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Couthon. Guadet s'est trompé; il a voulu dire composer avec la liberté.

Guadet. La preuve que la Convention n'est pas libre, c'est qu'elle a lutté pendant trois heures pour faire accorder la parole à Rabaut.

N..... C'est qu'il n'est pas libre à qui que ce soit de perdre la patrie.

Guadet. Je demande que la Convention décrète qu'elle s'occupera avant tout d'assurer la liberté de ses délibérations.

Boussion. Président, faites régner l'ordre dans les tribunes.
Plusieurs membres. Envoyez-y la force armée.

Guadet. Je demande que vous ajourniez toute discussion jusqu'à ce que vous sachiez par quel ordre les barrières ont été fermées, la circulation des postes a été interrompue, que les autorités légitimes soient réintégrées et les autres anéanties. Je propose, conformément à la motion de Bazire, que vous annuliez les mesures prises à l'égard de la municipalité.

Je propose, enfin, de charger la commission des Douze, si elle est maintenue, de rechercher ceux qui ont sonné le tocsin, arrêté la circulation des postes, fait tirer le canon d'alarme, et je demande que la commission fasse son rapport dans trois jours.

Une députation de la municipalité de Paris est introduite.

L'orateur. Le maire vous a rendu compte ce matin de la șituation de Paris pendant la nuit. La députation qui nous a précédés ici, vous a rendu compte de quelques mesures, nous pouvons vous assurer que l'objet dont elle a entretenu la Convention n'était pas à sa connaissance.

Législateurs, dans ces momens de crise, la municipalité a cru qu'il serait très-avantageux d'établir une correspondance directe entre elle et la Convention: par là la municipalité sera instruite d'heure en heure des mesures prises par la Convention, et de même la Convention aura connaissance de l'état de Paris. Nous demandons que vous nous indiquiez un local où

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les commissaires de la Commune pourront se réunir. (On applaudit.)

Fermont. Je convertis en motion la demande qui vous est faite par la municipalité de Paris, et je demande par amendement que dans ce comité soient tenus de se rendre des membres du conseil exécutif et de l'administration du département.

Cette proposition est adoptée.

Vergniaud. Dans les circonstances où nous nous trouvons, il faut agir et non délibérer...

Plusieurs voix. Couthon a la parole. Est-ce que les Girondins ont le droit exclusif de parler?

Couthon. J'ai demandé la parole pour répondre à Guadet. J'ai été affecté plus que personne des mouvemens qui se sont manifestés dans les tribunes de la Convention; je sais qu'ils doivent être attribués à de vils stipendiés qui, d'accord avec la faction scélérate, veulent la dissolution de la Convention. Je voudrais que les citoyens des tribunes fussent invités à faire justice eux-mêmes des mauvais citoyens qui se sont glissés parmi eux et qu'ils les chassassent.

Je viens à la querelle que Guadet a faite aux sections de Paris d'avoir nommé des commissaires pour prendre des mesures révolutionnaires. Sans doute, il y a un mouvement dans Paris; mais Paris est louable d'avoir commis des magistrats pour le sauver : ainsi la querelle de Guadet est absolument déplacée. Il a fait à la commune de Paris le reproche d'avoir sonné le tocsin ; j'observe à cet égard que nous nous trouvons dans un moment de crise, et qu'elle est autorisée à prendre de semblables mesures, à la charge par elle d'en avertir la Convention; elle l'a fait; elle est donc irréprochable. Guadet a dit que la commune de Paris avait préparé l'insurrection; où est la preuve de cette insurrection? C'est insulter le peuple de Paris que de le dire en insurrection? S'il y a un mouvement, c'est votre commission qui l'a préparé; c'est cette faction criminelle qui, pour exécuter un grand complot, veut un grand mouvement; c'est elle qui veut animer les départemens contre Paris; c'est elle qui dit que la municipalité

de Paris fait des lois, qu'elle se montre la rivale de la Convention; cette faction veut, en répandant ces calomnies, allumer la guerre civile, donner les moyens à nos ennemis d'entrer en France et d'y proclamer un tyran.

Nous sommes disposés à faire les plus grands sacrifices, mais je sais qu'il y a une faction infernale qui retient dans l'erreur une partie d'entre nous. (On applaudit.) Il est instant que les hommes de bien étouffent les factions, et la liberté triomphera. (On applaudit.)

Rappelez-vous, citoyens, que la cour, cherchant toujours quelque nouveau moyen de perdre la liberté, inventa d'établir un comité central de juges de paix; ainsi la faction a fait créer une commission. Le comité des juges de paix fit arrêter Hébert ; la commission des Douze l'a fait arrêter aussi. Les juges de paix ne se bornèrent pas là ; ils lancèrent un mandat d'arrêt contre trois députés à la législature: lorsqu'ils virent que l'opinion publique les abandonnait, ils se hasardèrent à requérir la force armée; n'est-ce pas là ce qu'a fait la commission des Douze? (On applaudit dans une grande partie de l'assemblée et dans les tribunes.) Cette ressemblance est frappante, mais elle est réelle. (Mêmes applaudissemens.)

Que tous ceux qui veulent sauver la République se rallient; je ne suis ni de Marat, ni de Brissot; je suis à ma conscience. Que tous ceux qui ne sont que du parti de la liberté, se réunissent, et la liberté est sauvée. (Nouveaux applaudissemens.)

Je finis par cette observation. Guadet vous a dénoncé, comme attentatoire à votre autorité, la levée d'un corps de sans-culottes, par la municipalité de Paris; mais n'avez-vous pas décrété la levée d'une armée qui serait soldée par les riches? Lorsqu'on défendait encore le tyran renversé de son trône, on décréta une force départementale: un département s'empressa de lever un corps d'armée et de le solder avec les deniers du trésor public. Je vous dénonçai ce département, et Guadet le défendit. (On applaudit.)

Je propose que vous renvoyiez au comité de salut public toutes

les propositions qui sont faites, et que vous passiez à l'ordre du jour, qui est la suppression de la commission des Douze. (On applaudit.)

Une grande partie de l'assemblée demande à aller aux voix.

Vergniaud. Citoyens, on vient de vous dire que tous les bons citoyens devaient se rallier certes, lorsque j'ai proposé aux membres de la Convention de jurer qu'ils mourraient tous à leur poste, mon intention était certainement d'inviter tous les membres à se réunir pour sauver la République. Je suis loin d'accuser la majorité ni la minorité des habitans de Paris; ce jour suffira pour faire voir combien Paris aime la liberté. Il suffit de parcourir les rues, de voir l'ordre qui y règne, les nombreuses patrouilles qui y circulent, pour décréter que Paris a bien mérité de la patrie.

Oui, oui! aux voix! s'écrie-t-on dans toutes les parties de la salle.

Vergniaud. Oui, je demande que vous décrétiez que les sections de Paris ont bien mérité de la patrie, en maintenant la tranquillité dans ce jour de crise, et que vous les invitiez à continuer d'exercer la même surveillance, jusqu'à ce que tous les complots soient déjoués.

Cette proposition est décrétée, au milieu des applaudissemens de l'assemblée entière.

Vergniaud. Nous devons craindre que l'aristocratie, avec son astuce ordinaire, n'ait profité des mouvemens qui se sont manifestés pour désorganiser les armées, qu'elle n'ait fait partir des courriers extraordinaires pour annoncer la dissolution de la Convention. Je demande que vous fassiez une adresse aux armées, pour les prémunir contre les mauvaises nouvelles que les ennemis du bien public auraient pu répandre.

Camboulas. Il y a eu une violation manifeste de la loi; les barrières ont été fermées; on a sonné le tocsin; le canon d'alarme a été tiré. Je demande que le conseil exécutif soit tenu de rechercher ceux qui ont commis ces crimes.

Quelques voix dans les tribunes. Nous, nous tous!

Robespierre jeune. Vous voulez savoir qui a fait sonner le tocsin, je vais vous le dire? ce sont les trahisons de nos généraux, c'est la perfidie qui a livré le camp de Famars, c'est le bombardement de Valenciennes, c'est le désordre qu'on a mis dans l'armée du Nord, ce sont les conspirateurs de l'intérieur, dont plusieurs sont dans le sein de la Convention.

Vergniaud. Je demande qu'on constate cette assertion dans le procès-verbal.

Robespierre jeune. Je dis que ce sont les conspirateurs de l'intérieur, dont quelques-uns sont ici, qui ont fait sonner le tocsin. (Oui, oui! s'écrie-t-on dans une partie de l'assemblée. ) C'est la commission des Douze, où il n'y a que des contre-révolutionnaires. Déjà vous en connaissez un; Gardien n'a pu être choisi que par des hommes qui le connaissaient bien. C'est le moment de nous occuper de la conspiration de cette faction, qui ne nous dénonçait des complots imaginaires que pour couvrir ses trames. Vous devez vous souvenir que cette faction a toujours défendu les contre-révolutionnaires; les aristocrates d'Orléans, ceux de Lyon, ceux de Marseille, le juge de paix de la section de l'Unité, ont trouvé parmi eux des défenseurs. (On applaudit dans une grande partie de l'assemblée et dans les tribunes.) Vous venez de décréter que les sections de Paris avaient bien mérité de la patrie pour avoir maintenu la tranquillité dans Paris; si vous adoptiez la proposition de Camboulas, vous seriez en contradiction avec vous-mêmes. Je demande donc la question préalable sur cette proposition.

La discussion est fermée.

La proposition de Camboulas est adoptée.

Une compagnie de canonniers, partant pour la Vendée, est admise à prêter le serment.

Delacroix, d'Eure-et-Loir. Nous déclarons que nous n'avons pas pris part au décret qui ordonne au conseil exécutif de rechercher ceux qui ont fait sonner le tocsin, parce que nous n'avons pas entendu quand vous l'avez mis aux voix.

Thuriot. Je demande le rapport de ce décret, il vous mettràit

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