permission de l'armateur. Quelle idée auriez-vous d'un poste qui, attaqué per l'ennemi, attendrait l'ordre du général pour se defendre? Que de reproches n'auriez-vous pas à faire à Paris, s'il n'avait pas fait ce qu'il a fait ? Manquer l'occasion de sauver la République, c'est la perdre pour jamais. Paris l'a saisie, cette occasion, et il vous a sauvés : qu'on n'accuse donc plus cette ville d'aspirer à la suprématie. Elle a celle des talens et des lumières, et ne veut rien de plus. Oui, je le répète, Paris a toujours reconnu qu'il n'était qu'un membre du corps politique, et que l'ensemble de ce corps résidait dans les départemens réunis. Si quelquefois il a agi sans les consulter, la nécessité et le salut de la République lui en ont fait une loi ; s'il n'eût pas saisi l'instant pour briser vos fers, s'il n'eût pas découvert et déconcerté les projets de vos ennemis, vous n'auriez pas vu luire l'aurore de la liberté, vous auriez été enchaînés de nouveau. Rappelez-vous, citoyens, ces époques fameuses où le tyran et ses complices, marchant par des voies obliques, minaient sourdement l'édifice de la liberté; faliait-il attendre le consentement des autres départemens pour réprimer ces attentats? A l'instant où l'on découvre la trame, il faut en couper le fil; ce n'est pas le moment d'imiter la prudente lenteur de Fabius, c'est celui d'exécuter, c'est celui de frapper. Si tous les Français eussent été dans Paris, n'eussent-ils par ordonné l'abolition d'une commission qui livrait indistinctement tous les citoyens aux vengeances d'une faction qui se cachait sous le masque du civisme? Lorsqu'il s'agit du salut de la patrie, tous les Français ne sont-ils pas solidaires les uns envers les autres? Brutus consulta-t-il les Romains avant d'exterminer leur tyran? Je le répète, citoyens, si ce tribunal liberticide n'eût pas été aboli par un mouvement précipité, Paris n'eût été qu'une prison où auraient gémi les plus ardens défenseurs de vos droits; vous auriez vu se répéter dans vos villes les scènes meurtrières dont Lyon et Marseille présentent le spectacle déchirant. Je n'ai garde de préjuger coupables vos représentans mes col lègues, mis en état d'arrestation (1); mais la sûreté exigeait peutêtre cette mesure. Tout bon citoyen doit quelquefois à sa patrie le sacrifice de sa liberté; d'ailleurs, le décret lancé contre eux ne préjuge rien. L'homme le plus vertueux peut se lier quelquefois avec le plus scélérat, parce qu'il ignore ses intentions; c'est peut-être la seule faute qu'on puisse leur reprocher. Croyez, citoyens, qu'après avoir prouvé qu'ils n'ont point sali la robe de l'innocence, ils rentreront plus purs dans le sanctuaire des lois; j'aime à le croire, et je le désire. Si décrié par les factieux, Marat, dont le patriotisme fut quelquefois porté à l'excès, a été long-temps persécuté, lui qui, le premier, a été le dénonciateur de Lafayette et de Dumouriez, dans un temps où ces Catilina et ces Cromwell modernes étaient les idoles d'un peuple aveuglé et séduit; c'est à cette époque qu'il voulut les précipiter du char de la victoire pour les livrer à la vengeance de la nation: eh bien! cet homme, ce Marat, dont j'ai souvent improuvé le zèle trop outré, vient de confondre ses détracteurs en se suspendant provisoirement de ses fonctions. On ne peut se dissimuler qu'il existe des conspirateurs; les éloges prodigués par Dumouriez à une portion de la Convention, les anciennes liaisons avec le tyran, dont on a trouvé des preuves; les brigandages de la Vendée, de la Lozère, de Lyon et de Marseille, sont autant de témoins qui déposent qu'il existe des complices. C'est inutilement que pour établir des conspirations on exigerait des preuves matérielles; les conspirateurs sont trop adroits pour en laisser : il n'en existe pas moins des preuves mo rales. On disait, sous l'Assemblée constituante, que les membres du côté droit ne conspiraient pas : pour établir leurs conspirations, on demandait de ces preuves matérielles. Eh bien! après la session de l'Assemblée constituante, ces conspirateurs ont émigré, et se sont mis à la tête des enfans dénaturés de la patrie; ce sont eux qui commandent les armées des révoltés, celles de la Vendée, de la Lozère, de Lyon; ce sont eux qui sèment partout le (1) Chambon et Lidon. trouble et la division. Seraient-ils si hardis et si entreprenans, les ennemis de la patrie, s'ils n'avaient point d'intelligences secrètes jusqu'au sein de la Convention? On vous a dit, et les trompettes de la renommée vous ont appris qu'il y avait autour des Tuileries des gens stipendiés, qui répandaient l'argent pour corrompre et retenir en captivité les membres de la Convention; un fait malicieusement interprété, donna lieu à cette calomnie. Un bataillon, partant pour la Vendée, et qu'on avait retenu, reçut, à cette époque, sa solde ordinaire; c'est ainsi que les méchans dénaturent les meilleures actions; ce sont des harpies qui infectent tout ce qu'elles touchent. Pourquoi ne vous a-t-on pas dit que l'Assemblée entière était sortie de la salle, qu'elle avait parcouru librement le Carrousel et les Tuileries, et que partout on n'entendait que les cris d'un peuple immense, et de cent mille hommes armés, qui répétaient sans cesse vive la République! vivent les députés patriotes! Citoyens, défiez-vous du tableau infidèle et défiguré que des malveillans pourront vous tracer de Paris. Si cette ville s'est montrée digne de la reconnaissance de toute la République, c'est vous particulièrement qui avez ressenti l'influence de ses bienfaits. Souvenez-vous que c'est de sa commune que partit, en 1790, la motion qui fit suspendre le tribunal sanguinaire de la prévôté du Limosin; de ce tribual qui, après avoir égorgé deux cultivateurs innocens, allait s'abreuver du sang d'un millier de nouvelles victimes. Alors, comme aujourd'hui, vos ennemis criaient contre cette commune; ils lui faisaient un crime de l'intérêt qu'elle vous avait témoigné ; pourquoi Paris, disaient-ils, se mêle-t-il de nos affaires? De quel droit veut-il influencer la Convention et diriger notre conduite? J'ai connu cette affaire, citoyens ; les circonstances qui l'avaient précédée m'avaient vivement affecté; je fus attendri sur le sort des malheureux cultivateurs, et j'ai la douce satisfaction de ne leur avoir pas été inutile. Souvenez-vous, Citoyens, que c'est la commune de Paris qui a sollicité le décret qui fixe le maximum du prix du grain pour tout le sol de la République; que c'est elle qui a demandé que le T. XXVIII. 5 maximum du prix du pain fût toujours fixé à trois sous la livre; et observez que cette ville s'occupait plus des départemens que d'elle, puisque, située au milieu des grandes cultures, elle ne peut jamais être sujette à ces variations qui portent le prix du pain et du blé à un prix exorbitant. Souvenez-vous, Citoyens, que cette commune à provoqué l'emprunt forcé d'un milliard sur les riches, pour diminuer la masse des assignats, et faire cesser, par là, une grande partie de l'agiotage et de l'accaparement; souvenez-vous que c'est ellé qui à demandé l'impôt progressif, et que toutes ces mesures tournent au profit du pauvre; ne perdez jamais de vue, que la fixation du prix du grain et du pain, que l'emprunt forcé, que l'impôt progressif, blessent si fort les favoris de la fortune, qu'ils s'agitent en tous sens pour exciter des troubles et des divisions. Citoyens, ne vous laissez pas prendre aux piéges qu'on pourrait vous tendre, pour vous porter à mettre obstacle à l'exécution de ces décrets bienfaisans. Ne croyez jamais, Citoyens, que Paris ne veuille pas fraterniser avec vous et avec tous les départemens; on aurait beau armer tous les volontaires de la France contre cette cité ; les Parisiens iront toujours au devant de leurs frères, en portant à la main la branche d'olivier. Ne craignez pas de choc entre eux et les Bordelais, les Marseillais et les Brestois; qu'ils viennent, tous les guerriers de la République ! qu'ils viennent! Paris n'en acquerra qu'une nouvelle force; les Parisiens, ces héros de la liberté, s'empresseront de recevoir leurs dignes émules; ils se montreront tels qu'ils sont; le masque des intrigans sera arraché; la honte et le mépris seront leur récompense. N'oubliez pas, citoyens, que ce sont les Parisiens qui forcèrent Lafayette à demander la fédération du 14 juillet 1790; que ce sont eux qui demandèrent à l'assemblée législative un camp près de Paris, composé de volontaires pris dans tous les départemens; que ce sont eux, enfin, qui ont demandé et obtenu la fédération générale de la République pour le 10 août prochain. Et vous, braves guerriers, vous qui serez députés à cette cérémonie ci vique, recevez d'avance mes félicitations, car vous n'aurez jamais éprouvé une plus douce jouissance; ce sera dans cette solennité que vous fortifierez les liens de la fraternité; et c'est alors que des frères si long-temps calomniés acquerront de nouveaux droits à votre estime et à votre amitié. Citoyens, la justice que je rends aux Parisiens ne doit pas vous être suspecte; jamais ils n'ont rien fait pour moi; je n'attends ni ne veux rien d'eux; je suis në parmi vous ; je veux y vivre et y mourir ; mais je dois à eux et à vous ces dernières paroles : il en est des corps politiques comme des corps physiques; Paris est le cœur de la République; les blessures faites au cœur sont toujours mortelles, et tout le corps périt à l'instant. Tout à vous. Signé, BRIVAL. Paris, cc 9 juin 1795, l'an 2o de la République. N B. Depuis le décret du 2 de ce mois, la Convention nation a leaplus fait qu'elle n'avait fait depuis trois mois, et tous les décrets qu'elle a rendus depuis cette époque sont salutaires au peuple. Hier, elle a décrété que tout citoyen qui ne jouira, par son travail, que de l'absolu nécessaire, ne paiera à l'avenir aucune espèce d'impôt ; demain, on discutera la Constitution, et, sous quinze jours, le peuple frençais pourra la juger. |