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Suite des Actes de

doret,

fort éloignés les uns des autres, et, par le moyen de quatre roues placées à une égale distance, on lui étendit les bras et les jambes avec tant de violence, qu'il paraissait avoir huit pieds de longueur. Alors le comte Julien lui dit : « Eh bien, Théodoret, cela faitil mal? sacrifie, et tu vivras. » Théodoret lui répondit, avec une voix forte, un visage gai, « que les ouvrages de la main des hommes ne pouvaient être des dieux, » et l'exhorta à reconnaître le vrai Dieu, et Jésus-Christ son Fils, qui a créé le ciel et la terre, et qui nous a rachetés de son sang précieux. «Quoi, dit le comte, cet homme qui a été crucifié, qui est mort et a été enseveli, a créé le ciel et la terre?-Oui, répondit Théodoret, cet homme qui a été crucifié, qui est mort, qui a été enseveli, je dis qu'il a créé toutes choses, qu'il est le Verbe et la sagesse du Père. »

3. Le comte le pressa d'obéir aux ordres Saint Théo de l'empereur; mais, voyant qu'au lieu de se soumettre à ses volontés, il le traitait de tyran et d'être le plus misérable de tous les hommes,il ordonna qu'on tourmentât le martyr. Comme le sang commençait à couler de ses plaies avec abondance, le comte lui dit : « Sacrifie maintenant aux dieux. » Théodoret répondit qu'il n'en connaissait qu'un seul, qui a fait le ciel et la terre, et les hommes mêmes. a Je vois bien, dit le comte, que tu ne sens pas assez les tourments. Je ne les sens pas, repartit Théodoret, parce que Dieu est avec moi. On m'a dit, reprit le comte, que tu étais redevable d'une somme considérable, et que, te voyant insolvable, tu es bien aise de mourir pour ne point acquitter tes dettes: sacrifie aux dieux, je demanderai ta décharge à l'empereur. » Théodoret répondit: «Que votre or et votre argent périssent avec vous. Je ne dois rien qu'à Dieu seul, à qui je tâche d'offrir une conscience pure, afin d'obtenir l'effet de ses promesses. » Le comte fit redoubler les tourments et appliquer deux flambeaux allumés aux côtés du martyr, qui, pendant que la flamme agissait sur sa chair et la faisait fondre peu à peu, priait en cette sorte, les yeux élevés au ciel : « Dieu tout-puissant, créateur du ciel et de la terre,et de tout ce qu'ils contiennent, Sauveur du monde, daignez fortifier dans votre servi

1 Crucifixum, mortuum et sepultum, pro nostra salute ipsum prædico resurrexisse a mortuis, per quem facta sunt omnia, qui est Verbum et sapientia Patris. Ibidem.

teur qui souffre pour vous, l'espérance qu'il a en vos promesses; faites sentir aux méchants votre pouvoir; qu'ils connaissent que si vous n'avez que des gràces pour ceux qui vous sont fidèles, vous n'avez que des supplices pour ceux qui vous manquent de fidélité. Que votre nom soit glorifié dans tous les siècles. A ces mots, les bourreaux tombèrent le visage contre terre. Le comte en fut d'abord effrayé; mais ayant fait ensuite relever les bourreaux, il leur ordonna d'approcher une seconde fois leurs flambeaux aux côtés du martyr. Ils le refusèrent, déclarant que ce qui les avait fait tomber, c'est qu'ils avaient vu quatre anges habillés de blanc, qui parlaient à Théodoret 2. Le comte, en colère, commanda qu'on les jetât dans l'eau. Comme on les emmenait, Théodoret leur dit: a Allez, mes frères, avant moi trouver le Seigneur je vous suivrai lorsqu'il m'aura fait remporter la victoire sur l'ennemi. » Le comte dit: Quel est cet ennemi et qui est celui qui te donnera la victoire?» Théodoret répondit: « L'ennemi est le démon, pour qui vous combattez, et Jésus-Christ, le Sauveur du monde, est celui qui donne la couronne de la victoire. » Le comte, voulant encore blasphemer contre Jésus-Christ, Théodoret, pour l'édification des fidèles qui étaient présents, expliqua en peu de mots le mystère de l'Incarnation, et dit : « Dieu qui a créé toutes choses par son Verbe, touché de l'état déplorable où l'idolatrie avait réduit les hommes, a bien voulu envoyer ce même Verbe pour se revêtir de la nature humaine, dans le sein d'une Vierge; et ce Dieu (fait homme) a souffert volontairement, et par ses souffrances nous a mérité le salut. »

le

Il soufr martyre

de l'an 3.

4. Le comte le menaça de la mort, s'il persistait dans le refus de sacrifier. Théodoret le 23 cre répondit qu'il ne souhaitait rien tant que de consommer sa course, et ajouta : « Pour vous, Julien, vous mourrez dans votre lit, au milieu des douleurs les plus aiguës, et votre tyran, qui espère vaincre les Perses, sera vaincu lui-même une main inconnue lui ôtera la vie, et il ne reviendra plus dans les terres des Romains. » Le comte craignant qu'il ne lui fit des prédictions encore plus funestes, le condamna à perdre la tête. Le

Adon rapporte ce miracle et un abrégé des circonstances du martyre de saint Théodoret, au 23 octobre, dans son Martyrologe.

Saint reçut cette sentence avec actions de grâces, et consomma son martyre le 23 octobre de l'an 362, un jour après l'embrasement du temple de Daphné. Le comte, de retour chez lui, passa une mauvaise nuit. Le lendemain, il fit rapport à l'empereur de la quantité d'or et d'argent qu'il avait tirée de l'église d'Antioche, et des tourments qu'il avait fait souffrir à Théodoret. L'empereur ne put s'empêcher de lui témoigner qu'il désapprouvait ces violences, disant qu'il travaillait, en effet,à abolir la secte des Galiléens, mais qu'il n'employait pour cela que le raisonnement et la persuasion, sans qu'on l'eût jamais vu encore avoir recours à la force. A ces paroles, le comte demeura interdit et comme mort: il ne laissa pas de suivre l'empereur au temple et de goûter un peu des oiseaux offerts aux idoles. Mais aussitôt que le sacrifice fut achevé, il se retira dans son palais, et l'âme toute agitée du remords de son crime et de la crainte d'être disgracié, il ne voulut rien prendre. Le soir il se trouva attaqué d'une douleur violente dans l'estomac et dans les intestins. Ce qu'il avait mange dans le temple lui avait mis le foie en pièces, et il en jetait de temps en temps des morceaux par la bouche. Le mal augmentant, il envoya prier l'empereur de faire ouvrir les églises. « Je ne les ai point fait fermer, répondit l'empereur, je ne les ferai point ouvrir 1. » Le malheureux comte expira rongé de vers, après avoir souffert des douleurs incroyables, selon la prédiction de saint Théodoret. Lorsqu'on annonça à l'empereur la mort de son oncle, il dit : « Il avait manqué de fidélité aux dieux, les dieux se sont vengés. >> On vit encore l'accomplissement de la prédiction du martyr à l'égard de l'empereur. Un jour que ce prince avait remporté quelque avantage sur les Perses, il se vit tout-à-coup sur les bras de nouvelles troupes, toutes composées d'anges: ne sachant ce que c'était, il fit sonner la charge. Mais, dans le mo

1 Ammien dit que l'empereur Julien, irrité de l'incendie du temple de Daphné, fit fermer la grande porte de l'église d'Antioche. Ammian., lib. XXII, pag. 225 et 226. Nous lisons la même chose dans Théodoret, lib. III, cap. 8; mais il n'avait point fait fermer les autres églises de la ville; c'était le comte Julien, son oncle et c'est de ces églises particulières dont il est parlé ici.

2 Subito veniens sagitta de aere percussit eum in mamilla. Cumque sanguis efflueret, aspiciens putavit se Dominum Jesum videre, implens manum suam de sanguine jactavit in aera, dicens : « Usque in agonem,

sure,

ment, il se sentit frappé d'une flèche qui, par le milieu de l'air, vint lui percer le flanc. Alors, s'imaginant voir Jésus-Christ', il remplit sa main du sang qui coulait de sa bles et le jetant contre le ciel, il s'écria: « Quoi, tu me poursuis jusqu'ici, Galiléen; mais je t'y renonce encore: rassasie-toi de mon sang, Christ, et glorifie - toi de m'avoir vaincu. On l'emporta dans une bourgade voisine, où il mourut quelques heures après, le 26 juin de l'an 363.

ARTICLE IV.

LES ACTES DU MARTYRE DES SAINTS BONOSE ET MAXIMILIEN, SOLDATS ROMAINS DE LA LÉGION HERCULIENNE.

Les Actes du martyre des saints Bonose et sont sincères.

1. Dom Ruinart a tiré ces Actes d'un manuscrit de l'abbaye de Sauve-Majoure, au diocèse de Bordeaux, et leur a donné place Maximilien parmi les monuments authentiques de l'antiquité. Ils ont, en effet, beaucoup de caractères de vérité. Le style en est simple et naturel, les faits bien circonstanciés, et on y rencontre plusieurs particularités touchant le préfet Second, le prince Hormisdas, l'évèque Mélèce, et la femme du comte Julien, qui ne peuvent venir que d'un auteur contemporain, et qu'un faussaire n'aurait pu savoir. Ce qui y est rapporté de la femme du comte Julien, se lit dans Théodoret, qui, apparemment, l'avait tiré de ces Actes. Il n'y a rien, dans tout le reste, qui ne puisse s'accorder avec l'histoire du temps; tout ce qui y peut faire peine, ce sont les miracles que l'on y trouve en plus grand nombre que dans les autres Actes des martyrs; et quelques-uns sont des plus extraordinaires. Mais ils peuvent y avoir été ajoutés après coup; et cela paraît d'autant plus vraisemblable, que l'auteur n'a pas même su les rapporter d'une manière intelligible car on ne sait ce qu'il veut dire, lorsqu'il raconte que le comte Julien, s'étant fait apporter de la chaux vive, la fit éteindre

4

Galilæe, me persequeris? etiam hic te negabo. Satia te de cætero, Christe, qui superasti me. » Acta Theodoret., apud Ruinart., pag. 592. Theodoret., lib. III, cap. 20; Sozomen., lib. VI, c. 2, rapportent la mort de Julien à peu près de la même manière. Mais Philostorge, page 105, dit qu'il s'adressa au soleil, qu'il regardait comme son grand dieu, l'accusant d'avoir favorisé les Perses contre lui. Il ajoute qu'il blasphéma aussi tous les dieux, les appelant traîtres et

méchants.

3 Theodoret., lib. III, cap. 9. ✦ Acta sinc. Martyr., pag, 595.

Analyse de ces Actes.

tyrs sont

plonges dans une chaudière de poix

sur les martyrs; que cette chaux s'éteignit effectivement sur eux, et qu'ils n'en reçurent aucun mal. Le miracle des flambeaux qui éclairaient la prison, et qu'on ne put jamais éteindre, ne sent pas moins l'imposture. On a des exemples de prisons illuminées miraculeusement, mais il n'arrivait rien de semblable; et on ne voit, dans aucun monument authentique, que des hommes se soient mis en devoir de dissiper ces clartés miraculeuses. Voici quelle fut l'occasion du martyre de saint Bonose.

2. L'empereur avait fait ôter du Labarum Les mar la croix et le nom de Jésus-Christ, que Constantin y avait mis, et l'avait orné d'idoles, comme il était auparavant sous les empereurs bouillante. païens. Il parait que chaque compagnie avait un Labarum, mais il y en avait un principal dans chaque armée. Le comte Julien, s'étant aperçu que Bonose et Maximilien, qualifiés soldats de la légion herculienne dans les Actes, mais qui avaient apparemment quelque emploi considérable dans cette légion, n'avaient point changé le signe du Labarum, leur ordonna de le changer et d'adorer les dieux que lui et l'empereur adoraient. Bonose et Maximilien refusèrent de faire l'un et l'autre, disant qu'ils étaient prêts à tout endurer pour le nom de Jésus-Christ, et qu'ils voulaient garder la loi qu'ils avaient reçue de leurs pères. Le comte Julien dit : « J'ai un ordre particulier de vous faire tourmenter et de vous faire périr par le feu. » Bonose répondit: « Vous ne nous intimiderez pas facilement. » Le comte lui fit donner plus de trois cents coups de lanières plombées. Mais Bonose ne fit que sourire, sans rien répondre à ses interrogations. « Que dites-vous done? >> continua le comte. Bonose répondit : « Nous n'adorons que le seul Dieu vivant. A l'égard des autres dieux, nous ne savons qui ils sont. » Le comte fit ensuite approcher Maximilien et lui ordonna de changer le signe de l'étendard et d'adorer les dieux. Maximilien répondit : « Que vos dieux vous enten

1 Act. XII, 7.

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2 Ces deux raisons alléguées par l'auteur ne paraissent pas péremptoires. Voyez Honoré de SainteMarie, tom. II, diss. 4, pag. 35. (L'éditeur.)

3 Acta sinc. Martyr., pag. 593.

4 Euseb., lib. I de Vita Const., cap. 31.

Juste accepi potestatem ut torqueam vos et flammis exuram. Ruinart., Acta sinc. Martyr., pag. 593. Julien, comme nous l'avons vu dans les Actes de saint Théodoret, avait trouvé mauvais que le comte, soa oncle, eût fait mourir ce martyr, et lui défendit de

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en prison; le prince Hormidas

siter.

dent auparavant, et qu'ils vous parlent, et puis nous les adorerons. Vous savez vousmème qu'il nous est défendu d'adorer des idoles sourdes, muettes et insensibles. » Le comte les fit attacher tous deux et battre jusqu'à trois fois de balles de plomb; mais ils n'en sentaient point la douleur. Il les fit enfoncer dans une chaudière pleine de poix bouillante, dont ils ne ressentirent non plus aucun mal, en sorte que les Juifs et les Gentils qui les voyaient prier tranquillement, disaient qu'ils étaient magiciens. Second, préfet d'Orient, averti du prodige, accourut pour en être témoin, et, pour mieux s'en assurer, il fit jeter des prêtres des faux dieux dans la chaudière, afin de voir s'ils en sortiraient sains et saufs, comme les martyrs. Mais, dans un instant,leur chair fut séparée de leurs os. 3. Après une expérience si singulière, le s sont mis comte Julien renvoya Bonose et Maximilien. en prison, où il les retint pendant sept jours, les vient vine leur donnant que du pain marqué de son sceau, où était apparemment gravée la figure de quelque divinité païenne; ce qu'il faisait pour les surprendre et les engager à leur insu dans l'idolatrie. Mais les Saints n'en voulurent point manger; et Dieu pourvut à leur subsistance. Le prince Hormisdas qui, après s'être retiré chez les Romains, avait passé environ quarante ans à la cour de Constantin et de Constantius, et avait embrassé la religion chrétienne, visita les martyrs en prison et se recommanda à leurs prières. Il était frère de Sapor, roi des Perses, et cette qualité, jointe à l'avantage que Julien en espérait tirer dans la guerre contre les Perses, pouvait bien lui conserver le libre exercice de la religion chrétienne. Le comte se fit amener Bonose et Maximilien en une seconde et troisième audience, les menaçant tantôt des bêtes, tantôt du feu. Ils répondirent que Dieu pouvait les délivrer de ses mains, s'il voulait ; qu'ils ne craignaient point ses menaces, puisqu'ils avaient en eux Dieu le Père, et Jésus-Christ son Fils, et le Saint-Esprit, par lequel ils

faire mourir à l'avenir aucun chrétien. Mais l'empereur était assez léger pour vouloir tantôt une chose, tantôt une autre.

6 Le comte Julien avait été chrétien.

7 Les païens n'épargnaient pas trop leurs prêtres : après l'embrasement du temple de Daphné, ils les mirent à la question pour savoir d'où était venu le feu, quoiqu'ils n'en soupçonnassent point d'autres que les chrétiens. Theodoret., lib. III, cap. 7.

8 Nos autem nec bestias timemus, nec ea quæ nobis promittis veremur: sed habemus Deum Patrem, et

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supportaient tout. Il y avait là plusieurs autres chrétiens qu'on avait amenés avec Bonose et Maximilien, tous déclarèrent qu'ils n'adoraient que le seul Dieu. Le comte voulut mettre ses menaces à exécution; mais Second, qui se trouvait à cette audience, refusa de faire tourmenter les confesseurs 1. 4. Le comte s'adressa ensuite à deux autres soldats nommés Jovien et Herculien, et leur ordonna de changer le Labarum. Ils répondirent « Nous sommes chrétiens; nous nous souvenons de ce que nous avons promis à notre père Constantin, quand il reçut la sainte alliance à Achyron, près de Nicomédie, à la fin de ses jours, et nous fit jurer de ne jamais rien faire contre la pourpre de ses enfants, ou contre l'Eglise. » Alors le comte, vaincu par sa colère, condamna Bonose et Maximilien à mourir par le glaive, avec tous ceux qui étaient en prison. Saint Mélèce, évêque d'Antioche, et plusieurs autres évêques les accompagnèrent jusqu'au lieu de l'exécution: et toute la ville célébra avec joie la mort glorieuse de tant de martyrs, qu'elle regardait comme devant être à l'avenir ses protecteurs. Trois jours après, le comte Julien commença à vomir des vers, non par intervalles, comme auparavant, mais sans discontinuation. Reconnaissant, dans cette extrémité, le pouvoir de celui qui le frappait, il dit à sa femme de courir à l'église et de demander aux chrétiens des prières pour sa santé. Dans la crainte d'irriter le Seigneur, dont elle voyait l'arrêt prononcé contre son mari, elle refusa ce qu'il demandait". Le malheureux comte, ainsi abandonné, recourut au Dieu des chrétiens, témoignant n'avoir d'espérance qu'en sa miséricorde, et dans le moment il expira, au commencement de l'annee 363.

ARTICLE V.

LES ACTES DU MARTYRE DE SAINT JUVENTIN ET DE SAINT MAXIMIN, ET DE QUELQUES AUTRES.

1. Julien, qui se déclarait de jour en jour plus ouvertement ennemi de la piété, voulant néanmoins toujours paraître doux, eut recours à un nouveau piége pour surprendre les chrétiens et les engager dans l'idolâtrie. Il infecta, par des sacrifices abominables, toutes les fontaines soit de la ville d'Antioche, soit du bourg de Daphné, afin que tous ceux qui boiraient de cette eau consacrée aux fausses divinités, prissent part à leur culte. Il fit encore arroser de cette eau tout ce qui se vendait sur le marché le pain, la viande, les fruits, les herbes, tous les vivres. Les chrétiens en gémissaient, ayant horreur de ces profanations, mais ils ne laissaient pas d'user de ces viandes, selon ces paroles de l'Apôtre : Mangez tout ce qui se vend au marché sans vous informer de rien o. Il y avait alors à la cour deux officiers nommés Juventin et Maximin, qui tenaient un rang considérable entre les gardes de l'empereur. Un jour, comme ils étaient à table avec d'autres, ils déplorèrent avec chaleur ces profanations, et comme les compagnons du prophète Daniel, ils disaient : Vous nous avez livrés à un roi apostat, le plus injuste du monde; quelqu'un de ceux qui mangeaient avec eux, ayant rapporté ces paroles à l'empereur, il fit venir devant lui Juventin et Maximin, et leur demanda ce qu'ils avaient dit. Ils profitèrent de l'occasion, et répondirent avec autant de zèle que de liberté : « Seigneur, ayant été nourris dans la piété et dans les louables maximes de Constantin et de ses enfants, nous gémissons de voir à présent tout rempli d'abomination et toutes

Julien fait pollner les 365. Saint

fontaines en Juventin et

saint Maximin s'en plaignent.

Jesum Christum Filium ejus, et Spiritum Sanctum, per quem hæc omnia superamus. Ruinart., Acta sinc. Martyr., pag. 595.

1 Saint Grégoire de Nazianze rend témoignage à la probité de ce préfet d'Orient en ces termes: Etsi religione gentilis, moribus tamen gentili sublimior erat, ac præclarissimis quibusque et laudatissimis, tam veteris quam nostræ memoriæ comparandus... ad imperatorem fidenter ac libere dixisse memoratur : non nos pudet usque adeo Christianis omnibus inferiores esse. Gregor. Nazianz., Orat. 3, pag.

Théodoret rapporte que cette princesse dit à son mari qu'il devait louer le Sauveur Jésus-Christ, et reconnaître dans sa maladie la puissance de celui

qui le frappait: Juliani conjux, fide ac religione insiIgnis femina, maritum his verbis allocuta dicitur : Christum servatorem laudare debes, mi vir, qui ejusmodi castigatione suam tibi potentiam declaraverit. Theodoret., lib. III, cap. 9.

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3 Acta sinc. Martyr., pag. 596. • Theodoret., lib. III, cap. 11.

* Quæ cum viderent Christiani, gemebant ipsi quidem ac lamentabantur, talia abominantes. Edebant tamen obtemperantes legi apostolicæ ita dicenti : Omne quod in macello venumdatur comedite, nihil interrogantes propter conscientiam, Ruinart., Acta sinc. Martyr., pag. 596; Theodoret., lib. III, cap. 11.

6 I Cor. x, 25.-7 Dan. III, 32, selon les Septante.

Ils sont mis en prison. Leur martyre en 362.

les viandes souillées de sacrifices profanes. Nous nous en sommes plaints en particulier, et nous nous en plaignons en votre présence: c'est la seule chose qui nous fait peine sous votre règne.» L'empereur, à ces discours, levant le masque de sa bonté apparente, les fit fouetter cruellement et tourmenter en diverses manières. Ensuite il les envoya en prison et confisqua tous leurs biens, qui furent aussitôt saisis et enlevés.

2. Les Saints s'en réjouirent, persuadés qu'ils n'envoyaient pas moins leurs biens au ciel avant eux, que s'ils les eussent distribués aux pauvres. Ils furent visités dans la prison par un grand nombre de chrétiens de la ville, et, malgré les ordres rigoureux que Julien avait donnés, pour empêcher que personne n'eût de communication avec eux, la prison était toujours pleine *.On y chantait sans interruption les louanges de Dieu, et on y célébrait les veilles saintes de la nuit on s'y entretenait de discours pleins de piété et d'édification. Ainsi, pendant que les églises d'Antioche étaient fermées, la prison était devenue une église.Julien y envoya sous main des gens sans honneur, qui,sous prétexte de tenir compagnie aux Saints, tàchaient de les engager à quitter la religion chrétienne. On leur promit les bonnes grâces du prince et les plus grands honneurs. Mais rien n'ayant été capable de les faire succomber, Julien les fit amener, au milieu de la nuit, dans une fosse, où on leur trancha la tète. Il publia que la cause de leur supplice était,non la religion,mais l'insolence de leurs paroles, prétendant par là leur ravir la gloire du martyre. Les chrétiens enlevèrent leurs corps et les mirent dans un même tombeau, que la ville d'Antioche orna avec beaucoup de magnificence, après la mort de Julien. Leur fète s'y célébrait tous les ans, aussitôt après celle de saint Babylas, c'està-dire le 5 septembre. Saint Chrysostôme,

1 Ex Chrysost., hom. in Juventin., pag. 578, t. II. 2 Ex Theodoret., lib. III, cap. 15.

8 Multi contempta præsenti vita frequenter eos visitando, psalmodias sacraque pervigilia celebrabant. Erant familiaritates illæ spiritualis eruditionis atque consolationis plena; et, clausa ecclesia, carcer ecclesia factus est. Chrysost., homil. in Juvent., pag. 581, tom. II.

Illos non indignum fuerit, et columnas, et scopulos, et turres, et luminaria, et tauros simul appellare, nam Ecclesiam sicut columnæ sustinent, sicut turres muniunt, et sicut scopuli omnes insidias repellunt, multam iis qui intus sunt, afferentes tranquillitatem ; sicut luminaria tenebras impietatis discusserunt; et

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Confession de Valenti

4. Plusieurs autres personnages considérables, par leurs dignités et leurs emplois, nien, en 362. eurent le même sort que Juventin et Maximin, et remportèrent comme eux la couronne du martyre, pour avoir parlé avec la même liberté. Théodoret, qui fait cette remarque, n'en rapporte pas les noms; mais il ajoute que Valentinien, l'un des successeurs de Julien dans l'empire, donna alors des preuves de son zèle pour la religion. Il n'était encore que tribun; mais comme il commandait la compagnie des gardes de l'empereur, il était de son devoir de le suivre et d'être toujours le plus proche de sa personne. Julien entrait un jour en dansant dans le temple de la Fortune, et des deux côtés de la porte se tenaient placés les gardiens du temple, avec des branches trempées d'eau lustrale, pour en arroser ceux qui entraient. Une goutte de cette eau étant tombée sur le manteau de Valentinien, il donna un coup de poing au ministre du temple, disant qu'il l'avait souillé de cette eau impure, et déchira l'endroit de son manteau qu'elle avait touché. L'empereur en fut irrité, et le relégua dans un château au milieu du désert. Mais à peine un an et quelques mois s'étaient-ils écoulés, que Dieu

sicut tauri anima et corpore promptitudineque eadem, suave Christi jugum traxerunt. Idcirco sæpe eos invisamus, capsulam attingamus, magnaque fide reliquias eorum complectamur, ut inde aliquam benedictionem assequamur. Etenim sicut milites vulnera quæ in præliis sibi inflicta sunt regi monstrantes, fidenter loquuntur: : ita et illi manibus absecta capita gestantes et in medium afferentes, quæcumque voluerint apud Regem cœlorum impetrare possunt. Proinde magna fide et alacritate huc veniamus quo et visis sanctorum monumentis, et consideratis eorum certaminibus, inde varios thesauros undequaque colligamus. Chrysostom., ibid., pag. 593. - 5 Ex Theodoret., lib. III, cap. 18. 6 Ex Theodoret., lib. III, cap. 15.

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