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chaque jour plus énergiques rangeaient peu à peu du parti jacobin, les villes qui commençaient à douter, et précipitaient le dénouement de cet épisode de la guerre civile. Le 23 juillet, sur la proposition de Baudot, la Convention décréta que tous les citoyens qui étaient dans les cités rebelles, à Lyon, à Bordeaux, à Caen, à Marseille, et qui n'en sortiraient pas dans trois jours, seraient réputés émigrés.

Lyon seul menaçait d'une longue résistance. Il continuait d'agir comme s'il avait eu la certitude de pouvoir dicter, quand il le voudrait, les conditions de la paix, ou négocier au moins une capitulation honorable. Son tribunal révolutionnaire déployait contre les jacobins une activité et une rigueur qui ne le cédaient en rien au tribunal qui jugeait à Paris les ennemis de la République. Voici le tableau des procédures qui devaient être expédiées dans la session de juillet, tel que nous le trouvons dans le numéro CIX du Journal de Lyon :

‹ Le 15. — Joseph Challier, président du tribunal du district.

Le 16. Joseph Julliard, commandant général; FrédéricJoseph Duchambon; François Fournier.

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Le 17. - Jean Pellelot fils, Pierre Fillion.

Le 18. Modeste Gaillard; Jean-François Esebrayet.

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› Le 19. Bertrand, maire, et les officiers municipaux et notables, au nombre de seize.

› Le 20. - Jean-Joseph Destephanis, André Cotte, Jean Thonion, Simon-Nicolas Machabé.

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Riard-Beauvernois; Nesme et Gache; Claude Pel

letier; Jacques Barbier.

Le 22.-Louis Doret; Louis Thibaudier; Jean Imbert; Pierre Thonion; Antoine Ruffard; Philippe Riolay.

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› Le 25. Antoine-Marie Dodieu; Fleury Cuet; Laurent Millier.

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› Le 24. - Toussaint Labergère; Jean-Baptiste Lambert, écrivain; Martin-Saturnin Perronet; Pierre Gerbouiet; Louis Lambert.

T. XXVIII.

23

» Le 25.- Louis Castaing; César Cosion-Dumanoir; Claude Madinier; Claude Gonin; Louis Assada.

› Le 26. - Jean Rebée ; Claude Jogand; Joseph Oviste; Jean Joseph Franchiste; Jean-Baptiste Miraillier.

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Étienne Sigaud; Jean-Louis Boulard; Paul Cha

bu; Jean Milliset; Pierre Poupée; Barthélemy Candy.

Le 28. - Prudent Gallebois, dit Saint-Amant; Benoît Laurent; Jean-François-Marcellin Roch; Joseph Morau; Vernan Soulvier; Pierre Morin; Antoine Dumas.

› Le 29. Claude Chavonin; Louis Darmesin; François Chambot; Gilibert Chaqueran.

» Le 30.

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Jean Fléchet; Laurent Chabanne; Alexandre Rousset; Pierre Guiquet.

› Le 31. Pierre Lapoire; les père et enfans Craponnes ; Étienne Perret; Viot, contumace. Total quatre-vingt-trois

personnes. >

Challier, condamné à mort, le 16, à quatre heures du matin, avait été exécuté le soir, à six heures, avec des circonstances horribles (1). Nous avons raconté ailleurs (t. xxiv, p.588) le supplice de ce brigaud désintéressé, ainsi que l'appelle le Journal de Lyon, qui marcha à l'échafaud à pied, au pas du tambour, qui embrassa son confesseur, baisa le crucifix, et dont la tête, manquée quatre fois par la guillotine, fut séparée du tronc avec un

couteau.

La commission populaire de Rhône-et-Loire continuait régulièrement ses séances; cependant les défections des départemens voisins commençaient à y faire naître des découragemens, et à y soulever des oppositions contre les mesures extrêmes proposées par Chasset et Biroteau. Elle paraissait disposée moins que jamais à brûler ses vaisseaux, lorsque des députés du Jura, de l'Ain et du Doubs, vinrent l'inviter (séance du 21 juillet) à s’unir à eux pour l'examen de la Constitution, et pour reconnaître

(4) M. Thiers, t. V, p. 148 de son histoire, fixe au 15 juillet la mort de Challier et celle de Riard. Cette date, fausse pour Challier, l'est encore bien plus pour Riard, qui n'était pas même jugé le 21 juillet. (Note des auteurs.)

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la Convention. Un député de Marseille s'opposa vivement à ce que cette démarche fût accueillie. Le député du Doubs, « en rendant justice au sentimens du député de Marseille, pria l'assemblée de considérer si c'était une lâcheté de prendre un parti adopté déjà par la très-grande majorité des départemens. Ces débats occupèrent toute la séance du 22, et n'aboutirent à aucune conclusion formelle. Un député du Calvados, répondant aux députés du Jura, de l'Ain et du Doubs, dit: « Vous nous répondrez du sang qui peut se verser. Dubois-Crancé nous peint comme des rebelles; vous connaissez nos principes; que vos départemens se réunissent à nous, et nous empêchons la guerre civile. Aux armes, citoyens! - Toute l'assemblée répéta ce cri. Biroteau fut le dernier orateur entendu : « On vient vous dire, s'écria-t-il, qu'en acceptant la Constitution on pourrait forcer la Convention actuelle à quitter la place. Soit: eh bien ! je vous le demande, on va convoquer les assemblées primaires; qui seront ceux qui vont former la nouvelle Convention? Si vous faiblissez, ce ne sera pas vous, hommes probes et vrais républicains; ce sera les Chaumette, les Hassenfratz, les Gusman, tous les Jacobins épars sur la surface de la France; et vous prétendez être heureux! Voyez l'épuisement de nos finances, réfléchissez aux maux dont nous accablerait le triomphe de ces superbes proconsuls, et à l'impossibilité d'avoir, au milieu d'élections disputées, une Convention mieux composée. Je conclus en demandant que l'assemblée, persistant dans son arrêté du 4 juillet, envoie trois ou quatre mille hommes pour forcer Dubois-Crancé à diviser ses forces, et faciliter la jonction des Marseillais. (Journal de

Lyon, nos 115 et 116.)

Pendant que la commission populaire hésitait à revenir sur ses pas, le directoire du département remettait entre les mains des représentans du peuple Brunel et Rouhier, un arrêté par lequel il se rétractait de tous ceux qu'il avait pris, et notamment de celui qui convoquait les assemblées primaires pour former une commission départementale. Cette rétractation, signée par Sautallier, Belleville, Couturier, Delacroix, Fasson, Richard aîné,

Migney, Gilibert et Morillon, parvint, le 28 juillet, à la Convention nationale. Ce même message annonçait que Brunel, Rouhier, Derbez et le commissaire Buonarotti, avaient recouvré leur liberté.

Après cet arrêté des administrateurs, la commission populaire se posa ainsi la question: Trouver les moyens de concilier la majesté et la dignité de l'assemblée avec la position dans laquelle elle se trouve. Afin d'y parvenir, elle fit une proclamation où elle rejetait sur les administrateurs l'initiative de tout ce qui avait été fait. Interprétant ensuite son arrêté du 4 juillet, elle déclarait : Qu'elle n'avait eu pour objet que la réunion d'une représentation nationale libre et entière; que la liberté ainsi que l'intégralité de la Convention paraissaient rétablies; que, d'après le nouvel arrêté des corps administratifs, la commission se ralliait et invitait tous les citoyens du département de Rhône-et-Loire à se rallier à la Convention nationale, comme le point central de la République, une et indivisible, en déclarant néanmoins, › 1o Que le département, ayant été calomnié sur les principes qui dirigeaient les commissaires, et étant opprimé sous le poids des décrets surpris à la Convention sur de faux rapports, ils restent, conformément à la loi, en état de résistance à l'oppression jusqu'au rapport des décrets rendus contre le département de Rhône-et-Loire et la ville de Lyon; 2o qu'il met sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté du peuple de Rhône-et-Loire, les personnes et les propriétés des citoyens de ce département. › (Journal de Lyon, no 118.)

Cette proclamation est du jeudi 25 juillet. Le 30, les sections convoquées pour l'acceptation de l'acte constitutionnel, avaient émis un vœu à peu près favorable, et désormais la question lyonnaise semblait réduite à ces termes : obéissance à la Convention et à tous ses décrets, excepté à ceux rendus spécialement contre le département de Rhône-et-Loire. Sans doute il y avait encore là une cause infaillible de guerre entre la Convention et cette ville, et les Girondins de Lyon le savaient si bien qu'ils ne négligeaient rien pour une vigoureuse défense. Mais ce n'était pas

tout les concessions du département et de la commission populaire étaient loin d'être sanctionnées par les bourgeois, et en supposant que cette fausse diplomatie eût amené un semblant de paix, il aurait fallu reprendre aussitôt les armes. Voici comment le Journal de Lyon, no 119, parle de ces concessions: On dit que la transaction fameuse, dont on ne connaît pas encore les articles, s'est faite mardi dernier (23 juillet), aux Brotteaux, dans un dîner splendide où se trouvaient les représentans Rouhier, Brunel et autres personnages; on observe que le procureur de la commue allait voir souvent, à Pierre-Scize, le député Derbez; ou observe encore qu'il reçoit plus familièrement à présent l'accolade civique de ces Montagnards, dégouttans de sang, et couverts d'assignats; on observe que c'est à la sortie du dîner des Brotteaux qu'on entra en pour parler à la commune, etc., etc.... Oh! comme un dîner des Brotteaux arrange les querelles! Les sections qui n'ont pas assisté au dîner n'en ont pas approuvé le résultat. » L'acceptation de la Constitution n'était pas non plus ni entière ni bien sincère; on se faisait un grand mérite d'adhérer à un ouvrage vicieux et ébauché, auquel d'ailleurs une partie des sections n'avait donné qu'un suffrage restreint, et qui avait été rejeté par quelques-unes. (Journal de Lyon, n. CCXXIII et CCXXIV.)

Les affaires du Calvados furent terminées le 29 juillet. Après cinquante jours de détention, les députés Romme et Prieur étaient enfin mis en liberté. On avait délibéré sur leur élargissement pendant plus de huit jours. Les corps administratifs voulaient que les deux députés quittassent leur prison, de nuit et furtivement; ils repoussèrent cette proposition, et furent élargis avec la plus grande solennité; on tira le canon; la garde nationale était sous les armes. Les autorités constituées du Calvados adressèrent à la Convention la lettre suivante, datée du 50 juillet:

« Nous avons reconnu notre erreur, et nous vous l'avons avouée de bonne foi. Aujourd'hui tout est rentré dans l'ordre. Il n'existe plus de force départementale. Vos collègues viennent d'être remis en liberté. Déjà nos assemblées primaires délibèrent sur la

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