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Analyse de

tire d'une Jeitre Théodore,

Act. sine.

Martyr,p.477.

Pag. 478

été composés par des hérétiques. Nous les avons encore aujourd'hui; mais on voit, par les monuments qui nous restent du VIe siècle, que, dès-lors, on les regardait comme remplis de fables, de contes frivoles et de plusieurs choses contraires à la bienséance de la religion chrétienne 1, inventées par les manichéens ou par quelques autres hérétiques, à dessein de décrier notre foi. Ces Actes étant tombés entre les mains d'un évêque nommé Zénon ou Zozime2, il les rejeta comme indignes de toute croyance, et, dans le désir qu'il avait de s'en procurer de plus corrects et de plus authentiques, il écrivit à Théodore, évêque d'Icône, pour avoir de lui une relation exacte du martyre de ces Saints. On disait que saint Cyr et sa mère étaient originaires de cette ville. Théodore, pour le satisfaire, s'adressa à deux officiers considérables de la cour de l'empereur Justinien: c'étaient des hommes d'une probité reconnue; l'un, nommé Marcien, était chancelier de l'empire, et l'autre nommé Zénon, était conseiller du prince; il les trouva très-bien instruits de toutes les circonstances de cette histoire, dont ils avaient ouï plusieurs fois faire le récit à des seigneurs de Lycaonie, parents très-proches de Julitte. Voici ce qu'elle contient en substance.

2. La persécution qui ravagea l'Église sous celeb stoire l'empire de Dioclétien s'étant fait sentir dans de la Lycaonie, Julitte en sortit, parce que Doérique d'i. mitien, qui en avait le gouvernement, était un homme très-cruel. Elle se retira à Séleucie, avec son fils, nommé Cyr, âgé seulement de trois ans, et avec deux filles qui la servaient. Mais elle trouva que la persécution n'était pas moins violente à Séleucie qu'à Icône, et qu'Alexandre, qui en était gouverneur, venait de recevoir un nouvel édit qui ordonnait la peine de mort contre tous ceux qui refuseraient de sacrifier aux dieux. Julitte quitta donc Séleucie pour s'enfuir à Tarse en Cilicie, où Alexandre se rendit aussi presque en même temps, ayant passé du gouvernement de l'Isaurie à celui de Cilicie. Elle y fut arrêtée tenant son enfant entre ses bras, et fut conduite au tribunal d'Alexandre, qui lui demanda son nom, son pays et sa condition. A toutes ces demandes, elle ne répondit autre

1 Sanctorum Cyrici ac ejus matris Julittæ martyrii Acta in manus sumens evolvensque, vera te loqui inveni ; ranarum enim ac graculorum garrulos sonos, hæc quis merito appellaverit plane Manichæorum, ni mea me fallit opinio, seu aliorum hæreticorum aliena sentientium arte conficta. Ruinart, Acta sincera Martyr., p. 478,

chose, sinon : «Je suis chrétienne.»> Le gouverneur en colère commanda qu'on lui ôtât son enfant et qu'on la frappât avec des nerfs de bœufs. Pendant ce supplice, l'enfant, que le gouverneur avait voulu avoir auprès de lui, ne cessait de pleurer et voulait retourner à sa mère, qu'il ne quittait point de vue. Il repoussait le gouverneur, qui tâchait, par ses caresses, de l'apaiser; et ce qui est plus admirable, lorsque sa mère s'écriait qu'elle était chrétienne, il disait tout haut comme elle: «< Je suis chrétien.» Alexandre, sans aucun égard pour un âge qui trouve de la pitié dans ceux mêmes qui en sont le moins susceptibles, prit cet innocent par le pied et le jeta par terre, de sorte qu'il se cassa la tête et resta mort sur la place. Julitte, pleine de joie, rendit grâces à Dieu d'avoir reçu son fils avant elle au nombre des martyrs.

3. Sa joie augmenta la fureur d'Alexandre, qui lui fit déchirer les côtés et commanda qu'on lui jetât sur les pieds de la poix toute bouillante, pendant qu'un des bourreaux lui criait de sacrifier; mais Julitte criait encore plus haut: « Je ne sacrifie point à des démons, ni à des statues sourdes et muettes; j'adore Jésus-Christ, Fils unique de Dieu 3, par qui le Père a fait toutes choses. » Le gouverneur la condamna à avoir la tête tranchée, et le corps de son fils à être jeté parmi ceux des criminels. On la conduisit au lieu du supplice. Là, ayant obtenu des bourreaux un peu de temps pour prier, elle remercia Dieu d'avoir accordé à son fils une place dans son royaume, et lui demanda pour elle la même grâce. Elle finit sa prière par l'Amen, et aussitôt l'exécuteur lui trancha la tête. C'était le quinzième jour de juillet, selon la lettre de Théodore; et, quoiqu'il ne dise pas en quelle année, il marque assez clairement que ce fut en 304 ou en 305, puisqu'il fait mention de l'édit de Dioclétien, publié sur la fin de 303, qui décernait la peine de mort généralement contre tous les chrétiens.

4. Les deux servantes de sainte Julitte, qui d'abord s'étaient enfuies lorsqu'on l'arrêta, et qui étaient revenues ensuite pour regarder en cachette ce qui arriverait, enlevèrent les corps de saint Cyr et de sainte Julitte, et les enter

2 Acta sincera Martyr., in Admonitione, Ruinart,

P. 477.

3 Ego dæmonibus, surdis scilicet ac mutis statuis, non sacrifico; sed Christum, Dei Filium Unigenitum, colo, per quem Pater condidit omnia. Ruinart, Acta sincera Martyr., p. 477.—Acta sincera Martyr., p. 478.

Pag. 479.

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rèrent dans le territoire de Tarse. Quelques années après, le grand Constantin ayant rendu la paix à l'Église, l'une de ces deux servantes, qui était restée en vie, découvrit le lieu où les corps étaient enterrés; et chacun se pressa, dit Théodore', d'emporter quelque chose de ces sacrées reliques, pour lui servir de protection et pour glorifier Dieu dans ses saints. Ce lieu devint célèbre dans la suite par la piété des fidèles.

ARTICLE XVII.

LES ACTES DE DIX-HUIT MARTYRS DE
SARAGOSSE.

1. Prudence ne nous a conservé que les noms de ces dix-huit martyrs, dans son hymne quatrième du livre des Couronnes. Ils souffrirent sous l'empire de Dioclétien et de ses collègues, vers l'an 304, dans le temps que Dacien avait le gouvernement de l'Espagne. Leurs noms étaient Apodême, Cécilien, Cuence, Félix, Fronton, Julie, Luperque, Martial, Optat, Primitif, Publie, Quintilien, Successe, Urbain, et il y en avait quatre du nom de Saturnin. Il paraît qu'ils consommèrent leur martyre à Saragosse, où tous furent enterrés dans un même tombeau, au-dessus duquel on bâtit dans la suite, en leur mémoire, un temple magnifique. Prudence met leur martyre avant celui de saint Vincent, et dit que ce Saint apprit à vaincre le démon par la connaissance qu'il avait de la célèbre victoire que ces Saints avaient remportée.

2. Il nous apprend quelque chose de plus des Souffrances de la vierge Encratide ou Engratie, dont il parle dans le même endroit et dont les reliques reposaient aussi dans l'église de Saragosse. On lui fit souffrir d'horribles tourments pour Jésus-Christ. Les bourreaux lui déchirèrent tout le corps, lui coupèrent une mamelle, lui arrachèrent une partie du foie et lui entr'ouvrirent le côté de telle façon, que l'on voyait à découvert les endroits les plus voisins du cœur. Mais le persécuteur, croyant lui ravir la gloire du martyre, lui refusa le coup de la mort, et la renvoya en prison, où elle mourut de la corruption de ses plaies. Prudence dit avoir vu une partie du foie de la Sainte, encore attachée aux ongles de fer qui l'avaient séparée du reste. Il joint

1 Tum fideles quique aliquid ex sacris pignoribus ad suæ vitæ munimen ac præsidium accepturi, atque ad Dei nostri optimi gloriam properarunt, ac locum frequentarunt. Ibid., p. 480.

2 Vidimus venerandam et sanctam ejus animam tan

à cette Sainte et aux dix-huit martyrs dont nous venons de parler, saint Caius et saint Crémence, qui combattirent deux fois avec beaucoup de courage pour la gloire de JésusChrist, et sortirent du champ de bataille sans l'avoir rougi de leur sang.

y

ARTICLE XVIII.

LES ACTES DE SAINT THÉODORE, MARTYR A AMASÉE.

1. Nous avons des Actes du martyre de ce Saint écrits par un auteur qui se dit témoin oculaire de ce qu'il raconte. Ils n'ont, néanmoins, ni l'air ni le mérite des originaux, quoique le style en soit simple et passable. On fait parler le Saint d'une manière peu convenable, et ils se sentent, en beaucoup d'endroits, du merveilleux qui est propre aux Actes qui sont de la main de Métaphraste3, par exemple: il y est dit' que Théodore ayant été mis en prison, le juge en fit sceller la porte et ordonna qu'on l'y laissât mourir de faim et de soif; mais qu'il y fut nourri par le SaintEsprit; que Jésus-Christ, lui ayant apparu la nuit, lui dit de ne recevoir ni à boire ni à manger de la part du juge; qu'après cette apparition, le Saint s'étant mis à chanter et à se réjouir avec une grande troupe d'anges, les gardes, réveillés par ce bruit, accoururent et virent, à travers de la fenêtre, beaucoup de personnes habillées de blanc qui chantaient avec le Saint. On ne trouve rien de semblable dans le discours que saint Grégoire de Nysse a fait en l'honneur de ce saint martyr; et on y lit même le contraire: car il y est dit que le geôlier, entendant toutes les nuits des concerts. dans la prison, accourait à la chambre des prisonniers, et qu'il était surpris de n'y trouver que le martyr qui reposait, et les autres prisonniers profondément endormis. Nous tirerons de ce discours l'histoire du martyre de saint Théodore, comme d'une source beaucoup plus pure que ne sont ces Actes.

Les Actes du martyre de

S. Théodore

ne paraissent

pas sincères.

Histoire du martyre de ce sainturée de S. Grégoire

2. Saint Grégoire de Nysse prononça son discours, au tombeau même de saint Théodore, et le jour de sa fête, en présence d'un peuple nombreux, accouru en foule de toutes parts, malgré la rigueur de l'hiver. Il attribue aux prières de ce Saint que la province ait été ga- sancto Theo

quam fulgur assumi in cœlos. Apud Surium, ad diem 9 novembris, p. 231,

3 Nous avons vu que cette règle de critique n'était pas toujours sûre. (L'éditeur.)

Apud Surium, p. 230.

de Nysse. Mart., p. 481.

Act. sincer.

Ex homilia
Gregorii
Nisseny De

doro martyre.

rantie, l'année précédente, de l'incursion des Scythes, dont elle était menacée; il dit qu'il se faisait, par son intercession, beaucoup de miracles, pour l'expulsion des démons et pour la guérison de diverses maladies. Les peuples, après avoir admiré la magnificence de l'église où ses reliques reposaient, et où l'on voyait ses principales actions dépeintes sur les murailles', avec les instruments qui avaient servi à son martyre, Jésus-Christ sous la figure humaine comme juge du combat, et le tyran, avec une mine affreuse et menaçante, ne pensaient plus qu'à satisfaire leur dévotion en s'approchant de son tombeau, parce qu'ils croyaient y trouver une source de bénédictions et de grâces; ils emportaient, comme un riche trésor, de la terre et de la poussière qui était sur son sépulcre; et lorsque, par une faveur très-particulière, il leur était permis de toucher ses reliques, ils les portaient avec respect à leurs yeux, à leur bouche et à tous leurs sens; et, les considérant avec avidité, ils s'adressaient à lui comme s'il eût été présent, et lui demandaient son intercession auprès de Dieu.

3. Théodore était né en Orient. S'étant enrôlé encore jeune dans les troupes romaines, il fut envoyé, avec sa légion, passer l'hiver dans le Pont. En ce temps-là, il s'éleva tout d'un coup une tempête contre l'Église par les édits de Maximien-Galère et de Maximin, qui avaient tous deux l'empire d'Orient. C'était sur la fin de l'an 305, ou au commencement de 306. Ces édits portaient ordre d'obliger les chrétiens ou à renoncer Jésus-Christ, ou à perdre la vie. Théodore fut présenté au gouverneur de la province et au tribun de la légion dans la quelle il servait, qui lui demandèrent pour quoi il refusait d'obéir aux ordres de l'empereur, et pourquoi il n'adorait pas les dieux qu'il plaisait aux empereurs de faire adorer

1 Induxit autem pictor flores artis in imagine depictos, fortia facta martyris, repugnantias, cruciatus, efferatas et immanes tyrannorum formas, impetus violentos, flammeum illum fornacem, beatissimam consummationem athleta, certaminum præsidis Christi humanæ formæ effigiem, omnia nobis tanquam in libro quodam qui linguarum interpretationes contineat, coloribus artificiose depingens, certamina atque labores martyris nobis expressit. Ruinart, Acta sincera Martyr., p. 482.

2 His igitur arte elaboratis operibus, quæ sensui exposita sunt, ubi oculos oblectavit, cupit deinceps etiam ipsi conditorio appropinquare, sanctificationem ac benedictionem contrectationem ejus esse credens. Quod si quis etiam pulverem, quo conditorium ubi corpus martyris quiescit, oblitum est, auferre permittal, pro munere pulvis accipitur, ac tunquam res magni pretii condenda terra colligitur. Nam ipsas attingere reliquias,

par leurs sujets. Théodore répondit : « Je ne connais point les dieux : mon Dieu est JésusChrist, Fils unique de Dieu. Frappez, déchirez, brûlez-moi, coupez-moi la langue, si mes paroles vous offensent. Mon corps doit souffrir en tous ses membres, pour son créateur. » Un soldat de ceux qu'on mettait à la tête des compagnies pour servir de chef de file, et qui se piquait de railler agréablement, voulut se moquer de cette réponse, et dit : « Quoi donc, Théodore, ton Dieu a-t-il un fils? est-il sujet à l'amour et aux passions comme les hommes?»>

«Non, dit Théodore, mon Dieu n'est pas sujet aux faiblesses ni aux déréglements des hommes; et toutefois je reconnais qu'il a un Fils, mais un Fils né d'une manière digne de Dieu. Mais toi, ne rougis-tu pas de faire une déesse d'une femme mère de douze enfants?»> Il voulait parler de Cybèle, mère des dieux, que l'on adorait à Amasée et où il paraît que ceci se passait. Les juges, témoignant avoir pitié de lui, ne le pressèrent pas davantage et lui donnèrent du temps pour délibérer. Théodore, pendant cet intervalle, poussé d'un zèle extraordinaire, mit le feu au temple de Cybèle, que les païens avaient élevé sur le bord du fleuve d'Iris, qui baigne les murs de la ville d'Amasée. Le vent ayant secondé son dessein, cet édifice fut, en quelques heures, reduit en cendres.

4. Théodore publia hautement qu'il était auteur de l'incendie, et il fut, dans le moment, amené devant le gouverneur, à qui il confessa la chose, sans attendre qu'il l'interrogeât. Le gouverneur, voyant que la vue des supplices qu'on lui préparait, ne l'effrayait point, lui offrit, par une fausse douceur, de l'élever à la dignité de pontife, s'il voulait se soumettre. A ce mot de pontife, Théodore se mit à rire; puis, reprenant son air grave, il dit qu'il croyait

si quando aliqua ejusmodi prospera fortuna contingat ut id facere liceat, quam id sit multum desiderandum et optandum ac summarum precum donum, sciunt experti et ejus desiderii compotes facti. Quasi corpus enim per se vivens et florens qui intuentur, amplectuntur, oculis, ori, auribus, omnibus sensuum instrumentis adhibentes deinde officii et affectionis lacrymas martyri, quasi integer esset et appareret, supereffundentes, ut pro ipsis deprecator intercedat, supplices preces offerunt tanquam satellitem Dei orantes, quasi accipientem dona cum velit, invocantes. Ruinart, Acta sincera Martyr., p. 482.

3 Mihi vero Deus est Christus, Dei unigenitus Filius. Ibid., p. 483.

↳ Verum et Filium confiteor, et nativitatem talem esse dico, quæ Deum decet. Ibid.

Ces Saintes

crime se je

ter dans la

rivière, pour sauver leur

les pontifes les plus malheureux de tous les idolâtres, comme étant les plus criminels. Alors les juges le firent étendre sur le chevalet; mais pendant que les bourreaux mettaient toutes leurs forces à le tourmeuter, lui, sans témoigner la moindre faiblesse, chantait ce verset du psaume XXXIII: « Je bénirai Dieu en tout temps; sa louange sera toujours en ma bouche. » On le mit en prison; et il s'y fit aussi tôt plusieurs miracles. On y entendait, toutes les nuits, une multitude de personnes qui chantaient, et on y voyait des flambeaux allumés, qui éclairaient ces lieux obscurs. Le geolier, étonné de cette merveille, entra dans le cachot et ne trouva que le martyr et les autres prisonniers tous endormis.

5. Cependant les juges, voyant que tous leurs efforts ne pouvaient ébranler la constance de Théodore, prononcèrent contre lui la sentence de mort; elle portait qu'il serait brûlé vif; ce qui fut exécuté. Il semble qu'il fut brûlé dans une fournaise; car saint Grégoire de Nysse, décrivant la peinture qui représentait le martyre de saint Théodore, dit que l'on y voyait une fournaise ardente. Ses reliques furent ensevelies avec beaucoup de soin et d'honneur, et transportées dans un lieu sacré, nommé Lucaïte, dans ses Actes, à une journée de la ville d'Amasée.

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1. On ne doute point que ce ne soit de ces ont pu sans Saintes dont parle saint Augustin', lorsqu'il l'on rapportait l'exemple de quelques honneur. saintes femmes qui, pendant la persécution, s'étaient jetées dans la rivière, pour éviter la violence de ceux qui voulaient les déshonorer, et qu'après être mortes de la sorte, l'Église catholique les avait honorées comme des martyres. Ce Père paraît persuadé que l'Église ne leur a rendu cet honneur que par inspi

1 Augustinus, lib. I de Civit. Dei, cap. 26.

2 De his nihil temere audeo judicare. Utrum enim Ecclesiæ aliquibus fide dignis testificationibus, ut earum memoriam sic honoret, divina persuaserit auctoritas, nescio et fieri potest ut ita sit. Quid si enim hoc fecerunt, non humanitus deceptæ, sed divinitus jussæ; nec errantes, sed obedientes, sicut de Samsone aliud nobis fas non est credere. Cum autem Deus jubet, seque jubere sine ullis ambagibus intimat, quis obedientiam in crimen vocet? Quis obsequium pietatis accuset?.... Nam et miles

ration du Saint-Esprit ; et il fait voir qu'un pareil genre de mort, qui, selon les règles ordinaires, est absolument criminel, a pu néanmoins être légitime dans ces Saintes, si elles ont été poussées à cette action par le SaintEsprit, comme nous le devons croire, dit-il, de Samson. Il ajoute : « Quand Dieu commande une chose; qui peut faire un crime de l'obéissance qu'on lui rend? Lorsqu'un soldat tue un homme pour obéir à son général, il n'y a point de loi qui le condamne coupable d'homicide; au contraire, s'il ne le fait pas, il est traité de rebelle: mais, s'il l'avait tué de sa propre autorité, il tomberait dans la peine des meurtriers et des assassins: ainsi il est puni pour une même action, et quand il la fait sans ordre et quand, ayant ordre de la faire, il ne la fait pas. » D'où il conclut que, si le commandement d'un capitaine justific de la sorte, à plus forte raison le commandement du Créateur doit justifier celui qui ne se tue que pour lui obéir. Il n'y a pas de doute que saint Jean Chrysostome n'ait suivi les mêmes principes, puisqu'il a fait l'éloge de ces trois Saintes, et que c'est de lui, principalement, que nous tenons l'histoire de leur martyre et du culte que l'Église leur a rendu. Il témoigne que leur fête se faisait à Antioche3, vingt jours après celle de la Croix, c'est-à-dire du vendredi-saint; et ainsi le 14 d'avril de l'an 306. Quelques-uns ont cru que sainte Domnine était mère de sainte Pélagie, dont le martyre a aussi quelque chose d'extraordinaire. C'est ce que nous examinerons ailleurs.

2. Sainte Domnine était une dame des plus nobles et des plus riches d'Antioche, d'une piété singulière et d'un courage au-dessus de l'ordinaire. Elle avait deux filles, Bérénice et Prosdoce, toutes deux d'une rare beauté et élevées dans la religion chrétienne. La persécution s'étant fait sentir à Antioche, elles abandonnèrent leur patrie, leur famille et leur propre maison, pour aller chercher dans un pays éloigné la liberté, qu'on leur refusait dans leur patrie, d'adorer et de servir JésusChrist. Après beaucoup d'incommodités et d'a

cum obediens potestati, sub qua legitime constitutus est, hominem occidit, nulla civitatis suæ lege reus est homicidii, immo nisi fecerit, reus est imperii deserti atque contempti. Quod si sua sponte atque auctoritate fecisset, in crimen effusi humani sanguinis incidisset. Itaque unde punitur, si fecerit injussus, inde punietur nisi fecerit jussus. Quod si ita est, jubente imperatore, quanto magis jubente Creatore ? Idem, ibid.

3 Chrysostomus, tom. I, Homil. 51; apud Ruinart, Acta sincera Martyr., p. 472.

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larmes, elles arrivèrent à Édesse, métropole de la Mésopotamie, ville moins policée que plusieurs autres, mais où la piété était, en grande estime. Elles trouvèrent dans cette ville un port favorable, et elles y furent reçues, non comme des étrangères, mais comme des citoyennes du ciel, et leur dépôt y fut en assurance. Cependant, comme l'édit de la persécution portait que les parents seraient obligés de dénoncer leurs parents chrétiens, que les maris livreraient leurs femmes, les pères leurs enfants et les enfants, leurs pères, le mari de sainte Domnine vint à Édesse, accompagné de soldats, pour l'enlever, elle et ses filles. Les ayant trouvées, il les emmena et leur fit prendre le chemin de Séraphe, en Syrie. Les soldats qui les conduisaient s'arrêtèrent pour manger, sous quelques arbres,

près du grand chemin où coule une rivière. Pendant qu'ils dinaient, sainte Domnine et ses filles ne songèrent qu'à se mettre en liberté ; et Domnine, du consentement de son mari, selon que le croit saint Chrysostome, tenant ses deux filles par la main, couvertes modestement de leurs habits, entra avec elles dans la rivière, où, se laissant aller au courant de l'eau, elles se noyèrent toutes trois, moins pour éviter les tourments que les outrages dont leur pureté était menacée. Ainsi cette admirable femme fut, selon la remarque de ce Père, trois fois martyre: une fois par ellemême, et deux fois dans ses filles. Il ajoute, en rendant raison de ce qu'elles n'attendirent pas la sentence du juge, qu'elles aimèrent mieux arracher la couronne que la disputer.

La perséca

tion com

Divelétien,

CHAPITRE II.

Suite de la persécution sous l'empire de Galère, de Maximin et de Lícinius.

1

1. L'an 305 de Jésus-Christ, le premier mencé par jour du mois de mai, Dioclétien, ayant 1 cédé esteontinuée l'empire à Galère et quitté la pourpre, pour ea 305. en revêtir Maximin Daïa, sortit de Nicomédie,

par Galère,

dans l'équipage d'un particulier, et se retira dans la ville de Salone *, en Dalmatie, qui était son pays natal, pour y passer le reste de ses jours dans le repos et la retraite. Le même jour, Maximien-Hercule3, quitta aussi la pourpre, à Milan, en faveur de Sévère, que Galère lui avait envoyé à cet effet, et s'en alla faire sa demeure dans le voisinage de Rome, c'està-dire, dans les endroits les plus délicieux de la Lucanie. Mais ces deux princes, en cessant de régner, ne firent point cesser la persécution qu'ils avaient commencée contre l'Église. Galère, qui en avait été le principal moteur et qui, par la cession de Dioclétien, était devenu le maître de l'Orient, de l'Asie, de l'Illyrie, de la Thrace et de l'Egypte, la continua dans ces provinces avec plus de cruauté qu'il ne l'avait commencée, Le césar

1 Lactant, de Mortib, persecutor., n. 19.
2 Eutropius, lib. IX, p. 660.
3 Lactant., ibid., n. 26.

Eutropius, ubi supra, et Zozimus, lib II, p. 673; Aurelius Victor., p. 633 Epitom. Histor. Augustæ.

* Gregor. Nyssenus, in Oratione de S. Theodoro Mar.

5

Maximin, son neveu, à qui il avait donné le gouvernement des provinces que Dioclétien avait gouvernées, le seconda dans sa haine contre les chrétiens, et renouvela la persécution dans la Syrie et dans l'Égypte, où elle s'était ralentie. Tous deux publièrent de nouveaux édits, qui condamnaient tous les chrétiens à mort et n'accordaient la vie qu'à ceux qui se souilleraient en mangeant des viandes offertes aux idoles. Ces édits publiés, en l'an 305, furent en vigueur jusqu'en 311. 2. En cette année, la neuvième de la persécution, Maximien-Galère fut frappé d'une plaie incurable et horrible dans les parties les en 113. plus sensibles et les plus secrètes. La puanteur qui s'en exhalait, infectait non-seulement tout le palais, mais encore toute la ville de Sardique, où il paraît qu'il était alors : en ce triste état, il fut contraint de reconnaître le vrai Dieu, dont la main s'appesantissait sur lui. Se souvenant qu'il était homme et qu'il avait offensé son créateur, il fit dresser un

7

tyr.; Acta sincera Martyr., p. 483; et Chrysostomus, in Oratione de SS. Domnina, Berenice et Prosdoce, ibid., p. 473.

6 Euseb., lib. IX Hist., cap. 9.

7 Idem, lib. VIII, cap. 16; Lactant., de Mortib, persecutor., num. 31,

Galere fait cesser la persécution,

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