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352 M. ÉMERY ET L'ÉGLISE DE FRANCE

Quelques séminaristes demandés par le cardinal Fesch assistèrent à la cérémonie. Avant leur départ, M. Émery les réunit, leur donna des conseils appropriés à la circonstance et leur cita cette parole de Saint-Fulgence, à l'entrée triomphale de Théodoric, roi d'Italie :

<< Si la splendeur de Rome terrestre est si grande, quelle doit donc être la beauté de la Jérusalem céleste! Si dans dans cette vie périssable, Dieu environne d'un si grand éclat les partisans et les amateurs de la vanité, quelle gloire et quelle félicité prépare-t-il donc aux saints dans le ciel! >>

Libre de tout engagement, M. Émery s'abstint d'assister au mariage religieux de l'empereur; il resta dans la paix solitaire de sa cellule, méditant sur la fragilité des honneurs de la terre les épreuves qu'il venait de subir, se rapprochant tous les jours davantage, par les progrès de son âme mortifiée de cette cité céleste, dont le nom revient souvent dans ses lettres, comme un pressentiment de sa fin prochaine et de sa délivrance.

CHAPITRE XIII

NOUVELLES MENACES CONTRE LA COMPAGNIE

SOMMAIRE M. Emery rachète la maison d'Issy et la maison de M. Olier.

Lettre à M. de Bausset.

Intrigues des constitutionnels.

Acquisition de la chapelle de Lorette.
Ordre de dissolution de la Compagnie.
Imprudence

Tristesses de M. Emery. Ses lettres au cardinal Fesch.

d'un séminariste et irritation du gouvernement, Ordre de départ de Nouvelle réclamation du cardinal Fesch.

M. Emery.
M. Emery à la communauté. 11 rentre à Issy.

Adieux de

1

Dans le courant de l'année 1804, M. Émery ayant reçu de M. de Gourgues, bienfaiteur de la Compagnie, un don généreux, avait racheté le parterre et la maison de l'ancienne propriété d'Issy. Il aimait à revoir ces lieux qui lui rappelaient les plus touchants souvenirs de sa jeunesse sacerdotale et les traditions de l'ancien séminaire frappé avec tant de violence par la tyrannie de la Révolution; tout son désir était depuis longtemps d'installer encore une fois ses confrères avec les jeunes séminaristes qui leur étaient confiés, dans la maison et dans les jardins, animés autrefois, sanctifiés par la présence et par les exemples des premiers directeurs de la Compagnie.

Il s'était empressé de faire part de son bonheur à son ami, l'évêque d'Alais, dans une lettre du 8 février 1804:

« Vous paraissez, par suite de votre amitié pour Saint-Sulpice, mettre quelque intérêt au recouvrement de la maison d'Issy. Je crois donc vous faire plaisir en vous apprenant que l'acquisition de cette maison est consommée. Cette acquisition ne comprend que la maison et le parterre. Le parc et la chapelle de Lorette n'en font point partie. Nos moyens ne nous ont point permis de joindre l'un à l'autre. La Providence nous fournira, peut-être, ce qui nous manque aujourd'hui. Ma transplantation et l'établissement de notre nouvelle maison tant au spirituel qu'au temporel absorbent tout mon temps, et me font oublier Descartes et Newton.

a Je viens de faire une retraite dans la maison d'Issy. J'occupais l'appartement de mes prédécesseurs, que j'ai rétabli dans son premier état. J'ai dit la messe tous les jours dans la chapelle de SaintSauveur, quoiqu'elle ne soit pas encore entièrement rétablie. J'allais dans le clos avec l'agrément du propriétaire, dire mon chapelet auprès de la chapelle de Lorette, à la porte qu'on appelait des Lions.

« Ces réminiscences m'ont donné beaucoup de consolations. Mais les réparations à faire dans la maison sont en très grand nombre, quoique chacune ne soit pas considérable. Le parterre avait disparu, et n'offrait plus qu'un jardin potager; la plupart

des arbres étaient abattus. J'ai fait rétablir toutes les allées telles qu'elles étaient, replanter les charmilles et le même nombre d'arbres. J'ai fait placer dans la bibliothèque autant de livres qu'elle en contenait auparavant. >>

Privé encore de la consolation de prier dans la chapelle de Lorette, dont le prix d'achat dépassait de beaucoup ses modestes ressources, M. Émery voulait cependant réveiller, entretenir dans le cœur des séminaristes la piété de leurs aînés, et leur dévotion filiale à la Sainte Vierge. Il se souvint que saint François de Paule avait fait honorer la sainte Vierge, sous le vocable de Notre-Dame de ToutesGráces, et que MM. Olier et Bretonvilliers aimaient à donner ce nom dans leurs prières à la mère de Jésus-Christ.

Secondé par les séminaristes qui étaient animés d'un excellent esprit et d'un grand désir de témoigner leurs sentiments de religion envers la Sainte Vierge, il fit construire une humble chapelle provisoire, dans le jardin où il venait de s'installer, et la plaça sous la protection de Notre-Dame de ToutesGráces, en attendant, sans impatience, le jour qui lui semblait, hélas! bien éloigné, où la Providence lui permettrait d'entrer en possession de la chapelle de Lorette.

« Nous sommes donc à Issy » écrivait M. Émery au père Grivel, le 31 avril 1808, « point encore de chapelle de Lorette; mais nous avons dans le jardin de M. Régnier une chapelle dédiée à la Sainte

Vierge, sous le nom de Notre-Dame de ToutesGraces. Saint François de Paule avait fait honorer la Sainte Vierge sous ce nom dans l'église des BonsHommes de Chaillot. J'ai vu, dans les vies de MM. Olier et de Bretonvilliers, qu'ils avaient su gré à saint François d'avoir eu cette pensée et qu'ils allaient fréquemment visiter cette église des Bons-Hommes. On a pillé, on a détruit l'église; mais le titre de Notre-Dame de Toutes-Grâces était tombé par terre; je l'ai ramassé, et je l'ai pris. N'ai-je pas bien fait ? Et croyez-vous que la nation me prendra pour un voleur ? »

Il vint là, dans cet oratoire improvisé, en 1808, quand il fut nommé membre du conseil supérieur de l'Université; et après avoir longtemps prié la Sainte Vierge, il prit l'engagement secret de réserver tous les ans, son traitement de conseiller, pour le rachat de la maison où M. Olier avait placé le berceau de la Compagnie. Après les longues séances du conseil supérieur de l'université, il rentrait lentement au séminaire, comptait ses jetons de présence, et disait, en souriant, à son vieil ami, M. Garnier: « Voilà tant de gagné aujourd'hui pour la Sainte-Vierge. » Il put réaliser une partie de ses espérances, vers la fin de l'année 1809, et faire déjà l'acquisition du jardin potager d'Issy, du cabinet où Bossuet et Fénelon avaient tenu leurs célèbres conférences sur le quiétisme et enfin de la maison de M. Olier.

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