aux orthodoxes de la communion de saint Mélèce, ou de celle des eustatiens. Dès le temps de Constantius, il avait signalé son zèle en båtissant des églises et des basiliques en l'honneur des martyrs, en détruisant les idoles et les autels des démons et sous Julien, quoique le comte, son oncle, eût fermé l'église de Dieu et chassé tous les clercs de la ville d'Antioche, Théodoret y était resté seul et y rassemblait divers chrétiens, avec qui il célébrait la collecte, offrant à Dieu des prières et des sacrifices. Le comte Julien, l'ayant su, le fit arrêter et amener devant lui, les mains liées derrière le dos. Il lui fit d'abord un crime du zèle qu'il avait témoigné, sous le règne précédent, pour Jésus-Christ et pour ses martyrs, et l'exhorta à en demander pardon. Théodoret avoua qu'il avait bâti des temples au Dieu vivant et des églises sur les tombeaux des martyrs, et ajouta que Constantius ne l'en avait point empêcné: mais il reprocha au comte d'être devenu en un moment, après avoir été adorateur de JésusChrist, prévaricateur et le défenseur des démons. Le comte, irrité de sa liberté, le fit battre sous la plante des pieds; voyant qu'il continuait à lui reprocher son apostasie (car il avait été chrétien), il lui fit donner des soufflets. On l'attacha ensuite à quatre pieux

in Persida fuimus, licet peccatores servi Dei, hæc quæ gesta sunt circa famulum Dei Theodoritum decima calendas aprilis, vera narratione conscripsimus. Acta Theodoret., pag. 592, apud Ruinart.

6 Acta sinc. Martyr., pag. 588.

7 Theodoret., lib. II, cap. 8.

s Acta Theodoret., pag. 589, apud Ruinart.

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