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naire. Je vous prie cependant de calmer vos alarmes. Nous aurons le plus grand soin de la santé de votre fils chéri et si digne de l'être. Je vous remplacerai, s'il est possible, pour les petits soins. Il dormira tant qu'il voudra, et même je prévois que nous serons quelquefois obligés de lui ordonner de rester au lit. Nous avons deux jeunes médecins au séminaire qui sont ses amis, et que nous chargerons de veiller particulièrement sur sa santé. En un mot, j'en aurai tant de soins, soit pour la nourriture, soit pour les autres articles, que je crains que vous ne me reprochiez dans la suite de l'avoir un peu gâté.

« Je vous félicite, Madame, d'avoir un enfant si aimable et si méritant; je félicite monsieur votre fils d'avoir une si excellente mère.

<«<J'ai l'honneur d'être avec respect, Madame, votre très humble et très obéissant serviteur,

VIII

ÉMERY. »

Mais cette douceur paternelle, cette vigilance affectueuse de M. Émery, ne lui laissaient oublier ni les difficultés qui attendaient ces jeunes élèves après les jours paisibles de leur préparation sacer

dotale, ni les sacrifices que Dieu voulait leur demander.

Il insistait, dans ses instructions et ses avis, sur la nécessité d'être fidèles à l'oraison du matin dont il avait rétabli l'usage; il leur apprenait à goûter cette vie chrétienne, ces entretiens intimes, répétés et prolongés avec Dieu, où le prêtre peut espérer trouver la consolation dans les amertumes inévitables de la vie, la lumière dans les situations difficiles, la force à l'heure du danger, cette gravité sereine qui est l'expression du recueillement de l'âme.

Il aimait aussi à préparer les séminaristes aux grandes luttes qu'ils auraient à soutenir pour la défense de l'Église. Sa parole avait un accent particulier quand il leur rappelait l'impérieuse nécessité d'être des hommes de caractère; quand il leur présentait la vie, dans sa réalité sévère, avec ses périls, ses difficultés, ses ennuis.

« Pourquoi », disait-il dans une instruction sur les contradictions dans la vie, « pourquoi Notre Seigneur aurait-il donc pris tant de soin de nous entretenir et de nous prévenir sur les contradictions auxquelles nous serions exposés dans le cours de notre ministère ? pourquoi les Apôtres, remplis de la doctrine et de l'esprit de leur divin Maître, nous tiendraient-ils si fréquemment le même langage, s'ils avaient cru qu'on doit céder facilement aux contradictions, et qu'il était inutile de nous raidir contre elles; s'ils n'avaient pas prétendu par là affermir notre courage et préparer notre résistance; s'ils

n'avaient voulu en même temps écarter du sanctuaire ces âmes molles et lâches qui sacrifient tout à leur repos, ces âmes faibles et pusillanimes que toutes les difficultés étonnent, que toutes les oppositions arrêtent. En même temps que les ministres de l'Évangile voient dans l'exemple de leur divin Maître les contradictions auxquelles ils doivent s'attendre eux-mêmes, ils y voient la manière dont ils doivent les soutenir. Ni les pièges que lui tendent ses ennemis, ni les calomnies qu'ils inventent, ni les supplices qu'ils lui préparent, n'affaiblissent son zèle et ne le détournent de la voie qui lui a été tracée par son Père.....

<< Tous les avertissements qu'il nous donne sur les contradictions, et les exemples qu'il nous en montre en sa personne, sont donc autant d'exhortations manifestes à la fermeté, autant de leçons évidentes qui nous apprennent que, sans la fermeté, nous serons des disciples infidèles et des ministres prévaricateurs. »

Et dans un commentaire éloquent d'un texte de saint Cyprien, il s'écrie : << Ne sommes-nous pas environnés d'hérétiques, d'incrédules, de mauvais chrétiens, ennemis de la doctrine et de la discipline de l'Église, qui élèvent de toute part leurs voix et leurs mains contre elle? Soyons au milieu d'eux comme un rocher contre lequel les flots grondent, s'élèvent et se brisent. Qu'importe au fidèle ministre de Dieu de quelle part lui viennent les menaces et les périls, lui dont l'état est d'être

exposé aux périls, et qui tire de là même sa principale gloire? >>

C'est par ces appels généreux au courage, autant que par ses propres exemples, que M. Émery, dont la force de caractère était la vertu dominante, excitait et dirigeait ses élèves timides, et les préparait à devenir des prêtres à la hauteur des dangers qu'ils devaient affronter. Il vivait au milieu d'eux, dans une intimité touchante, heureux d'avoir enfin retrouvé cette vie du séminaire, qu'il préférait à tout, et de se cacher dans l'obscurité d'un dévouement qui a tout son mérite devant Dieu, parce qu'il est sans gloire devant les hommes.

L'œuvre ainsi rétablie devait essuyer encore de nouvelles tempêtes. Mais Dieu veillait sur elle, et, malgré la violence de ses ennemis, elle ne devait pas périr.

SOMMAIRE.

CHAPITRE II

FIN DE LA PERSÉCUTION, EXIL DE M. FOURNIER

Lettre de M. Emery à Pie VII, au nom de quelques évêques de
Discours de Bonaparte au clergé de Milan. - Espérances des
Son arrestation.

Son

France. catholiques. Prédications de M. Fournier. · internement à Bicêtre. Lettre et conseils de M. Emery à M. Fournier. · Arrestation de M. Emery.

- Il est mis en liberté.

Intervention efficace

du cardinal Fesch.

I

Quelque temps avant de mourir sur la terre étrangère, Pie VI, frappé des dangers qui menaçaient l'Église et des difficultés redoutables que le Sacré Collège aurait à braver pour obtenir la liberté nécessaire à l'élection de son successeur, avait pris, d'accord avec les cardinaux, les plus sages dispositions. La mort, qu'il voyait approcher comme une heureuse délivrance, dans l'épreuve cruelle de sa captivité, le bouleversement de la ville de Rome, abandonnée aux factieux et à de nouveaux barbares; la haine habile et puissante du gouvernement français, décidé à tenter de nouvelles aventures pour frapper le clergé déjà ébranlé, et semer dans ses rangs la discorde, en supprimant son chef visible ces graves pensées venaient assombrir les dernières heures du vieillard, qui tenait encore

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