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uns de nos collègues au ministre, et trouvées parmi les papiers de Roland, quoiqu'elles fussent presque toutes adressées à son épouse.

Je m'abstiendrai de les analyser, ces lettres, pour n'être pas taxé de rigueur; mais elle seront transcrites au long, et répondront au reproche que Roland et des journalistes gagnés nous ont fait d'avoir paru mettre quelque importance à une correspondance qui, selon eux, ne contient que des relations de société, des communications d'intérêt et de confiance. Je déclare ici également que les commissaires de la Convention ne se sont point fait représenter la correspondance de madame Roland, et qu'ils n'ont examiné d'autres papiers que ceux qui étaient depuis longtemps sous le scellé et dans le seul cabinet du citoyen Roland. J'observe que, d'après ce que ces commissaires ont vu et ce que le public verra, ils étaient peut-être en droit de demander la correspondance de la citoyenne Roland, ce qu'ils n'ont point fait ; et j'ajoute que le juge de paix dit, après que l'opération fut finie, que non-seulement il aurait examiné toutes les lettres dont il s'agit, mais qu'encore il en aurait mis de côté un plus grand nombre.

L'Assemblée nationale et la France entière jugeront si, dans un moment où plusieurs de ses membres s'accusent réciproquement d'avoir employé leur crédit personnel auprès du ministre pour faire obtenir des places ou des graces à leurs protégés, nous devions regarder comme indifférentes toutes les lettres dans lesquelles on faisait de pareilles demandes; si nous pouvions regarder comme uniquement adressée à l'épouse celle où un député dit : je lui envoie pour son mari et pour Lanthenas une note de patriotes à placer, car il doit toujours avoir une pareille liste sous les yeux.... tout aux amis; enfin, si nous devions regarder comme simple communication d'estime la lettre d'un autre député à la citoyenne, où, après avoir rendu compte de ce qu'on lui écrit de Marseille, il ajoute : La même lettre renferme un plan d'attaque contre Constantinople, pour obtenir la réparation de l'insulte de la Porte qui a refusé l'ambassadeur Sémonville,

mais vous sentez bien que je ne vous le communiquerai pas, car Danton ne veut pas que vous soyez ministre. »

Les auteurs de ces lettres ne perdent rien de leur réputation à ce qu'elles soient imprimées; les hommages dont elles renferment quelquefois l'expression sont de nature à ne blesser en aucune manière celle qui en paraît l'objet. Les autres leures écrites au citoyen Roland doivent également être publiées, puisqu'il le demande; et les uns et les autres ne peuvent qu'approuver cette publicité.

Un objet plus intéressant est la correspondance de Dumouriez avec Roland: la première pièce est la copie d'une lettre confidentielle écrite par celui-ci à Dumouriez le 16 août 1792, par laquelle il lui offre sa correspondance particulière et son appui dans le conseil.

On peut douter que cette pièce soit la première, quand on lit dans une lettre écrite par Dumouriez à Roland qu'il rappelle une autre lettre de lui du 15; mais toute cette partie de correspondance devant entrer dans un autre rapport relatif aux trahisons de Dumouriez et à la recherche de ses complices, nous avons cru devoir les remettre au commissaire qui en est chargé, qui les avait lui-même réclamées, et qui ne manquera pas de les rendre publiques.

Nous nous abstenons pareillement de tirer aucune conséquence d'une lettre du ci-devant général Montesquiou, écrite du camp devant Genève le 22 octobre 1792, et qui est conçue en ces termes :

Lorsque j'ai reçu la lettre que vous venez de m'écrire, je venais de signer la convention pour l'évacuation des Suisses; j'ai su, dès le principe de cette affaire, que mes principes étaient d'accord avec les vôtres, et cela m'a confirmé dans l'opinion que j'avais, etc. >

Toutes les autres lettres, telles que celles écrites par l'épouse de Lafayette, par le chevalier Saint-Dizier, par un anonyme employé auprès du ci-devant prince royal, et adressées à Lacuée

alors président de l'Assemblée législative, ou par d'autres que

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des fonctionnaires publics, vous paraîtront sans doute peu importantes, mais elles prouveront notre exactitude à vous présenter tout ce qui pourrait fonder ou détruire les soupçons qui se sont élevés sur les correspondances de l'ex-ministre.

Il me reste cependant à vous rendre compte de quelques pièces d'un genre tout différent, et qui se sont trouvées, je ne sais par quel hasard, dans les papiers de Roland. Ce sont diverses adresses à Louis Capet, des 20 et 21 juin de l'année dernière, et par lesquelles on lui demandait d'un ton impérieux le rappel du ministre Roland, en lui présentant comme règle de conduite cette fameuse lettre du 10, qui a fait tant d'honneur à son auteur.

Comment ces adresses se trouvent-elles entre les mains de Boland, toutes en original et revêtues d'un grand nombre de signatures, à l'exception d'une qui n'est qu'une simple copie? Roland n'était plus ministre lorsqu'elles furent adressées à Louis. Les aurait-il retirées de ses bureaux lorsqu'il est rentré dans le ministère ? ou a-t-il pris sur lui de se les approprier, afin de les conserver comme un témoignage flatteur pour son amour-propre, ou les aurait-il reçues directement, après les avoir dictées luimême pour épouvanter l'homme qu'il voulait faire marcher à son gré? ou enfin les aurait-il retirées de l'armoire de fer avec tant d'autres papiers?

Roland s'est plaint de ce qu'un des commissaires avait joint aux pièces une lettre qu'il avait envoyée à sa femme, et par laquelle il l'entretenait des affaires publiques. Ce n'est pas ce commissaire qui mit de l'importance à cette pièce mais l'empressement que le mari et la femme mettaient à conserver ce chiffon dont le contenu n'était pas bien clair, joint à l'obscurité du langage, déterminèrent les deux commissaires à le conserver, car tous deux furent d'accord à cet égard. Vous les auriez jugés, citoyens, coupables de négligence, si vous aviez appris que dans une mission délicate ils avaient cédé aux instances de l'ex-ministre et aux sollicitations de sa femme.

Le comité de sûreté générale a cru convenable de faire impri

mer toutes les pièces dont je viens de vous rendre compte, parce qu'il importe que la nation connaisse les moyens qu'on peut employer pour captiver l'opinion publique et la maîtriser pour son intérêt particulier.

La découverte de cette manœuvre employée par des intrigans ( car je n'en accuse encore ni Roland ni son épouse) préviendra désormais ces opinions factices que trop souvent on a regardées comme le vœu du peuple, et qui n'étaient qu'un jeu de machines mises en mouvement par une main adroite; elle préservera le peuple des piéges qu'on ne cesse de lui tendre) et il reconnaîtra que l'homme qui le détourne de son travail est un corrupteur, et que les largesses d'un perfide cachent les plus noirs projets :

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La classe industrieuse rendue à elle-même, à sa bonté naturelle, à la pureté de son instinct, ne concevra que des opinions justes et qui affermiront, éterniseront la République que vous avez fondée.

Comme Roland a écrit que les lettres dont j'ai parlé ne sont que des avis anonymes qui lui paraissent dictés par le zèle ou le bon esprit d'un observateur qui fréquentait les lieux publics, ce qui est une sorte de dénégation que l'auteur eût une mission particulière, je crois devoir observer que cet homme, dont les lettres n'étaient pas signées, et que le comité est enfin parvenu à découvrir, recevait de la part de Roland ou de son épouse des sommes destinées à faire boire et manger ceux dont il voulait travailler l'esprit; aussi écrivait-il : « Il faudra me faire passer par l'Allemand Gobel une somme de 600 livres au moins, ce soir en assignats de 50 livres, de 5 livres, et quelques-uns de plus petits. Elles prouvent, ces lettres, que Roland et son épouse lui écrivaient; on lit dans l'une: votre mot d'hier m'est utile; dans une autre: rien de plus juste que les motifs de la concitoyenne; et dans toutes on voit une manière de rendre compte qui suppose des ordres précédens, une organisation corruptrice dont

Gadol était le principal agent, et que cet homme avait des sousordres et des satellites connus du ministre.

Pour parvenir à cette découverte, le comité a mandé le nommé Gonchon désigné pour avoir reçu 50 livres pour faire une pétition concertée avec Roland; Gonchon a désigné ce Gadol qui s'est trouvé absent depuis quelque temps. L'inspection des papiers qu'il a laissés a fourni des preuves de comparaison de son écriture avec les lettres par lui écrites à Roland ou à son épouse. Toutes ces lettres constatent qu'il est l'auteur de celles dont s'agit, et qu'il avait reçu du conseil exécutif provisoire des commissions particulières pour la Belgique.

Cet intrigant et sa clique s'étaient vendus à Roland. Gadol demandait de l'emploi tantôt dans les colléges, tantôt dans les affaires étrangères auxquelles il se croyait également propre ; et quoiqu'il flagornât, ainsi que bien d'autres, Roland et sa femme, il est à remarquer que ses corrupteurs ne partageaient pas plus que lui l'illusion qu'ils voulaient faire aux autres sur le ministre. Voici le compte que l'un d'eux (le citoyen Salvador) rendait à Gadol de la situation de Paris, le 8 février dernier.

• Vous me demandez des nouvelles de Paris; je vais vous satisfaire Paris est toujours calme comme il l'a été depuis l'ouverture de la Convention. Le ministre Roland, qui souhaitait du trouble dans Paris, n'ayant pas pu y réussir, a fini par demander sa démission; et l'homme qui trois jours auparavant placardait de vouloir vivre et mourir à son poste, finit, trois jours après, par le quitter. Oh! inconséquence des hommes ! quand on marche de bonne foi dans une carrière politique, on est plus modestement pour le bien général, et on pense moins à soi qu'aux

autres.

D'après cette lettre signée et authentique, Roland ne faisait point illusion à ceux qui l'approchaient; ils le peignaient aux autres bien différent de ce qu'ils le voyaient eux-mêmes : aujourd'hui que le masque est tombé, que tout est dévoilé, c'est au public à prononcer, c'est à son jugement que vous devez renvoyer toutes ces manœuvres : le comité n'a pas cru devoir prendre au

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