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412 M. ÉMERY ET L'ÉGSISE DE FRANCE

togénaire, et bientôt il mourut. Heureux de n'avoir pas terminé sa carrière, avant d'arriver à un point si glorieux aux yeux du monde, et si méritoire pour le ciel (1). »

(1) Mémoires du cardinal Consalvi.

CHAPITRE XV

L'HEURE SUPRÊME

SOMMAIRE: M. Emery a le pressentiment de sa fin.

Ses inquiétudes à l'occasion du Concile national. Ses considerations sur le ciel et ses espérances. Les premières atteintes du mal.

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Promenade à Issy.

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Appréhensions des di

Retour à Paris et découragement des

Sa volonté de mourir à l'autel.

Regrets du cardinal Maury,
Bausset.

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Funérailles.

L'agonie et la mort.

Hommage du cardinal

I

L'empereur n'était pas encore satisfait, il avait pris la résolution de soumettre à un concile national ses difficultés avec le Pape, et d'obtenir enfin du clergé de France, une réponse définitive, conforme à sa · volonté de faire lui-même, en dehors du SaintSiège, un épiscopat dévoué à sa personne et à ses idées.

M. de Bausset, souffrait de la goutte dans sa maison de campagne; il échappait par son infirmité, aux embarras de ses collègues appelés par l'empereur à se prononcer dans des commissions particulières, sur des questions qui intéressaient l'Église et la paix de l'État.

Le 15 mars 1811, M. Émery apprit à M. l'évêque d'Alais, le dessein que méditait l'empereur, et le félicita de l'indisposition qui lui permettait d'échapper aux périls des délibérations.

« Je n'ai qu'un mot à vous dire. Hier, le ministre des cultes invita tous les membres de la commission à se rendre chez lui pour entendre une volonté de l'empereur. Cette volonté est d'asssembler tous les évêques de l'empire, du royaume d'Italie et de la confédération pour délibérer sur les sujets qui seront proposés par la commission. L'empereur aurait voulu que l'assemblée eût lieu, aussitôt après Pâques. On s'est accordé à dire qu'elle ne pouvait avoir lieu avant le mois de juin. Savez-vous qu'il était question d'appeler les chanoines de SaintDenis? O bienheureuse goutte, vous mériteriez encore plus que la folie, que quelque Érasme fit votre éloge! >>

A partir de ce moment, M. Émery sentit ses forces décliner; il se prépara doucement à mourir. Jamais la vie ne m'a été plus à charge, disait-il, à l'évêque d'Alais!

Il répétait aussi souvent cette parole: c'est un beau temps pour mourir ! Il cherchait et lisait avec plus d'attention, de goût, de recueillement les ouvrages et les livres de piété qui traitaient de la mort; il avait même le désir de donner sa démission de supérieur-général, afin de ne s'occuper que de son âme et de l'éternité.

Nous retrouvons l'expression de ses pressentiments

dans la lettre paternelle qu'il écrivait à cette époque, à un de ses anciens élèves, l'abbé Dorion :

<«< Oh! que votre lettre m'a fait de plaisir, mon cher Dorion! vous priez, me dites-vous, tous les jours, Dieu pour moi. C'est pour moi une grande consolation. Je puis donc espérer et croire que vous prierez après ma mort, pour le repos de mon âme. En même temps que vous lirez ces paroles, dites au fond de votre cœur: Oui, je prierai pour lui, je le promets à Dieu.

« Je vous écris d'Issy, où je fais ma retraite pendant la semaine sainte, suivant mon usage et je m'y prépare à la mort. Je me porte assez bien, il est vrai, mais mon âge m'avertit que cette mort ne peut pas être éloignée. Venez donc, mon cher Dorion, si vous voulez me voir avant ma morl, je vous attends. Vous me dites que vous pensez sans cesse au séminaire, j'aime à croire que c'est au séminaire Saint-Sulpice. Il est probable qu'il subsistera encore l'année prochaine. Je viens d'acquérir le clos de Lorette. On travaille à rétablir la chapelle où vous aurez la consolation de prier Dieu. Quoiqu'il n'y ait que les quatre murailles, je commence à y prier Dieu, et je le prierai, dès aujourd'hui pour vous.

<«< Adieu, mon cher Dorion, je vous embrasse in osculo sancto, et je vous renouvelle les assurances de ma sincère et bien tendre amitié. »

La pensée du concile national que l'empereur voulait convoquer se présentait sans cesse à son

esprit déjà fatigué. Il avait perdu le sommeil; il travaillait nuit et jour à préparer des matériaux pour défendre encore une fois les droits de l'Église et donner les conseils de sa longue expérience et de son érudition théologique aux prélats qui viendraient le consulter.

Ce travail excessif précipita sa mort. On était alors, au 25 avril 1811.

II

Il avait eu souvent, pendant les longs et douloureux combats dont sa vie était faite, le dégoût amer des choses de la terre, et depuis longtemps, son âme détachée des dignités, des richesses, des joies humaines s'arrêtait avec amour, dans la tranquillité sereine de l'espérance, à contempler par la foi les merveilles consolantes du ciel. Il se préparait au départ suprême, avec la confiance filiale et la joie de l'exilé qui va revoir sa patrie : son âme haletante, blessée par l'infini, trouvait des paroles dont l'accent ému attendrit encore ceux qui ne les ont pas entendues et qui peuvent les lire, à l'heure de la tentation:

<«< Est-il donc vrai,» disait-il, en terminant un discours de retraite (1), « que je sois si près du

(1) Sermon inédit.

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