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çoivent du ridicule de leurs efforts. Voici ce que je fais comprendre à tous à l'amiable.

Votre patriotisme, d'une ardeur aveugle, vous égare au point que, par une injustice stupide, vous voudriez renverser la partie du ministère dénommée faction Brissotine: eh bien! il faut que vous vous persuadiez qu'il ne dépend d'aucun parti de renverser le ministère ni un ministre, surtout dans l'état actuel des choses.

La Convention nomme à la vérité les ministres, mais ce n'est qu'à titre de corps électoral ad hoc seulement; car si elle pouvait à la fois choisir et renvoyer les ministres, elle serait à la fois exécutrice et législatrice, puisque son pouvoir de renvoyer à son gré des ministres rendrait ces derniers tellement dépendans de sa volonté qu'ils n'agiraient que d'après elle; il n'y a donc que la gravité d'une faute qui puisse l'autoriser à décréter la suppression d'un ministre, et dans ce cas en nommer un autre.

Il serait encore plus absurde de croire et d'espérer que tel ou tel ministre puisse être congédié à la faveur d'un mouvement public occasionné par l'intrigue de quelques ambitieux, et soutenu par deux ou trois cents agitateurs adroitement disséminés; car alors le vaisseau de l'état serait dans une mobilité perpétuelle, vu qu'il y aura toujours des intrigans et des ambitieux; en un mot, les ministres une fois nommés appartiennent à la nation, et aucun parti ne peut les destituer; il n'y a que leurs fautes qui puissent agir contre eux; sans cela, il existerait dans la République une autorité qui agirait sans son aveu, et cette autorité serait

monstrueuse.

Pourquoi Roland a-t-il fait la lettre d'un Anglais? parce qu'il l'a crue d'une utilité particulière à Paris; mais il a alarmé Paris sur les intentions pures des vrais patriotes qui se dévouaient à l'exercice des vengeances utiles; il a excité l'émigration et épouvanté l'immigration; il a au contraire éveillé l'attention des honnêtes habitans de Paris sur ce qui pouvait compromettre leur sûreté ; et pour ce qui est de l'immigration, cette supposition est oiseuse; elle n'aura lieu que lorsqu'il y aura paix et harmonie

dans la République; au surplus, j'ignore s'il est l'auteur de cette lettre; mais, dans tous les cas, elle ferait honneur à sa sollicitude pour l'intérêt public; mais qu'a-t-on à reprocher à ceux qui ont suppléé au défaut des lois à l'époque du 2 septembre ? on a à leur reprocher d'avoir souillé une expédition si utile par des atrocités d'actions et de projets dont la connaissance fait horreur, à mesure qu'un jour insensible vient éclairer cette mémorable expédition; c'est le crime qui a voulu arriver à ses fins à la faveur d'une bonne action. Mais voyez où en sont les subsistances sous un ministre aussi mâchoire (excusez: c'est le mot de ces messieurs); n'a-t-il pas exposé Paris à mourir de faim par l'état actuel des farines? La réponse de cette question appartient à vos administrateurs citadins, et quand je le verrai seul chargé de cette besogne, je lui donnerai tort ou raison; je crois qu'il ne reçoit que des renseignemens à cet égard, mais qu'il n'agit pas. N'est-ce pas lui qui a conseillé la garde prétorienne? je n'en sais rien: il est philosophe, il voit dans le futur contingent, et je ne crois pas qu'il veuille jeter de pareilles pierres d'attente: au reste, il n'a pas de part ostensible à ce prétendu projet, et il serait ridicule de le lui attribuer. Non, disent d'autres : il vient de l'insidieux Buzot. Dites de l'errable, mais probe et éclairé Buzot. Ces gueux avaient le projet ou de réussir, ou de transporter la Convention hors Paris; ils ne sont pas gueux, mais assez prévoyans pour sentir que leur absence de Paris les isolerait, les priverait des lumières immenses dont cette ville les environne, des connaissances du moment, et qu'enfin nos frères les Jacobins, profitant à la fois et de ces lumières et de ce mouvement électrique d'une masse de citoyens, et enfin de tant d'autres circonstances avantageuses, deviendraient les dictateurs de la nation, etc., etc. Vous convenez que la faction Brissotine est savante eh bien! ne croyez pas qu'elle se compromette; cette faction, qui est la plus éclairée, fera le moins de sottises publiques et particulières. Buvons à la santé de la République, négligeons les personnes, guettons les actions nuisibles au bonheur général, et attendóns notre bonheur de l'ordre prochain, et

dans l'ordre. Garçon, apportez du vin de Champagne; noyons nos inquiétudes, et contentons-nous d'ouvrir des yeux attentifs, en sages républicains. Ne vaudrait-il pas mieux voir l'habile Dumourier à la tête du ministère de la guerre et du conseil, au lieu d'un Pache, ami de Roland? Non. Dumourier doit finir son opération, effacer par une conduite glus grave l'impression qu'a faite sa liaison avec Bonne-Carrère, son intrigue pour expulser Servan et le remplacer, sa trop grande facilité à composer avec nos ennemis, quoiqu'à -propos, mais sans notre aveu, son voyage de Paris où je ne l'ai vu qu'aux Jacobins et au spectacle, au lieu de le voir à pareille heure au milieu du conseil-général du pouvoir exécutif, qui, selon l'ordre, travaille le matin individuellement, dîne et se réunit en pouvoir le soir. Quand enfin il nous aura fait voir qu'il est devenu aussi grave qu'il a toujours été rusé, nous verrons ce que nous en ferons, etc., etc. Voilà mon bavardage actuel; tirez-en ce que vous pourrez. Le fait est que je puis maintenant parler haut. Ma tâche me fatigue; je me dépêche à en être quitte. Les hommes sont en général bêtes, et les plus sots sont ceux qui ont eu un succès déclamatoire pendant la révolution. Le diable n'y tiendrait pas je me gare de l'homme à la pétition; en public, il n'est pas de ma mesure pour agir. Je le verrai demain chez lui, afin d'en tirer un parti de circonstance; un peu de patience, loyale citoyenne : ça ira.

Je vais à un rendez-vous très-important: à demain.

Copie de lettre non signée, écrite à Roland par le citoyen Gadol.

Il est absolument vrai que l'esprit public s'harmonie de plus en plus, et que l'esprit de parti reste distinct au milieu de la masse qui, il y a peu, faisait chorus avec lui. Ce parti distinct n'ayant rien de personnel à proférer contre Roland ni contre ceux dont la sévérité des mœurs ressemble à la sienne : ce parti distinct, en un mot, s'en tient à glisser des prophéties contre les hommes à caractère dont il a tout à craindre et rien à espérer. Je ne vois donc que ce que l'on doit s'attendre à voir dans toutes les Républiques; c'est-à-dire une action et réaction continuelle

du vice contre la vertu, de l'ambition irritée, de la fausse pro. bité qui est sur le point de se voir arracher le masque, et enfin de tous les atômes individuels dont la crédulité insatiable s'attache au parti qui crie le plus fort. Mais tout cela n'est plus rien; car aucun trouble réel n'est plus possible; et si le patriarche se voit encore harcelé indirectement par des hommes qui auraient dû lui rendre plus de justice, c'est que ces hommes veulent se ménager tous les partis; et qu'un de ceux-là qui s'est exprimé. si mal à propos dimanche aux Jacobins, est lui-même la dupe crédule d'un fin politique qui sent que le patriarche, de moins dans le ministère, y serait probablement remplacé par un ami; de là un contre-poids et une majorité après laquelle on soupire aux Jacobins, et à laquelle aspirent peut-être un ou deux de ses collègues. Qu'il aille son train d'une manière égale; qu'il ne fasse attention à rien qu'à sa chose: tout sera forcé de se taire et de désespérer. Qu'il n'écrive surtout pas; la justice de sa cause ferait crier toute la vermine anti-sociale, et le diable n'en viendrait

pas à bout. Il le courage de la vertu : le silence lui sera facile ; mais si la pierre frappait trop durement, il trouvera toujours des braves qui le défendront. Quant à moi, je ne vois plus rien que de très-ordinaire, à condition toutefois qu'il faut veiller et briser les idées venimeuses.

Gonchon est demandé par les commissaires qui vont à Nice. Il m'a vu deux fois hier, et m'a encore demandé un rendez-vous pour six heures; je ne l'y ai pas trouvé.

Qu'on ne néglige pas d'exiger que les sections soient en nombre suffisant pour délibérer. Il n'y a quelquefois pas soixante personnes, dont dix par section sont du parti agitateur ; le reste écoute et lève la main machinalement. Oh! que ces fameux héros du massacre du 2 septembre ont fait de mal pendant et depuis leur expédition! J'ai prédit qu'ils ne réussiraient à rien dans le temps où toutes leurs batteries jouaient à la fois : que peuventils faire maintenant? rien.

Bonjour, mes amis. Ce mardi matin,

Copie de la lettre non signée, écrite par Gadol.

Je ne puis charger Gonchon de suivre l'orateur de cette tribune ambulante, dans la crainte qu'étant un peu contrarié, il ne prenne de l'humeur, et ne jette la tribune et l'orateur à dix toises au large; de là une scène, etc. Il se tait presque partout; il écoute et médite un discours répressif des troubles, et calmant pour le peuple: il lit ce discours dans ses sections, après m'en avoir fait part; et peu à peu le perfectionne pour être débité à la barre, selon l'utilité du temps.

J'eus hier le courage de suivre cet extraordinaire déclamateur (Varlet) dans tous ses mouvemens et dans ses relations jusqu'à trois heures, où il vint enfin s'établir aux Tuileries. Assuré d'avance par son maître-de-quartier au collège d'Harcourt, qu'il avait mené une vie si sale et si prodigue que sa mère en était morte de chagrin ; que depuis il avait mangé le reste, et qu'enfin il n'avait rien dans ce moment; assuré encore qu'il avait fait de trèsmauvaises études, et qu'il n'était que l'instrument déclamatoire de la poignée des serpens alimentés par un parti désespéré de n'avoir pu s'emparer des rênes de l'administration en général; prévenu, dis-je, de cette manière, j'écoutai mon homme.

à

Je vais, dit-il, peut-être vous surprendre en vous ouvrant les yeux sur le compte de Pétion (ici, après bien des bavardages, il a fini par simplement inculper Pétion d'avoir écrit une lettre incivique aux amis de la Constitution); de là il a entamé Brissot coups de dents, de griffes et de tout ce qu'il a pu ; j'ai cru voir un insecte faire le tour d'un superbe diamant pour le ternir de son haleine, et finir par pisser dessus; le diamant semblait en avoir acquis plus d'éclat. Une légère glissade sur Roland devint motif d'une rixe passagère : quelqu'un s'aventura de l'interrompre maladroitement sur cette morsure; des affidés le régalèrent de coups. Ma présence et celle de sept autres braves gens que j'avais avec moi, a servi à-propos pour apaiser les esprits, faire voir le ridicule et les suites fâcheuses de pareils sermons. L'ora

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