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La proposition est adoptée avec l'amendement.

Le président accorde la parole au maire de Paris.

Le maire. Je n'entretiendrai pas la Convention d'un complot qu'elle reconnaît n'être qu'imaginaire. Il est certain qu'après l'attroupement des contre-révolutionnaires qui voulaient s'opposer au recrutement, Paris était calme; il est certain que les mouvemens n'ont commencé que lorsque la commission des Douze a ordonné des arrestations. Ayant appris qu'il y avait quelques rassemblemens autour de la Convention, je m'y suis transporté. J'ai vu qu'il n'y avait rien à craindre, qu'il y avait une force armée considérable. Je dois dire à la Convention que j'ai reçu ce matin une lettre du commandant général provisoire, portant l'ordre qui avait été donné par la commission des Douze aux sections de la Butte-des-Moulins de Quatre-vingt-douze et du Mail, de tenir trois cents hommes prêts. (De violentes rumeurs éclatent dans la partie gauche et dans les tribunes.)

Thuriot. Je demande que la commission des Douze soit cassée à l'instant, et que les membres qui la composent soient mis en état d'arrestation.

Delacroix, d'Eure-et-Loir. Je te somme, président, de ne pas lever la séance sans avoir consulté l'assemblée.

Le maire. Le commandant général me demandait de lui tracer la marche qu'il avait à suivre. Je lui ai répondu qu'il s'adressât à la commission des Douze. J'ai écrit à cette commission, et lui ai représenté qu'aucun décret ne lui permettait de faire marcher la force armée ; je l'invitai à suspendre les ordres qu'elle avait donnés, ou à obtenir un décret de la Convention. Elle m'a écrit pour m'inviter à me rendre dans son sein. Après avoir ordonné au commandant de faire faire de nombreuses patrouilles, de faire porter une force suffisante aux prisons et aux édifices publics, je me suis rendu à la commission des Douze; elle m'a dit qu'elle avait donné cet ordre dans la nuit, dans le moment où l'on croyait qu'il y avait de grands dangers à courir pour la Convention.

Je prie la Convention d'ordonner aux troupes qui sont aux environs de la salle de faire seulement des patrouilles. Je la prie

aussi d'admettre plusieurs députations qui viennent lui demander de mettre en liberté quelques citoyens détenus.

Plusieurs voix dans la partie gauche. Oui, oui, qu'on les ad

mette.

On demande dans la partie opposée que la séance soit levée. Hérault-Séchelles prend le fauteuil.

Henri Larivière. Si vous ne voulez pas lever la séance, vous ne pourrez refuser d'entendre la commission des Douze. Vous l'accusez de tyrannie (Plusieurs voix : Oui.), mais c'est vous qui exercez un despotisme abominable, de ne vouloir entendre aucun de ceux (Murmures,) qui veulent défendre la commission extraordinaire. Président, il est dix heures, levez la séance.

Le président consulte l'assemblée.

Les deux premières épreuves sont douteuses. Châles. Dans le doute, on doit rester en séance. Henri Larivière. Il faut lever la séance ou m'entendre. Legendre. Je demande que la séance soit permanente pour faire le procès aux conspirateurs. (Les citoyens applaudissent. ) Le président fait une troisième épreuve et prononce que la séance doit continuer encore.

Plusieurs membres réclament l'appel nominal.

Le président annonce que depuis trois heures, une députation des sections de Paris demande son admission.

Elle est introduite à la barre.

Quelques membres demandent que ces citoyens exhibent leurs pouvoirs.

Plusieurs membres de la partie gauche. Vous ne les avez pas demandés aux contre-révolutionnaires.

Les pétitionnaires déposent sur le bureau leurs pouvoirs.
On en demande la lecture.

Un secrétaire examine les pouvoirs, et annonce qu'ils ont été donnés par vingt-huit sections de Paris.

L'orateur de la députation. Au nom de la majorité des sections, nous demandons notre frère, notre ami, celui qui est 'nvesti de notre confiance, celui qui nous a toujours dit la vérité,

celui que nous avons toujours cru. Nos plus chers soutiens nous sont enlevés; ils gémissent sous le fer d'un comité despotique, comme nous gémissions naguère sous le joug d'un tyran. (On applaudit.) Les réclamations les plus justes, tous nos vœux réunis sont sans effet, et nous retournons porter dans nos foyers les rebuts de ceux que nous avons commis pour veiller à nos plus chers intérêts.

Rendez-nous de vrais républicains, détruisez une commission tyrannique et odieuse, et que séance tenante..... (Oui, oui, s'écrient plusieurs membres.) et que, séance tenante, la vertu triomphe. Nous vous le demandons au nom de la patrie, et nous répondons sur nos têtes de ces citoyens innocens qui ne peuvent gémir plus long-temps dans les fers. (On applaudit. )

peu

Le président. Citoyens, la force de la raison et la force du ple sont la même chose. (Vifs applaudissemens.) Léonard Bourdon. Recommencez, vous avez dit une grande vérité.

Le président. Comptez sur l'énergie nationale dont vous entendez l'explosion de toutes parts. La résistance à l'oppression ne peut pas plus être détruite, que la haine des tyrans ne peut être éteinte au cœur des républicains. (On applaudit.) Vous venez en ce moment réclamer la justice, c'est la partie la plus sacrée de nos devoirs. Représentans du peuple, nous vous promettons la justice, nous vous la rendrons. (Applaudissemens.)

On demande l'impression de l'adresse et de la réponse. Lacroix. Je demande qu'on en donne plusieurs exemplaires à Isnard.

L'impression est ordonnée.

Léonard Bourdon. Je demande qu'à l'instant même on fasse droit à la demande des pétitionnaires.

Une seconde députation se présente à la barre.

L'orateur. Citoyens représentans, le peuple de Paris, en 1789, gémissait sous l'inquisition; il renversa la Bastille. En 1792, un roi parjure fit massacrer les citoyens sous les fenêtres de son palais; les assassins périrent. En 1795, un nouveau despotisme,

plus terrible que les deux autres, une commission inquisitoriale. s'élève sur les débris de la monarchie. Les patriotes sont incarcérés, les scènes sanglantes du. 17 juillet se préparent. La République est sur le point d'être anéantie. La section des Gravilliers vient vous déclarer, par ses commissaires, qu'elle n'a pas fait en vain le serment de vivre libre ou mourir. (On applaudit.) Vous avez reconnu le principe sacré de la résistance à l'oppression. Malheur aux traîtres qui, gorgés d'or et affamés de puissance, voudraient nous donner des fers! (On applaudit.) Les hypocrites et les traîtres se repentiront d'avoir obligé le peuple de Paris à faire encore l'essai de ses forces. (On applaudit.) Qu'ils tremblent ceux qui veulent fédéraliser la république ou mettre les Bourbons sur le trône; nous disparaîtrons plutôt de dessus le globe! (On applaudit.)

Mandataires du peuple, nous sommes prêts à couvrir de nos corps la Convention nationale; mais comme vous êtes ici pour faire de bonnes lois, et non pour être flagornés, écoutez la vérité. Vos debats tumultueux prouvent évidemment que le foyer de la contre-révolution est dans votre sein. (Les citoyens applaudissent.) Le palais national serait-il encore le château des Tuileries? Les Suisses, les nobles et les prêtres qui ont mordu la poussière dans la journée du 10 août, seraient-ils ressuscités !

Les représentans du peuple ne seraient-ils pas attendris par les cris des victimes infortunées qui, du fond de leur tombe, demandent vengeance de leurs assassins.

Ils l'auront, s'écrient plusieurs membres.

L'orateur. Ah! réfléchissez que le sang des patriotes rougit encore les murs de ce palais; songez que vous ne pouvez aborder cette enceinte sans marcher sur des milliers de cadavres, et vous serez convaincus de la nécessité du rétablissement de l'ordre et de la fraternité. Vous nous donnerez enfin une constitution républicaine, après laquelle nous soupirons et pour laquelle vous n'avez rien fait encore.

Députés de la Montagne, vous avez écrasé de votre chute la tête du tyran ; nous vous conjurons de sauver la patrie. (Oui, oui,

nous la sauverons, s'écrient plusieurs membres.) Si vous le pouvez et que vous ne le vouliez pas, vous êtes des lâches et des traîtres. Si vous le voulez et que vous ne le puissiez pas, déclarez-le, c'est l'objet de notre mission; cent mille bras sont armés pour vous défendre. (On applaudit.) Nous demandons l'élargissement des patriotes incarcérés, la suppression de la commission des Douze, et le procès de l'infàme Roland.

Le président. Citoyens, nous détestons avec vous la royauté, et ce qui peut lui ressembler. Représentans du peuple, nous n'existons que par lui et pour lui. Bons citoyens, concourez avec nous au salut public; écartez tous les obstacles; faites que nous puissions travailler en paix à la Constitution. Toute la France a dit : la liberté ou la mort. Lorsque les droits de l'homme sont violés, il faut dire la réparation ou la mort. (On applaudit.)

:

Citoyens, soyez assurés que nous mourrons tous à nos places, plutôt que de souffrir qu'aucune atteinte soit portée à vos droits et à la souveraineté du peuple. (Applaudissemens.)

L'assemblée ordonne l'impression de la pétition et de la réponse. Une troisième députation est admise à la barre.

L'orateur. La section de la Croix-Rouge vient vous faire les mêmes demandes que les autres sections de Paris; c'est l'élargissement d'Hébert et de tous les patriotes; c'est la cassation de la commission des Douze qui a dirigé ses coups sur les véritables amis de la liberté. (On applaudit.)

Lacroix. Je demande que la Convention décrète la liberté des citoyens incarcérés; la cassation de la commission des Douze, et le renvoi au comité de sûreté générale, pour examiner la conduite des membres qui la composent.

Après quelques momens d'agitation, les deux premières propositions de Lacroix sont adoptées. (Les citoyens applaudissent. ) La séance est levée à minuit.]

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Nous empruntons le compte-rendu suivant au numéro CXLIX de la Chronique de Paris, et au Moniteur du 50 mai 1793. La

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