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la signature, et même le papier et les caractères de Marat. Cette circonstance le détermina à réimprimer son journal. Il en remit tous les numéros, et corrigea de sa main les fautes qui s'y étaient glissées à cause de l'impossibilité où il était souvent de revoir les épreuves. Voici ce qu'on lit dans le prospectus: « Cette édition aura donc, outre l'avantage de ne contenir que ce qui est vraiment sorti de la plume de Marat, et de ne pas être confondue avec les autres productions, celui d'être augmentée d'un grand nombre de notes et de remarques, et celui d'ètre rétablie dans sa première intégrité. Cette correction fut faite en 1792 et 1795; la mort de Marat en empêcha l'impression. Il avait été très-difficile à lui-même de retrouver tous ses numéros; sur l'un d'eux il a écrit: Ce numéro, qu'il m'avait été impossible de me procurer après la fracture de mes presses, a été retrouvé dans la collection de d'Anglemont, guillotiné en août 1792. L'exemplaire préparé par Marat pour la réédition de son journal a été conservé par ses héritiers, et se trouve en ce moment entre les mains d'une personne qui a bien voulu nous communiquer ces renseignemens. Il résulte des notes manuscrites que la plupart des lettres non signées ou signées d'initiales qui se trouvent dans l'Ami du Peuple, sont de Marat. Ses vues, en les écrivant, étaient de varier les formes de ses dénonciations.

La veille du jour où Marat fut assassiné, Chabot annonça à la Convention la découverte d'un complot, et demanda que le comité de sûreté générale fût autorisé à mettre les scellés sur les papiers de plusieurs députés. Certains mouvemens observés dans le côté droit, à la séance du 12; des distributions d'imprimés venus de Caen, faites par Duperret, à ses collègues (1); une lettre communiquée par lui à quelques-uns d'entre eux en pleine as

(1) Ce fait imputé à Duperret, à la séance du 14, par Billaud-Varennes, fat traité d'imposture. Là-dessus Levasseur prit la parole et dit : « Ce n'est pas, il est vrai, Duperret qui a fait ce manége, mais Rabaud-Pommier. Il a distribué de ces écrits à Duperret, et Billaud a pu croire que c'est celui-ci qui les distribuait à l'autre. Je fis observer cette distribution, suivie de collectes d'assignats, à plusieurs de mes collègues; et je réponds du fait sur ma tête. Il n'y eut plus de contestations. »>. (Note des auteurs.)

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semblée, tels étaient en partie les motifs qui avaient déterminé la démarche du comité de sûreté générale. Il faut ajouter à cela que trois sections de Paris se prononçaient alors ouvertement pour les fédéralistes. Elles avaient envoyé des commissaires en Normandie pour fraterniser avec les révoltés, et elles reimprimaient les chansons, les adresses, les lettres qui leur venaient de ce pays-là, et jusqu'au manifeste de Félix Wimpfen, bravant ainsi, autant qu'il était en elles, le décret d'accusation porté contre ce général, par la Convention nationale. Nous lisons dans le procès-verbal de la commune, du 12 juillet:

Le conseil général entend lecture d'un arrêté de la section de la Fraternité, par lequel elle déclare que les scellés apposés par l'administration de police, sur les papiers du citoyen Mouchette, l'un des commissaires qu'elle a envoyés dans le département de l'Eure, seront levés par des commissaires nommés par elle, en l'absence comme en présence desdits administrateurs qui les avaient apposés.

› Le conseil-général, après avoir entendu le procureur de la Commune, casse et annule l'arrêté pris par l'assemblée géné rale de la section de Fraternité, du 11 du présent mois, et arrête qu'il sera dénoncé au département.

› Arrête en outre que ledit arrêté sera envoyé à l'administration de police, à l'effet de poursuivre, par-devant le tribunal révolutionnaire, les auteurs et signataires dudit arrêté, comme tendant à propager les principes du fédéralisme, ensemble les complices et fauteurs de la distribution d'une proclamation signée par Wimpfen, mis en état d'accusation et déclaré rebelle par la Convention nationale; charge en même temps ladite administration de poursuivre par-devant ce même tribunal, tout ceux qui cherchent à empêcher ou à éloigner la levée de la force armée destinée pour le département de l'Eure;

› Arrête enfin que l'administration de police rendra compte du résultat de ses poursuites dans le plus court délai.

› Le conseil entend lecture de l'arrêté suivant du comité civil

de la section de Molière et La Fontaine, et en ordonné mention civique au procès-verbal.

› Nous, soussignés, membres du comité civil de la section › de Molière et La Fontaine, attestons tous, et chacun individuel>lement, que c'est avec une profonde douleur que, lors du rap> port fait hier à l'assemblée générale de notre section, par les com> missaires qu'elle avait envoyés dans le département de l'Eure, > plusieurs citoyens, malheureusement en trop grand nombre, » ont applaudi d'une manière insultante pour les patriotes, à des » détails dont tout bon citoyen ne peut que gémir; tels que le manifeste de Wimpfen, et l'assurance d'une coalition de > soixante-neuf départemens pour marcher contre Paris; qu'en ⚫ conséquence nous déclarons ne prendre aucune part à ces ap› plaudissemens, que même nous en blâmons hautement les au>teurs, et qu'enfin cette profession de foi de notre part, sera › envoyée aux comités de salut public et de surveillance de la • Convention nationale, à celui de salut public du département › de Paris, au conseil-général de la Commune, et aux quarantesept autres sections. A Paris, le 11 juillet 1795, l'an 2 de la République française une et indivisible. REGNAUDE T-Ronzière, › président; CIVET, vice-président; MAISONCELLE, commissaire de police; JOBERT, VERNEAU, DESPRÉAUX, MACQUET, CLAUDE, › BERTOUT, tous commissaires civils. La troisième section qui s'était déclarée pour les Girondins était celle de 1792. A la séance des Jacobins, du 12 juillet, Desfieux disait : « La section de 1792, ci-devant de la Bibliothèque, a nommé des commissaires pour aller fraterniser avec les départemens de l'Eure et du Calvados; ils ont osé s'aboucher avec les rebelles et leur promettre la paix.. (Le Républicain français, n° CCXLIV.)

Dans le rapport qu'il fit sur la mort de Marat, à la séance du 14, Chabot liait ainsi les faits : « Pour exciter un mouvement dans Paris, lorsqu'on a vu que deux ou trois sections inclinaient pour le fédéralisme, l'on s'est dit : cherchons les moyens de diviser les citoyens par un événement qui attire leur attention et se les armer les uns contre les autres. Marat a de nombreux

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amis parmi le peuple; une grande partie ne jure que par rat; si nous le faisons assassiner, les sans-culottes vont s'armer pour le venger; le Calvados et les contre-révolutionnaires de Paris vont s'armer en sens contraire; au milieu de ces dissensions, Wimpfen marchera contre Paris,, et la contre-révolution est opérée.

Le crime de Charlotte Corday est un élément de l'histoire des Girondins, qui ne peut être séparé du mouvement révolutionnaire. Nous devons donc insérer son procès dans notre narration. La séance de la Convention consacrée à cette affaire ne renferme aucun détail qui ne se trouve plus complet et mieux exposé dans le bulletin de l'audience du tribunal révolutionnaire. Nous ne mentionnerons de cette longue séance que les deux décrets dont l'un frappa Duperret d'accusation, et dont l'autre ordonna que Fauchet serait détenu à l'Abbaye. Ce qui décida la sévérité de l'assemblée à l'égard de ce dernier, car les griefs à sa charge ne parurent pas suffisamment établis, c'est que, malgré la suspension volontaire à laquelle il s'était condamné, depuis plusieurs jours, il se montrait dans l'assemblée.

Quant

à la fête qui devait être célebrée ce jour-là, tant en mémoire de la prise de la Bastille, que pour l'acceptation de la Constitution par le département de Paris, la seule trace qui en reste figure en ces termes, à la fin de cette même séance du 14 juillet:

La Convention décrète l'admission du conseil-général de la Commune de Paris, réuni aux quarante-huit sections.

Le procureur de la Commune donne lecture d'une adresse. dans laquelle il annonce l'acceptation unanime de l'acte constitutionnel par les sections de Paris. Les plus vifs appludissemens accueillent les sections défilant en masse dans le sein de la Convention. La musique de la garde nationale, placée à l'une des extrémités, exécute divers morceaux; trois artistes chantent les strophes célèbres de Chénier: Soleil qui parcourant la route accoutumée, etc., etc.

› Les quarante-huit sections défilent successivement aux cris

de Vive la République une et indivisible, la liberté, l'égalité, la Convention nationale, la Montagne, etc., etc.

» Chaumette présente à la Convention tous les procès-verbaux des assemblées des sections, où la Constitution a été acceptée. Ils sont renfermés dans une urne sur laquelle est un génie qui, courbé respectueusement devant le vœu du peuple, semble placer une couronne civique sur tous les procès-verbaux. Cette urne est précédée et suivie par des citoyens portant le nouveau costume des cérémonies populaires.

› Billaud-Varennes demande que la Convention décrète que la municipalité et les citoyens de Paris ont bien mérité de la patrie.

› Après diverses observations sur la rédaction du décret, la Convention décrète que les sections de Paris, depuis 1789, et la municipalité, depuis le 10 août 17:2, n'ont pas cessé de bien mériter de la patrie. >

Avant de transcrire le procès de Charlotte Corday, nous allons extraire de la notice du général Wimpfen, par laquelle nous terminerons ce qui concerne les Girondins du Calvados, un passage relatif à cette femme.

L'assassinat de Marat, dit Wimpfen, est l'ouvrage de cinq des Girondins réfugiés dans le Calvados; mais ce n'était pas Marat qui était désigné; c'était Danton que la nouvelle Judith devait immoler. Ils appelaient cela couper la Montagne en deux; parce que les lettres dont mademoiselle Corday étalt porteuse, renfermaient une instruction qui disait qu'à l'instant du grand événement, il fallait répandre dans tous les coias de Paris que c'était Robespierre qui avait fait faire le coup. Mais mademoiselle Corday, ayant ouvert ses lettres, vit qu'on y accusait Danton de vouloir porter le petit dauphin sur le trône; et comme cette demoiselle Corday é ait fanatique royaliste, elle se garda bien de porter la main sur celui dans lequel elle plaçait son espoir. Avant de partir pour Paris, elle écrivit une lettre d'adieux à Bougon de Langrais, mon ami, et procureur syndic du département, pour lui dire qu'elle ne le reverrait plus, et le prévenir que devait nous faire assassiner tous les deux. Bougon me communiqua cette let

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