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hésion générale. Ensuite, on s'occupa de lever six mille hommes; la présence de Rebecqui et les lettres de Barbaroux contribuèrent puissamment à fortifier toutes ces résolutions. Toulon s'y rangea aussitôt.

A Nîmes, l'arrivée de Rabaud Saint-Étienne avait porté ses fruits. Une lettre de cette ville, datée du 12 juin, et insérée dans le numéro XC du journal de Lyon, s'exprimait ainsi :

On a fait cette nuit une rude expédition contre les maratistes; leur club a été muré; tous les scélérats ont été désarmés, et quelques-uns emprisonnés sans coup férir. On a découvert toute la trame d'une horrible boucherie qui devait avoir lieu à Nîmes. Notre infâme district a été désarmé, il avait trois caisses de fusils, et nous devons notre salut à notre bonne et ferme municipalité, aux grenadiers et aux chasseurs. ›

Les autorités constituées de Grenoble, réunies en assemblée des représentans immédiats de la section du peuple français, du département de l'Isère, délibérèrent et agirent au nom du souverain. Il y eut une tentative d'arrestation sur Dubois Crancé et Gauthier, commissaires conventionnels auprès de l'armée des Alpes, et le nouveau pouvoir envoya des agens à Lyon.

Le département du Jura, dont Bourdon (de l'Oise) disait, à la séance du 6 juin, en parlant des registres de ses délibérations, qu'ils renfermaient les preuves du complot girondin, prit aussi l'initiative fédéraliste. A la séance du 13 juin au soir, des citoyens de Lons-le-Saulnier dénoncèrent à la Convention les mesures prises par ce département, comme attentatoires à l'unité et à l'indivisibilé de la République. Ils accusèrent les administrateurs d'avoir arrêté le rassemblement des suppléans à Bourges, où ils devaient être accompagnés par un détachement de grenadiers; d'avoir arrêté que les fonds publics seraint retenus jusqu'à la mise en liberté des députés prisonniers à Paris ; d'avoir refusé de reconnaître les décrets rendus depuis le 31 mai. Les dénonciateurs offraient leurs personnes pour garans de la vérité de ces faits.

Bourg, Besançon, Dijon, Macon imitèrent leurs voisins. Ces

mouvemens partiels se concentraient à Lyon, qui était devenu le chef-lieu insurrectionnel de la Bourgogne, du Dauphiné et de la Franche-Comté. L'importance de cette place y faisait affluer en outre de nombreux émissaires de tous les points où le fédéralisme avait éclaté ; elle-même en envoyait partout. Lyon et Caen furent les deux boulevarts girondins, et la révolte de ce parti y produisit des conséquences identiques. A Lyon, les insurgés choisirent pour général le comte de Précy, royaliste connu ; à Caen, Buzot et Pétion placèrent également un royaliste, le baron Félix de Wimpfen, à la tête des forces combinées de la Bretagne et de la Normandie. D'un côté, il y eut des négociations avérées avec les Piémontais; de l'autre, des relations avec le cabinet de Londres.

Et dans quelles conjonctures ce schisme venait-il diviser la nation! Battue au nord et au sud par l'étranger, à l'ouest par les royalistes, la France était alors menacée d'une seconde Vendée née tout-à-coup dans les montagnes de la Lozère, et qui se montrait, dès son origine, presque aussi retoutable que la première. A la tête de trente mille hommes, au milieu desquels prêchaient cinquante prêtres réfractaires, l'ex-constituant Charrier s'était emparé de Mendes sans coup férir; et le 27 mai, après un combat de quelques heures, il était entré dans SaintAlban et dans Randon. Partout les révoltés abattaient l'arbre de la liberté, déchiraient le drapeau tricolore, arboraient le drapeau blanc, prenaient les caisses des receveurs, ouvraient les prisons, réintégraient les religieuses. Déjà ils avaient emprisonné quatre-vingts patriotes à Marvejols; les administrateurs du district avoient été égorgés. La lettre où ces nouvelles étaient annoncées fut lue le 5 juin à la Convention. On y avait joint la copie d'un ordre du jour de Charrier; voici cette pièce :

Il est ordonné à MM. les maires et officiers municipaux de Saint-Amand, au nom de MONSIEUR, RÉGENT DE FRANCE, de faire mettre sous les armes tous les habitans, de faire sonner le tocsin, et de se rendre à la tête de leurs troupes à Randon, à neuf heures du soir, afin de recevoir les ordres du chef général

de l'armée catholique et royale, pour faire rentrer dans le devoir les scélérats qui méconnaissent l'autorité légitime. Rendons lesdits maires et officiers municipaux responsables de l'inexécution de ces ordres. Déjà Marvejols est tombé en notre pouvoir; quatre cents volontaires ont été défaits; vingt ont resté sur le champ de bataille; vingt autres, faits prisonniers, vont être exécutés. ›

C'est une chose digne de remarque dans l'histoire de notre nation, et faite pour étonner le scepticisme et l'incrédulité même, qu'aux grandes époques de ses transformations politiques, la France ait toujours été réduite aux descendans de ces cités chrétiennes dont les évêques fondèrent sur l'Évangile l'alliance avec un guerrier franc. Là où la foi à la religion de la Fraternité était plus profonde, là fut appliqué primitivement le principe de l'unité sociale, là, ce principe incarné par l'éducation et par la tradition s'est maintenu indestructible. Les luttes successives contre les ariens, contre les mahométans, contre les païens du nord, contre les Anglais, les Bourguignons et les Armagnac, contre les protestans, c'est la vieille France, le pays entre la Loire, le Rhin et la Meuse, qui les a toutes soutenues. C'est elle encore qui maintenant va combattre seule pour sauver la civilisation moderne.

Pendant que les Girondins s'occupaient de leur vengeance, pendant que le midi tout entier inclinait au fédéralisme, et que les uns et les autres, perdant de vue les royalistes et l'étranger, n'avaient plus de colère que pour renverser les Jacobins, Paris consolidait péniblement sa dernière victoire. Les conséquences étaient bien loin d'en être assurées. Il n'y avait de réellement obtenu que l'interdiction des séances de la Convention nationale aux trente-deux députés contre lesquels on s'était insurgé; quant à leur arrestation, elle semblait devoir se borner à une formalité parfaitement illusoire. Le conseil général révolutionnaire poursuivit l'exécution du décret (1). Pétion et Guadet, qui ne tar

(1) La commission révolutionnaire, nommée par les sections de Paris, et qui

dèrent pas à s'échapper, furent arrêtés par ses soins. Dans sa séance du 3 juin, il fut décidé 1o que les députés assez lâches pour quitter leur poste au moment du danger de la patrie, seraient mis en lieu sûr; 2o que deux bons citoyens sans culottes seraient envoyés auprès des députés déjà en arrestation pour aider le gendarme dans son service. Mais ces précautions étaient annulées à l'instant même par un décret de la Convention; elle recevait en effet une lettre de Gardien, se plaignant de ce que le ministre de la justice venait d'ajouter deux surveillans à celui qu'il lui avait déjà envoyé, et elle ordonnait qu'un seul gendarme veillerait sur les députés détenus. Cette mesure faisait prévoir combien de mollesse et de lenteur ou apporterait à passer du décret d'arrestation contre les girondins, au décret d'accusation, et enfin à leur mise en jugement. Le comité de salut public procédait avec une bienveillance marquée pour les conventionnels prisonniers de la Commune, et il suscitait à celle-ci de sérieux obstacles. Tantôt il la pressait de fournir les preuves nécessaires pour dresser l'acte d'accusation qu'elle avait sollicitée; tantôt il cherchait à accréditer le bruit que le comité révolutionnaire du conseil-général voulait s'emparer de tous les pouvoirs, et que d'un jour à l'autre il se poserait en maître absolu. La première demande excita de vives réclamations au sein de l'assemblée municipale. Il faut, s'écria un membre, être aveugle ou fourbe pour ne pas connaître les crimes des complices de Dumourier. › Cependant, sur le réquisitoire de Chau

avait fait l'insurrection du 31 mai, se démet de ses fonctions le 6 juin. Les noms des membres qui la composaient auraient dû se trouver à la page 415 du XVII v., à la suite de la journée du 2 juin, article extrait du n. CLV de la Chronique de Paris. La fin de cet article ayant été omise par une erreur typographique, nous rétablissons ici ce qu'il y avait d'important.

« Nous, des membres de la commission révolutionnaire: Les citoyens : Clemence, de la section Bon-Conseil; Dunouy, section des Sans-Culottes; Bouin, de la section des Marchés; Auvray, de la section du Mont-Blanc ; Séguy, de la section de la Butte-des-Moulins; Moissard, de Grenelle; Berot, canton d'Issy; Rousselin, section de l'Unité: Marchand, section du Mont-Blanc; Grespin, section des Gravilliers.

>> Le mot d'ordre dans la journée du 31 mai était : Insurrection et vigueur, » (Note des auteurs,)

mette, le conseil-général arrêta qu'il serait nommé une commission (séance du 5 juin), pour rédiger les plaintes du peuple contre les députés arrêtés, les porter à la Convention, et par ce moyen, accélérer le décret d'accusation. Ce fut à la séance du 4 que le conseil apprit les rumeurs relatives à son usurpation prochaine. Le membre qui en fit part ajouta que plusieurs représentans du peuple, et notamment ceux du comité de salut public, avaient exprimé leurs inquiétudes à ce sujet ». A ces mots, dit le procès-verbal‹ un cri d'indignation s'élève tant parmi les membres du conseil que dans les tribunes, et cette odieuse imputation est désavouée unanimement». Le lendemain fut votée à ce sujet une déclaration du conseil-général révolutionnaire, et des commissaires des quarante-huit sections, à la Convention nationale. Cette protestation, au nom du peuple de Paris, concluait ainsi Organes de cette portion intéressante du souverain, nous vous déclarons, mandataires du peuple, que nous voulons la République une et indivisible, que nous défendrons jusqu'à la mort la liberté et l'égalité, et l'inviolabilité de la représentation nationale. Nous vouons à l'exécration publique tout individu, toute autorité, toute section de la République voudrait s'arroger la domination et la dictature. »

Ce n'était là qu'une partie des entraves qui rendaient alors difficile la marche de la Commune. Le système de modération commandé par l'état des départemens, et que les Jacobins mettaient plus que jamais à l'ordre du jour, était souvent l'objet de diatribes violentes. Leclerc, ce jeune député lyonnais, qui figure dans le mois précédent, par des motions fougueuses, vient le 4 au conseil général et dit que c'était à tort qu'on avait jugé la révolution achevée. « L'incarcération des gens suspects, continua-t-il, était un des principaux moyens de salut public. Mais tous les gens suspects sont-ils incarcérés? J'en doute, et les dangers sont toujours les mêmes? N'est-il pas possible d'ailleurs que les députés arrêtés n'aient déjà pris la fuite? Eh! pourquoi mettez-vous tant de lenteur à vous défaire de vos ennemis? Pourquoi craignez-vous de répandre quelques gouttes de

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