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teur lui-même alla dégager la Victime de son venin, tandis que je profitai de ce mauvais résultat pour en couvrir l'auteur et ses agens, d'opprobre. Ce jeune homme déclame assez bien; mais tout est si confus, si incohérent, et enfin si corrosif, que les spectateurs ordinaires n'en peuvent emporter une idée distincte. Les sages haussent les épaules, et on aurait dit qu'il ne trouvait point une pyramide assez élevée pour y exposer Robespierre aux regards des adorateurs qu'il s'efforçait de lui créer. La crapaudière Marat est venue råler autour de cette tribune, et je crois que les agens du cauteleux Danton avivaient le tour.

Encore un peu de patience, l'esprit public fera justice de tout cela. Soustraction faite de toutes les idées qui s'entre-détruisent, il reste au profit de l'ordre un beau surplus.

Il n'y a de distinct contre l'ordre que trois ou quatre cents illuminés Jacobins dont la dévotion est aussi franche que stupide; deux ou trois cents auxquels le résultat de la dernière révolution ne leur a pas procuré les emplois et les honneurs sur lesquels ils avaient trop évidemment compté. Leurs chefs également déchus, semblent leur dire: Parvenez à faire déplacer tel ou tel ministre, à discréditer tels ou tels députés; nous prendrons le dessus, et vous serez heureux. Quand j'en rencontre qui s'emportent trop, je les fais bien dîner, et je les vois devenir des moutons à mesure que leur estomac fait fortune. Ces gens m'embarrassent plus qu'ils ne m'inquiètent; il suffit d'être parmi eux, pour réduire leurs efforts à zéro. Le bon sens déserte les Jacobins ; ce même bon sens n'a qu'à établir une autre société sous le nom de républicaine; elle donnera le dernier coup de grace au résidu turbulent qu'elle a sagement laissé dans ce temple, ci-devant le salut public.

Demain la grande moustache (concierge du Temple) vient dîner avec moi et quelques Marseillais du 10 août. Je leur ai enlevé tous les braves. Ne craignez aucun trouble effectif; altendez-vous à quelques miaulemens de chats qui crient après la pâtée.

Bonjour.

Votre mot d'hier m'est utile.

A propos, la soirée d'hier, depuis six heures jusqu'à l'heure du gîte, a été une des plus raisonnables que nous ayons eues depuis très-longtemps: ça va.

Copie d'une lettre de Gadol au citoyen Roland.

L'affaire des papiers trouvés aux Tuileries remit fortement le patriarche sur le tapis. Dans la buvette à côté de l'assemblée, il y avait soixante personnes au moins. Cinq agitateurs voulaient encore une fois le mordre à belles dents; mais ils ont senti pour le coup que l'esprit public se lassait de cette persécution injuste. Trois de mes hommes les contrarièrent adroitement; leur raison en entraîna d'autres, et enfin un citoyen de Lille et un de Blois ont parlé haut à ces agitateurs. Ils ont prouvé à la société que c'était le ministre qui avait le plus de caractère, à partir de sa lettre au roi, etc.

Mais, ont dit les agitateurs, pourquoi écrit-il tant? pourquoi parle-t-il toujours de lui? C'est, leur ai-je répondu paisiblement, que l'on n'a cessé de le tracasser par des affiches, des propos et des coalitions; c'est qu'enfin un parti, et surtout celui qui se dit le plus et l'unique patriote, en voulait simplement à sa vie. Or, ne pas répondre, ne pas se débattre au milieu de pareilles persécutions, ce serait être un homme sans ressort moral; et lui en vouloir pour cela, c'est découvrir la rage du vice contre la vertu armée. La société entière a pris une part raisonnable à ce débat, et mes cinq agitateurs ont été obligés de céder, la face couverte d'une honte muette. Voilà un fait qui m'a fait un grand plaisir; ailleurs l'esprit public prend un fixe assez consolant c'est ici l'instant de le soutenir pour en accélérer la perfection.

Gonchon n'est point parti: il aurait fallu faire une espèce de cour à Collot-d'Herbois et se dérolandiser auprès de lui. Il a pré féré rester, et j'en suis bien aise. Il a diné avec Kellermann, chez Santerre. Kellermann doit le mener avec lui et l'avancer, mais tout cela n'est que dans l'air. Panis lui a aussi fait sentir qu'il

était Rolandiste. Celui-ci, qui heureusement n'a jamais cru me seconder dans mon objet particulier, mais seulement dans le pur motif du bien public, leur fait des sorties incroyables. Ils en ont peur comme de plusieurs autres sur lesquels ils comptaient le plus; ils sont à bas ; il suffit de faire attention à leur manière de se relever.

Le patriarche peut aller son train; le public pe prend plus de part aux calomnieuses lamentations de ces messieurs.

Les hommes qu'ils ont d'ailleurs à leur solde, pêchent tant par la manière, qu'ils commencent à fatiguer; ils sont réduits à eux-mêmes. La coterie qui a volé et fait tuer, s'agite seule. Quelques ambitieux ou jaloux souriraient peut-être à la démission du patriarche, dont la place, occupée par un autre, donnerait plus d'espoir à l'admission de certains comptes au conseil. Danton n'en serait pas fâché, etc., etc.; les masques tombent. Bonjour. Le mercredi.

J'ai encore un regret de ne pouvoir aller vous souhaiter le bonjour ce matin. Je vais causer un instant avec Grouvelle, dans votre quartier; mais, à partir de demain, j'aurai mes coudées franches; le reste ne sera plus qu'amusement pour moi. La chose publique va de mieux en mieux. Je suis satisfait; quant à quelques crieurs, il y en aura, tant qu'il y aura des ambitieux, des jaloux et des fripons sur la terre.

Copie d'un interrogatoire ou déclaration du citoyen Gonchon.

Du 24 avril 1793, l'an 2o de la République, une et indivisible,

Le citoyen Gonchon, mandé au comité de sûreté générale pour savoir de lui par quel moyen on avait cherché à le séduire, ainsi qu'il paraît par une correspondance trouvée dans les papiers de Roland, a dit que le nommé Gadolle, rue de l'Arcade, chez un marbrier, est celui qui lui a donné un billet de 50 liv. le jour d'une pétition faite par lui à la barre; que c'est le même Gadolle qui, souvent, a cherché à avoir des entrevues avec lui, et qui cherchait à lui suggérer des discours et des démarches; que, souvent, le même Gadolle lui a donné de l'argent lorsqu'il faisait

des démarches, mais que jamais il n'aurait accepté ni exécuté aucune commission, s'il n'eût pas cru que ses démarches auraient un effet salutaire au bien public, et a signé.

Signé, GONCHON.

Pour copie conforme. P. LALANDE, secrétaire.

Extrait d'une lettre adressée au citoyen Gadolle, commissaire à Ostende, adressée à Bruges, datée de Paris 8 février 1795.

Vous me demandez des nouvelles de Paris: je vais vous satisfaire. Paris est toujours calme comme il l'a été depuis l'ouverture de la Convention. Le ministre Roland qui souhaitait du trouble dans Paris, n'ayant pas pu y réussir, a fini par demander sa démission; et l'homme qui trois jours auparavant placardait de vouloir vivre et mourir à son poste, finit trois jours après par le quitter. Oh l'inconséquence des hommes ! quand on est de bonne foi dans une carrière politique, on est plus modestement pour le bien général, et on pense moins à soi qu'aux autres, etc., etc.

Je vous embrasse de tout mon cœur, et suis pour toujours vous confrère en liberté. Signé, SALVADOR.

Copie d'une lettre du citoyen Barbaroux à la citoyenne Roland.

Paris, le 19 octobre 1792, l'an 1o de la République.

Citoyenne, je ne puis encore cette fois accepter votre agréable invitation; j'ai donné, depuis huit jours, ma parole au citoyen Rabaud qui doit me faire dîner avec un des chefs des Belges : au premier jour je réparerai mes longs torts, en allant vous demander avec Rebecqui un dîner de famille.

Je transcris ici le passage d'une lettre qu'un homme de mérite m'écrit de Marseille.

Du 9 octobre.

On avait été très-affecté ici de la démission du citoyen Roland. La raison qu'il donnait de sa nomination à la Convention

nationale, suffisante pour tout homme qu'on eût pu espérer de remplacer dignement dans le ministère, me paraissait faible pour celui qui y eût immanquablement laissé un vide. Le seul moyen de remplacer Roland était de lui donner Roland pour suc

cesseur. ›

La même lettre renferme un plan d'attaque contre Constantinople, pour obtenir la réparation de l'insulte de la Porte qui a refusé l'ambassadeur Sémonville; mais vous sentez bien que je ne vous le communiquerai pas, car Danton ne veut pas que vous soyez ministre.

Je vous présente mes hommages respectueux.
Signé, BARBAROUX.

Copie d'une autre lettre du citoyen Barbaroux à la citoyenne

Roland.

Paris, le 29 décembre 1792, l'an Ier de la République.'

Permettez, citoyenne, que je vous recommande définitivement le courrier Aubert, qui n'ose plus se présenter devant vous, depuis qu'il a maladroitement transformé Rebecqui de liquoriste en marchand de vin de Bordeaux.

Vous saurez que M. Roland s'est fait voleur de bois dans les maisons des émigrés: c'est ce qu'on publie dans les cafés. Aubert, en Marseillais, souflette les discurs de bons mots. Il fut attaqué hier par quatre d'entre eux; on lui donna un violent coup de bâton, mais il mit les assaillans en fuite à grands coups d'une banquette ou sellette de décroteur.

Hier nous fûmes avec Buzot et Salles au club des Marseillais ; bien nous en prit: trois députations de trois sections les travailJaient. Jamais Buzot n'a parlé avec plus d'éloquence; il tonnait, il attachait à lui tous les cours; son ame tout entière se peignait dans son discours, Buzot peut dire à présent: j'ai un bataillon d'amis.

Plusieurs estimables citoyens de Marseille m'ont recommandé un citoyen auquel vous pouvez rendre service. Pardonnez-moi

T. XXVIII.

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