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cune conclusion particulière; l'assemblée prononcera à cet égard ce qu'elle jugera convenable.

Copie d'une lettre de Gadol à la citoyenne Roland.

15 octobre 1792.

Je suis bien aise que l'on suspende la discussion de cette prétendue garde prétorienne : le silence de l'assemblée à cet égard les tue.

Il y aura et il faudra une garde quelconque ; et les gens sensés le conçoivent. Pourquoi, me demandent les crieurs? parce que c'est à Paris où résident les titres, l'argent, et en général la chose entière de la République. Mais nous les garderons bien nousmêmes; n'avons-nous pas bien gardé jusqu'à présent?

Non, puisque vous avez laissé piller le garde-meuble; puisque votre ville est le réceptacle de tous les voleurs, le foyer de tous les incendiaires.

A propos, ce bon homme, auteur de la pétition, se trouve, sans s'en douter, environné des agens du trouble, et notamment lié avec celui qui devait s'emparer de Roland. Le pauvre diable n'a pas cette souplesse et ce tact moral qui conviennent à un pareil rôle je suis fort embarrassé pour lui dessiller les yeux. Ou je parviendrai à l'arracher de pareilles mains, ou je retirerai ces hommes de dessous leur hideux drapeau, pour en faire les agens d'une meilleure cause.

Il faudra me faire parvenir, par l'Allemand Gobel, une sommé de 600 liv. au moins, ce soir, en assignats de 50 liv. et de 5 liv. et quelques-uns de plus petits, s'il se peut. J'ai déjà bien dépensé, et j'ai besoin de me faire des amis; car je me fais craindre et haïr. Une petite fête remet les choses ; et dans une conversation, au dessert, je persuade, je découvre des projets. Enfin, on semble, ou vouloir me convertir, ou m'attirer dans le parti, comme opposant trop gênant. Ma fermeté particulière et ma

jonction intime avec des Marseillais aussi braves que raisonnables, me donnent une force et un crédit de patriotisme qui déconcerté.

Il est heureux que la saison rende la terrasse des Tuileries et les autres lieux de ce genre impraticables. Ces messieurs trouvént moins de sots; patience! ça ira.

P.-S. En leur offrant à dîner, en fraternisant avec eux, de manière à leur laisser croire qu'on admire leur patriotisme, et en les plaçant, par le moyen du vin, dans cet état de franchise et d'abandon qui fait tout découvrir, alors il est facile de les détourner, moyennant qu'on leur ouvre un moyen d'exister ; j'en ai fait l'expérience : j'ai cru découvrir que le trouble qui commence est attisé par les envieux des députés et ministres, dont j'ai parlé plus haut; par des administrateurs ou commissaires des sections à la ville, que le règne des lois annihile ou réduit à des comptes; par des aristocrates, et enfin par tous ceux qui existaient dans le tourbillon contraire à l'ordre social.

Paris est sans administration; il faut que les plumes, les langues et les corps des vrais patriotes agissent à la fois d'ici à quinze jours.

Copie d'une lettre en date du 10 octobre 1792, écrite par Gadol à la citoyenne Roland.

10 octobre 1792.

Il existe un parti qui se prononce dans Paris, contre les députés et les ministres, dépeints sous la dénomination du parti Brissotin. Les émissaires de ce parti appuient leurs furieuses déclarations sur l'apparence du plus ardent patriotisme, et le connaisseur y a vu la rage de l'agonie d'une coterie Marat, Robespierre, etc.

Il a crié si haut aujourd'hui, et ses calomnies étaient si barbares, que les sages s'en sont alarmés. L'état actuel des choses ne me semble néanmoins offrir aucun moyen répressif, si ce n'est la présence de gens éclairés qui discutent, avec une sage fermeté,

les fausses assertions de ces désorganisateurs, afin de détruire ou d'atténuer au moins l'effet de leur venin.

On voit que ces hommes tendent à exciter de la méfiance contre les hommes les plus précieux de la Convention nationale, à faire naître des inquiétudes, à amener la fureur, et à profiter de tel ou tel degré d'intensité de cette fureur, pour arriver à leur but.

L'évidence de ce parti m'a paru fondée sur ce qu'après avoir vaincu plusieurs de ces agens dans différens groupes, ils s'en allaient aussitôt en créer un autre hors de mon atmosphère; et dès qu'ils me voyaient approcher, ils diminuaient l'outrance de leur thèse.

Le moyen de les vaincre consiste à se trouver là sans aucune apparence de partialité, et à parler paisiblement sur tout. Afin d'éviter ce violent froissement d'idées qui décèle ou fait soupçonner l'esprit de parti, il suffit de prier le parleur d'articuler quelques faits propres à éclairer la religion des citoyens, pour qu'ils cherchent à former un autre groupe dont l'ignorance lui présage un meilleur succès.

Ces apôtres d'une nouvelle sédition sont accouplés à ces sabreurs du 2 septembre, que je compare à des tigres oisifs qui lèchent en murmurant leurs griffes pour y découvrir encore quelques gouttes du sang qu'ils viennent de verser en attendant le nouveau. Ces hommes sont plus faciles à ramener que les déclamateurs; il suffit d'apaiser leur estomac.

La pétition en question ne put avoir lieu hier par un contretemps incalculable. J'en vis l'auteur qui m'en parut affligé, mais qui espère sur dimanche prochain; et dans ce cas, il faudra que cette pétition prenne le langage du jour; j'y ferai attention.

D'après mes recherches, il m'a paru évident que Danton, appuyé des moyens pécuniaires du caméléon Dumourier, soutenait seul ce grand mouvement à l'aide d'écrivains d'un patriotisme aussi fanatique qu'impétueux, à l'aide de ces exécuteurs du 2 septembre, et enfin à l'aide de la stupide crédulité ou du cœur

gangrené de tous ces hommes devenus importans par ces nominations brusques, soit à la ville, soit dans les sections, soit enfin dans les départemens, en qualité de commissaires de la part de la coterie Danton: à ces hommes se trouvent toujours accolés tous les aristocrates, les commissaires de la ville ou des sections actuellement inquiets pour leur compte à rendre, les députés jaloux, de ne pas dominer dans tel ou tel comité, ceux du comité de surveillance de la ville, qui ont signé des mandats d'amener, et qui craignent l'œil du public dans une menée si obscure; enfin tous ceux qui vivent de ce mouvement, et qui attendent leur bonheur de son succès.

Il m'arriva hier de découvrir enfin, par l'exécuteur même de ces mandats d'amener, que tandis que Roland aurait été amené, on aurait fait la visite de ses papiers pour y découvrir quelques relations secrètes avec Brissot; mais la suite de la conversation me fit voir évidemment que c'était plus particulièrement à Roland que l'on en voulait, à cause de son influence dans la Convention pour le choix de ses collègues, à cause du crédit que son génie et ses vertus lui donnaient dans les départemens, et en général à cause du pouvoir qu'il avait acquis sur l'esprit d'un monde dont la religion morale s'élevait trop au-dessus de l'atteinte des cabaleurs plus rusés qu'instruits, et dont l'espoir ne peut être placé que dans une petite Saint-Barthélemi, ou au moins dans le succès d'une crise un peu

hardie.

Je vois avec consolation qu'en soutenant mon fil d'observations pour déjouer à propos, et en éclairant l'esprit des justes, ces malheureux clabaudeurs à trois livres par jour sont de plus en plus déroutés. J'ai maintenant affaire à leurs limiers: c'est une secte facile à combattre par la raison, parce que ce sont des hommes qui ont eu le malheur de se croire auteurs ou philosophes avant d'avoir réfléchi; ce ne sont que des outres remplies d'air que la raison froisse aisément.

T. XXVII.

6

Copie d'une lettre adressée à la citoyenne Roland, sans signature: cette lettre est du citoyen Gadol.

Le dimanche 21 octobre 1792.

Rien de plus juste que les motifs de la concitoyenne en faveur de la garde départementale; mais il est impossible de toucher à une corde aussi délicate dans cet instant-ci. Les agitateurs qui craignent cette garde, en ont investi l'existence d'une teinte si monstrueuse, qu'il serait grossièrement impolitique d'en parler dans l'assemblée. Cette garde aura lieu; l'impression de son horreur diminue, et les bons esprits commencent à en sentir la plausibilité. Dès que l'on verra le moment favorable, on le saisira; et, dans tous les cas, je me chargerai, s'il le faut, soit d'en faire la pétition, soit d'écrire en faveur de cette garde : des principes en appuient la nécessité; et la négligence de la garde de Paris justifie surtout cette nécessité. Cela viendra: je me suis simplement efforcé de faire changer quelques idées hétérogènes à la circonstance, pour y en substituer de plus conformes. L'homme à la pétition n'est pas encore assez convaincu de la vérité qui sollicite cette garde je dispose son imagination à la sentir; et si Ĵ'y réussis, il s'environnera de tous les influens de son faubourg: j'y ajouterai les miens; et dans l'intervalle, je livrerai progressivement à la discussion des oisifs quelques idées claires en faveur de cet établissement. L'hydre baisse la tête, mais il s'impatiente de la relever. Laissons-le donc s'étouffer sous le manteau de son hypocrisie. Quand les corps administratifs seront organisés, et que l'anarchie s'effraiera, la raison fera tout ce qu'elle voudra. Le peuple veut le bien; il est seulement malheureux qu'il se trompe sur le moyen d'y parvenir.

J'ai cru entrevoir un pressant à-propos pour faire accepter 50 francs à cet homme: son besoin a prévalu sur une delicatesse qui m'a fait plaisir. Je crois qu'il serait sage de lui donner plus souvent, et moins à la fois : il vit dans un généreux abandon de

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