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esclave: à des hommes libres, à des législateurs français l'urne du juré national exposera tous leurs devoirs.

• Nous pensons avoir rétabli sur la représentation nationale une grande vérité, connue sans doute, mais qui désormais net restera probablement plus sans effet; c'est que la constitution française ne peut pas être exclusivement appelée représentative, parce qu'elle n'est pas moins démocratique que représentative. En effet, la loi n'est point le décret, comme il est facile de le démontrer; dès lors le député sera revêtu d'un double caractère: mandataire dans les lois qu'il devra proposer à la sanction du peuple, il ne sera représentant que dans les décrets; d'où il résulte évidemment que le gouvernement français n'est représentatif que dans toutes les choses que le peuple ne peut pas faire lui-même.

› On nous dira peut-être : pourquoi consulter le peuple sur toutes les lois? Ne suffit-il pas de lui déférer les lois constitutionnelles, et d'attendre ses réclamations sur les autres ?... Nous répondrions: c'est une offense au peuple que de détailler les divers actes de sa souveraineté. Nous répondrions encore: avec les formes et les conditions dont ce qui s'appelle proprement loi sera entouré, ne croyez pas que les mandataires fassent un si grand nombre de lois dans une année. On se guérira peu à peu de cette manie de législation qui écrase la législation au lieu de la relever; et dans tous les cas il vaut mieux attendre et se passer même d'une bonne loi, que de se voir exposé à la multiplicité des mauvaises.

» Il faut maintenant vous parler de l'établissement du conseil exécutif. Conséquemment à notre opinion de ne faire nommer directement et immédiatement par le peuple que ses députés et le jury national, et non pas les agens de ses volontés, nous n'avons point voulu que le conseil reçût sa mission au premier degré de la base populaire. Il nous a paru que l'assemblée électorale de chaque département devait nommer un candidat pour former le conseil, et que les ministres de l'exécution, nommés agens en chef, devaient être choisis hors du conseil : car ce n'est

point à eux à en faire partie; le conseil est un corps intermédiaire entre la représentation et les ministres pour la garantie du peuple; cette garantie n'existe plus si les ministres et le conseil ne sont séparés.

› On ne représente point le peuple dans l'exécution de sa volonté le conseil ne porte donc aucun caractère de représentation. S'il était élu par la volonté générale son autorité deviendrait dangereuse, pouvant étre érigée en représentation par une de ces méprises si faciles en politique, nous en avons conclu qu'il devait être élu par les assemblées électorales, sauf ensuite à faire diminuer par un autre mode l'existence d'un trop grand nombre de membres; d'où il suit que la dignité n'étant plus que dans l'établissement, et non pas dans les hommes, qui se mettent toujours à la place des établissemens, le conseil, ainsi subordonné, et désormais gardien sans péril des lois fondamentales, concourt à l'unité de la République par la concentration du gouvernement, tandis que cette même unité ne peut être garantie à son tour que par l'exercice de la volonté générale et par l'unité de la représentation. Heureux si de cette manière très-simple nous sommes parvenus à résoudre le problème de J.-J. Rousseau dans le Conrat social, lorsqu'il proposait de trouver un gouvernement qui se resserråt à mesure que l'état s'agrandit, et dont le tout subalterne fût tellement ordonné qu'en affermissant sa constitution il n'altérât point la constitution générale.

› Pouvions-nous ne pas conserver les municipalités, quelque nombreuses qu'elles soient? Ce serait une ingratitude envers la révolution, et un crime contre la liberté; que dis-je! ce serait vraiment anéantir le gouvernement populaire : quel malheur pour les citoyens si dans quelques-unes de leurs communes (et pour peu qu'on réduise, la réduction ne peut pas aller à moins de quatorze mille), ils étaient privés de la consolation de s'administrer fraternellement ! L'espèce humaine est un composé de familles dispersées çà et là, et plus ou moins nombreuses, mais qui toutes ont les mêmes droits à la police et au bonheur : l'écharpe qui couvre des lambeaux est tout aussi auguste que l'écharpe des

cités les plus populeuses; l'homme qui la porte ne consentirait pas plus à l'abandonner qu'à se dessaisir de son vote ou de son fusil. Et d'ailleurs quel peut être l'inconvénient? Non, l'idée de retrancher des municipalités n'a pu naître que dans la tête des aristocrates, d'où elle est tombée dans la tête des modérés.

› Telles sont les principales combinaisons sur lesquelles il était de notre devoir de vous présenter des détails avant de vous lire le projet de l'acte constitutionnel.

› Puissent nos faibles travaux avoir aplani quelques-unes des difficultés du grand ouvrage que vous allez entreprendre! Puisse cet ouvrage, si nécessaire à la prospérité commune, être bientôt terminé! Puissiez-vous mériter la gloire d'avoir donné une consistance immortelle à votre patrie! Puisse la postérité vous bénir comme les fondateurs de la république française! Il n'existe point sur la terre une plus haute destinée. Puisse surtout la charte que vous allez consacrer à la sagesse humaine, ramener tous nos frères, amortir les haines locales, éteindre et les flambeaux de la discorde et les feux de la guerre, épouvanter les rois, consoler les peuples, rappeler nos troupes belliqueuses dans leurs foyers par la plus belle des victoires, celle de la raison; conquérir à l'humanité les nations étrangères, et planter enfin un rameau d'olivier sur toutes les citadelles !

› Pour nous, nous ne nous flattons point d'avoir atteint ce but; mais nous l'avons souhaité ardemment. On sera sensible aux efforts de quelques hommes qui ont cherché le bonheur du peuple dans la nature et dans leur cœur, et en attendant que vous ayez élevé ce grand et majestueux édifice, ceux qui voudront embrasser une colonne de la liberté la trouveront peutêtre.

Sur la proposition de Robespierre, il fut décrété que ce projet serait imprimé en placards, envoyé à toutes les administrations, aux sociétés populaires et aux armées; que le lendemain à midi la discussion commencerait article par article, et serait continuée chaque jour à la même heure. Nous renvoyons au chapitre des travaux organiques de la Convention l'acte consti

tutionnel et l'analyse des débats qui portèrent sur le fond: ici nous n'en exposerons que l'influence révolutionnaire.

A l'heure où elle fut produite, la Constitution, considérée comme moyen gouvernemental et instrument de pouvoir, fut en butte aux deux oppositions que nous avons signalées. On a vu le côté droit faire tous ses efforts pour en empêcher la lecture; maintenant il ne néglige rien pour en retarder ou en embarrasser la discussion, et vaincu sur ce point, il infirme autant qu'il est en lui la valeur du résultat, en s'abstenant de voter. Le jour même où elle fut lue, l'opposition des exagérés préludait par des objections timides aux réclamations impérieuses qu'elle devait bientôt élever.

Dans la soirée du 10, Robespierre vint aux Jacobins et dit : « Tandis que les destinées du peuple français flottaient dans l'incertitude, tous les intrigans tâchaient de s'emparer des débris du gouvernement, et appelaient les despotes pour aider leurs projets criminels. Tous les bons citoyens demandaient une Constitution et craignaient de la demander en vain. Elle a été enfin présentée ce matin, et a rempli les vœux du peuple.

» Nous pouvons offrir à l'univers un code constitutionnel infiniment supérieur à toutes les institutions morales et politiques, un ouvrage susceptible sans doute de perfection, mais qui présente les bases essentielles du bonheur public, qui offre le dessein sublime et majestueux de la régenération française. Aujourd'hui la calomnie peut lancer ses traits empoisonnés. La Constitution, voilà la réponse des députés patriotes, car elle est l'ouvrage de la Montagne. (On applaudit.)

› Voilà notre réponse à tous les calomniateurs, à tous les conspirateurs, qui nous accusaient de ne vouloir que l'anarchie. Nous les accusons à notre tour, car les intrigans ne voulaient point de notre Constitution; mais nous la soutiendrons, et tous les amis de la liberté se rallieront à ce signal.

> Il s'est trouvé dans la Convention des hommes purs qui ont prouvé que les bonnes institutions n'étaient pas puisées dans l'es

prit subtil des intrigans, mais dans la sagesse du peuple. Cette Constitution est sortie dans huit jours du sein des orages, et elle devient le centre où le peuple peut se rallier sans se donner de nouvelles chaînes.

› C'est en vain que les amis des intrigans, ou leurs dupes, ont demandé que cette Constitution ne fût pas décrétée, que les hommes arrêtés fussent rappelés dans le sein de la Convention; en vain ont-ils protesté contre cette Constitution et même contre tout ce qui a été fait en l'absence des chefs de la faction des hommes d'état, les patriotes n'ont fait aucune attention à leurs clameurs.... Les aristocrates sont confondus; les intrigans ne pourront poursuivre le cours de leurs perfidies sans se déclarer ouvertement ennemis de la liberté, sans prouver qu'ils voulaient un tyran. Actuellement il faut nous occuper des grandes mesures de salut public; il faut opposer une force invincible aux ennemis armés dont nous sommes environnés.

› Nos ennemis intérieurs ne sont pas moins dangereux par les intelligences qu'ils ont avec les despotes étrangers. On prétend que les députés éloignés de la Convention se sont répandus dans les départemens où ils secouent les brandons de la guerre civile. On prétend que des bataillons s'avancent sur Paris. Sans examiner si ces bruits sont fondés ou non, je proposerai de déjouer tous les complots en éclairant l'opinion publique. Je n'indiquerai qu'une mesure pour arrêter les efforts des intrigans, c'est que nous nous appliquions sans cesse à éclairer les départemens sur ce qui s'est passé, et il est certain que nous avons autant d'amis qu'il y a de patriotes, et que nous n'aurons d'ennemis que parmi les feuillans, les modérés, les administrateurs, car c'est la même intrigue que celle que nous avons combattue et anéantie au 10 août.

› Pour éclairer les départemens, je demande que la société fasse une adresse sur la Constitution qui vient d'être décrétée ; que dans cette adresse elle développe ses principes; qu'ensuite nos séances soient toujours consacrées aux grands objets, et que

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