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Hébert entre dans la salle au milieu des applaudissemens; il monte à la tribune, et rend compte des détails de son arrestation.

Legendre. Nous ne devons pas nous livrer à l'enthousiasme ; ce n'est pas Hébert qui a été attaqué, c'est la République entière; les droits de la liberté ont été attaqués dans sa personne ; on a violé la liberté de la presse; on a outragé la souveraineté nationale en arrêtant une représentation du peuple. Il faut que nous prenions une grande mesure; il faut que la société invite Hébert à rédiger toutes les circonstances de l'oppression qu'il a éprouvée, afin que nous puissions faire porter le décret d'accusation contre tous les membres de la commission des Douze. Si nous ne pouvons pas y parvenir, je déclare que lorsque nous aurons énergiquement prononcé notre opinion, lorsque nous aurons invité cette commission à faire son rapport, attendu que nous avons de quoi riposter, après que nous aurons fait valoir toute la force du raisonnement et de la justice, le peuple aura le droit de recourir aux moyens qui lui ont toujours réussi; mais il faut essayer cette mesure, pour que les départemens ne nous accusent pas d'agir sans réflexion. Nous dirons aux membres de cette commission: vous avez envoyé un journaliste au tribunal révolutionnaire, vous l'avez fait asseoir sur la sellette; nous demandons tous que les membres du comité des Douze aillent s'asseoir sur cette sellette.

Un membre. J'applaudis au zèle de Legendre; et si je ne connaissais pas le cœur de Legendre, je dirais que les moyens qu'il a proposés sont faits pour paralyser l'opinion publique.

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Le président interrompt l'orateur en invitant tous les patriotes de la section de la Butte-des-Moulins de se rendre à cette section, attendu qu'il s'agit de renouveler le bureau.

Un membre. La Convention sait que le Nord est désolé, et que le Midi va bientôt l'être. C'est au peuple à se sauver luimême. Les demi-mesures sont inutiles; la loi parle. Ceux qui ont usurpé le pouvoir dictatorial sont hors de la loi. Il ne nous reste plus qu'à donner un rendez-vous demain à tous les mon

tagnards pour rédiger un manifeste qui apprenne aux citoyens des départemens la situation où nous sommes, et qui les engage à se sauver eux-mêmes. Je déclare que je regarde comme traître à la patrie tout député qui n'aura pas le courage de déclarer en son âme et conscience, qu'il n'a pas le moyen de sauver la patrie. Le peuple est debout; il a fait la révolution, c'est à lui de l'achever..

Quelques membres s'écrient que Legendre est un endormeur. Legendre. J'ai une observation à faire à la société : c'est de mettre aux voix si j'ai eu l'intention d'endormir l'esprit public. > Maure. Nous ne devons rien déterminer avant d'avoir examiné le plan de Barrère. >

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Bentabolle. Il s'en faut de beaucoup que les Jacobins doivent s'en rapporter au rapport de Barrère. Il a dit de bonnes choses; ce député a rendu beaucoup de services, mais il a un esprit de modérantisme; il a l'adresse de faire ressortir contre les Jacobins tout ce que nos ennemis disent. S'il avait été de bonne foi, il fût tombé sur Roland et sur les chefs de la faction dont les crimes sont généralement connus. Je demande que les Jacobins fassent un rapport dans lequel ils ne déguisent rien, et ne ménagent absolument personne. ›

Robespierre. Si la commune de Paris, en particulier, à qui est confié spécialement le soin de défendre les intérêts de cette grande cité, n'en appelle point à l'univers entier de la persécution dirigée contre la liberté par les plus vils conspirateurs; si la commune de Paris ne s'unit au peuple, ne forme pas avec lui une étroite alliance, elle viole le premier de ses devoirs; elle ne mérite plus la réputation de popularité dont elle a été investie jusqu'à ce jour. Dans ces derniers momens de crise, la municipalité devrait résister à l'oppression et réclamer les droits de la justice contre la persécution des patriotes.

• Lorsqu'il est évident que la patrie est menacée du plus pressant danger, le devoir des représentans du peuple est de mourir pour la liberté ou de la faire triompher.

› Je suis incapable de prescrire au peuple les moyens de se

sauver. Cela n'est pas donné à un seul homme; cela n'est pas donné à moi qui suis épuisé par quatre ans de révolutions, et par le spectacle déchirant du triomphe de la tyrannie, et de tout ce qu'il y a de plus vil et de plus corrompu. Ce n'est pas à moi d'indiquer ces mesures, à moi qui suis consumé par une fièvre lente, et surtout par la fièvre du patriotisme. J'ai dit ; il ne me reste plus d'autre devoir à remplir dans ce moment. ›

Roussillon. La postérité ne pourra jamais croire que vingtcinq millions d'hommes aient pu se laisser mener par une poignée d'intrigans, et elle ne verra en nous que vingt-cinq millions de j.... f..... Je dis que demain il faut que l'airain frémisse, que le canon tonne, que tous ceux qui ne marcheront pas à l'ennemi soient déclarés traîtres à la patrie, et chassés de son sein pour jamais. Quand l'airain tonnera, cette harmonie encouragera les poltrons; nous nous leverons tous ensemble; nous exterminerons tous nos ennemis intérieurs et extérieurs. >

Un membre. Robespierre vient de nous faire connaître où sont les traîtres. Les magistrats du sénat de Rome étaient inviolables; mais quand une partie d'eux trahissait la patrie, l'autre partie se saisissait de tous les pouvoirs, et faisait arrêter les conspirateurs. >>>

Le président. Je vous observe que vous donnez dans votre opinion matière aux calomnies. »

Le même membre. « J'ai dit que les magistrats du peuple savaient au nom du peuple faire arrêter les conspirateurs, et qu'il savait distinguer les traîtres des patriotes. Je déclare que je ne connais de magistrats purs que ceux de la Montagne; ils doivent se mettre à notre tête et nous conduire à l'ennemi, et partout où il y a des traîtres à punir. ›

Le président lève la séance.

INSURRECTION DU 31 MAI.

L'insurrection du 31 mai commença le 29 de ce même mois, et finit le 2 juin. Depuis la pétition du 15 avril on n'avait pas cessé un instant de chercher les moyens d'en finir avec ceux que

l'on désignait moins maintenant par la dénomination de Giron dins que par celle de complices de Dumourier. Avant de composer le journal de l'insurrection, nous rappellerons en peu de mots les premières démarches qui annoncèrent la résolution définitive prise par les sections, et les principaux actes par lesquels leur volonté fut accomplie.

La conspiration dite du 20 mai dans les feuilles girondines, fut l'annonce sérieuse qu'on était à la veille de quelque grand événement. Ce fut d'un comité central révolutionnaire formé de mem. bres des comités révolutionnaires des sections, et réuni à la Commune pour dresser la liste des suspects, et répartir l'em prunt forcé, que partit la menace. On a vu la section de la Fraternité venir dénoncer à la barre de la Convention les propositions faites dans ce comité, et le maire Pache donner à cet égard des explications fort vagues. Les documens où sont établis les détails relatifs aux séances du comité central révolutionnaire, se trouvent dans une brochure publiée à Caen par Bergoieng, député de la Gironde, à la fin de juin 1795. Ce député, membre de la commission des Douze, et dépositaire de ses papiers, donne le texte ou l'extrait de trente-deux pièces dont les six premières sont des dépositions de témoin sur les séances du comité central de la Commune. La brochure de Bergoieng est une des plus importantes de celles qui figurent parmi les documens complémentaires de notre histoire du mois de mai; nous y renvoyons nos lecteurs.

A ces préparatifs encore timides du comité central, et qui consistaient à émettre et à discuter des projets plutôt qu'à agir, succédèrent les réunions à l'évêché. La section de la Cité, dont le président avait été mis en arrestation par ordre du comité des Douze, pour avoir refusé de livrer les papiers du comité révolutionnaire de cette section, invita, par un arrêté très-énergique, les quarante-sept autres sections à envoyer deux commissaires chacune au club électoral de l'Évêché, afin de s'y concerter sur les moyens de sauver la République. Trente-trois sections s'y rendirent avec des pouvoirs illimités. Le 29, on y nomma une

commission de neuf membres; le 30 tout fut disposé pour l'action; le 31 au matin l'assemblée de l'Évêché se transporta à la Commune, exhiba ses pouvoirs, et cassa la municipalité qui fut sur-le-champ réinstallée. La brochure plus haut citée renferme la description assez circonstanciée des séances de l'assemblée de l'Évêché. Pour éviter un double emploi nous n'en parlerons pas

ici.

Pendant que les sections organisaient spontanément la révolution du 51 mai, le directoire du département convoquait de son côté toutes les autorités constituées à se trouver le 31 au matin, dans la salle des Jacobins, pour délibérer sur les mesures de salut public qu'il convenait de prendre dans les circonstances présentes. Cette assemblée eut lieu, et il y fut nommé des commissaires qui allèrent immédiatement se réunir au nouveau pouvoir municipal.

Tels sont les élémens actifs qui dominent les journées mémorables dont l'histoire va suivre. Nous croirions en affaiblir le caractère véritable, si nous entreprenions d'ajouter à l'expression même que nous ont conservée les monumens officiels, les comptes rendus et les récits des journaux de ce temps. En conséquence, nous nous contenterons de mettre en ordre les matériaux directs, nous réservant de reproduire sous le titre de documens complémentaires les pièces qui embarrasseraient la marche des événe

mens.

CONVENTION.

-Séance du 30 mai.

La séance du matin fut occupée de lectures diverses, et de décrets sans aucune importance. Voici celle du soir, dont l'objet principal était la nomination d'un président.

Présidence d'Isnard.

[On procède à l'appel nominal pour la nomination d'un président; sur trois cent cinquante-quatre voix, Mallarmé en réunit cent quatre-vingt-neuf, Lanjuinais cent onze. Le premier est proclamé président. Les secrétaires sont, Ducos, DurandMaillane et Meaule.

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