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qui se décèlent d'une manière si hideuse, soit appelée pour rendre compte des renseignemens qu'elle a recueillis.

On admet à la barre une députation de la section de Molière et La Fontaine, qui présente à l'assemblée un arrêté de ce matin, par lequel l'assemblée générale de la section, instruite que le tocsin a été sonné et la générale battue dans plusieurs sections, ignorant qui a donné cet ordre; considérant que la prudence ordonne de se réunir aux autorités constituées, a arrêté à l'unanimité qu'il serait envoyé six commissaires à la Convention, pour lui demander les moyens de maintenir la tranquilité publique et de faire respecter la représentation nationale. (On applaudit.) Une autre députation succède.

L'oraleur de cette dépulation. Citoyen président, l'instant où le tocsin a sonné dans la ville de Paris a été pour les citoyens de la section du Pont-Neuf celui du ralliement sur la caserne. Nous avons reçu une proclamation de la commune de Paris, en datte de ce jour, qui annonçait que le département réunissait les commissaires des sections, que le calme devait régner jusqu'au résultat de la délibération du conseil-général. Nous étions calmes, lorsque j'ai appris qu'il était arrivé au poste un ordre sans date, signé Henriot, commandant général provisoire. L'ordre était de faire tirer le canon d'alarme. Le commandant de poste m'a dit qu'il avait refusé, sous le prétexte que l'ordre n'avait pas de date. Je me suis rendu au département : j'ai cru que j'y trouverais les autorités rassemblées, comme l'annonçait la proclamation; il n'y avait que le conseil du département. Le département a passé à l'ordre du jour, motivé sur ce qu'il existe une loi qui défend de le tirer sous peine de mort, sans un décret de l'assemblée nationale. Nous avons annoncé au conseil que nous allions en prévenir la Convention. Nous avons fait notre devoir. (On applaudit.)

La Convention décrète la mention honorable de la conduite des pétitionnaires.

Thuriot. Valazé a soumis à la Convention deux propositions qu'il faut distinguer; il a demandé le rapport de la commission des Douze : c'est contre cette proposition que je m'élève. C'est

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l'anéantissement de la commission que je sollicite. (Plusieurs voix. Non, non, après le rapport.) Cette mesure doit être la première. Comment cette commission a-t-elle été formée? Peut-on se dissimuler que les hommes qui la composent sont d'une opposition formelle au système général d'une partie de l'assemblée. (On murmure.)

N... J'annonce qu'en ce moment on tire le canon d'alarmę. Plusieurs membres. Aux voix les propositions de Valazć. Thuriot. Je demande que cette commission, qui est le fléau de la France, soit cassée à l'instant, que les scellés soit apposés sur ses papiers, et que le comité de salut public fasse un rapport sur le tout.

Vergniuud. Je suis si persuadé des vérités que Cambon vous a dites sur les funestes inconvéniens du combat qu'on semble préparer dans Paris ; je suis si convaincu que ce combat compromettrait éminemment la liberté et la République, qu'à mon avis celui-là est le complice de nos ennemis extérieurs, qui désirerait de le voir s'engager, quel qu'en soit le succès. (On applaudit.) Si je pouvais me permettre un reproche, ce serait contre l'opinant qui, au moment où l'on a annoncé que l'on tirait le canon d'alarme, a peint la commission comme le fléau de la France. On demande que la commission soit cassée, parce qu'elle s'est permis des actes arbitraires. Sans doute, si cela est, elle doit être cassée. Mais il faut l'entendre auparavant. Cependant la Convention ne doit pas, à mon avis, s'occuper en ce moment de cette délibération. Elle ne doit pas entendre le rapport, parce que ce rapport heurterait nécessairement les passions, ce qu'il faut éviter dans un jour de fermentation. Il s'agit de la dignité de la Convention. Il faut qu'elle prouve à la France qu'elle est libre. Eh bien! pour le prouver, il ne faut pas qu'elle casse aujourd'hui la commission, Je demande donc l'ajournement à demain. Il importe à la Convention de savoir qui a donné l'ordre de sonner le tocsin, le de tirer canon d'alarme. (Quelques voix : La résistance à l'oppression.) Je rappelle ce que j'ai dit en commençant, c'est que s'il y a un combat, il sera, quel qu'en soit le succès, la perte de la République. Je de

mande que le commandant-général soit mande à la barre, et que nous jurions de mourir tous à notre poste.

La presque totalité de l'assemblée se lève par acclamation.
La proposition de Vergniaud est décrétée.

Vergniaud. Je demande que ce décret soit envoyé aux quarante-huit sections. (On applaudit.)

Jean-Bon Saint-André. Je demande la parole.

Plusieurs membres. Aux voix.

Le président. Je consulte l'assemblée pour savoir si Jean-Bon Saint-André sera entendu.

Danton. C'est un droit: Jean-Bon, parlez!... Vous parlerez ou je parlerai.

Le président. On a demandé que le commandant général fût mandé à la barre.

Danton. Faites donc justice, avant tout, de la commission.

Il s'élève quelques débats sur la question de priorité.

Danton. J'ai demandé la parole pour motiver la priorité en faveur de la motion de Thuriot. Il ne sera pas difficile de faire voir que cette motion est d'un ordre supérieur à celle même de mander le commandant à la barre. Il faut que Paris ait justice de la commission; elle n'existe pas comme la Convention. Vous avez créé une commission impolitique.... (Plusieurs voix: Nous ne savons pas cela.) Vous ne le savez pas, il faut donc vous le rappeler. Qui, votre commission a mérité l'indignation populaire. Rap pelez-vous on discours sur cette commission, ce discours trop modéré. Elle a jeté dans les fers des magistrats du peuple, par cela seul qu'ils avaient combattu, dans les feuilles, cet esprit de modérantisme que la France veut tuer pour sauver la République. Je ne prétends pas inculper ni disculper la commission, il faudra la juger sur un rapport et sur leur défense. Pourquoi avez-vous ordonné l'élargissement de ces fonctionnaires publics? Vous y avez été engagés sur le rapport d'un homme que vous ne suspectez pas, d'un homme que la nature a créé doux, sans passions, le ministre de l'intérieur. Il s'est expliqué clairement, textuellement, avec développement, sur le compte d'un des magistrats du

peuple. En ordonnant de le relâcher, vous avez été convaincus que la commission avait mal agi sous le rapport politique. C'est sous ce rapport que j'en demande, non pas la cassation, car il faut un rapport, mais la suppression. Vous l'avez créée, non pour elle, mais pour vous. Si elle est coupable, vous en ferez un exemple terrible, qui effraiera tous ceux qui ne respectent pas le peuple, même dans son exagération révolutionnaire. Le canon a tonné, mais si Paris n'a voulu donner qu'un grand signal pour vous apporter ses représentations (les citoyens des tribunes applandissent avec une partie de l'assemblée), si Paris, par une convocation trop solennelle, trop retentissante, n'a voulu qu'avertir tous les citoyens de vous demander une justice éclatante, Paris a encore bien mérité de la patrie. Je dis donc que si vous êtes législateurs politiques, loin de blâmer cette explosion, vous la tournerez au profit de la chose publique, d'abord, en réformant vos erreurs, en cassant votre commission. (On murmure.)

Ce n'est qu'à ceux qui ont reçu quelques talens politiques que je m'adresse, et non à ces hommes stupides qui ne savent faire parler que leurs passions. Je leur dis: considérez la grandeur de votre but, c'est de sauver le peuple de ses ennemis, des aristocrates, de le sauver de sa propre colère. Sous le rapport politique, la commission a été assez dépourvue de sens pour prendre de nouveaux arrêtés et de les notifier au maire de Paris, qui a eu la prudence de répondre qu'il consulterait la Convention. Je demande la suppression de la commission, et le jugement de la conduite particulière de ses membres. Vous les croyez irréprochables; moi, je crois qu'ils ont servi leurs ressentimens. Il faut que ce chaos s'éclaircisse; mais il faut donner justice au peuple. ( Quelques voix : Quel peuple?) Quel peuple, dites-vous? Ce peuple est immense, ce peuple est la sentinelle avancée de la République. Tous les départemens haissent fortement la tyrannie. (Un grand nombre de

ni.) Tous les départemens exècrent ce lâche modéransme qui ramene la tyrannie. Tous les départemens, en un jour de gloire pour Paris, avoueront ce grand mouvement qui exterminera tous les ennemis de la liberté. Tous les départemens applaudiront

à votre sagesse, quand vous aurez fait disparaître une commission impolitique. Je serai le premier à rendre une justice éclatante à ces hommes courageux qui ont fait retentir les airs.... (Les tribunes applaudissent.)

Je vous engage, vous, représentans du peuple, à vous montrer impassibles; faites tourner au profit de la patrie cette énergie que de mauvais citoyens seuls pourraient présenter comme funeste; et si quelques hommes, vraiment dangereux, n'importe à quel parti ils appartiennent, voulaient prolonger un mouvement devenu inutile, quand vous aurez fait justice, Paris lui-même les fera rentrer dans le néant ; je demande froidement la suppression pure et simple de la commission sous le rapport politique seul, sans rien préjuger ni pour, ni contre; ensuite vous entendrez le commandant-général, vous prendrez connaissance de ce qui est relatif à ce grand mouvement, et vous finirez par yous conduire en hommes qui ne s'effraient pas des dangers.

Salles. Nous savons bien que ce n'est qu'un simulacre, les citoyens courent sans savoir pourquoi.

Danton. Vous sentez que s'il est vrai que ce ne soit qu'un simulacre, quand il s'agit de la liberté de quelques magistrats, le peuple fera pour sa liberté une insurrection tout entière. (Applaudissemens des tribunes.) Je demande que pour mettre fin à tant de débats fâcheux, que pour marcher à la Constitution qui doit comprimer toutes les passions, vous mettiez aux voix, par l'appel nominal, la révocation de la commission.

Rabaut. Je demande à discuter la chose sous le rapport politique....

J'attends de la justice de l'assemblée qu'elle ne prononcera pas.

Quelques membres. Aux voix la suppression de la commission. Elle aura la parole, quand il s'agira de la mettre en accusation. L'assemblée décrète que Rabaut sera entendu.

Rabaut. La question que vous examinez est celle de savoir si en politique il ne convient pas que la commission des Douze soit supprimée. Je crois qu'il faut écarter toutes les mesures qui

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