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du code civil et du code criminel, et d'en approprier les dispositions aux bases du gouvernement républicain. L'autre section sera chargée des rapports sur les affaires particulières qui lui seront renvoyées par la Convention nationale. >

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Jusqu'au 6 juin, les séances de la Convention prirent un caractère d'ordre et de décence qu'elles n'avaient pas encore présenté. On allait vite et avec ordre dans l'expédition des affaires. Le silence des passions personnelles n'était qu'ajourné. Les Girondins attendaient le rapport du comité de salut public sur le 31 mai, pour remettre leur querelle à l'ordre du jour. Il leur fallait une satisfaction à tout prix, et ils rejetaient avec un dédain superbe toute proposition qui tendait à garantir leur personne, ou même à les sauver du tribunal révolutionnaire. Déjà, dès le 2 juin, une lettre couverte de signatures, avait offert, au nom du peuple de Paris, des otages en nombre égal à celui des députés arrêtés; le 3, Marat déclarait se suspendre de ses fonctions jusqu'à leur jugement définitif; Couthon demandait quelques jours après d'aller en otage à Bordeaux. Les Girondins écrivirent qu'ils refusaient les otages, et ils insistèrent sur un prompt rapport. Ils avaient vu que Fauchet et Isnard avaient été laissés libres, parce qu'ils avaient consenti à donner leur démission; tous les autres protestèrent qu'ils ne suivraient pas cet exemple. Le bruit s'étant répandu que le rapport du comité de salut public leur serait favorable, et même qu'il y était question des les amnistier, Valazé adressa la lettre suivante au président de la Convention :

Paris, le 5 juin 1792, l'an deuxième de la République.

⚫ Citoyen président, on m'apprit hier au soir, et cette nouvelle m'a ravile sommeil pendant la nuit, que le comité de salut public devait proposer aujourd'hui à la Convention nationale de décréter une amnistie pour les dix membres de la Commission des Douze. Je ne puis croire que tel soit le plan du comité : car ce serait la plus horrible des perfidies, la lâcheté la plus insigne; ce serait après avoir attenté à notre liberté, le projet de nous ôter l'honneur. Cependant, il vient de se passer des choses si étran

ges, qu'on doit penser qu'il n'y a plus rien d'impossible. Il est donc de mon devoir de m'expliquer d'avance sur le projet du comité. Eh bien! citoyens, je déclare à mes commettans, à la Convention nationale, à la France et à l'Europe, que je repousse avec horreur l'amnistie que l'on voudrait m'offrir.

. Si la Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité, et m'avoir accordé la parole pour ma défense, ne persiste point dans son décret qui déclare calomnieuse la dénonciation des sections de Paris, et ne sévit pas avec une majesté digne d'elle contre mes lâches assassins, je demande qu'on me juge. Il me semble impossible de se refuser à une déclaration de ce genre. Je vous prie d'en donner connaissance à l'Assemblée. - Signé, DUFRICHE-VALazé. ›

(Le Moniteur ne donne qu'un extrait de cette lettre; nous en empruntons le texte au Républicain français,no 203. )

Ainsi, comptant pour rien la paix de la Convention dans des circonstances où elle était si nécessaire, sacrifiant tout à l'esprit de parti, lorsqu'il fallait tout sacrifier au salut de la France, les Girondins ne pensaient qu'à leur duel contre les Jacobins ; ils voulaient dégager leur honneur. C'étaient là les sentimens qui en avaient fait partir quelques uns pour exciter la guerre civile dans les provinces, tandis que les autres entretiendraient les troubles dans Paris et dans la Convention. Ils justifiaient déjà ce mot de leur généralissime Félix Wimpfen, dans une notice de lui que nous transcrirons plus bas : « Le crève-cœur de tous était le triomphe de la Montagne, et leur ambition toujours saillante, la vengeance.

La séance du 6 s'ouvrit par la demande d'un congé. Lecarpentier obtint la parole et dit : « Lorsque la patrie est en danger, lorsqu'il s'agit de la sauver et de donner une constitution à la République, c'est une lâcheté de la part des représentans du peuple d'abandonner leur poste. Déjà beaucoup de membres sont en commission, et si la Convention avait la facilité d'accorder encore des congés, l'Assemblée serait bientôt déserte. Chacun doit être prêt

à mourir ici en faisant son devoir. Je demande donc que tous les membres qui ont obtenu des congés, soient tenus de se rendre à leur poste, et qu'aucun congé ne soit accordé jusqu'à l'achèvement de la constitution (1). Cette proposition fut vivement applaudie et décrétée. Lakanal fit ensuite adopter le décret sui

vant:

• La Convention nationale, ouï le rapport de son comité d'instruction publique, décrète la peine de deux ans de fers contre quiconque dégradera les monumens des arts dépendans des propriétés nationales. ›

Il fut encore voté une loi sur les pensions militaires, et immédiatement après, Durand-Maillane, l'un des secrétaires, ininterrompit l'ordre du jour pour annoncer une lettre de Vergniaud. Il commençait à la lire, lorsque plusieurs membres s'opposèrent à ce qu'elle fut continuée, en réclamant l'exécution d'un décret qui ordonnait le renvoi au comité de salut public, de toutes les pièces relatives aux détenus. Un secrétaire fit lecture du décret. Alors Doulcet monta à la tribune et déclara qu'il y aurait oppression, si les lettres des députés arrêtés n'étaient point lues; il demanda que le rapport fût fait le lendemain sur les dénoncés et sur les dénonciateurs, et qu'on n'étouffàt pas la voix de ceux qui voudraient prouver les crimes de cinq ou six bandits qui, depuis quelques mois, désolaient Paris. A cela Thuriot répondit qu'il fallait bien donner au comité le temps de recueillir les pièces et les faits: «S'il s'agissait, en ce moment, dit-il, de prouver la conspiration, je vous apprendrais qu'on vient d'en saisir un des fils dans une lettre adressée à Barbaroux. Cette lettre lui annonce que les têtes de trois députés tomberont, et qu'on organise à Marseille un bataillon qui aura le même esprit que celui qui devait, dans le jugement de Louis, entourer la Convention, et l'empêcher de prononcer l'arrêt fatal. Mais il ne s'agit que de la lecture de la lettre ; un décret la prohibe, et j'en réclame l'exécution pour ne pas

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(1) La motion de Lecarpentier, ni le décret qui en fut la conséquence, ne sont mentionnés dans le Moniteur; ces faits sont tirés du Républicain, journal des hommes libres, etc., n. CCXVIII. (Note des auteurs.)

consumer en de nouveaux débats un temps que vous devez à la

chose publique.»

Lacaze, Duperret et autres, car, dit le Républicain, journal des hommes libres, no 218, le côté droit qui, depuis que l'assemblée, s'occupe, non de disputes particulières, mais de l'intérêt général, se trouvait désert, était ce jour-là nombreux et en force pour soutenir la lettre de Vergniaud, s'opposèrent au renvoi au comité de salut public, et en invoquèrent à grands cris la lecture.

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L'ordre du jour fut mis aux voix. Une première épreuve parut douteuse; une seconde épreuve prononça que la lettre serait lue. Voici cette pièce :

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Citoyen président, je demande que le comité de salut public, qui devait faire dans trois jours son rapport sur les complots dont trente représentans du peuple ont été accusés, soit tenu de le faire aujourd'hui. Je demande ce rapport pour la Convention elle-même, qui ne peut tolérer que plusieurs de ses membres soient plus long-temps opprimés.

< Lhuillier et Hassenfratz, et les hommes qui sont venus avec eux reproduire une pétition déjà jugée calomnieuse, ont promis les preuves de leurs nouvelles dénonciations. S'ils les produisent, je me suis mis volontairement en état d'arrestation, pour offrir mà tête en expiation des trahisons dont je serai convaincu. S'ils n'en produisent pas, je demande à mon tour qu'ils aillent à l'échafaud :

1° Pour avoir fait assiéger la Convention par une force armée qui, ignorant les causes de ce mouvement, a failli, par excès de patriotisme, opérer la contre-révolution;

2o Pour avoir mis à la tête de cette armée un commandant qui a violé la liberté de la Convention par ses consignes;

3 Pour avoir obtenu par violence l'arrestation de plusieurs représentans du peuple, la dispersion d'un grand nombre d'autres;

› 4° Pour avoir, par l'impulsion terrible, donnée au peuple de

Paris, jeté dans tous les départemens le germe des discordes les plus funestes et les brandons de la guerre civile ;

› 5° Enfin, pour avoir retenu à Paris les bataillons qui devaient aller dans la Vendée. (Bourdon. Ces bataillons partent à mesure qu'on leur fait délivrer des armes.)

Citoyens, mes collègues, je m'en rapporte à vos consciences. Votre décision sera jugée à son tour par la nation entière et par la postérité. Signé VERGNIAUD. ›

Le côté droit demanda aussitôt l'impression de cette lettre et l'insertion au bulletin. Il y eut un instant de tumulte pendant lequel on entendit Legendre s'écrier: « C'est pour que les lettres soient mises dans les journaux qu'on vous les envoie ici ; et Thuriot: C'est pour attiser la guerre civile. A peine l'ordre du jour était-il voté sur cette dernière instance que les bancs du côté droit furent dégarnis. Remarquez, dit alors Bourdon (de l'Oise), comme ce côté de la salle s'évacue. Ces messieurs sont contens d'avoir pu jeter tout à l'heure le trouble dans l'assemblée. Ils s'intéressent peu aux délibérations importantes dont vous vous occupez en ce moment. Depuis l'arrestation des trentedeux, nous espérions être tranquilles; mais ils ont encore des imitateurs. Je demande qu'il soit constaté dans le procès-verbal que ces messieurs du côté droit ne se sont rendus en grand nombre à la séance d'aujourd'hui, que pour nous troubler, et que la preuve qu'ils sont peu jaloux de faire le bien public, c'est qu'ils se sont retirés au moment même où vous avez entamé la discussion d'une loi utile. (On applaudit.)

Après quelques décrets sur des objets de finance, après le discours de deux députés de la ville d'Angers qui venaient parler pour les Girondins, et celui d'une députation d'Arras, témoignant sa pleine adhésion au 31 mai, Barrère obtint la parole au nom du comité de salut public.

Ce rapport, si impatiemment attendu, fut la condamnation des journées de juin, en termes aussi clairs que la prudence pouvait alors le permettre. Toute la partie qui concernait les Girondins fut présentée sous forme vague et dubitative. A cet égard le rap

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