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amis parmi le peuple; une grande partie ne jure que par Marat; si nous le faisons assassiner, les sans-culottes vont s'armer pour le venger; le Calvados et les contre-révolutionnaires de Paris vont s'armer en sens contraire; au milieu de ces dissensions, Wimpfen marchera contre Paris,, et la contre-révolution est opérée.

Le crime de Charlotte Corday est un élément de l'histoire des Girondins, qui ne peut être séparé du mouvement révolutionnaire. Nous devons donc insérer son procès dans notre narration. La séance de la Convention consacrée à cette affaire ne renferme aucun détail qui ne se trouve plus complet et mieux exposé dans le bulletin de l'audience du tribunal révolutionnaire. Nous ne mentionnerons de cette longue séance que les deux décrets dont l'un frappa Duperret d'accusation, et dont l'autre ordonna que Fauchet serait détenu à l'Abbaye. Ce qui décida la sévérité de l'assemblée à l'égard de ce dernier, car les griefs à sa charge ne parurent pas suffisamment établis, c'est que, malgré la suspension volontaire à laquelle il s'était condamné, depuis plusieurs jours, il se montrait dans l'assemblée. - Quant à la fête qui devait être célebrée ce jour-là, tant en mémoire de la prise de la Bastille, que pour l'acceptation de la Constitution par le département de Paris, la seule trace qui en reste figure en ces termes, à la fin de cette même séance du 14 juillet:

La Convention décrète l'admission du conseil-général de la Commune de Paris, réuni aux quarante-huit sections.

› Le procureur de la Commune donne lecture d'une adresse, dans laquelle il annonce l'acceptation unanime de l'acte constitu tionnel par les sections de Paris. Les plus vifs appludissemens accueillent les sections défilant en masse dans le sein de la Convention. La musique de la garde nationale, placée à l'une des extrémités, exécute divers morceaux; trois artistes chantent les strophes célèbres de Chénier: Soleil qui parcourant la route accoutumée, etc., etc.

› Les quarante-huit sections défilent successivement aux cris

de Vive la République une et indivisible, la liberté, l'égalité, la Convention nationale, la Montagne, etc., etc.

› Chaumette présente à la Convention tous les procès-verbaux des assemblées des sections, où la Constitution a été acceptée. Ils sont renfermés dans une urne sur laquelle est un génie qui, courbé respectueusement devant le vœu du peuple, semble placer une couronne civique sur tous les procès-verbaux. Cette urne est précédée et suivie par des citoyens portant le nouveau costume des cérémonies populaires.

› Billaud-Varennes demande que la Convention décrète que la municipalité et les citoyens de Paris ont bien mérité de la patrie.

› Après diverses observations sur la rédaction du décret, la Convention décrète que les sections de Paris, depuis 1789, et la municipalité, depuis le 10 août 17:2, n'ont pas cessé de bien mériter de la patrie.

Avant de transcrire le procès de Charlotte Corday, nous allons extraire de la notice du général Wimpfen, par laquelle nous terminerons ce qui concerne les Girondins du Calvados, un passage relatif à cette femme.

L'assassinat de Marat, dit Wimpfen, est l'ouvrage de cinq des Girondins réfugiés dans le Calvados ; mais ce n'était pas Marat qui était désigné; c'était Danton que la nouvelle Judith devait immoler. Ils appelaient cela couper la Montagne en deux; parce que les lettres dont mademoiselle Corday étalt porteuse, renfer maient une instruction qui disait qu'à l'instant du grand événement, il fallait répandre dans tous les coins de Paris que c'était Robespierre qui avait fait faire le coup. Mais mademoiselle Corday, ayant ouvert ses lettres, vit qu'on y accusait Danton de vouloir porter le petit dauphin sur le trône; et comme cette demoiselle Corday é ait fanatique royaliste, elle se garda bien de porter la main sur celui dans lequel elle plaçait son espoir. Avant de partir pour Paris, elle écrivit une lettre d'adieux à Bougon de Langrais, mon ami, et procureur syndic du département, pour lui dire qu'elle ne le reverrait plus, et le prévenir que devait nous faire assassiner tous les deux. Bougon me communiqua cette let

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tre, ainsi qu'à Ménil, administrateur du département, encore vivant à Caen. Nous n'y comprimes rien; mais, demandais-je, à Bougon, d'où vient son intérêt pour vous et pour moi?

Il me répondit: Je lui ai rendu plusieurs services; et quant à son intérêt pour vous, il vient de ce qu'elle vous croit un royaliste déguisé. >

La lettre de Barbaroux qui devait servir d'introduction à Charlotte Corday auprès de Duperret, fut remise volontairement par ce dernier, pendant l'interrogatoire qu'il subit à la barre de la Convention, à la séance du 14. Chabot, qui eu donna lecture, ayant demandé à Duperret s'il n'avait pas montré cette lettre à un de ses collègues du Loiret : à plus de trente, lui fut-il répondu. Voici cette pièce :

Caen, le 7 juillet, l'an II de la République, une et indivisible. -Je t'adresse, mon cher bon ami, quelques ouvrages qu'il faut répandre. Il y a un ouvrage de Salles sur la Constitution : c'est celui qui, dans ce moment produira le plus prompt effet. Il faut en faire un grand nombre d'exemplaires. Je t'ai écrit par la voie de Rouen pour t'intéresser à une affaire qui regarde une de nos concitoyennes. (Duperret interrompant. Je n'ai rien reçu de cela.) Il s'agit seulement de retirer du ministère de l'intérieur des pièces que tu lui rendras. La citoyenne qui te remettra ce paquet s'intéresse à cette mème affaire. Tâche de lui procurer accès auprès du ministre. Adieu, je t'embrasse.

(

‹ P. S. Ici, tout va bien. Nous ne tarderons pas à être sous les murs de Paris. - Signé BARBAROUx. ›

Nous empruntons le compte rendu du procès de CharlotteCorday au Bulletin du tribunal révolutionnaire, nos LXXI, LXXII et LXXIII; celui que publia Le Républicain français, dans son numéro du 23 juillet, et que répéta textuellement le Moniteur du 29, a été calqué sur le précédent, sauf quelques additions faites après coup, et dont rien ne garantit l'authenticité. Ces additions ne sont d'ailleurs pour la plupart que des affaires de style; la seule différence notable que nous ayons remarquée en comparant la version du Bulletin, etc., à celle du Républicain

français, porte sur le témoignage de Charlotte-Corday à l'égard de Fauchet nous avons conservé cette variante dans une note. Le rédacteur du Bulletin, etc., nous apprend qu'il circulait des contrefaçons nombreuses des lettres de Charlotte Corday; il les donne toutes dans le supplément à son numéro LXXIII, en avertissant que Fouquier-Tinville lui a communiqué les originaux, et qu'il en reproduit jusqu'à l'orthographe.

TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE. AUDIENCE DU MERCREDI

17 JUILLET.

Acte d'accusation et interrogatoire de MARIE-ANNE-CHARLOTTE CORDAY, ci-devant D'ARMANS, prévenue d'assassinat en la personne de MARAT, député à la Convention nationale.

Interrogée de ses nom, surnoms, âge, qualités, lieux de naissance et demeure,

A répondu se nommer Marie-Anne-Charlotte Corday, ci-devant d'Armans, native de la paroisse Saint-Saturnin-des-Lignerets, âgée de vingt-cinq ans, vivant de ses revenus, demeurant ordinairement à Caen, département du Calvados, et logée, depuis son arrivée à Paris, rue des Vieux-Augustins, hôtel de la Providence.

Un des greffiers donne lecture de l'acte d'accusation, ainsi conçu :

< ANTOINE QUENTIN FOUQUIER-TINVILLE, accusateur-public du tribunal criminel extraordinaire et révolutionnaire, établi à Paris par décret de la Convention nationale du 10 mars 1793, l'an deuxième de la République, sans aucun recours au tribunal de cassation, en vertu du pouvoir à lui donné par l'article 2 d'un autre décret de la Convention, du 5 avril suivant, portant que l'accusateur-public dudit tribunal est autorisé à faire arrêter, poursuivre et juger, sur la dénonciation des autorités constituées ou des citoyens.

Expose que le 13 juillet présent mois, sept heures du soir, le commissaire de la section du Théâtre-Français, instruit par la

clameur publique, qu'il existait dans la rue des Cordeliers un grand rassemblement de citoyens, causé par le bruit de l'assassinat qui venait d'être commis en la personne du citoyen Marat, l'un des représentans du peuple à la Convention, s'est transporté au domicile dudit Marat, où il a trouvé une femme prévenue d'avoir commis ledit assassinat; et après avoir fait constater par un chirurgien les causes de la mort de ce député, ledit commissaire de police a fait subir interrogatoire à ladite femme, la. quelle a déclaré se nommer Marie-Anne-Charlotte Corday, cidevant d'Armans, native de la paroisse Saint-Saturnin-des-Lignerets, âgée de vingt-cinq ans moins quinze jours, vivant de ses revenus, et demeurant ordinairement à Caen, et présentement à Paris, logée rue des Vieux-Augustins, hôtel de la Providence ; que cet interrogatoire terminé, le commissaire de police a remis ladite Corday aux administrateurs du département de police, avec expédition de son procès-verbal, sur le vu duquel lesdits administrateurs ont ordonné que ladite Corday serait conduite à l'Abbaye, et gardée à vue par un gendarme, et que le procèsverbal et toutes les pièces seraient envoyées au tribunal; qu'en exécution de cette ordonnance, et du décret de la Convention, en date du 14 juillet présent mois, portant que le tribunal révolutionnaire instruira tout de suite contre l'assassin de Marat et ses complices, toutes lesdites pièces ont été remises à l'accusateurpublic, ce jour-d'hier, neuf heures du soir.

En conséquence, ladite Marie-Anne-Charlotte Corday, a aujourd'hui subi interrogatoire par-devant le président du tribunal; qu'il a aussi été reçu par différens juges, plusieurs décla rations de témoins. Qu'examen fait par l'accusateur-public de toutes lesdites pièces, il en résulte que le mardi 9 juillet, présent mois, Marie-Anne-Charlotte Corday est partie de Caen pour se rendre à Paris, où elle est arrivée le jeudi suivant, environ midi, et s'est logée rue des Vieux-Augustins, maison dite hôtel de la Providence; qu'elle dit s'être couchée et n'être sortie de son appartement que le vendredi matin, pour se promener; que l'après-midi elle n'est point sortie; qu'elle s'est mise à écrire;

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