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Maximin

renouvelle la

er la même année 311.

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édit', en faveur des chrétiens, leur permit de reprendre l'exercice de leur religion, de rebâtir leurs églises, et leur ordonna en reconnaissance de cette grâce, de prier Dieu pour lui et pour tout l'État. Cet édit fut publié aussitôt dans toutes les villes de l'Asie-Mineure et dans les provinces voisines. Mais Maximin, mécontent de ce que Galère avait fait, retint l'édit secrètement, et ne le publia dans aucune des provinces qui étaient de son ressort. Il se contenta d'ordonner de bouche 3, à ceux qui étaient auprès de lui, de faire cesser la persécution; et eux l'écrivirent aux autres, nommément, Sabin, préfet du prétoire, dont nous avons encore la lettre adressée à tous les gouverneurs des provinces. Ceux-ci communiquèrent ces ordres aux magistrats inférieurs; ainsi les chrétiens, délivrés des prisons et des fers, rendirent à Dieu le culte ordinaire avec liberté.

4

3

3. Cette paix ne fut pas de longue durée. persécution, La même année, Maximin, ayant conclu, avec Licinius, un traité par lequel il restait maître de tous les pays que Galère avait possédés 5, se moqua de l'édit solennel qui accordait aux chrétiens le libre exercice de leur religion. Il usa néanmoins d'artifice pour les persécuter de nouveau, en se faisant demander, par les villes de ses États, qu'il leur fût permis de défendre aux chrétiens de bâtir des lieux d'assemblées et des églises dans l'enceinte de leurs murailles, et même d'y demeurer; ce qu'il accorda à toutes sans distinction. Aussi vit-on paraître de tous côtés des décrets pour chasser les chrétiens; et Maximin confirma ces décrets par des rescrits particuliers. Ainsi le feu de la persécution se ralluma, et ce prince ne l'éteignit que l'année suivante 312, où il donna un édit portant ordre de laisser les chrétiens en liberté, sans les inquiéter, en aucune manière, au sujet de la religion.

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ayant fait, conjointement avec Licinius, un édit très-favorable aux chrétiens, l'avait envoyé à Maximin: celui-ci, qui voulait paraître allié, n'osa le contredire. Ne voulant pas non plus paraître céder à l'autorité des autres, il fut contraint de faire, comme de lui-même, l'édit dont nous venons de parler, et qu'Eusèbe et Lactance nous ont conservé.

Constance, des chrétiens en 304,

5. Plusieurs années avant que Constantin protecteur publiât cet édit, Constance-Chlore, son père, s'était déclaré le protecteur des chrétiens. Tandis que, dans toutes les autres provinces, on leur faisait souffrir toutes sortes de supplices, ils jouissaient dans les États de Constance d'une paix profonde, et exerçaient leur religion dans une entière liberté. On raconte qu'au commencement de la persécution, c'està-dire, vers l'an 304, temps où il n'était encore que césar, il déclara à tous ceux de sa maison et aux magistrats chrétiens, qu'il leur laissait le choix ou de conserver leurs charges, en sacrifiant, ou de les perdre, s'ils refusaient de sacrifier. Lorsqu'ils se furent déclarés, en prenant chacun un parti, il conserva dans leurs emplois ceux qui préférèrent leur religion à leurs dignités, et chassa les autres comme incapables de lui garder la foi, puisqu'ils la violaient à Dieu même. Ainsi il remplit son palais de serviteurs de Dieu, tandis que les autres princes ne pouvaient pas seulement souffrir le nom de chrétiens et qu'ils persécutaient ceux de leur maison avant tous les autres. Le changement que la cession de Dioclétien et de Maximien-Hercule apporta à l'État, ne fit rien perdre à Constance de l'inclination qu'il avait pour les chrétiens, et il leur fut aussi favorable, quand il fut devenu le maître de toutes les provinces d'Occident, qu'il l'était en n'ayant dans son ressort que les Gaules et l'Espagne, en qualité de César.

6. Maxence qui, le 28 octobre de l'an 306, prit à Rome le titre d'empereur, commanda 10, dès l'entrée de son règne, à tous ses sujets de cesser la persécution qu'on faisait aux chrétiens; et on ne voit point qu'il les ait persé cutés dans la suite. Licinius n'eut pas pour

dans les Gaules, qui étaient du ressort de Constance; mais ce prince n'y avait aucune part. C'étaient les gouverneurs qui les faisaient mourir. Il n'est pas surprenant qu'ils aient exercé cette tyrannie dans leur province, parce que Constance n'étant encore que césar, n'avait que le second rang d'autorité, et ainsi n'était pas en pouvoir de les en empêcher, quoiqu'il fit pour cela tous ses efforts.

10 Euseb., lib. VIII, Hist., cap. 14.

Maxence

fait cesser la persécu. tion, en 106 Bonté de Constantin

les

pour chrétiens de Licinius en 320.

Persécution

2

de

eux le même égard, et il y a tout lieu de pen-
ser qu'ayant été fait Auguste, le onzième de
novembre de l'an 307, par Galère, pour gou-
verner la Rhétie et les parties les plus occi-
dentales de l'Illyrie, il y persécuta les chré-
tiens. Il serait au moins difficile de mettre en
un autre temps le martyre de saint Hermyle
et de saint Stratonique, que l'on dit avoir
souffert sous son règne, à Singidon, dans la
haute Mésie. Ce prince changea dans la suite,
et nous avons déjà remarqué qu'après la dé-
faite de Maxence, en 312, il fit à Rome, avec
Constantin, un édit favorable aux chrétiens.
L'année suivante 313, se trouvant ensemble
à Milan, ils en firent un second 3, à cause de
quelques difficultés dont le premier se trou-
vait un peu embarrassé, et de quelques fautes
qui s'y étaient glissées. Mais Licinius, ayant
été vaincu par Constantin, dans la guerre
Cibales, se refroidit peu à peu, à l'égard des
chrétiens, dans l'intention de faire par là dé-
pit à ce prince, qui les protégeait, et il vint
enfin jusqu'à les persécuter ouvertement. On
met le commencement de cette persécution en
320. Licinius la commença en chassant tous
les chrétiens de son palais. Ensuite il attaqua
les ministres des autels, non à force ouverte,
mais par finesse et en leur tendant des pié-
ges, afin de les pouvoir persécuter avec quel-
que apparence de justice. Il en fit mourir plu-
sieurs par le ministère de ses gouverneurs, et
publia diverses lois, dont les unes défendaient
aux fidèles leurs assemblées, en la manière
ordinaire, les autres les 7 privaient de leurs
biens, de leurs emplois, de la liberté même,
et les réduisaient à des fonctions basses et hon-
teuses. Il y en avait qui obligeaient les sol-
dats à sacrifier aux idoles, et cassaient ceux
qui refusaient. La persécution qu'il avait exci-
tée ne finit qu'avec lui, en 323, peu de temps
après sa défaite à Chrysople, par les armes
de Constantin. Ce prince, devenu maître de
l'Orient, ne songea plus alors qu'à faire ado-
rer le seul 10 vrai Dieu par tous ses sujets ; il
ordonna que tous ceux qui avaient été con-
damnés pour la foi à l'exil, aux mines ou à
quelqu'autre peine, seraient rétablis en leur

9

5

1 Lactant., de Mortib. persecutor., n. 29.

2 Bolland., ad diem 13 januarii, p. 769.

8

6

3 Euseb., lib. X, cap. 5; et Lactant., de Mortibus persecutor., num. 48.

Sozomen., lib. I Hist., cap. 7.

Euseb., lib. I de Vita Constantini, cap. 51.

Idem, ibid. et cap. 53; et Socrat., lib. I, cap. 3.

7 Euseb., lib. Il de Vila Constantini, cap. 20, 30, 32, 33 et 34.

III.

premier état. Il bâtit des églises, défendit les
sacrifices profanes, fit démolir les temples
et exhorta tous les peuples à se convertir.

ARTICLE PREMIER.

LES ACTES DU MARTYRE DE SAINT APOLLONE,
DIACRE, ET DE SAINT PHILÉMON.

Les Actes du martyre

de S. Apollo

ne et de S.

Philemon

sont since

1. Nous avons déjà rapporté les Actes de saint
Théodore d'Amasée, et de saint Domnine,
qu'on croit avoir souffert dans la persécution
que Galère et son neveu Maximin renouvelè- res.
rent, dans les provinces d'Orient, sur la fin de
l'an 305. On peut rapporter au même temps le
martyre de saint Adollone, diacre, et de saint
Philémon, dont Rufin " nous a conservé l'his-
toire dans son Recueil des Vies des Pères. Pal-
lade la rapporte aussi, et presque en mêmes
termes, dans l'Histoire 12 Lausiaque; et elle
se trouve également dans 13 Métaphraste, mais
mêlée de tant d'événements extraordinaires,
qu'il faudrait une autorité plus respetable
que la sienne pour les rendre croyables. Ru-
fin et Pallade donnent à Apollone le nom de
moine; et il n'est pas surprenant si, malgré
la vie ascétique qui l'éloignait de tout com-
merce des hommes, il a été enveloppé dans
la persécution. Car on voit, par la vie de saint
Hilarion, que, sous Julien l'Apostat, les habi-
tants de Gaza, qui étaient païens, envoyèrent
à son désert pour le faire mourir ; et Sozo-
mène 1 dit du moine Anuph, qui vivait en
même temps qu'Apollone, qu'il avait confessé
la foi durant la persécution. D'ailleurs, la cha-
rité et le zèle des moines pour la religion les ex-
posaient assez, comme on le voit par saint An-
toine, sous Maximin; par saint Aphrat, sous Va-
lence, et par saint Apollone même. Sozomène,
au même endroit où il fait mention d'Anuph,
parle d'un Apollone, qu'il dit avoir acquis une
grande réputation dans l'exercice de la vie mo-
nastique: on croit qu'il est question de celui-ci.

2. Le moine Apollone, qui, pour sa vertu,
avait été ordonné diacre, allait, pendant la
persécution, visiter les frères et les exhortait
au martyre. Ayant été pris lui-même et mis

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Analyse de ces Actes.

Act, sinc 487, et Rufin, Patrum,c.19.

Martyr, pag. lib. De Vitis

Pag. 488.

Psalmus

LXXIII, 19.

en prison, dans la ville d'Antinous, en Égypte, plusieurs païens venaient l'insulter et lui dire des injures; parmi eux, se trouvait un nommé Philémon, joueur de flûte, célèbre et chéri de tout le peuple: il traitait Apollone de scélérat, d'impie et de séducteur, digne de la haine publique. A toutes ces injures Apollone ne répondait autre chose sinon : « Mon fils, Dieu veuille avoir pitié de vous et ne point vous imputer ces discours à péché.» Philémon fut touché de ces paroles et en sentit un effet si merveilleux en son cœur, que, dans le moment même, il se confessa chrétien. Il courut aussitôt au tribunal du juge nommé Anien, dans Métaphraste, et s'écria, en présence de tout le peuple: «Vous êtes injuste de punir les amis de Dieu; les chrétiens ne font et n'enseignent rien de mauvais.» Le juge, qui connaissait Philémon pour un plaisant, crut d'abord que c'était un jeu; mais quand il s'aperçut qu'il parlait sérieusement et qu'il soutenait avec constance ce qu'il avait avancé, il lui dit : « Tu es fou, Philémon, tu as perdu l'esprit tout d'un coup.»-«Je n'ai nullement l'esprit troublé, répondit Philémon; mais vous êtes vous-même un juge injuste et déraisonnable, puisque vous faites périr tant d'hommes justes, sans sujet. Pour moi, je suis chrétien, et les chrétiens sont les meilleurs de tous les hommes. » Le juge essaya de le ramener par la douceur à sa première croyance; mais, le voyant inflexible, il le fit tourmenter en toutes sortes de manières.

3. Comme il apprit que le changement de Philémon était arrivé par les discours que lui avait tenus Apollone, il accusa celui-ci d'être un séducteur et lui fit aussi souffrir de cruels tourments. Apollone dit : « Plût à Dieu que vous, mon juge, et tous les assistants qui m'entendent, puissiez tous suivre l'erreur dont vous m'accusez!» Le juge, l'ayant ouï parler de la sorte, le condamna à être brûlé avec Philémon. Lorsqu'ils furent au milieu du feu, Apollone dit à haute voix: «Seigneur, ne livrez pas aux bêtes ceux qui vous confessent; mais faites voir évidemment votre puissance. >> Alors un nuage plein de rosée les environna et éteignit le feu. Le juge et le peuple étonnés s'écrièrent tout d'une voix: « Le Dieu des chrétiens est grand et unique, c'est le seul immortel!»> 4. La nouvelle de cet événement ayant été

1 Magnus et unus est Deus christianorum, solus immortalis est. Ruinart, Acta sincera Martyr., p. 488.

2 Sub uno sepulcri domicilio collocate sunt, a quibus usque ad præsens tempus virtutes multæ, et signa mi

portée à Alexandrie, le préfet en fut extraordinairement irrité. Il choisit les plus cruels de ses officiers, et les envoya à Antinoüs, avec ordre de lui amener liés et enchaînés le juge Anien et ceux dont Dieu s'était servi pour le convertir. Pendant le voyage, Apollone instruisit dans la foi ceux que le préfet avait envoyés, et il les persuada tellement, qu'à leur retour à Alexandrie ils se confessèrent chrétiens et furent inébranlables dans leur foi. Le préfet les fit jeter tous dans la mer et, sans y penser, leur procura ainsi la grâce du baptême. Leurs corps furent trouvés entiers sur le rivage, et on les mit dans un même tombeau, où il se fit 2 un grand nombre de miracles par leur intercession.

ARTICLE II.

LES ACTES DU MARTYRE DE SAINTE EUPHÉMIE ET DE SAINT SÉRÈNE.

Divers Actes

de

S. Euphé
mie. Ceux

que nous

avons par S. Astère d'A masée, sont

1. La main de Métaphraste se fait encore. remarquer dans les Actes que nous avons du martyre de sainte Euphémie. Il faut avouer, néanmoins, qu'il n'est point auteur de tout le merveilleux qui s'y trouve, et que la plupart sincères. des faits qu'il rapporte étaient reçus dans l'Église, longtemps avant lui, comme on le voit par l'hymne qu'Ennode", évêque de Pavie, composa, au commencement du VIe siècle, en l'honneur de la Sainte, et par ce qu'en ont dit Bède, Usuard et Adon, dans leurs Martyrologes. Mais on ne peut disconvenir qu'il n'y ait eu, dès-lors, beaucoup de fausses histoires reçues comme bonnes; et ce qui prouve que celle de sainte Euphémie, rapportée par les auteurs que nous venons de citer, peut être de ce nombre, c'est qu'outre quantité de circonstances fabuleuses qu'elle renferme, il est difficile de l'accorder avec le discours dans lequel saint Astère d'Amasée décrit le martyre. de cette Sainte. Cet évêque pouvait en être d'autant mieux informé, qu'il vivait dans le même siècle que sainte Euphémie, qu'il en avait appris les circonstances sur les lieux mêmes où elle avait souffert, c'est-à-dire à Chalcédoine, et qu'il les avait vues toutes représentées dans un tableau que l'on avait placé près du tombeau de la Sainte, et où le signe que nous avons accoutumé d'adorer et de former sur nous, c'est-à-dire la croix, paraissait au

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randa omnibus consummantur. Ibid. 3 Surius, ad diem 11 julii. Ennod., Carm. 17.- Porro oranti illi apparet super caput ejus signum illud quod christiani adorare ac appingere solemne habent, putoque appetentis

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Analyse de ces Actes.

Martyr.,pag.

490.

[Ive SIÈCLE.] CHAPITRE II.

dessus de sa tête, pour marquer apparemment
le martyre qu'elle était prête à souffrir. Le
discours de saint Astère fut lu avec l'appro-
bation générale des Pères du second' concile
de Nicée, et inséré tout entier dans la qua-
trième et dans la sixième action.

2. Euphémie avait consacré à Dieu sa vir-
Actes sine. ginité, et, pour marquer la profession qu'elle
faisait de renoncer à toutes les espérances et
à tous les ornements du siècle, elle portait
un habit brun, semblable à celui des philoso-
phes. Dans le temps où la persécution était
le plus allumée, elle fut prise et amenée de-
vant le juge, nommé Prisque, par deux sol-
dats, dont l'un la traînait par devant et l'au-
tre la poussait par derrière. Le juge, après
les interrogations ordinaires, lui fit casser les
dents avec un marteau, et le sang qui avait
découlé sur ses lèvres était, dit saint Astère,
si naïvement représenté dans le tableau, qu'il
était capable de tirer les larmes des yeux de
tous les spectateurs. Après ce tourment, on la
mit en prison; là, élevant ses mains vers le
ciel, elle demandait à Dieu le secours dont
elle avait besoin dans ses souffrances. Dieu
l'exauça et permit qu'elle en fût tirée pour
subir un nouvel interrogatoire devant le juge,
qui la condamna au feu. Elle y consomma son
martyre, les mains et les yeux tournés vers
le ciel, sans avoir fait paraître aucune dou-
leur, à l'approche de ce supplice, et y étant
allée, au contraire, avec un visage plein de
joie. Elle souffrit à Chalcédoine, vers l'an 307;
et ceux de ses concitoyens qui faisaient pro-
fession du christianisme, lui élevèrent un sé-
pulcre, près de la ville, sur une petite émi-
nence fort agréable, à deux stades seulement
du Bosphore et à la vue de Constantinople.
Saint Paulin, qui parle du martyre de cette
Sainte, dit qu'il y avait de ses reliques dans
l'autel de saint Félix de Nole.

Les Actes du martyre de S Sérene sont sinceres.

Analyse de ces Actes. Actes sinc.

2

3. Les Actes du martyre de saint Sérène, tels que nous les a donnés Dom Ruinart, sont écrits d'un style fort simple et fort naturel, et ne contiennent rien qui ne soit digne de foi. Martyr, pag. L'interrogatoire paraît original et tiré des registres publics du greffe. C'est une histoire très-courte, mais très-édifiante. Saint Sérène était originaire de Grèce, mais habitait Sirmium, dans la basse Pannonie, où il gagnait

492.

passionis symbolum. Ruinart, Acta sinc. Martyr., p. 491,
ex Asterio.-1 Tom. VII Conciliorum, p. 739 et 855.
2 Namque et apostolici cineres sub cœlite mensa
Depositi, placitum Christo spirantis odorem
Pulveris inter sancta sacri libamina reddunt.

sa vie à cultiver un jardin. La persécution de
Maximien-Galère s'étant fait sentir dans cette
province, Sérène se tint caché pendant quel-
ques mois, et revint ensuite à son travail ordi-
naire. Un jour qu'il y était occupé, il aperçut
une dame qui se promenait dans son jardin,
avec deux servantes. C'était à l'heure de midi,
où, comme il était ordinaire aux Romains, tout
le monde dînait ou dormait; et il était indé-
cent à une femme de se promener à pareille
heure. Sérène, jugeant qu'elle avait quelque
mauvais dessein, la pria de se retirer, en lui
disant librement qu'il ne convenait pas à une
femme d'honneur d'être hors de chez elle à
heure indue. Cette femme s'en alla moins ir-
ritée de l'affront qu'on lui faisait, que de n'a-
voir pu exécuter son mauvais dessein. Elle
écrivit à son mari, qui était dans les gardes de
l'empereur, la prétendue violence qu'elle avait
reçue de Sérène. L'officier s'en plaignit à l'em-
pereur, qui donna ordre au gouverneur de la
province de connaître de l'affaire. Sérène, obli-
gé de comparaître, rapporta la chose comme
elle s'était passée. Le mari, qui était présent,
rougit de la mauvaise conduite de sa femme,
et ne fit plus aucune poursuite contre le Saint.
Mais le gouverneur, faisant réflexion sur la
conduite que Sérène avait tenue envers cette
femme, jugea qu'il était chrétien, et lui dit:
«De quelle nation es-tu? » Sérène répondit:
« Je suis chrétien. » Le gouverneur ajouta :
« Où t'es-tu caché jusqu'à présent, et com-
ment as-tu évité de sacrifier aux dieux ? »
Sérène répondit : « Dieu m'a laissé en vie
comme il lui a plu; j'étais comme une pierre
rejetée du bâtiment; maintenant, puisqu'il a
voulu que je sois découvert, je suis prêt à
souffrir pour son nom, afin d'avoir part à son
royaume avec ses Saints. » Le gouverneur, en
colère, le condamna à perdre la tête. Cette
sentence fut exécutée aussitôt. C'était le vingt-
troisième de février de l'an 307.

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3

de la ville de Thmuis, dans la basse Égypte, sur le bord du Nil, et était né de parents nobles et riches. Il acquit de grandes connaissances dans la philosophie et dans toute la littérature du siècle, et exerça plusieurs emplois honorables, dans sa patrie. Il fut marié et eut des enfants. Ses vertus le firent élever à la dignité épiscopale de la ville' même où il était né. Ce fut pendant son épiscopat, et apparemment lorsqu'il était en prison pour la foi, et peu avant sa mort, qu'il écrivit une lettre, à la louange des martyrs qui étaient prisonniers. Saint Jérôme l'appelle 2 un fort beau livre touchant les Martyrs; et Eusèbe, qui nous en a conservé une partie, dit que cette lettre était vraiment digne de la sagesse de son auteur et de l'amour qu'il avait pour Dieu; qu'elle faisait voir aussi sa capacité dans les belles lettres; qu'en un mot, elle était un vif portrait de son âme et de son esprit. Il l'avait adressée à son Église de Thmuis, tant pour lui donner des nouvelles de l'état où il se trouvait, que pour animer les fidèles, par les paroles de l'Écriture et par l'exemple de leurs frères, à demeurer inébranlables dans la foi; c'est pourquoi il y parlait fort en détail des souffrances de ceux-ci. « Qui pourrait faire, dit-il, le dénombrement des exemples de vertus que ces martyrs ont donnés? Car, comme il était permis à tous ceux qui voulaient de les maltraiter, on se servait de tout, pour les frapper, de gros bâtons, de baguettes, de fouets, de lanières et de cordes. On liait à quelquesuns les mains derrière le dos, puis on les attachait au poteau et on les étendait avec des machines; ensuite on leur déchirait, avec des ongles de fer, non-seulement les côtés, comme aux meurtriers, mais le ventre, les jambes et les joues. D'autres étaient pendus par une

1 Hujusmodi fuit Phileas Ecclesiæ Thmuitarum episcopus, vir cunctis in patria honoribus ac muneribus summa cum laude perfunctus et in philosophiæ studüs admodum clarus.... et in Græcorum disciplinis apprime versatus. Euseb, lib. VIII, cap. 9.

2 Elegantissimum librum de Martyrum laude composuit. Hieronym., ubi supr.

3 Hæc sunt vere philosophi, nec minus Dei quam sapientiæ amatoris martyris verba, quæ ante extremam judicis sententiam adhuc in custodia constitutus, ad fratres Ecclesiæ suæ scripsit; partim quo in statu ver· saretur exponens; partim eos adhortans ut pietatem in Christum retinerent. Euseb., lib. VIII, cap. 10.

Lettre à Mélèce. -Scipion Maffei a édité le premier, d'après un manuscrit ancien du Chapitre de Vérone, une lettre adressée à Mélèce, évêque schismatique de Lycopole, par Philéas et trois autres évèques, Galland, qui l'a publiée dans sa Bibliothèque, tom. IV,

main dans la galerie, et souffraient une douleur excessive par l'extension des jointures. D'autres étaient liés à des colonnes, contre le visage, sans que leurs pieds portassent à terre, afin que le poids de leurs corps tirât leurs liens. Ils demeuraient en cet état non-seulement pendant que le gouverneur leur parlait, mais presque tout le jour. Car, quand il passait à d'autres, il laissait des officiers pour observer les premiers et pour voir s'il n'y en aurait point quelqu'un qui cédât à la force des tourments. I ordonnait de serrer les liens sans miséricorde, et, quand les martyrs seraient près de rendre l'âme, de les détacher et de les traîner par terre. Sa maxime était qu'il fallait compter les chrétiens pour rien et les traiter comme s'ils n'étaient pas des hommes. Après les tourments, on en mettait plusieurs aux entraves, et on les étendait au quatrième trou, en sorte qu'ils étaient obligés à demeurer couchés sur le dos, ne pouvant plus se soutenir. D'autres, jetés sur le pavé, faisaient plus de pitié à voir que dans l'action de la torture, à cause de la multitude des plaies dont ils étaient couverts. Les uns sont morts avec constance, dans les tourments; d'autres, étant mis en prison demimorts, ont fini peu de jours après par les douleurs; les autres, ayant été pansés, sont encore devenus plus courageux par le temps et le séjour de la prison; aussi, quand on leur a donné le choix de demeurer libres, en s'approchant des sacrifices profanes, ou d'être condamnés à mort, ils ont choisi la mort sans hésiter; car il savaient ce qui est marqué dans les divines Écritures: Celui qui sacrifie à des Frod 11 dieux étrangers sera exterminé; et encore: Tu n'auras point d'autres dieux que moi*. » 2. Outre cette lettre, saint Jérôme témoi

dit qu'il est facile de s'apercevoir qu'elle est traduite du grec; et la version lui paraît être du temps de saint Hilaire. Les quatre évêques qui ont écrit cette lettre sont nommés dans cet ordre : Hésychius, Pachonius, Théodore et Philéas; les mêmes, au reste, dont parle Eusèbe, Hist. eccl., lib. VIII, cap. 13. Philéas, qui l'écrivit, est nommé le dernier, sans doute par modestie. Elle fut écrite, comme on le dit d'après le contexte, pendant la vie de saint Pierre d'Alexandrie, et lorsque les évêques dont elle porte le nom étaient en prison, c'est-à-dire vers l'an 306. Les évêques s'y élèvent avec force contre les empiètements de Mélèce, au sujet des ordinations que cet évêque faisait dans des diocèses qui ne lui appartenaient pas, contrairement à l'ordre divin et ecclésiastique. « Cette loi, disent-ils, est sage, car il faut scruter avec grand soin la conversation et la vie de ceux qu'on ordonne; il faut ensuite enlever tout sujet de confusion et de trouble. C'est à

20

XX 3.

Les Ad

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