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CHAPITRE VI

M. EMERY ET LE CARDINAL FESCH

SOMMAIRE. - Le cardinal Fesch.

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Ses premiers rapports avec M. Emery. Organisation du grand séminaire de Lyon. Projets d'organisation des séminaires métropolitains. Le cardinal Fesch consulte M. Emery sur la Difficultés de M. Emery. réorganisation du chapitre de Saint-Denis. Réponse et espérances du cardinal Fesch. M. Frayssinous sort de la Compagnie. Deux lettres de M. Frayssinous.

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I

La liberté rendue à l'Église par le premier consul, la fin du schisme qui avait divisé le clergé catholique et ouvert aux intrus les portes du sanctuaire, permettaient enfin à M. Emery de s'occuper avec tout son zèle de l'œuvre principale de sa vie, la formation du clergé dans les grands séminaires qui lui seraient confiés.

La Providence appela sur son chemin un homme qui sut apprécier ses grandes qualités et répondre à son dévouement par une affection qui s'affirma dans toutes les circonstances, avec un courage plus fort que les difficultés : c'était le cardinal Fesch, oncle maternel de l'empereur. Son amitié puissante servit d'une manière efficace les intérêts de M. Émery et de sa Compagnie. Né à Ajaccio le

3 janvier 1763, Fesch obtint, sur la présentation des états de Corse, une bourse au grand séminaire d'Aix, où il entra après avoir achevé ses études littéraires au petit séminaire de la même ville. Il se lia, dès son enfance, d'une étroite amitié avec Xavier d'Isoard et avec M. Jauffret, nommé plus tard évêque de Metz. Après cinq ans d'études théologiques, il fut ordonné prêtre en 1787, par Mgr de Doria, évêque d'Ajaccio. Il obtint un bénéfice dans son pays natal, à la prière de son oncle, Lucien Bonaparte, archidiacre et prévôt du chapitre d'Ajaccio. Nommé archidiacre lui-même à la mort de son oncle, il s'éleva contre le décret de la constitution civile du clergé qui supprimait tous les chapitres, et vécut ainsi dans le devoir et dans la paix, jusqu'au moment où le vertige de la révolution troubla les plus fermes esprits.

En juin 1793, il fuit la Corse avec sa famille. Privé de tout moyen d'existence, il obtint un emploi de fournisseur à l'armée des Alpes, où il persévéra dans l'honnêteté de sa vie. Après le siège de Toulon, en décembre 1793, son neveu Bonaparte le fit entrer, avec le grade de commissaire des guerres, dans l'état-major de son armée. Il avait trouvé dans son neveu sa fortune et le plus ferme appui de sa carrière. Il accompagna Bonaparte, en conservant ses attributions militaires, pendant la campagne d'Italie, et resta ensuite à Paris, dans sa famille, pendant que Bonaparte se couvrait de gloire en Égypte et acquérait déjà le

prestige qui attirait sur lui l'attention de l'Europe étonnée.

Le 18 Brumaire réalisa les espérances et les prédictions des amis du jeune et vaillant capitaine appelé à de si hautes destinées. Fesch avait conservé, avec l'intégrité de ses mœurs, une foi profonde, héréditaire dans les vieilles familles de la Corse. Il attendait le moment favorable pour reprendre avec honneur sa place et ses fonctions dans la hiérarchie sacerdotale. Au moment où le Concordat régla 'd'une manière définitive les rapports ecclésiastiques de la France avec le Saint-Siège, il fut nommé par le premier consul à l'archevêché de Lyon.

Fesch hésita d'abord: il voulait refuser un honneur dont il ne se croyait pas digne, des fonctions auxquelles il n'était pas suffisamment préparé par ses occupations antérieures et ses fonctions civiles dans l'état-major de l'armée. Il vint frapper à la porte de M. Émery, caché encore dans une maison du faubourg Saint-Jacques, lui confia ses scrupules, le choisit pour le directeur de sa conscience et le conseiller de sa vie.

M. Émery répondit à cette confiance par un attachement respectueux, inébranlable. Jamais les vicissitudes contraires de la vie ne brisèrent le lien qui unissait ces deux âmes. Dans ses tribulations, dans les épreuves douloureuses qu'il eut à subir de la part de l'empereur, dans l'angoisse des menaces qui pouvaient détruire et disperser les débris de sa

Compagnie, M. Émery s'empressa de recourir au cardinał Fesch; il trouva toujours dans cet ami un protecteur, dont l'affection et le dévouement l'accompagnèrent jusqu'à sa dernière heure.

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Sacré le jour de l'Assomption de l'an 1802, dans l'église métropolitaine de Paris, M. Fesch prit possession du siège archiépiscopal de Lyon, et se rendit ensuite à Rome, avec le titre d'ambassadeur. Sa première pensée fut pour M. Émery, qui le remercia en ces termes de ce témoignage d'amitié (1) :

« J'ai été on ne peut plus vivement touché de la bonté qu'a eue Votre Éminence de prendre ellemême la peine de me donner des nouvelles de son arrivée. Il est vrai que je me flatte qu'Elle est bien convaincue du tendre et vif intérêt que je prends à sa personne. Je ne doute pas, Monseigneur, que vous n'ayez été très bien accueilli à Rome, et on sent bien que cela devait être ainsi; mais ceux qui ont comme moi l'honneur de vous connaître, savent de plus, que la considération, et, ce qui vaut mieux encore, l'attachement pour vous, vient toujours en augmentant, à mesure qu'on vous connaît davantage.

(1) 1803.

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<< Je voudrais bien, Monseigneur, que Dieu fît un miracle de reproduction, et que vous soyez en même temps à Rome, à Lyon et à Paris : à Rome, pour les intérêts de l'Église universelle; à Lyon, pour les intérêts de votre diocèse; à Paris, pour ceux de l'Église gallicane. Je ne doute pas que le petit séjour que vous avez fait à Lyon en allant à Rome ne vous ait gagné tous les cœurs.

« Votre procession de la Fête-Dieu, et les suites qu'elle a eues pour la publicité du culte, ont fait un effet merveilleux. La sagesse et la fermeté que vous avez montrées dans cette circonstance, ont éclaté bien loin de Lyon et vous ont fait beaucoup d'honneur. Je prie Dieu de tout mon cœur qu'il bénisse toutes vos démarches, et qu'il fasse descendre sur vous le Saint-Esprit, avec les dons de piété, de conseil et de force.

« Vous êtes, pour ainsi dire, à la source de toutes les grâces spirituelles, puisque vous pouvez si souvent visiter le tombeau des saints Apôtres et ceux de tant d'autres saints Pontifes. Sûrement, vous ne vous occuperez pas tellement des objets de votre légation, que vous ne donniez un temps notable à vos propres affaires.

« Ce serait pour vous le moment de lire le Traité de la Considération, et de vous appliquer une bonne partie de ce que saint Bernard dit au pape Eugène, et, dans sa personne, à tous les prélats qui sont chargés de beaucoup d'affaires, vos affaires fussent-elles les plus importantes de toutes pour

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