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on nomme des commissaires perfides, on répand des libelles pour faire égorger les républicains échappés au glaive de ces ardens amis des rois; ne vous étonnez pas qu'au moment où nos troupes éprouvent quelques revers, où l'on apprend que Valenciennes était bloqué, on ait ourdi la conspiration qui s'est hier dévoilée à nos yeux d'une manière si éclatante; et que, tandis que par de subtiles chicanes, on tient la Convention dans l'inaction, vous assuriez le triomphe des royalistes. Ils ne cessent de conspirer avec les ennemis intérieurs et extérieurs de la République. Voilà la déclaration que je voulais faire avant de voir la faction détestable consommer la ruine de la patrie, si toutefois la patrie pouvait périr sous les coups des plus vils mortels.

Maintenant, je laisse ces hommes criminels finir leur odieuse carrière. Je leur abandonne cette tribune ; qu'ils viennent y distiller leurs poisons; qu'ils viennent y secouer les brandons de la guerre civile; qu'ils entretiennent des correspondances avec les ennemis de la patrie; qu'ils finissent leur carrière, la nation les jugera. Que ce qu'il y a de plus lâche, de plus vil et de plus impur sur la terre triomphe et ramène à l'esclavage une nation de vingt-cinq millions d'hommes qui voulaient être libres. Je regrette que la faiblesse de mes organes ne me permette pas de développer toutes leurs trames. C'est aux républicains à les replonger dans l'abîme de la honte. (Applaudissemens réitérés des tribunes et de la partie gauche.)

Bentabole. Avant de proclamer l'infamie de la faction, je demande qu'on fasse connaître le résultat de l'appel nominal.

Levasseur. J'annonce à la Convention que nous venons d'être trahis à l'armée des Pyrénées-Orientales. On a crié : sauve qui peut! le camp a été pris par les Espagnols, et je remarque que quand Dumouriez trahissait, ce côté s'agitait avec la même fureur. (Mèmes applaudissemens.)

Billaud-Varennes. Le système de trahison est si manifeste et si général, que Custine a eu l'indignité de faire battre trente mille hommes par six mille.

Quelques voix, Le résultat de l'appel nominal.

Danton. Je demande une explication à l'assemblée.....

Plusieurs voix. Attendez le résultat de l'appel nominal.

Le président. Il y avait 517 votans. La majorité est de 259; 279 ont voté pour oui, 258 pour non. (On murmure.)

Danton. Vous venez d'entendre la proclamation du décret..... Par ce décret la commission reste en activité.

Un grand nombre de membres du côté gauche. Nous n'en voulons pas.

Collot-d'Herbois. Je demande que la statue de la liberté soit

voilée.

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Danton. Votre décret d'hier était un grand acte de justice. J'aime à croire qu'il sera reproduit avant la levée de la séance. Mais si votre commission conservait le pouvoir que je sais de bonne part qu'elle voulait exercer sur les membres mêmes de cette assemblée..... (Plusieurs voix : Oui, oui. D'autres : Cela est faux. Collot-d'Herbois s'agite au milieu des gradins.) Je dis que si le fil de la conjuration n'était pas rompu, si les magistrats du peuple n'étaient pas rendus à leurs fonctions, et entourés du respect qui doit les accompagner, après avoir prouvé que nous passons nos ennemis en prudence, nous leur prouverons que nous les passons en audace et en vigueur révolutionnaire.

Tous les membres de la partie gauche à la fois. Oui, oui! tous, tous! (Les tribunes applaudissent.)

Quelques voix. La suspension de la commission.

Gomaire. Je demande que Rabaud soit entendu.
Quelques membres. Non.

Lahaye. Moi, je demande vengeance aux départemens, non au peuple des tribunes.

Marat. Citoyens, il est impossible... (Plusieurs voix. Vous n'avez pas la parole.) Il est impossible... (Une partie des membres de la gauche. A bas, tais-toi, Marat.)

Une longue agitation règne dans l'assemblée.

On insiste dans une partie de la salle, pour que le rapport de la commission soit fait immédiatement.

Rabaud est à la tribune.

Plusieurs voix. Le comité de salut public a un rapport à faire; il faut l'entendre.

Rabaud. La commission ne peut..... (Nouveaux murmures, nouvelles interruptions.)

Thuriot. La délicatesse ne permet pas que la commission ait la parole. Elle a été inculpée. On a même demandé le décret d'accusation contre elle. (On murmure dans la partie droite.) Je sais très-bien...

Rabaud. Voulez-vous ou ne voulez-vous pas un rapport?
Les mêmes voix. Non, non!

Le tumulte va croissant. Le président se couvre. Après quel ques instans, le calme se rétablit.

Le président découvert. Je suis heureux de trouver ma conduite tracée dans le réglement. J'y lis que lorsqu'il y aura contestation entre deux membres pour la parole, le président la donnera... Laplanche. Nous avons demandé la priorité pour le canon d'alarme. (Vifs applaudissemens des tribunes.)

Quelques voix. Le rapport de la commission?

Thuriot. Il sera beau de les voir tout à la fois accusés, rapporteurs et juges; on l'a déjà vu dans l'affaire des Girondins. Le président. Je consulte l'assemblée pour savoir si la commission sera entendue.

Lacroix. Non! ne délibérons pas.

Plusieurs membres. Levez la séance, président.

Gareau. Nous ne le voulons pas.

Les mêmes. L'impression du rapport et l'envoi aux départe

mens.

Rabaut. Au nom du salut public...

Une grande partie du côté gauche. Non, non, non!

Le tumulte recommence. On insiste d'une part pour lever

la séance de l'autre, on s'y oppose vivement.

Au milieu des rumeurs, l'impression du rapport est décrétée, Les tribunes augmentent l'agitation par leurs murmures. —Le président se couvre une seconde fois.

Rabaut. Entendez le rapport.

Les mêmes voix. Non, non, non!

Quelques membres. Président, prononcez le décret de l'impression.

Thirion. La contre-révolution est ici. (Les tribunes: Oui, oui. Chambon. Nous ne sommes pas libres, allons dans nos dépar

temens.

On demande l'élargissement des détenus.

Quelques voix. Entendez le rapport.

Boyer-Fonfrède. Aux voix, l'élargissement provisoire.

Il est décrété.

Les membres de la droite réclament de nouveau la levée de la séance; ceux de la gauche s'y opposent encore.

On admet une députation de la section de l'Arsenal qui présente une compagnie de canonniers, prête à se rendre en Vendée.

La compagnie défile dans la salle, au milieu des applaudis

semens.

Bazire. Le salut public est menacé, non-seulement dans Paris, mais encore dans les départemens. On assure qu'un grand nombre de députés se sont coalisés pour obtenir de leurs commettans la convocation des assemblées primaires. Pour dissiper ces soupçons, je demande que chacun jure ici qu'il n'en a rien fait.

Tous les membres se lèvent et le jurent.

L'assemblée ordonne l'inscription de ce serment au procès

verbal.

Une députation de la section des Gardes-Françaises est admise à la barre.

Après quelques débats, la parole est accordée aux pétitionnaires.

L'orateur. La conduite des sections des Tuileries et de la Fraternité vient enfin de donner l'éveil aux autres sections de Paris; il est temps que la lutte finisse; il est temps qu'une troupe de scélérats cachés sous le masque du patriotisme, disparaisse ; il est temps qu'une minorité turbulente s'effraie du retour de

T. XXVII.

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l'ordre; elle est faite pour le craindre. (Murmures des tribunes et d'une partie de l'assemblée. )

Vous n'avez qu'à dire un mot; vous n'avez qu'à nous appeler auprès de vous, et vous serez entourés de défenseurs dignes de la cause qui leur sera confiée; alors on verra, d'un côté, le courage des bons citoyens; et de l'autre, la lâcheté et la perfidie de quelques brigands. (Violens murmures dans la partie gauche.)— Plusieurs membres s'avancent vers les pétitionnaires, et leur parlent avec chaleur. Il règne une vive agitation dans toute l'assemblée. Le président se couvre. - Le tumulte continue.

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Après une longue agitation, le calme se rétablit.)

L'orateur. Vous avez laissé trop long-temps entre les mains du peuple les instrumens révolutionnaires; il erre au gré des passions de quelques agitateurs adroits, et sert les projets des ambitieux qui veulent nous lasser de la liberté pour nous redonner un maître.

Comme l'unique remède à tant de maux, nous demandons que vous nous donniez une constitution libre, où les droits civils et politiques soient conservés, et qui assure la liberté et l'égalité; nous vous répondons que vous serez libres dans vos délibérations.

Le président répond aux pétitionnaires, et les admet aux honneurs de la séance. Les citoyens des tribunes font entendre de violens murmures.

On demande l'impression de ce discours.

Danton. Personne ne respecte plus que moi le droit de pétition ; j'ai applaudi à l'opinion principale contenue dans celle que vous venez d'entendre. Nous soutenons tous la nécessité d'une constitution, et sous ce rapport je partage les voeux des pétitionnaires. Mais ordonnerez-vous l'impression d'une adresse où l'on dit qu'il faut arracher au peuple les instrumens de la révolution? Si j'entends bien ce que signifient ces mots, cela veut dire la faculté de se réunir pour délibérer sur les affaires publiques. Or, les pétitionnaires nous ont demandé ce qu'il nous est impossible de faire; car le peuple français est au-dessus de nous. Il est digne

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